dimanche 15 juin 2025

’’À jamais les premiers’’, nouveau single de Myster Ezin

Un clin d’œil tout en nuances à la vie


Depuis le 21 mai 2025, Myster Ezin, slameur béninois installé en France depuis une douzaine d’années et également premier Béninois à obtenir le titre de docteur en musicologie, a mis en ligne sur les principales plateformes musicales un single intitulé ’’À jamais les premiers’’. Depuis une quinzaine de jours, les internautes savourent ce délice musical qui offre, au-delà de la musique, une résonance sportive ainsi qu’un hommage à des valeurs essentielles.



Myster Ezin



Arrivé en France en juillet 2013, Myster Ezin, de son vrai nom, Ezin Pierre Dognon, réside dans le sud du pays, à Aix-en-Provence, depuis près de dix ans. ’’À jamais les premiers’’, titre écouté plus de 70000 fois depuis sa sortie, parle aux passionnés de football, notamment à Marseille, bastion de l’Olympique de Marseille. Ce club, sacré champion d’Europe le 26 mai 1993, est devenu le premier club français à remporter la plus prestigieuse des compétitions européennes de football. De cet exploit est née la phrase emblématique, ’’À jamais les premiers’’, qui se trouve être aujourd'hui le titre du single. Pour Myster Ezin, ce titre ne traduit pas nécessairement un soutien indéfectible à l’OM. En effet dans une interview accordée le 29 mai dernier à la blogueuse Mathilde Bluedesk, il a exprimé son « profond respect pour l’histoire glorieuse de l’OM, comme pour ce que représente aujourd’hui le PSG sur la scène européenne», tout en avouant que son «cœur, en tant qu’artiste africain francophone, penche aujourd’hui davantage vers le Paris Saint-Germain, pour ses symboles et les joueurs africains qui y ont brillé notamment son compatriote, Stéphane Sessègnon ». Il conclut en affirmant que «À jamais les premiers» restera «une vérité gravée dans le marbre de l’histoire».



La vie, et rien que la vie


Membre discret de la diaspora béninoise en France, Myster Ezin porte en lui l’héritage éducatif reçu à Dassa-Zounmè dans le département des Collines au Bénin, notamment dans la localité de Magoumi, son village natal. Cet héritage a été marqué par une valeur essentielle : le respect pour les aînés. Dans les paroles du single, ’’À jamais les premiers’’, la phrase «respect aux aînés» revient comme un mantra pédagogique. Avec nuance et simplicité, le slameur béninois rappelle que les aînés sont « À jamais les premiers » et qu'ils méritent à ce titre le respect. Du Bénin à la France, Myster Ezin, bien qu’attaché à ces valeurs, n’est pas à cataloguer parmi les conservateurs radicaux. Amoureux de la vie, il en reçoit autant en retour. Ses projets, passés comme futurs, porteront toujours l’empreinte d’une vie racontée avec à la fois brutalité et tendresse.


Bernado Mariano Houenoussi

jeudi 29 mai 2025

9 esprits engagés pour l’environnement

Dans le cadre d’une exposition collective à Cotonou


La galerie, ’’Les ateliers Coffi’’, accueille une exposition significative à Cotonou. Le vernissage en a eu lieu le jeudi 1ᵉʳ mai 2025. Elle s’intitule ’’Ilê wa, notre patrimoine commun’’. Les associations, ’’Ilé ya Africa culture’’ et ''Déwui'' l’organisent. Neuf artistes contemporains y participent, sensibilisant le public à la défense de l’environnement.

Aperçu des artistes contemporains exposants, défenseurs de l'environnement - Crédit photo : Association ''Ilé ya Africa culture''

Le Togolais, Kelly Adédiha, les Béninois, Verckys Ahomagnitché, Erick Ahouansou, Aris Francel Dagbéto et Charly Djikou, les Français, Frédéric Cadoux, Fabien de Cugnac, Bénédicte Roques et Sophie Négrier dont la dernière vit au Bénin. Les neuf artistes contemporains qui prennent part à l’exposition, ’’Ilê wa, notre patrimoine commun’’, organisée par les associations, ’’Ilé ya Africa culture’’ et ''Déwui'', dont le vernissage a eu lieu le jeudi 1er mai 2025 à la galerie, ’’Les ateliers Coffi’’, sis quartier de Fidjrossè, à la rue de l’ ’’Atlantic beach hôtel’’, à Cotonou, la capitale économique du Bénin.

