jeudi 31 mai 2018

Madiana Kané Vieyra, l’atypique recherche de soi


Dans le cadre d’une exposition de fin de résidence

L’Espace ’’Tchif’’, à Cotonou, a accueilli le vernissage d’une exposition particulière présentée par la jeune artiste en formation, Madiana Kané Vieyra : ’’Retour de résidence’’. Il s’est tenu le jeudi 24 mai 2018. Une quête finalement identifiée et réussie, ce qu’il conviendrait de retenir du partage mural et audiovisuel réalisé avec le public.

Madiana Kané Vieyra
Un personnage, esseulé, qui se questionne et qui, en guise de réponse, s’ordonne un processus dans lequel il évolue et à la fin duquel sa solitude se fait illusion. 

Tchif, dans sa présentation de l'exposition
Le sens qu’il serait possible de donner à l’enchaînement de dix-neuf pièces entrecoupées d’une vidéo, un ensemble qu’il fallait explorer dans le sens de l’aiguille d’une montre, à la galerie de l’Espace ’’Tchif’’, sis quartier Guinkomey, à Cotonou, dans le début de la soirée du jeudi 24 mai 2018, pour une exposition dénommée ’’Retour de résidence’’ et présentée par l’artiste Madiana Kané Vieyra, et dont le vernissage s’est révélé un grand succès, au vu de la masse et de la qualité des personnes ayant fait le déplacement de l’événement, celles-ci parmi lesquelles il fallait compter plusieurs artistes, de même que Francis Nicaise Tchiakpè, alias Tchif, le maître des lieux, et José Pliya, Directeur général de l’Agence nationale de Promotion des patrimoines et de développement du tourisme, accompagné de son épouse, et Christine Le Ligné, Directrice de l’Institut français de Cotonou.
De gauche à droite, José Pliya et son épouse
Comme le titre de l’exposition le laisse suggérer, celle-ci est le résultat d’une résidence de création ; elle a duré un trimestre, elle qui a débuté en mars dernier et qui s’est effectuée, en grande partie, dans les locaux de l’Espace ’’Tchif’’. En réalité, fille d’un père bénino-martiniquais et d’une mère franco-nigérienne, Madiana Kané Vieyra, étudiante en quatrième année à la Haute école des arts du Rhin (Hear) à Strasbourg, en France, semble avoir bâti, de toutes pièces, le parcours personnel de son premier séjour en terre béninoise. Ainsi, l’intérêt de cette exposition dont elle gratifie le public jusqu’au début du mois de juin 2018, réside dans la nécessité que tout le monde doit se donner de découvrir la capacité de restitution philosophique de ce parcours par cette artiste.
D’abord, six toiles, de petit format, d’un alignement horizontal, plantent le décor. La gouache noire a tracé un dessin évolutif où un personnage évoque un questionnement de possession de soi, sur le papier de couverture kaki, dont la base est rendue dure par la solidité d’un non perceptible ancien calendrier. Le dessiné est un concentré servant à marquer la lourdeur de l’esprit du quêteur. Et, à chaque étape, une légende situe ; celle-ci trouve sa traduction en langue nationale fon. Puis, premier arrêt : « S’en aller ». Un poster vertical aligne juste quelques mots, la grande partie du texte étant laissée à l’inspiration de chaque visiteur.

Aperçu de quelques oeuvres
Reprise du voyage : deux autres toiles, en verticale, plus deux autres, d’un fond noir, comme si tout s’obscurcissait tout d’un coup ! 



Une capture d'écran caractéristique de la vidéo (Crédit : Madiana Kané Vieyra)
Deux autres toiles verticalement positionnées manifestent le même fond de couleur. Et, une éclaircie de taille, dans cette forêt où l’on cherche ce qu’on ne sait même pas : un écran plasma décline une vidéo petitement libératrice. 


Idem (Crédit : Madiana Kané Vieyra)
En fait, il s’agit d’une quêteuse ! Confinée, serrée, mise à l'étroit, douteuse, restreinte dans l’espace et, étrangement sexy … Deuxième arrêt : « Chercher » ! Comme si ce qu’on avait fait jusque-là n’était pas de « chercher ». Nouveau poster, de la même sensibilité d’avarice de mots et d’ouverture à la générosité d’expression des membres du public.
Alors, comme un certain résultat de l’affirmation d’une quête : trois nouvelles toiles, en verticale et renforcées de couleurs, celles-ci qui s’enrichissent et varient davantage avec les deux tableaux suivants, plus grands, plus fortes et plus harmonieuses dans leurs autres couleurs : une gestation se prépare, une délivrance … C’est confirmé ! Il s’agit bien d’une quêteuse, elle seule dispose de l’art du don de la vie, ses formes, en tant que personnage, se font plus précises. Dernier arrêt ! « Enfanter ». Du genre : « Terminus, tout le monde descend ! ». Deux dernières toiles, donc, avec plus de force dans les couleurs et plus de nombre dans les personnages ; en force, la quêteuse, dévoilée, quelque peu, par la vidéo, se développe, s’élargit, s’identifie à Mariana Kané Vieyra, ou à quelqu’une qui lui ressemble, morte dans sa méfiance, dans ses doutes, dans ses incertitudes, dans ses inquiétudes sur le Bénin, … La voilà qui renaît dans l’initiatique d’un parcours, dans l’un de ces épanouissements auquel rien ne prédestinait la quêteuse. Entourée, elle se meut vers des horizons de plus d’imprévus.


