Visite sur un terrain de travail pris d'assaut par les résidents
Depuis le 1er
avril dernier se tient à l’Espace culturel et touristique, ’’Café cauris
coquillages’’, le ’’Cénacle expérimental’’, une résidence de création, de
formation et d’échanges, prenant en compte une dizaine de jeunes artistes
plasticiens, initiée par l’artiste peintre béninois, Charly d’Almeida. Quatre
stagiaires parmi ceux-ci sont des femmes. Nous avons décidé d’aller à leur rencontre
…
Adjélé Sika da Silveira,
Eliane Aïsso et Constantine Gbètoho ont décidé de jouer le jeu de l’ouverture.
Quant à Moufouli Bello, … Mais, à notre visite, à la veille du grand vernissage
final, celle-ci avait déjà sorti, de son inspiration, deux tableaux de dimensions moyennes,
flamboyant d’un visage bleu en gros plan. Le visage, justement, semble son mode d’expression, puisqu’il frappe
par sa présence récurrente sur les deux productions. De même, la couleur bleue
apparaît comme une constante, en dépit d'un majestueux voile en ligne jaune impérative de barrage policier, du genre: " ... Do not cross ...". Moufouli Bello a
parlé et, c’est dans le cadre de la résidence de création intitulée ’’Cénacle
expérimental’’, de Charly d’Almeida, qui se déroule du 1er au 9
avril 2015, à ’’Café cauris coquillages’’, sur l’itinéraire de la ’’Route des
pêches’’, à Togbin. La liberté : le fondement de l’inspiration des
stagiaires.
Sika …
Le 3 avril, au moment
de notre visite, Sika da Silveira exprimait le contenu de ses idées, dans l’espace
de travail réservé à la résidence de création. Reflétant le fruit de sa
trituration du sujet en jeu, entourée de Lionel Ferréol Yamadjako, alias Yamferlino’s,
à sa gauche, et de Constantine, de son nom complet, Constantine Gbètoho, suivie de Damas, de son nom à l’état-civil,
Joseph Dama, à sa droite, ses explications, celles de Sika, sont d’une grande limpidité : elle
tire beaucoup de la nature, ce que montre, sur le tableau en gestation, des
reliefs en un arbre aux branchages effeuillés, alors qu’à quelques mètres
derrière elle, un arbre respire cette même texture. Ces reliefs, elle les
compose avec du tissu et des éléments naturels, les mettant en valeur sur un
tableau par des instruments ordinaires : ses doigts et ses pinceaux …
Même si les fonds de bleu
et de blanc du jour ont connu une totale métamorphose, quatre jours plus tard,
pour virer au sombre indigo illuminé par un jaune, entre autres, non offensif, Sika, tout en passant des
coups de pinceau, exposait, au moment où elle nous parlait, que sa nature, c’est
aussi le bleu du ciel et de la mer, c’est le jaune, à travers la lumière, l’éclat
du soleil, le rayonnement provenant de l’être humain quand il se trouve en
contact avec ces éléments, c’est le blanc, par la pureté qui existe
originellement dans le cœur des hommes, cette pureté par laquelle la nature
communie avec eux, c’est l’indigo symbolisant, pour elle, la terre, l’énergie,
la force, c’est cet indigo qu’elle obtient par les résidus de bois qu’elle va chercher, pas plus loin que dans l’espace de Sébastien Boko, en diagonale
vis-à-vis d’elle, brouillant notre entretien par sa tronçonneuse.
Sika, active dans la
peinture depuis trois ans, avant cela, designer et créatrice de bijoux, dans le
serpentement qu’elle a orchestré sur sa toile, communique qu’il exprime le
croisement, la diversité, mais, aussi, l’harmonie ; elle n’oublie pas de
nous donner sa version du thème de la liberté : « Chacun a son chemin
qui dépend de son regard sur la vie. Etre libre, c’est faire son chemin, [d'où le serpentement sur le tableau, les croisements] en
fonction de ce que l’on est, de la personnalité de chacun, c’est aussi tolérer
les autres, c’est vivre sa personnalité sans agir sur celle de l’autre … »
Constantine …
La générosité de l’explication
de son travail, en ce 3 avril, nous oriente directement vers sa lecture de la
liberté ; sur sa toile, elle la veut pour les femmes, elles qu’elle
considère comme riches en inspiration pour faire exploser leurs idées, pour
faire réussir la société : « Il faut laisser de l’initiative aux
femmes, pour voir ce que cela va donner ; si on la laisse sortir tout ce
qu’elle a en elle, cela sera très intéressant », proclame-t-elle, pointant
du doigt un filet peint en bleu, aplati, qui monopolise toute la toile, sur un
fond bleu, de part et d’autre … Du vert foncé domine sur le bleu de fond, au
niveau de la bordure du bas et de la droite, pendant que du blanc prend en
charge la bordure du haut et de la gauche. Quatre jours plus tard, ce filet,
complètement stylisé, vu de loin, donne l’aspect d’un personnage aux membres
généreusement écartés ; il s’intègre facilement à la toile.
Ce filet, Constantine y
lit la prison naturelle et dorée de la femme qu’est le mariage, le mariage, ce
signe de réussite sociale suscitant la convoitise des femmes environnantes et,
pour cette artiste, le vert foncé qui se profile, c’est la végétation, la vie, comme
si la femme ne devrait trouver la vie et l’épanouissement que dans un mariage
au sein duquel elle exprime toute sa personnalité.
En dehors du filet, un
autre instrument de communication : du papier kleenex. Il lui sert à
réaliser des personnages, ceux-ci, libres, après un certain sacrifice, cette
étape que symbolise trois petites calebasses en haut du filet, sans oublier une
autre, au bas, incarnant la sortie d’un labyrinthe douloureux, un
épanouissement digne de celui d’une femme venant de perdre sa virginité, ce que
Constantine veut bien concevoir, avec ces traces de peinture rouge … Elle aussi
adore utiliser un certain instrument de travail, la main, elle pour qui le ’’Cénacle
expérimental’’ constitue un espace d’épanouissement, vu qu’elle prise
par-dessus tout le travail en groupe, en club : « Je suis meilleure
et plus productive quand je travaille avec les autres », confie-t-elle.
Eliane …
Sa liberté, c’est un
acquis qui n’épanouit pas, ce que génère les deux toiles dont elle a jeté les
bases du contenu de fond, après seulement deux jours de travail : ici et
là, des personnages centrés, sont regroupés autour d’un seul, ce qui la pousse
à expliquer : « La liberté, certains en ont besoin mais n’arrivent
pas à l’avoir. Dès qu’il l’acquiert, l’être humain a néanmoins besoin des
autres pour s’épanouir ». Et, sous le coup d’une inspiration subite, un
titre lui vient pour donner une identité à l’une des deux toiles : « Conquête
de la liberté » ! Elle me regarde, fait le tour de son environnement
et me confirme que son choix est le définitif … Les couleurs variées de ses toiles : la diversité des personnalités, des caractères et des inspirations, pour contribuer à l'épanouissement du genre humain.
Marcel Kpogodo