Les créateurs concernés se servent de peintures, de sculptures et d’installations. Godson Ukaégbu, curateur de l’exposition, en précise le fonctionnement des médiums et des matériaux. Il évoque « des sculptures en granit », « des installations introspectives », « des impressions numériques » et des « compositions métaphysiques ». Ce serait la manière des artistes d’amener l’humain à s’auto-interpeller sur la dégradation de l’environnement. Leur objectif est de montrer la nécessité de le sauvegarder. Ils pensent que l’acteur humain devrait être au centre de cette obligation.


Le public a massivement fait le déplacement du vernissage ...

Une préoccupation se précise face à une telle situation. Elle est fondamentale : « Mère Terre, es-tu mon père ? ». Elle laisse les artistes confronter maternité et paternité. Ils y expriment aussi l’interdépendance vitale entre l’homme et son environnement. Leurs œuvres permettent de dévoiler un drame écologique engageant l’humain et sa société. Ils doivent s’impliquer dans sa résolution.


... pour des oeuvres ...

’’Ilê wa, notre patrimoine commun’’ propose la contemplation et le dialogue. Elle pousse à reconsidérer le rapport de l'humanité à la Terre. Elle voudrait voir les humains repenser aux évolutions climatiques passées et à leurs conséquences durables. Elle ouvre la voie à des échanges entre toutes les nations. Elles doivent entretenir un dialogue autour de la sauvegarde du patrimoine environnemental commun.


... d'intérêt. - Crédit des photos : Association ''Ilé ya Africa culture''


L’exposition concernée reste ouverte au public jusqu’au vendredi 30 mai 2025. Le visiteur y découvrira des œuvres fortes. Il y a, entre autres, ’’Agbadjènou’’, ’’L’appel’’, ’’Après l’orage’’, ’’Gardien invisible’’, ’’Ismaël’’ et ’’Portrait of the inner child’’.

Léandre Houan / Marcel Kpogodo

lundi 28 avril 2025

Eric Médéda peint les silences maternels

Dans le cadre d’une exposition à Cotonou


L’artiste plasticien béninois, Eric Médéda, est, de nouveau, en exposition. Elle a connu son vernissage le mercredi 9 avril 2025. Le lieu de déroulement en était l’Institut français de Cotonou. Elle s’intéresse à la mère. L’exposition traite de ces moments préoccupants où elle se tait.


Eric Médéda, barbu, expliquant une œuvre à des visiteurs ...

Lorsque la mère s’abstient de paroles. Le sens d' ’’Éïtò tî inã’’, le titre de la nouvelle exposition de l’artiste plasticien béninois, Eric Médéda, dont le vernissage s’est tenu le mercredi 9 avril 2025, à la galerie ’’Joseph Kpobly’’, de l’Institut français de Cotonou.

Elle laisse voir, par le public, seize toiles peintes, aux formats variés. L’objectif en est d’exprimer des histoires humaines. Ce sont celles que les femmes africaines n’ont jamais racontées. Leur réserve se justifie par le silence que la société leur a imposé. « Nous avons une tradition très orale », commence à expliquer Eric Médéda. « Plus on avance vers la connaissance, plus on nous dit de nous taire ». Ainsi, il continue puis il détaille. « Plus tu sais, plus tu te tais ». Il insiste sur les victimes de la situation. Ce sont « surtout les femmes, qui semblent être privées de liberté d’expression ». En outre, le moment pour l’artiste de s’interroger. « Si la connaissance impose le silence, quel héritage pour la génération suivante ? ». Il précise le fondement de sa démarche de travail. « Cette question m’a profondément traversé ; je donne corps à ces mots, à ces propos interdits ». Alors, il conclut. « Je tisse cette matière pour raconter les histoires longtemps tues ».

Ces histoires, ces vérités maternelles, pour l’artiste, sont le parcours de nombreuses mères. Les canaux en sont multiples. Ce sont la cuisine, les rites, les cultures traditionnelles et l’éducation initiale. Plusieurs œuvres portent un tel message. Ce sont, notamment, ’’Initiation muette’’, ’’Hounsi danse encore’’, ’’Hohoo’’, ’’Atchô inam’’ et ’’Transmission’’.

Les œuvres qu’expose Eric Médéda mêlent trois matériaux de travail. Il s’agit de la peinture acrylique et de la combustion de matières naturelles. Il y a, aussi, des incrustations symboliques de tamis tissés par l’artiste.