De la singularité

Traduire systématiquement en langue fon les éléments de texte, exposés en légende aux toiles présentées, produits par le monologue, par la voix intérieure du personnage, relève véritablement d’une grande originalité de la part de la jeune artiste contemporaine bénino-martiniquaise Madiana Kané Vieyra. Qui mieux qu’une non habituée pouvait percevoir la nécessité d’en arriver à cet acte de richesse linguistique, culturelle, dans un contexte où les natifs, les pratiquants au quotidien de cette langue maternelle et de bien d’autres, à travers le Bénin, la délaissent pour se noyer plus que profondément dans le français, et non même pas dans l’anglais, afin de se faire une identité moderne ? Cette créatrice aura ainsi frappé fort !
Par ailleurs, même si se trouve très pratiquée la vidéo, à notre époque, dans les expositions d’art contemporain, le processus autocentré, suivi par la créatrice pour mettre en place la sienne impressionne : s’autofilmer par un caméscope après s’être positionnée, enfermée, serrée dans un placard, gardant toute la sérénité nécessaire pour produire un message fort par le clignement espacé des yeux, le tapotement des doigts sur la peau, la prise d’une posture opportunément suggestive, notamment, sont autant de faits montrant la capacité de Madiana Kané Vieyra d’entièrement se prendre en charge, techniquement parlant. Quand on imagine qu’elle a dû s’appuyer sur un certain scénario pour ordonner tout ce système, qu’elle a dû faire valoir ses connaissances pour mettre au jour des posters voulus sobres dans la parole, sans perdre de vue qu’elle a pu peindre à la gouache noire, sur les tableaux de petit format, et à l’acrylique, sur ceux de plus grande dimension, c’est qu’elle se positionne, avant la fin de sa formation à la Hear de Strasbourg, comme une artiste qui pourra opérer dans le théâtre, le cinéma, la littérature et, notamment, dans les arts plastiques, ce qui la rend pleine de promesses pour des créations innovantes, dans un avenir immédiat.

Marcel Kpogodo

mardi 29 mai 2018

« Stop ! » : le sculpteur Marius Dansou s’insurge et surprend


Dans le cadre de sa nouvelle exposition

L’espace culturel ’’Le Centre’’ accueille depuis le vendredi 25 mai 2018, une exposition collective dont le vernissage a été effectué. Intitulé ’’Our ephemeral struggles’’, il est le résultat d’une trentaine de jours de résidence, ce qui a abouti à la présentation au public de leur travail par Ahmed Hamidi, Ardhy Massamba et Marius Dansou, ce troisième ayant particulièrement frappé par le caractère atypique de son installation.

L'installation ''Stop''
Un cimetière, 17 pierres tombales noires surmontées, chacune, d’un drapeau et, sur certains tombeaux, soit un gros point d’interrogation blanc, soit un crâne en bronze, en aluminium ou en bois, le gris du sol de support de cet arsenal renforçant l’atmosphère lugubre qui prend possession des esprits. « Stop ! », l’installation signée ’’Marius Dansou’’, qui aura surpris, impressionné et suscité mille questions, dans le début de la soirée du vendredi 25 mai 2018, au cours du vernissage de l’exposition collective dénommée ’’Our ephemeral struggles’’, présentée par ses collègues Ahmed Hamidi, Ardhy Massamba et lui, ce qui s’est tenu au ’’Centre’’ de Lobozounkpa, à Godomey, dans la Commune d’Abomey-Calavi.
« A tout seigneur, tout honneur » ! Au premier rang, à gauche, deux tombeaux sont surmontés du drapeau togolais, le premier sur lequel est posé un crâne en bois, et qui s’achève, à la base, par une durée de vie, le second, affublé d’un point d’interrogation et finissant, en bas, par une année, 1966 avec un « à » laissant espérer comme une seconde année, de clôture. Selon Marius Dansou, ces deux tombeaux sont ceux respectifs des dictateurs qui se sont succédé au pouvoir, de père en fils, plus précisément, Eyadéma Gnassingbé, déjà décédé, d’où la période achevée de vie et, le crâne, en bois, pour montrer le caractère féroce d’un régime autocratique de près d’une quarantaine d’années. Quant au fils, Faure Gnassingbé, né en 1966, il a pris la relève de son père, à sa mort, dès 2005, et il continue d’exercer le pouvoir, ce qui justifie le point magistral d’interrogation matérialisé sur le tombeau : non seulement il est vivant, mais son régime perdure, à la grande indignation des Togolais épris de liberté et de démocratie.
Dans le même schéma de légation dynastique du pouvoir se succèdent la République démocratique du Congo (Rdc) et le Gabon avec, respectivement, Laurent Désiré Kabila, décédé en 2001 et, son fils, Joseph Kabila, toujours aux commandes du pouvoir et s’y arc-boutant désespérément alors que son mandat est achevé depuis décembre 2017, puis d’Omar Bongo Ondimba, mort en 2008, et de son fils, Ali Bongo, toujours aux affaires. Dans les deux cas de pays indiqués, un crâne de matière différente trône sur la tombe des pères présidents défunts : de l’aluminium pour le Congolais et du bronze pour le Gabonais, de quoi montrer, selon l’artiste installateur, les degrés divers de possession de ressources du sous-sol et du pillage politique de la grosse manne financière émanant de la vente de ces matières premières aux pays industrialisés.

