lundi 5 avril 2021

Ishola Akpo : "Agbara women", le cheval de la projection de la femme africaine d'influence

Dans le cadre de l'exposition collective, "[In]visibles : Femmes souveraines"


L'exposition collective intitulée "[In]visibles : Femmes souveraines" laisse contempler, depuis le vendredi 5 mars 2021, les œuvres de cinq artistes visuels que sont Sophie Négrier, Sènami Donoumassou, Moufouli Bello, Joannès Mawuna et Ishola Akpo. Les oeuvres qu'ils présentent forcent l'admiration et édifient, faisant se surprendre de l'érotisante projection grandeur nature de tétons féminins, de l'installation d'une récade de reine, de produits de beauté et de maroquinerie féminines de luxe, de l'imposition d'un portrait de l'unique femme reine du royaume du Danhomè, Tassi Hangbé, de la matérialisation photographique de la robustesse de la femme dans l'exécution de métiers masculins et, enfin, de l'érection de postures imposantes de celle-ci. Si la particularité de l'exposition indiquée reste d'avoir réuni des réalisations artistiques ayant été vues dans le cadre d'expositions passées, Ishola Akpo en est le commissaire et ses photos méritent une attention particulière, étant donné la posture qu'elles campent de femmes mûres déployant un charisme frappant de reines.

Un aperçu de la série, "Agbara women"

Une couronne, de la prestance, de la présence et une autre marque extérieure de pouvoir. Ce qui caractérise les quatre portraits de femmes que présente, sous le titre d' "Agbara women", depuis le 5 mars 2021, à la galerie "Joseph Kpobly" de l'Institut français de Cotonou, l'artiste photographe béninois, Ishola Akpo, dans le cadre de l'exposition collective, "[In]visibles : Femmes souveraines". 


Si le mot "agbara" émanant de la langue igbo du Nigeria signifie "femme puissante d'âge mûre", cela ne surprend nullement que les portraits qu'Ishola Akpo donne à voir au public intéressent par le fait qu'ils soient ceux respectifs de femmes appartenant à la classe du pouvoir, qu'il soit politique, militaire ou spirituelle. Une façon, apparemment, pour l'artiste d'identifier et d'immortaliser de la femme une potentialité non communément vue de pratiquer la décision engageant le devenir d'une communauté, d'un peuple ou d'un pays. Avec lui, c'en est fini des clichés de la femme africaine réduite, socialement, à rester le bastion de la tradition, la procréatrice par excellence, l'être des durs travaux champêtres, des tâches ménagères, de la prise en charge éducative des enfants ou la proie de fléaux comme l'excision ou le mariage forcé.


Elles arpentent alors les couloirs du pouvoir, même le plus suprême, surtout, d'ailleurs, que, pour Ishola Akpo, il a existé des reines, en Afrique, qui, en dépit de leur passage à la tête de royaumes redoutables à une certaine époque, n'ont pas marqué la mémoire de leurs peuples respectifs, avec tout l'effort qu'un système patriarcal têtu et jaloux a réussi à mener pour les extraire de cette mémoire collective. Il se souvient, en l'occurrence, de Tassi Hangbé, au Danhomè, et de Nzinga, en Angola.


Et, ce qui reste fondamentalement frappant et qui vaut la visite massive du public est la contemplation directe et concrète de la magie, du miracle qu'il a pu opérer sur des femmes ordinaires de notre époque, qu'il a réussi à métamorphoser, le temps d'une pose de photo, en des souveraines, en des êtres puissants armés de l'influence et de la force de la décision publique. A cet effet, il faudra scruter le moindre trait, les caractéristiques d'une couronne, d'une arme ou d'un objet religieux significatif, de même que le caractère unique d'un vêtement voulu de classe. 

De gauche à droite, Coline-Lee Toumson-Vénite, Directrice de l'Institut français de Cotonou, son mari et Ishola Akpo, à la soirée du vernissage de l'exposition collective

Par conséquent, pour les amateurs ou non d'arts visuels, qui n'ont pas encore vu les œuvres photographiques d'Ishola Akpo de la série d' "Agbara women", ils disposent jusqu'au 19 avril 2021 afin d'aller se faire une idêe, à leur manière, de la stratégie technique qu'a pu appliquer l'artiste pour composer ces postures réconfortantes pour l'Afrique, celles de femmes dont l'Afrique pourra, à coup sûr, rêver, dans un certain avenir, pour prendre des commandes peut-être plus satisfaisantes de la gestion des pays africains.

Marcel Kpogodo Gangbè

dimanche 4 avril 2021

"Awòli", l'ésotérisme multidimensionnel sous le prisme des arts visuels

Dans le cadre du déroulement d'une exposition atypique


Dans la soirée du vendredi 19 février 2021 s'est tenu le vernissage de l'exposition, "Awòli", au "Centre" de Lobozoukpa. A l'origine de cette entreprise de présentation artistique, Violaine Lochu et Marcel Gbèffa ont fait connaître, de manière, à la fois, commune et individuelle, le résultat de plusieurs jours d'une quête ayant cherché à cerner la substance du rapport de l'être humain à l'indéfini et au sacré s'annonçant comme pourvoyeurs de bonheur, d'équilibre et de paix.