Chacune des seize toiles met en valeur cet outil symbolique, le tamis. Celle, éponyme, présente une particularité de traitement. Elle est dénommée ’’Éïtò tî inã’’.


L'oeuvre éponyme, ''Éïtò tî inã''


Ce titre signifie ’’Vérités maternelles’’, dans la langue d’idaatcha, parlée au Bénin. L’artiste la représente plus grande, brûlée, incrustée dans un dialogue entre ombres et couleurs. Eric Médéda en donne l’explication. « La manière dont je brûle cette matière est personnelle », commence-t-il. « Elle est issue d’une communication spirituelle », dit-il, poursuivant. « Les ombres que je représente sont des humains que j’invente ou qui ont existé dans des histoires que je raconte ». « C’est comme un cliché photographique qui disparaît à l’ère du numérique », dit-il. « Je tente de lui redonner vie pour tuer les stéréotypes entre humains », achève-t-il.

Eric Médéda exerce une telle démarche depuis le début de sa carrière. Il fallait retracer l’histoire des peuples par la mémoire et la transmission. Le fil rouge de l’actuelle exposition s’est révélé en approfondissant la question. « Quand on écoute dix femmes, on retrouve un point commun dans leurs récits », reprend-il. Selon lui, au contraire, « chez dix hommes, on entend dix histoires différentes ». Il en déduit : « La femme détient notre histoire ». L’artiste en détermine un creuset unique de l’histoire longtemps tue. Elle est contenue dans des objets du quotidien, plus précisément, le tamis.

L’autre aspect de la démarche de l’artiste est l’inculturation linguistique. Il pense que titrer une œuvre, dans sa langue maternelle, est significatif. Cet acte lui sert à montrer l’abondance de ressources d’expression. Elles se trouvent dans son environnement immédiat. Elles lui servent à parler, à créer et à s’exprimer. Il s’en explique plus largement. « Aujourd’hui, en tant qu’artiste africain, nous ne pouvons pas peindre comme des Asiatiques », partage-t-il. « Moi, je parle de l’histoire de l’humain, de mon environnement, de mes réalités », continue-t-il. « Il faut que [...] nous fassions émerger un homme [...] capable de se défendre », finit-il.


De gauche à droite, Eric Médéda, en compagnie d'Anne-Marie Akplogan et d'Achille Adonon, deux artistes contemporains venus le soutenir, lors du vernissage de son exposition

’’Éïtò tî inã’’ est une exposition particulière. Elle ne se contentera pas de montrer. Elle fondera l’animation de trois ateliers à destination du jeune public. Cette activité se déroulera les 16, 22 et 30 avril 2025. Ce sera à l’Institut français de Cotonou. Eric Médéda se produira aussi à travers deux performances artistiques. Elles sont prévues pour les 8 et 14 mai. L’exposition connaîtra sa clôture le 17 mai. .

Léandre Houan / Marcel Kpogodo

vendredi 18 avril 2025

da Silveira et Toninfo, la synergie de la lumière-nature

A une exposition collective aux Ateliers ’’Sika’’


Sika da Silveira et Mazoclet Toninfo sont deux artistes contemporains béninois. Ils ont participé à une exposition collective. Elle était intitulée ’’Ayi hon do zandji’’. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 21 décembre 2024 aux Ateliers ’’Sika’’. Cet espace est sis quartier d’Akogbato, à Cotonou, dans le département du Littoral, au Bénin. Les deux artistes avaient un commun leur intérêt pour la lumière. 


Mazoclet Toninfo


L’humanité exposée, dans sa nature, grâce à la lumière. La substance de l’exposition collective, ’’Ayi hon do zandji’’, qui s’est ouverte le samedi 21 décembre 2024 aux Ateliers ’’Sika’’, du quartier d’Akogbato, à Cotonou, dans le département du Littoral, au Bénin, engageant les artistes contemporains, Sika da Silveira et Mazoclet Toninfo.


Ils manifestaient une réelle fusion, par les œuvres qu’ils ont présentées. Un système se précisait, néanmoins, au sein de la symbiose indiquée. Il s’agit d’une profonde opposition de démarche, entre les deux artistes. Elle laissait s’exprimer de la complémentarité.