Marius Dansou, dans ses explications sur l'installation ''Stop !''
La colère de Marius Dansou par rapport à ce système de fonctionnement des dictatures en Afrique est dure et incommensurable, tenace. Ainsi, plusieurs autres pays aux dictateurs célèbres entrent dans son viseur de dénonciation, même s’ils ne sont plus au pouvoir : Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, décédé depuis 1993, et Blaise Compaoré, chassé de la présidence en 2014, sans perdre de vue, notamment, l’Angolais Jose Eduardo dos Santos qui a passé la main, en 2017, après une élection présidentielle. Pour le créateur, c’est après le décès de certains ex-dictateurs toujours vivants que leur tombeau pourrait se voir libérer du point d’interrogation inquisiteur, ayant été doté d’une puissance plus forte que l’œil de Caïn de la Bible. En effet, ces despotes, restés en vie, devraient être amenés à rendre compte de leur gestion calamiteuse lorsqu’ils étaient aux affaires. Par conséquent, ’’Stop !’’ est continuelle tant que des dictateurs resteraient au pouvoir et vivants, à charge, alors, à Marius Dansou, comme il l’a promis, d’élargir le cimetière de l’installation à chaque nouveau despote, déchu ou décédé.


Le Bénin : cas problématique

Dans l’installation ’’Stop !’’, dix-sept pays, en tout et pour tout, aux dictateurs respectifs morts, s’accrochant au pouvoir ou déchus, ont été épinglés par Marius Dansou. Mais, surprise, le Bénin, hors de la nasse ! Pourtant, ce pays est reconnu comme avoir traversé dix-sept années d’un régime dictatorial, de 1972 à 1989. Dans son analyse de cette exclusion, Marius Dansou trouve l’autocratisme de type marxiste-léniniste, vécu par les Béninois, trop mou, peu remarquable pour retenir l’attention, de même que cette dictature s’est exercée dans un pays aux ressources limitées du sous-sol, ce qui donne, pour l’artiste, une ampleur moindre à la prévarication financière qui, dans d’autres Etats africains, a atteint une hauteur digne de frapper les esprits. Cependant, un oubli de la part de Marius Dansou : une dictature, quelle que soit sa taille, quel que soit le degré de sa force de nuisance, draine, dans son sillage, un cortège de morts, de torturés, de victimes de camps de concentration, d’exilés à l’équilibre familial et social dévasté, le moyen de toucher du doigt des séquelles indélébiles qui font qu’une dictature ne peut jamais être autre chose qu’une dictature ; elle mérite donc d’être prise en compte partout où ele a pu faire ses tristes preuves, la vie humaine étant irréductible et indivisible.


Virage à 360°

Marius Dansou, dans ses résultats de travail, sans la trace du moindre fer à béton, le matériau de prédilection, qu’il a toujours assujetti à sa guise ? Inimaginable jusqu’à la soirée du 25 mai 2018 où il a donné à voir l’installation ’’Stop !’’. Apparemment, un tournant décisif dans sa démarche de travail, où le bois était beaucoup plus au rendez-vous, un bois finement travaillé et coloré avec, à la clé, un regard sur la politique africaine, un intérêt pour ce système, une décharge violente sur l’exercice de la dictature dans la plupart des pays de ce continent. Volonté de jouer, désormais, un rôle d’engagement pour le bonheur des populations ou caprice ponctuel généré par une volonté d’anticonformisme, de manifestation de la différence, vu une certaine lassitude de toujours faire la même chose ? Par ’’Stop !’’, Marius Dansou vient de donner d’une nouvelle voix, enclenchant inévitablement la continuation avec une habitude de sa part d’une absence d’adaptation à l’ambiance ordinaire du fonctionnement des arts et de la culture au Bénin. Un signal, donc, pour orienter vers une réponse, même si la résistance du ’’Stop !’’ dans la durée nous édifierait de manière plus fiable. Toute l'exposition ''Our ephemeral struggles'' peut être visitée jusqu'au 28 juillet 2018.