De gauche à droite, un visiteur de l'exposition "Awòli", face à Violaine Lochu

Différents outils ésotériques, des objets de divination, toutes cultures confondues, du matériel de purification de l'atmosphère, une sorte de silence propice au recueillement et, notamment, une succession d'actions de manifestation de l'une ou l'autre des situations précédemment évoquées. Ce qui justifie qu'en entrant dans l'exposition "Awòli", qui s'est officiellement ouverte dans la soirée du vendredi 19 février 2021, il fallait se déchausser purement et simplement, pour entrer dans le lieu sacré, saint qu'est devenu, pour la circonstance, le grand hall d'exposition du "Centre" de Lobozounkpa.

Cette formalité préalable réalisée, le public, par petits groupes, rencontre Violaine Lochu, circonstanciellement imprégnée d'une technique de divination du Sud-Bénin ou d'une culture occidentale ou, encore, d'une obédience asiatique. Les gestes parlent plus fortement que les paroles qui n'expliquent pas mais qui exécutent comme un rituel sacré. A un moment inattendu, un long cri lui échappe, un souffle se matérialise, des murmures se font jour pendant qu'entre temps, des tiges d'encens brûlent, libérant une fumée fine dont l'odeur apaise. 

Les petits groupes de visiteurs, qui découvrent ces postures profondément et diversement initiées de Violaine Lochu ne mesurent pas, à coup sûr, la portée de leur chance, de leur opportunité de communication, de symbiose et de communion instantanées avec l'artiste, vu que ceux qui leur succéderont les jours d'après le vernissage ne découvriront les mêmes circonstances qu'à travers une vidéo, celle très précieuse de la relation des actions de maîtrise de faits d'initiation.

Généreuse, la performeuse n'entend pas sortir de ces expériences sans partager quelque chose avec le public. Elle sollicite que certaines personnes choisissent une carte de divination, quitte à leur faire connaître un verdict de prévision de vie. Elle amène d'autres à souffler dans une sorte de récipient par le biais d'un tuyau, ce qui donne lieu à une évocation de vie, s'imprégnant de la situation spécifique du souffleur, ce qui occasionne la prédiction en lien avec le système d'oracle dont elle se tient dans la tentative de l'expérimentation.

Le petit groupe peut alors passer à une autre étape d' "Awòli" qui, en langue béninoise fon, signifie "le chemin de l'initiation".

Ce chemin, Violaine Lochu, la "femme hérisson", l'a parcouru, ce dont renforce le témoignage le deuxième petit compartiment de l'exposition, dans sa présentation d'objets d'ésotérisme avant que la deuxième grande curiosité ne livre ses éléments d'identification.



A la révélation de l'art propitiatoire


Cette fois-ci, Violaine Lochu est accompagnée. Marcel Gbèffa et elle s'engagent sur un parcours très ordinaire dans un pays comme le Bénin, celui de l'art propitiatoire, celui du rituel permettant à l'humain de communiquer avec les divinités appropriées afin qu'elles le délivrent des pesanteurs de toutes sortes bloquant son bonheur, son épanouissement ou son évolution dans un secteur donné de sa vie. Des pas feutrés de ses pieds toujours nus, le public pénètre dans la pièce de la deuxième grande étape de l'exposition, "Awòli".

Un extrait de la vidéo ...


... que les visiteurs, en position couchée, visualisent ...

... dans un contenu de dépôt du symbole d'un composant propitiatoire à un carrefour

Toujours recueilli comme dans un temple, dans une église, dans un lieu de culte, sous la direction inspirée et autant recueillie d'un guide, le public, toujours en un nombre réduit, est invité à prendre céans sur un lit afin de lire une vidéo sur un écran fixé au plafond, cet instrument environné et couronné d'habits débordant de leurs diversités de couleurs de longueurs, de textures, sûrement, l'incarnation d'êtres humains, potentiels solliciteurs de services de propritiation : Violaine Lochu et Marcel Gbèffa sont les personnages principaux des images, comme engagés dans une performance sur différents carrefours d'un certain quartier ; par l'escale qu'ils réalisent à chacun d'eux, ces deux acteurs de l'instant symbolisent le sacrifice propitiatoire traditionnel propre à la religion vodoun. Le deuxième niveau d'une initiation sacrée, surtout que, dans sa réalité, elle est menée par un prêtre ancré, initié.

Par rapport à la troisième et dernière étape, Marcel Gbèffa s'y réalise seul, comme en symétrie à Violaine Lochu, au début. Les visualiseurs de la vidéo ont, encore, entre temps, laissé leur place couchée à d'autres. "Mémoires d'Océan", la destination finale.

Vue sur le "bac" à découvrir concrètement

Il est impérieux pour le nombreux public non encore dans l'économie du déroulement d' "Awòli" d'effectuer le déplacement pour découvrir de quelle manière, dans un « bac d'eau », Marcel Gbèffa, l'artiste béninois  très connu de la danse contemporaine, capitalise un nombre incommensurable de souffles, ceux de toutes les âmes noires ayant perdu la vie dans leur traversée, contrainte ou volontaire, de la mer afin d'atteindre des contrées lointaines d'exploitation de force de travail par l'esclavage, ou de quête des fruits de l'Eldorado par l'immigration clandestine. A l'instar d'un mausolée aquatique, l'installation de Marcel Gbèffa interpelle concernant la lecture que chaque visiteur se fait de l'oeuvre, d'où la nécessité d'aller découvrir "Awòli" jusqu'au 22 mai 2021, pour ceux qui ne l'ont pas encore fait.

Marcel Kpogodo Gangbè