Le premier facteur d’entente est le sujet qui les a unis pour l’exposition, « Ayi hon do zandji ». Ce thème signifie, en langue du fon, du Bénin, « L’aurore a dissipé les ténèbres » . Ainsi, deuxièmement, les deux créateurs manifestaient une appréhension de la lumière, bafouant les sentiers battus. Elle n’est pas, pour eux, un simple moyen mais un véritable processus. Troisièmement, ils ont exploité l’invisible pour l’expression des réalités visibles. Quatrièmement, ils ont proposé au public, au cours de l’exposition, des tableaux, d’une part.



D’autre part, les points d’opposition s’ouvrent ...


Mazoclet Toninfo a fait découvrir des pièces de sculpture. Il s’est rendu audacieux, par elles. Il y a utilisé la mort comme le facteur de transition vers la lumière. da Silveira, elle, a exploité un canal différent, au même effet : la nature, son authenticité, son caractère originel.


Ces éléments de divergence, entre les artistes, étaient un trompe-l’oeil. La lumière, par la mort, et, par la nature, ont fait chorus pour donner une valeur de choix à l’humanité. da Silveira, dans cette harmonie trouvée, avec son collègue, a laissé contempler ses oeuvres. Ce sont : ’’L'aurore’’, ’’Le don du soleil’’, ’’L’échange’’, ’’Houé do té’’, ’’Ayi hon’’ et ’’Houé dji to’’. Les trois dernières, évoquées, avaient un sens expressif. Elles signifiaient, respectivement, traduites, du fon, ’’Le soleil au zénith’’, ’’Le jour s’est levé’’ et ’’Porteuse de lumière’’.


Toninfo, en écho, avait affiché des pièces de sculpture. Il les a réalisées avec du plastique, du fer et des bouts de tissus. Il a récupéré tous ces matériaux. Ces œuvres s’intitulaient ’’Kékéli’’, ’’Igbese ti aïri’’ et ’’Xoxo fo’’. Il y avait, aussi, une installation : ’’Klutohoun’’. Respectivement, ces œuvres signifient, du fon, ’’Présence de lumière’’ et ’’ Le pied de l’invisible’’, notamment.


« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Telle est la célèbre pensée de Lavoisier. Elle a servi de fondement à l’inspiration de Mazoclet Toninfo. Il avait, comme préoccupation, la matérialisation du lien entre les êtres humains et le cosmos. da Silveira était si proche d’une telle projection.


L’objectif, concernant Toninfo, en est l’appropriation par les vivants du legs culturel que les anciens ont laissé. Sa consoeur, dans sa proximité, a relayé la communion que développent la création naturelle universelle et l’être humain. Les deux artistes contemporains, par leur exposition, avaient tenu en haleine le public jusqu’au lundi 31 mars 2025.


Herman Sonon / Marcel Kpogodo


lundi 31 mars 2025

Visitez le Maca pour découvrir « [...] des objets originaux, de belles sculptures en bois, des masques uniques [...], des statues de bronze et [...] des tableaux épiques sur le Dahomey », appelle Régis Hounkpè

Dans le cadre d’une interview qu’il a accordée à notre rédaction


Le Béninois, Régis Hounkpè, est analyste senior et enseignant en communication stratégique, géopolitique et en relations internationales. Le 20 mars 2025, il a été reçu en audience à Cotonou, au Bénin. C'était de la part d'Ayibatin Jonas Hantan. Celui-ci est Ministre-conseiller à la Culture, aux arts, au tourisme et au sport, à la présidence de la République du Bénin. Le premier a échangé avec la personnalité en tant qu'Administrateur général du Musée Adankpo de la Culture et de l'art (Maca). Cette institution, de création familiale, se situe à Abomey-Calavi, au Bénin. L'audience indiquée a permis d'attirer l'attention sur elle. Régis Hounkpè a accepté de nous décrire, notamment, ce qu'est le Maca, dans les trésors à découvrir qu'il recèle. Il a effectué l'exercice à travers l'interview qu'il a bien voulu accorder à notre rédaction ...    


Aperçu des pièces à découvrir au Maca ...


Stars du Bénin : Bonjour, Régis Hounkpè. Vous êtes Administrateur général du Musée Adankpo de la Culture et de l'art (Maca), une institution familiale qui se situe au Bénin, en Afrique de l'Ouest. Pouvons-nous connaître les pièces qu'un visiteur peut espérer aller découvrir au Maca et le nombre total qu'elles font ?