Marcel Kpogodo

jeudi 17 mai 2018

Le self-made young à la voix armée


Parcours d'une valeur désormais incontournable

En concert, au ''Centre'' de Lobozounkpa, en août 2017
Un grand pragmatisme. Un pragmatisme, apparemment, trop grand, réellement incroyable pour son âge, au vu de la mentalité en vogue dans le Bénin d’aujourd’hui, chez les personnes âgées, au niveau des adultes, dans la gent féminine, dans l’univers des jeunes de sa génération : si l'on n'est pas né avec une cuillère en or dans la bouche, il n'y a pas de ''fouettage'' psychologique pour se dresser dans le champ des bénédictions octroyées à chaque vivant par Dieu, si l'on ne dispose pas d’opportunités, il n'y a pas d’initiative pour s’en donner, si l'on n'a pas de chance, il n'y a pas de combat pour se l’arracher, si l'on n'a pas d’ouvertures de la vie, il n'y a pas de réflexions pour les conquérir, si l'on n'a pas de recrutement dans la fonction publique, on ne cherche pas une inspiration pour l’espoir d’un mieux-être, si l'on ne trouve pas un emploi salarié plus ou moins bien rémunéré, on n'analyse pas ses potentialités professionnelles pour s’auto-employer, si l'on ne dispose pas de crédit pour lancer une petite entreprise, on ne lève pas les bras pour commencer un business à rien de frais. 

Toutes ces postures, toutes ces pesanteurs psychologiquement arriérantes, aliénantes et handicapantes, développeuses du chômage, provoqueuses de l’anti-développement, il les a toutes défiées, vaincues. S’il a pu, sans état d’âme, le faire, réaliser ce qu’il faut qualifier d’un exploit, c’est, semble-t-il, parce qu’il a vu le jour dans l’année de l’éclosion du renouveau démocratique en ex-Union des Républiques socialistes soviétiques (Urss), au Bénin et, entre autres, en Europe de l’Est : 1990. Plus précisément, le 24ème jour du mois de janvier. Une constance : un génie naît souvent sous un signe historique particulier.

A vingt-huit ans seulement, rigoureusement sonnés, il a compris qu’il fallait sortir des sentiers battus de l’attente du bonheur qui se réalise de l’extérieur. Et, il l’a exercé. Une véritable trempe, donc ! Le voilà, alors, désormais, un pratiquant de la parole, qui s’en est fait un as, un esprit qui, dans sa langue maternelle d’une nature profondément humoristique, fait rire en traitant les situations ordinaires relatives au quotidien des Béninois.

A l’origine, il s’est fait Technicien supérieur en Audiovisuel, depuis 2014, résultat de ses études à ’’Vidéo Leader’’, à Cotonou, après avoir, successivement obtenu, quelques années auparavant, un Baccalauréat, en 2010, un Probatoire, en 2009, au Togo et, notamment, un Brevet d’Etudes du premier cycle (Bepc), en 2006.

« Ose devenir qui tu es ! », a intimé André Gide, ce qui l’aura sûrement amené à tourner casaque par rapport à la profession à laquelle le destinait sa formation. D’ailleurs, sa mère étant femme de scène, le sang, les gènes auront dicté une loi d’airain. Par conséquent, il suit le même sillage professionnel que sa génitrice mais, à sa manière !

Il parle plus qu’il ne chante, il profère surtout, il déclame, il soumet l’agencement circonstanciel qu’il réalise des mots et des phrases, à une inspiration soucieuse de déstabiliser les tares de la société, les malaises des liens interpersonnels, les méandres noirs des relations politiques entre l’Occident et l’Afrique, la force des travers multiples qui rendent délétère la vie humaine. Il le pratique depuis un temps si important qu’à l'heure actuelle, il s’est fait le maître d’une voix armée ! Le résultat de tant de mois et d’années de luttes, de souffrances, de sacrifices, d’endurance, de persévérance.

