Dans le cadre d'une interview accordée à "Stars du Bénin"
Nana Yao est un artiste musicien et un technicien du secteur cinématographique. Il a suscité, le 7 mai 2024, une grande curiosité. Jah Baba, fondateur et directeur de l' "Africa sound city", en était à l'origine. Il avait publié de lui, sur les réseaux sociaux, un extrait de prestation scénique. Elle concernait le morceau, "Minmasi". Notre rédaction, frappée par la force suggestive de sa voix, l'a rencontré. Nana Yao nous en dit beaucoup, sur cette voix, sur son parcours ... L'essentiel, sur ses besoins, pour son épanouissement, dans le Bénin musical ...
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Nana Yao, ''Africa sound city'' - Crédit photo : Jah Baba |
Stars du Bénin : Bonjour, Nana Yao. Tu es un artiste musicien de nationalité béninoise. A l'état-civil, tu t'appelles Yaovi Gratien Tossou.
A la faveur d'une courte vidéo d'une minute sept secondes, qu'a publiée, sur divers réseaux sociaux, le 7 mai 2024, Jah Baba, fondateur et directeur de l'espace culturel, "Africa sound city", du quartier de Kindonou, à Cotonou, au Bénin, les mélomanes te découvraient exécutant l'extrait de la chanson, "Minmasi", en langue béninoise du pédah, dans un rythme d' "afro-blues" captivant, langoureux, comme plaintif, et empreint d'un ressort de jazz digne d'une haute performance musicale.
Peux-tu nous parler de cette chanson, "Minmasi", par rapport au message que tu y développes ?
Nana Yao : Cette chanson, ’’Minmasi’’, qui signifie ’’Manque de respect’’, je l'ai pensée et écrite, de façon émotive, dans un premier temps, pour honorer une langue béninoise, le ’’pédah’’, dans laquelle j’ai passé une bonne partie de ma vie. Elle n’est pas ma langue maternelle mais celle adoptive au milieu de laquelle j’ai grandi. Elle est celle que parlait et que m’a transmis mon père adoptif, la mari de ma mère. Il est de l’ethnie du même nom, le ’’pédah’’, et est originaire d'Akodéha, dans le département du Mono.
Dans un second temps, la chanson ’’Minmasi’’ me sert à me faire plaisir et à témoigner ma reconnaissance à mes parents-tuteurs, c’est-à-dire ma mère et mon père adoptif, son mari.
Concernant la chanson, elle parle, en fait, du manque de respect des enfants, de nos jours ; ils n'ont pas la culture de la crainte de leurs aîné(e)s, en recopiant l’Occident, ce qui est de la faute des parents que nous sommes, aujourd'hui.
D'où te vient cette voix fine, mélodieuse et expressive d'une certaine mélancolie ?
Ma voix est le résultat de toute une vie de travail musical, empreinte d'exercices dans ce sens. Il s'agit des exercices vocaux que je fais. Malgré cela, je ne manque pas les séances de coaching vocal quand j'en ai l’occasion. Il faut aussi noter que j'ai la grâce de Dieu, en matière de voix, mais cela ne m'empêche pas d'y travailler.
En tant que musicien originaire du Bénin, vivant et travaillant dans ce pays, quel genre d'artiste es-tu : joues-tu d'instruments de musique ou chantes-tu uniquement ? As-tu un rythme particulier que tu pratiques ? Combien d'albums as-tu à ton actif ? Pourquoi le pseudonyme, "Nana Yao" ? Quelle en est la signification ?
Je suis un artiste du genre classique qui travaille beaucoup sur les mélodies et sur les textes afin de marquer positivement mes auditeurs. Je suis un touche-à-tout mais, de façon prioritaire, je m'accroche beaucoup plus à ma voix même si elle ne me convainc pas encore moi-même, d'où le travail continue.
Concernant un rythme particulier, j’en pratique un qui n'a véritablement pas de nom. A part la musique de recherches que je produis, je suis beaucoup plus dans les styles ’’afro’’ comme le jazz, le blues, le beats, entre autres. Je m'entretiens aussi par les rythmes du Bénin et à travers ceux du Nigéria, du Ghana et même des Etats-Unis. Nous avons, par exemple, l’ ’’agbadja’’, le ’’zinli’’, le ’’gbété’’, le ’’tèkè’’, le ’’juju’’ et l’ ’’élézo’’.