Régis Hounkpè : Merci infiniment, pour votre coup de projecteur sur le Musée Adankpo de la Culture et de l'Art (Maca) qui est effectivement situé à Abomey-Calavi et, précisément, dans le village d'Agamadin.

Agamadin est mon village natal et celui de mes ascendants paternels ; il est un haut-lieu des cultes ancestraux et des cultures traditionnelles de la Cité de Fofo Djaka, fondateur de la Cité d'Abomey-Calavi.

C'est vous dire la concentration de l'histoire, à la fois ancestrale et contemporaine, des pièces rares que vous pouvez retrouver au Maca, des objets originaux, de belles sculptures en bois, des masques uniques dont le plus ancien a plus de 150 ans, des statues de bronze et, entre autres, des tableaux épiques sur le Dahomey.


Régis Hounkpè, Administrateur du Maca

Le Maca fait également la part belle à l'Afrique et au monde. Vous pouvez y admirer au moins une cinquantaine de pièces ayant, chacune, son histoire fascinante, et projetant des enseignements en faveur de la culture, de la fraternité, de la solidarité, de la justice, du panafricanisme et de la paix dans le monde. J'ai le privilège de gérer, avec ma famille, ce lieu d'inspirations, créé par mon père, le professeur émérite, Célestin Yédénou Hounkpè.


Justement, nous voulons mieux connaître la personnalité à l'initiative de la création du Maca et comprendre la manière dont elle a réussi à réunir toutes ces collections de pièces d’art ...


Je vous le disais, à l’instant ; cette personnalité, c'est mon père, le professeur de médecine, Hounkpè, qui a toujours été passionné de culture et d'histoire et qui a patiemment assemblé des pièces et des œuvres depuis 1973.

Pendant son internat de médecine, dans le sud de la France, ses voyages en Afrique et dans le monde et, grâce à des rencontres déterminantes, dans son parcours universitaire et professionnel, il a toujours eu à cœur de réunir, en un lieu consacré, toutes ses pièces, ses cadeaux, ses acquisitions et ses inspirations. C'est comme cela que l'idée du Maca a germé dans son esprit et est devenue effective, il y a presque six ans.


Quel intérêt irrésistible y a-t-il à aller visiter le Maca ?

Tous ceux et toutes celles qui viennent au Musée sont émerveillés par la quantité et par la qualité des pièces. Ils nous posent de multiples questions d'intérêt culturel et intellectuel.

Mon père a dédié une aile du musée à son grand-père maternel, le patriarche David Godonou-Dossou Akplogan qui était un notable porto-novien et un riche commerçant dahoméen. Aujourd'hui, on parlerait aisément d'entrepreneur en multiples réussites ou d'homme d'affaires. Cependant, David Godonou-Dossou Akplogan était surtout un self-made-man qui est parti de rien du tout et qui a obtenu tout ce qui était possible pour une personnalité de son temps et, parfois même, au-delà de ce qui était espéré.


Des visiteurs au Maca



Je veux également ajouter que les enfants et les jeunes trouveront, au Musée, des éléments de satisfaction puisque nous avons déjà accueilli des fratries et des étudiants béninois, nigérians, africains et internationaux.


Où se situe le Maca, au Bénin, et quels sont les jours et les horaires selon lesquels on peut le visiter ?


Nous sommes situés à Agamadin, au cœur même du village, à moins de cinq minutes du centre-ville d'Abomey-Calavi. Nous sommes ouverts tous les jours de la semaine de 9h30 à 18h30. Néanmoins, nous pouvons ouvrir au-delà car nous sommes très flexibles et ouverts à la découverte pour les autres. Tant qu'il s'agit de découvrir la culture et l'art, nous sommes disponibles.


Que signifie "Adankpo", le nom que votre père a donné au Musée qu’il a créé, et pour quel message ?


Adankpo est le nom de famille de mon arrière-grand-père et Hounkpè était le prénom d'initié au culte local de mon grand-père. C'est un concours de circonstances qui nous fait porter Hounkpè. Le fondateur a souhaité redonner sa place au nom originel en baptisant le Maca. Même si nous sommes un musée familial ou une résidence-musée, nous souhaitons, au-delà des Adankpo-Hounkpè et des Godonou-Dossou Akplogan, partager ce temple de la culture et des arts avec tout le monde. Les amoureux de la culture, de la littérature, de la bande dessinée, du cinéma, du théâtre y sont chez eux. Nous organiserons pour eux des résidences d'artistes et des événements pour valoriser leurs expressions.