Aujourd’hui, cette voix ardente, ardue, hardie, tonne, se déploie, subjugue le public, à travers les espaces de spectacles, à Cotonou, à Lomé et, en mai 2018, a émerveillé à Abidjan, au Marché des arts du spectacle d’Abidjan (Masa) ; elle se met au service de causes sociales telles que la lutte contre le mariage forcé, le combat contre les violences faites aux femmes. Dans son pays, l’Espace ’’Mayton’’, ’’Le Centre’’ d’Atropocodji, le ’’Parking bar’’, l’Institut français de Cotonou, notamment, ont savouré la finesse de ses jeux de mots, le créatif de ses parodies, l’adresse de ses mises en musique, la justesse de son observation du fonctionnement de la société moderne. ’’Aquarelle de couleurs’’, ’’Femme de sable’’, ’’1960’’, ’’Enagba’’,’’ Vrai leader de demain’’, ’’Sursaut patriotique’’, ’’Bénintovi’’ (Featuing avec Mamba noir), ’’Enongnin vévé’’ (Featuring avec Chokki) : quelques morceaux phare de son répertoire.

Au fil de l’expérience de la scène par cet artiste de la parole, tant de réalités ont changé, ont connu de l’amélioration : se fait seul face à Dieu, dans les coulisses, et non plus devant le public, son incontournable prière d’avant entrée en scène, se réduit comme une peau de chagrin le nombre de ses accompagnateurs instrumentistes, son art exigeant qu’on mette plus en vue l’individuel de la voix que le collectif de la musique. Son effervescence intellectuelle, ses tournures comiques, ses vues décalées l’imposent comme le pape de son genre artistique et, cette voix qui déchire, qui emballe n’est personne d’autre qu’Indra-Das Baktha Nounagnon, alias Gopal Das, slameur en langue goun, de son état, qui s’est construit par lui-même : un vrai self-made young à qui des morceaux désormais mythiques concourent à affecter respect et prestige, place de choix dans le slam au Bénin : ’’Hagbè’’, ’’Hounvi’’, ’’Sassigbé’’.

Marcel Kpogodo

mardi 15 mai 2018

Gaël Daavo et Philippe Hachémé, deux artistes à l’assaut de l’homme


Dans le cadre de leur co-exposition

Le vendredi 6 avril 2018, l’être humain a fait l’objet d’une réelle exploration, à la Galerie ’’Guèlèdè’’ de Cotonou. La manifestation s’est rendue visible par une exposition dont le vernissage a eu lieu. Gaël Daavo et Philippe Hachémé, jeunes artistes, étaient à l'honneur.
De gauche à droite, Philippe Hachémé et Gaël Daavo
Sept toiles, d’un côté, dix-sept, de l’autre, présentées dans une cohabitation pas toujours alternative avec, comme point d’uniformité, la conquête de la matérialisation de l’homme. Le schéma global de l’exposition intitulée ’’Ebauche de la nature humaine’’, qui s’est ouverte depuis le 6 avril 2018 et qui a enrichi les murs de la Galerie ’’Guèlèdè’’, sis quartier Jéricho, à Cotonou. La multiplicité des couleurs, dans des tons de tous genres, de toutes les variétés, pour deux démarches d’artistes, véritablement jeunes, qui se rejoignent difficilement, pour peu qu’on veuille approfondir son observation.

Aperçu de l'exposition
Philippe Hachémé, connu comme Oncle Phil, s’exprime, par ses toiles, dans un style qui lui fait traduire l’opacité, le mystère profond de la nature humaine. De préférence, au niveau de ses tableaux, le noir, le blanc et le rouge se côtoient, même s’il part d’un certain fond pour camper son message dont lui-même doute de la totale appréhension de celui qui en est l’objet, l’homme, puisque, selon lui, le caractère insaisissable de celui-ci enduit de mystère le thème de travail, le rend complexe : ’’Ebauche de la nature humaine’’. Par conséquent, Oncle Phil, malgré son jeune âge, se dote d’une thérapie de choc pour ne pas se distraire de son objectif : les couleurs ; elles lui donnent accès aux sentiments qui révèlent une certaine vérité sur l’homme : la violence, la passion, l’action, l’énergie et le mouvement, pour le rouge, notamment, sans oublier, selon lui, la guerre, générée par l’argent. Et, ses matériaux favoris : de la résine d’acrylique, de l’acrylique, de la peinture à huile.

Oncle Phil (A gauche), en échange avec les visiteurs
’’Solitude en fond bleu’’, ’’Psyché humaine / Dégénérescence de l’arc-en-ciel’’, ’’A visage découvert’’, ’’A la recherche’’, ’’Elevation’’, ’’Violence humaine’’, ’’Sensualité’’. D’une toile à l’autre, Oncle Phil présente une vue plus qu’abstractive de l’homme, du moins, ce que son inspiration des instants spécifiques de travail lui ont permis de saisir du bipède, dans ses élans propres à le faire percevoir ange ou démon, esprit ou matière, divinité, spiritualité ou matérialité, philosophie ou pragmatisme, entre autres. Voilà un coup de pinceau, celui de Philippe Hachémé, qu’il faudrait attendre dans des dimensions toujours réalistes de production.