En matière d’album, j’en ai sorti un seul, en 2013, grâce aux économies que j’ai réalisées en travaillant dans le cinéma . Il porte 10 titres et est intitulé ’’Déka’’, ce qui veut dire, tout simplement, ’’Un’’. Il n'y a pas eu un autre album parce qu’aujourd'hui, je ne suis plus en mesure d’en produire un, comme ce fut le cas du premier. Depuis quelques années, le cinéma est mort au Bénin ; le marché est gâté. En réalité, il n'y a plus de productions.
Au niveau de ma carrière musicale, je manque d’un producteur, d’un promoteur, d’un manager et d’un communicateur. Je n’ai plus les moyens financiers pour assurer ces domaines.
Dans mon nom d’artiste, ’’Nana’’ signifie le roi, le prince, dans la culture ghanéenne d'où est originaire ma chère mère. ’’Yao’’ est la réduction de mon prénom authentiquement béninois, ’’Yaovi’’, qui veut dire “Né le jeudi’’, dans la langue du ’’guin", c'est-à-dire le "mina’’. Donc, ’’Nana Yao’’ veut dire le ’’Prince Yao’’.
Es-tu uniquement artiste musicien ou pratiques-tu un autre métier, parallèlement, pour faire face à tes charges ?
J’interviens aussi dans le cinéma, en tant que réalisateur, cadreur, monteur vidéo et infographe. Je suis promoteur d'une entreprise.
Quel est ton parcours ? Comment es-tu devenu un artiste musicien ? Comment as-tu évolué, de tes débuts jusqu'à aujourd'hui ?
Plongé dans la musique, dès mon jeune âge, à la faveur des spectacles de masque, communément appelés ’’Kaléta’’, que j'organisais, j'ai pris goût à la musique dont je tâtais déjà le pouls avant d'entrer au secondaire où j'ai intégré des groupes de chorégraphie et où j’ai participé à plusieurs concours inter-collèges.
J'ai remporté plusieurs victoires et raflé des trophées, en danse et en interprétation, dans les rythmes, hip-hop, r’n’b et rumba. Du groupe de danse, "Well bred boys", j'ai fait le groupe de r’n’b, ’’Aïvo’’, et, ensuite, le groupe de rap, ’’Christ brothers’’, ce qui s'est sanctionné par la sortie d'un album, en septembre 2000.
Tel un fouineur, mon désir d’apprendre, d’expérimenter des choses nouvelles et intéressantes m'a amené, dans la même année, à opter pour une formation en technique de son, en réalisation de cinéma, en montage et en infographie.
J'ai commencé, de façon professionnelle, dans les années 1990 quand je faisais cet apprentissage en techniques de son, dans un studio. Six ans après cette formation, je suis devenu un professionnel et ai signé plus de 45 films post-produits et, quelques-uns, réalisés.
J’en ai acquis une certaine réputation dans la sous-région. Alors, pour l’amour du cinéma, j'ai parcouru plusieurs pays d'Afrique dont le Burkina Faso, le Ghana et le Togo.
Ma rémunération, issue du cinéma, est la seule ressource des revenus qui m'ont permis de financer ma musique. Mon album de 10 titres, accepté par le public, a été enregistré, en live, par les meilleurs musiciens du Bénin, dans le prestigieux studio de John Arcadius. Avec 6 vidéo-clips et plusieurs spectacles, à mon actif, je ne compte pas baisser les bras.
Je passe le clair de mon temps à faire des exercices de voix et à me produire régulièrement en live aux côtés de plusieurs artistes de renommée internationale et de professionnels de la musique.
Pour l'heure, je me consacre entièrement à la musique. Je pourrai revenir au 7ème art à tout moment, étant donné qu'entre la musique et le cinéma, il n'y a qu'un pas.
La musique béninoise et son état actuel ... Qu'en penses-tu ?
La musique béninoise, elle-même, dans son originalité, se porte à merveille mais elle souffre de sa promotion. De nos jours, la bonne musique, dans le style acoustique et professionnel, est mal vue par les promoteurs qui ne font que faire valoir les musiques urbaines et l'amateurisme. Si cela continue ainsi, le Bénin n'aura plus d'ambassadeurs culturels fiers du pays.
As-tu un album en vue ? Quels sont tes autres projets ?
Oui, j'ai un album, en préparation, qui portera, d'ailleurs, le titre, "Minmasi", et aura plusieurs autres chansons. Il paraîtra l’année prochaine si tout va bien.
Propos recueillis par Marcel Kpogodo