Très récemment, Ayibatin Jonas Hantan, Ministre-conseiller à la Culture, aux arts, au tourisme et aux sports, à la présidence de la République du Bénin, vous a reçu en audience. Vous vous battez déjà bien pour une reconnaissance par le gouvernement béninois de l'importance du Maca ...


J'ai effectivement été reçu en audience au cabinet du Ministre-conseiller, Jonas Hantan. Il s'est montré disponible et à l'écoute de nos projets et des activités du Maca. Il m'a confirmé que le gouvernement béninois, sous l'impulsion du président Patrice Talon, a fait de la culture une priorité. Selon le Ministre-conseiller, le musée doit être encouragé, comme toutes les initiatives privées qui valorisent l'identité du Bénin et de l'Afrique.


De gauche à droite, Ayibatin Jonas Hantan, après l'audience qu'il a accordée à Régis Hounkpè


Il m'a également donné des conseils pertinents et a promis de poursuivre nos échanges. Je le remercie pour la qualité de nos entretiens. Je sais que je peux compter sur son dynamisme pour nous aider à faire du Maca une étape remarquable et incontournable de la culture, des arts et du tourisme au Bénin et en Afrique.


En guise de mot de fin à cette interview, veuillez nous dire si l'on peut lire, à travers cette audience que vous a accordée le Ministre-conseiller Hantan, une stratégie, de votre part, pour intégrer le Maca dans l'un des circuits touristiques porteurs dont le Bénin dispose à l'heure actuelle.


C'est tout l'objectif. En créant ce Musée, mon père nourrit l'ambition de partager et de transmettre la culture au plus grand nombre et, surtout, aux jeunes générations. En plus de faire figurer le Maca comme un site essentiel des circuits touristiques à l’aller et au retour de Ganvié, par exemple, nous entrevoyons de faire du Musée la maison des artistes pour y tenir des vernissages, des expositions, des master class, des spectacles et même des concerts.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo

jeudi 6 mars 2025

Quand Charly d’Almeida innova avec “Les souvenirs de ma bouche”

Dans le cadre d'une certaine exposition


“Les souvenirs de ma bouche” est une exposition qui a duré trois mois. Elle s’est tenue à la galerie, ’’Gallery Charly’’, à Cotonou. Une conférence de presse avait permis de découvrir l'événement. Elle a eu lieu le 8 février 2025 au site indiqué. Cet échange avec les journalistes a montré une réalité fondamentale. Il s’agit de la portée faciale d’originalité de la démarche de travail de Charly d’Almeida. Il est un artiste contemporain béninois.


''Paroles profondes'', de Charly d'Almeida, qui avait été présentée à l'exposition, ''Les souvenirs de ma bouche''


Des tôles battues à des formes concaves pour aboutir à des bouches entrouvertes. Le parcours d’une démarche artistique de récupération dont le fonctionnement a été abordé à la conférence de presse de présentation de l’exposition, ’’Les souvenirs de ma bouche’’, qui s’est déroulée le samedi 8 février 2025, à la ’’Gallery Charly’’, au quartier de Zongo, à Cotonou, et qui a été co-animée par l’artiste contemporain béninois, Charly d’Almeida, et le curateur de l’exposition, Steven Coffi Adjaï.


Les formes circulaires représentent à la fois des yeux et des bouches. L’artiste intègre également d’autres métaux à résonance, tels que des gongs, des spirales ou des roulements de moto et de voiture. « Cette forme a été pour lui une révolution. Au-delà des assemblages de matériaux qu’il utilisait dans ses sculptures, il a voulu créer une forme qui lui est propre », précise le curateur.


Charly d’Almeida se souvient que cette forme ronde était déjà présente dans ses premières peintures des années 1990. « Nous avions organisé un atelier à Allada, dans le village du Roi Kpodégbé, avec des artistes plasticiens comme Edwige Aplogan, Dominique Zinkpè et Sokey Edorh du Togo. Mes premières peintures, réalisées dans ce village, étaient esquissées avec beaucoup de ronds. Au départ, ces formes représentaient l’œuf, symbole de la vie. Puis, leur sens s’est métamorphosé lorsque j’ai commencé la sculpture métallique. C’est une métaphore où je suis passé de l’œil à la bouche », raconte-t-il.