Daavo, l’énigme dans la ’’multidimension’’

S’est fait découvrir, dans un choix propre à lui, Daavo, de son nom à l’état civil, Gaël Daavo. Premier facteur de difficulté manifestée par l’artiste à dire tout l’homme, la latitude, l’ouverture qu’il donne à l’être humain visiteur à se lire et à se décrire, par lui-même, d’où l’absence d’un titre à seize tableaux sur les dix-sept, présentés à la contemplation du public, lors du vernissage de l’exposition du 6 avril dernier ; la sculpture, dans une unité, a seule l’honneur d’une dénomination : ’’Fécondité’’. Deuxièmement, le thème fondateur de toute son inspiration : l’hypocrisie. « Le visage est trompeur », affirma-t-il, avant de continuer : « Mon travail montre différents masques de l’être humain, ceux qu’il porte toute sa vie et qui montre son hypocrisie », a-t-il fini. 

Daavo, dans l'analyse de son inspiration
Ce sont des visages sur lesquels la lecture de l’étiquette dépend de celui qui voit. A l’effet de cette expression, le fond uni du tableau tient une bonne place dans le processus de création de son œuvre par Daavo, avant qu’il ne se lance dans le crayonnage de son idée, comme pour mettre en place le patron indispensable au tailleur. Ensuite, l’artiste fait intervenir l’acrylique pour concrétiser les formes, grâce à différentes couleurs avec lesquelles il aime bien « jouer ». Selon ses explications, la nécessité de la présentation de son message le conduit à pratiquer le collage, à l’aide du papier carton. 
Du côté de la sculpture, la récupération et le recyclage constituent le fondement de la création : le bois de ’’Fécondité’’ entoure alors du fils électrique, ce matériau que le créateur a choisi bien à propos pour « communiquer de l’énergie » à ses œuvres.
Résolument, la nouvelle génération de l’art contemporain béninois, celle d’une très effervescente, qu’incarnent Oncle Phil et Daavo, devra faire avec ces deux jeunes esprits dont l’avenir permet d’attendre une production artistique aussi bien prolifique que surprenante, vu l’ardeur avec laquelle la tâche les maintient dans l’action créatrice.

Marcel Kpogodo          

lundi 7 mai 2018

La Cobed : l’action dans l’unité qui a propulsé Gilbert Déou-Malé


Dans le cadre du déroulement de la Jid 2018 à Cotonou

La Confédération béninoise de danses (Cobed) a célébré la trente-sixième édition de la Journée internationale de la danse (Jid). Cela s’est produit les samedi 28 et dimanche 29 avril 2018, à travers trois manifestations de poids. Comme cerise sur le gâteau, l’identification de Gilbert Déou-Malé, Directeur général du Fonds des Arts et de la culture (Fac), comme un chanteur talentueux de la musique traditionnelle, ce qui a donné une coloration spéciale au concert au cours duquel il s’est brièvement produit.

Gilbert Déou-Malé, en pleine démonstration de danse, à la Jid 2018
Vêtu d’un boubou complet de bazin gris, le micro à la main, il fredonne une demande de permission à ses aînés et prédécesseurs chanteurs, pour lancer sa chanson, s’éloigne à petits pas de la tribune officielle, en dansant lentement, aisément et dignement, rejoint la scène, chante en langue mahi, pendant un peu plus d’une paire de minutes, rend le micro, danse résolument, transpire un peu, prend le retour vers son siège, transmettant, en passant, la récade qui avait servi du témoin qu’on lui a passé pour qu’il fasse une sorte de passage, lui, Gilbert Déou-Malé, Directeur général du Fonds des Arts et de la culture (Fac). La grande surprise ayant caractérisé le concert de danses traditionnelles, qui s’est déroulé sur l’espace de l’aile gauche de l’esplanade extérieure du Stade de l’Amitié Général Mathieu Kérékou de Cotonou, dans l’après-midi du dimanche 29 avril 2018.

Ci-contre, de gauche à droite, Marcel Zounon et Claude Balogoun
Ceci se passait en présence des autorités du Ministère du Tourisme, de la culture et des sports, avec, à leur tête, le Secrétaire général de l’institution gouvernementale, Bellarminus Kakpovi, représentant le Ministre, et de Directeurs techniques tels que Marcel Zounon, de l’Ensemble artistique national (Ean) et Koffi Attédé, des Arts et du livre, sans oublier Edgard Djossou, Directeur départemental du Ministère, pour le Littoral. En réalité, Gilbert Déou-Malé, assis au premier rang parmi les autorités ministérielles, s’est vu pratiquement forcer la main du passage sur scène par le chanteur du Groupe traditionnel, ’’Les Luxes du Bénin’’ dont était en cours le tour de la prestation. D’autres personnalités, très actives dans le secteur culturel, n’avaient pas voulu se faire conter l’événement : notamment, Claude Balogoun, représentant du monde culturel au Conseil économique et social (Ces), Pascal Wanou, Président de la Fédération nationale de théâtre (Fénat), Gaston Eguédji, Administrateur du Fonds des Arts et de la culture.

Koffi Adolphe Alladé, au cours du concert des troupes de danses
S’étant aussi délecté de la surprise au même titre que le public, Koffi Adolphe Alladé, Président de la Cobed, hôte et métronome de la manifestation culturelle de grande ampleur, vêtu d’une tenue traditionnelle d’apparat des grands jours, surveillait de très près le passage d’un peu moins de la quarantaine de groupes de danses, annoncées, parmi lesquels de très connues ont répondu à l’appel : entre autres, ’’Les Super anges hwendo na bou a’’, ’’Towara’’, ’’3L Ifèdé’’,, ’’Oshala’’, ’’Le Ballet fédéral des femmes battantes’’, ’’2Apdcr’’, ’’Club Délidji’’, ’’Energie’’, ’’Les Océans’’, ’’Les Tambours du Bénin’’, ’’Djolokoko’’, ’’Kini kini’’, ’’Les Espoirs du Bénin’’, ’’La Forêt sacrée’’, ’’Les Elues’’, ’’Bourian Etoile d’amour’’, ’’Super génie’’, ’’Hwénoussou’’, ’’Kpodji Apôtres’’, ’’Makandjou Ola’’, ’’Ange Archange et ’’Akonhoun Zopé’’, de même que le célèbre groupe de Porto-Novo, ’’Ashakata’’, du côté de sa pépinière. 


''Bourian Etoile d'amour'', sur scène
Les groupes n’ont pas manqué de se succéder sur la scène jusqu’au milieu de la soirée de ce dimanche 29 avril 2018 et, plusieurs tendances se sont exprimées : les danses traditionnelle, contemporaine et urbaine.


La Jid 2018 : deux autres activités marquantes

La particularité de la Jid, en 2018, réside dans la concrétisation de deux autres manifestations liées à la danse, en dehors de la tenue de celle, classique, du concert de groupes exerçant dans ce secteur, sans oublier que, pour la première fois, la Cobed a réussi à mobiliser, à ses côtés, le Ministère de la Culture.
Dans la petite matinée de ce dimanche 29 avril, elle a offert au public un spectacle inédit, au niveau de l'esplanade intérieure du Stade de l'Amitié, face aux escaliers permettant d'accéder au Palais des Sports : plusieurs centaines de sportifs émanant de divers clubs synchronisant leurs mouvements à la cadence de rythmes de la musique locale, entre autres ; en réalité, de l’aérobic adapté aux musiques de chez nous ! 

Une séquence de pause dans la séance d'aérobic géant
Il a fallu donc donner à ses yeux à jouir du spectaculaire : au moins cinq cent personnes étaient réparties au niveau de huit rangées qui, apparemment, comportaient, chacune, soixante-dix membres unifiant leurs pas sportifs ! La rencontre entre la danse traditionnelle et le sport, comme si la Cobed avait décidé de faire prendre corps à la vision du Président Patrice Talon de voir cohabiter et entrer en symbiose les deux domaines de la culture et du sport, de quoi faire valoir leurs points de convergence. Une réussite qui a impressionné le public.

Ci-contre, Bellarminus Kakpovi, au cours de son intervention
Et, à la suite de cette brillante présentation, des allocutions ont été enregistrées, notamment, celles respectives de Bellarminus Kakpovi qui, représentant le Ministre de la Culture, Oswald Homéky, a remercié les mots du Président du Comité d’organisation de la Jip 2018, Koffi Adolphe Alladé qui l’avait précédé, dans cet exercice, pour rappeler le contexte de l’organisation annuelle de la Jip, avant de décerner un satisfecit à l’autorité pour avoir fait connaître, aux artistes et aux acteurs culturels, le 21 février 2018, le contenu de sa stratégie de relance des arts et de la culture au Bénin. Enfin, l’orateur a émis la doléance que le Ministre fasse naître la Loi sur le mécénat et le sponsoring.