La bouche, au centre de l’exposition, ’’Les souvenirs de ma bouche’’, est, donc, l’aboutissement d’une démarche séculaire. Elle s’est affermie sur plus de trois décennies. Aujourd’hui, cette démarche se matérialise par quatre séries d’œuvres qu’a montrées l'exposition “Les souvenirs de ma bouche”. Elles variaient entre des procédés de peinture, de sculpture et d’assemblage de métaux.


La série, “Paroles profondes”, mettait en scène différentes bouches composées de manière très singulière. Certaines sont trouées, d’autres, consistantes, et d’autres, encore, sans ouverture. « Les bouches trouées reflètent les paroles flatteuses, qui ne sont pas destinées à produire un impact sur la communauté. Celles qui sont consistantes, comportant des matières, représentent les paroles qui perdurent dans le temps, influencent et nous construisent. Les bouches sans ouvertures symbolisent les paroles silencieuses, car il n’existe pas que le verbe pour exprimer une parole », explique Steven Coffi Adjaï.


Quant à la série, “Prestesses”, elle succédait à celle des “Paroles profondes”. Elle donne la parole aux femmes de pratique de la religion du vodoun de la société béninoise, évoquant les “Tangninnon” et les “Yalatchè”. « Une prêtresse n’est pas faite pour proférer des paroles négatives. Sa bouche bénit. C’est aussi une invitation à réfléchir au rôle de nos prêtresses », affirme Steven Adjaï. Ces œuvres se caractérisent par des traits féminins visibles : des tresses sur la tête, des gestes et des mouvements dans l’expression artistique.


Dans la série, “Les rêves de Dodji”, l’artiste présentait le personnage de Dodji, un prénom qui signifie “Espoir” ou “Espérance” en langue du mina ou de l’éwé. Elle explore les rêves du personnage, que l’artiste invitait le public à découvrir.


Concernant la série, “Cadences”, elle reflète l’expérience de danseur de Kaléta de Charly d’Almeida. Les peintures, empreintes d’humour et de gestuelles, célébraient ce masque à travers une explosion de couleurs. Pour Steven Coffi Adjaï, ce projet “était aussi une forme de mémoire culturelle, une lutte contre l’amnésie.


Genèse et concept

“Les souvenirs de ma bouche” est le fruit d’un ensemble d’histoires, de réflexions, de choix et de concepts. Son premier jet commence en 2023. « L’histoire de cette exposition remonte à la série “The Love of Word” (L’amour des mots), qui est l’un des premiers jets de ce projet. Une série dont une paire de pièces a participé à l’exposition diptyque, “Art du Bénin d’hier à aujourd’hui, de la restitution à la révélation” », selon Steven Coffi Adjaï. Après cette étape, une pièce intitulée “Mémoire de l’œil” a été conçue en 2023 et présentée lors de l’exposition, “Hommage à la sculpture contemporaine de Cotonou”, à la ’’Septième gallery’’, de Cotonou. En 2024, les réflexions ont évolué vers un concept qui s'inspire de la sagesse orale du Bénin.


Ce concept théorique et narratif de l’exposition repose sur deux proverbes de la langue du fon : « É non yi amlon min ha dlo kou to a ». Ceci signifie « Nul n’accompagne le rêveur dans son sommeil» et « Min dé toun amlon éé minwè dlo dé or éaa », pour « Nul ne sait dans quel sommeil se trouve le rêve ». « Le rêve est un élément très important dans la création. On a l’idée d’une pièce, on la pense. Mais, il faut parfois savoir regarder la matière que l’on veut utiliser et imaginer des formes qui n’ont jamais existé. Ces moments de rêve, dans l’acte de création, ne sont pas uniquement liés au sommeil. On peut faire un rêve éveillé, percevant les formes qui nous intéressent, qui nous habitent », a expliqué Steven Coffi Adjaï.


Les œuvres exposées sont également le reflet de l’amour de l’artiste pour sa mère. Charly d’Almeida confie qu’elle lui a toujours enseigné le poids des mots et la fragilité de la parole. « J’ai voulu parler de la bouche, montrer que la parole est très sacrée. Chez nous, on dit : “A djro nan do ho o, anan lilè dè azon tinwé”, [traduit de la langue du fon], ’’Avant de faire sortir une parole de sa bouche, il faut remuer sept fois la langue’’, parce que cette parole qui unit le monde et les cultures peut aussi engendrer une guerre si elle est mal placée », expliqua-t-il.


Léandre Houan