Koffi Adolphe Alladé, au cours de son allocution

 
Intégralité du discours de Koffi Adolphe Alladé, Président du Comité d’organisation de la Jid 2018

-           Excellence Monsieur le Ministre du Tourisme, de la Culture et des Sports,
-           Mesdames et Messieurs les Directeurs Centraux et Techniques du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Sports,
-           Mesdames et Messieurs les Présidents des Confédérations culturelles,
-           Mesdames et Messieurs les Présidents des Fédérations culturelles,
-           Mesdames et Messieurs les Présidents des Clubs sportifs,
-           Chers Amis Artistes,
Mesdames et Messieurs,

          Depuis 1973, le Conseil International de la Danse (CID) a été créé à l’UNESCO pour valoriser et promouvoir la danse comme un pan indissociable du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
          En 1982, la Journée Internationale de la Danse a été instituée et célébrée dans plus de 160 pays dans le monde.
          Cette journée réunit les différents acteurs culturels de notre pays, depuis 2004. Toutes les expressions culturelles de danses traditionnelle, rituelle, sacrée, moderne, contemporaine, populaire, etc., sont revisitées parce que la danse contribue à l’épanouissement de l’homme elle permet de guérir certaines maladies et de communiquer parfois avec le divin.

Excellence Monsieur le Ministre,
          Plusieurs groupes de danses ont fait parler du Bénin à travers les différents festivals organisés dans le monde entier. C’est la raison pour laquelle les acteurs culturels, en général et, en particulier, les membres de la Confédération Béninoise de Danses apprécient votre programme de stratégie de relance du secteur des arts et de la culture, proclamée le 21 février dernier à Golden Tulip Hôtel à Cotonou.
          C’est le moment, pour nous, de remercier Monsieur le Ministre en charge de la Culture pour toutes les réformes engagées en faveur du développement du secteur du Tourisme, de la Culture et des Sports.

Excellence Monsieur le Ministre,
          Notre souhait, aujourd’hui, est de suggérer à votre Autorité d’activer la Loi sur le sponsoring et le mécénat, pour accompagner les différents secteurs dont vous avez la charge.
          Merci pour votre présence et votre soutien de tous les instants.
Vive la culture au service du développement !
Vive la danse !
Vive le sport !
Bonne fête à toutes et à tous !
Je vous remercie.



De la formation


Aperçu des participants à la formation
La Cobed a initié une formation qui s’est déroulée dans le cadre de la Jid 2018. Elle s’est tenue dans la matinée du samedi 28 avril à l’Espace ’’Towara’’, du quartier Agla, à Cotonou, et concernait plusieurs responsables de troupes de danses. Hermas Gbaguidi, metteur en scène et dramaturge, a été chargé de les édifier sur le thème : « Gestion des ressources (humaine, matérielle et financière) des troupes de danses ».

Eric Orphée Gnikpo, au cours de ses explications sur la formation
Selon Eric Orphée Gnikpo, Trésorier général de la Cobed, au nombre de 82, les participants ont été sélectionnés à travers tout le pays et, les conditions délétères d’exercice de leurs activités justifiaient cette initiative : l’absence de bénéfice par le danseur d’une rétribution au niveau du Bureau béninois des droits d’auteur et des droits voisins (Bubédra), le manque de connaissance par celui-ci de ses droits, la mauvaise gestion de sa carrière, la difficulté pour lui de réussir à la fois sa vie professionnelle, celle de sa famille et, surtout, celle associative, vu que ce dernier type de domaine commence déjà au sein de la troupe dont il est membre. En outre, Eric Orphée Gnikpo a justifié le choix des responsables de troupes, pour la formation, et non des membres : « Au cours de cette conférence devant générer des échanges interactifs, il aurait pu y avoir des déballages que les simples membres pouvaient ne pas comprendre et gérer aisément ».

Hermas Gbaguidi, au cours de son exposé
Par rapport à son exposé, Hermas Gbaguidi a fait ressortir, notamment, le caractère stratégique du responsable dans le bon fonctionnement d’une troupe de danse ; son positionnement ne devrait pas être le fait du hasard, mais relever de « critères structurels et économiques », vu qu’il a l’obligation de susciter chez les danseurs de sa troupe le dévouement, l’engouement et la motivation, de même qu’il doit la faire rentabiliser économiquement. Lorsque ces critères se trouvent réunis, le dirigeant de la troupe est alors à même d’y réussir la répartition des tâches et des responsabilités, lui qui aura cultivé le don de reconnaître les membres de qualité, ce qui lui permettrait d’éviter de se retrouver au four et au moulin. Par ailleurs, une conséquence naturelle devrait découler de ce succès : le déroulement normal des activités de la troupe, entre autres, les répétitions, en l’absence du leader. 

De gauche à droite, entre autres, Koffi Adolphe Alladé et Marcel Zounon
A la fin de la présentation de son propos, Hermas Gbaguidi a été renforcé par deux personnalités expertes et expérimentées : Koffi Adolphe Alladé et Marcel Zounon.

Marcel Kpogodo