mercredi 27 mars 2019

Rafiy Okéfolahan à Cotonou : l’art au service de la paix

Dans le cadre de son exposition ’’Mots magiques’’

Depuis la soirée du jeudi 21 mars 2019, l’artiste plasticien béninois, Rafiy Okéfolahan, laisse voir ses œuvres par le public à la galerie de l’Hôtel ’’La Maison rouge’’, à Cotonou. Intitulée ’’Mots magiques’’, son exposition, ajoutée à trois autres stratégies d’expression artistique, exhorte à ce que souffle un vent de paix, notamment, sur le Bénin.

Rafiy Okéfolahan
Abondance, exubérance, variété, chaleur, épaisseur, vivacité et force, pour appeler à la paix entre les hommes. Les caractéristiques des couleurs déployées par la vingtaine de toiles que présente l’artiste béninois, Rafiy Okéfolahan, dans le contexte de l’exposition ’’Mots magiques’’ dont le vernissage s’est tenu le jeudi 21 mars 2019, en début de soirée à la galerie de ’’La Maison rouge’’ de Cotonou.  
Pour des tableaux dont certains sont de grande dimension, notamment, 2,5m x 1,5m et 2m x 1,5m, le bleu, le rouge, le jaune, le blanc et le noir, entre autres, se déploient généreusement, tantôt pointant des personnages nettement détachables, tantôt laissant imaginer d’autres que l’inspiration du moment ose manifester : « Je navigue entre abstraction, figuratif et impressionnisme », s’en explique Rafiy Okéfolahan, alias Rafiy, un artiste dont la démarche de peinture, les années aidant, a évolué puisque les numéros de téléphone parsemant ses tableaux sont devenus rares, de même que les couleurs qui lui servent à transmettre un message sont plus diversifiées et que les couches qui établissent ces couleurs sont plus épaisses. Un nouveau tournant, inévitablement. 
Ce pas, Rafiy le franchit en toute sérénité, troquant ses numéros si chers, par le passé, contre des mots, ceux-ci, « magiques » par le fait que, pour ce créateur, sa consultation de l’actualité par la presse, la radio, la télévision et à travers Internet ne lui montre pas un fonctionnement reluisant du monde. Et, ce type spécifique de mots, ne les possédant pas encore, il va à leur quête. En attendant que l’artiste les trouve et qu’il les partage avec le public, aller voir l’exposition ’’Mots magiques’’ à la galerie de ’’La Maison rouge’’ sis zone des villas de la Cen-Sad, sur la Route de l’Aéroport, à Cotonou, amène à réjouir ses yeux et à réchauffer son cœur. En effet, ce qui contribue à ces états heureux : d’une part, une harmonie bien conçue, bien construite des couleurs et, d’autre part, la vie qu’elles suggèrent, dans sa beauté, sans oublier l’inattendu et la variété des champs que l’artiste choisit pour ses messages, que nous soyons en politique, en faits de société ou en réalités culturelles et cultuelles.
D’ ’’Appel chéri’’ à ’’Iyalodé’’, en passant par ’’En aparté 1’’, ’’Agban-non’’ – et non ’’Agbonnon’’ –, ’’Guèlèdè party’’, ’’Olowo yaléma’’, ’’En aparté 12’’, ’’Fleuriel’’, ’’La télé rend fou’’, ’’En aparté 13’’, ’’Akou’’, ’’Jazz club’’, ’’L’œil de Dieu’’, ’’Méditations’’, ’’Awobobo 1’’, ’’Awobobo 2’’, ’’Cycliste performer’’ et ’’Babalao’’, sans oublier l’installation mosaïque incorporant les toiles de petit format, ’’En aparté 2-11’’. Ce sont les tableaux au niveau desquels Rafiy projette un système visuel qui accapare ; ces œuvres relèvent de son inspiration des années 2016, 2018 et de l’actuelle, 2019. Des toiles du renouveau d’une démarche artistique qu’il exerce, apparemment, depuis son installation en France en 2012.


Du ’’Rapace purificateur’’

En dehors du pinceau qu’il manipule avec dextérité, avec aisance, avec une assurance conquise, Rafiy, de ses doigts, ramasse, assemble, rassemble, fabrique, crée. Ainsi, le ’’Rapace purificateur’’, une sculpture appartenant à l’exposition ’’Mots magiques’’. 

Le ''Rapace purificateur''
Un oiseau d’expansion de bien de sentiments nobles qui rendent la vie plaisante, qui l’épanouissent de ses couleurs les plus variées, à l’instar de l’aile droite du ’’Rapace’’ vu de dos ; elle est un appareil constitué à partir de plusieurs couleurs d’éventails en plastique, bien propres, brillants de leur caractère neuf : « Cette aile dispense du bonheur, de la sérénité, de la paix, des sentiments qui entretiennent l’harmonie entre les hommes », dévoile Rafiy. Dans le même temps, l’aile gauche, comme par un choix bien mûri, débarrasse la terre de toutes les pulsions noires, de tous les déchets moraux qui poussent l’homme à la nuisance, de tout ce qui entrave le développement du pays, du continent, ce qui justifie la sélection des matériaux ayant aidé à la fabrication de cette aile : des résidus de toutes sortes et, notamment, des couvercles sales de boîtes de lait, l’ensemble rangé dans un filet.
Voilà un oiseau, tout de fer, qui, lorsqu’il est censé s’envoler, joue deux rôles complémentaires, absorber les maux et répandre les vertus. Rafiy, dans son engagement à produire un impact sur la société, par son art, ne s’en arrête pas à cette inspiration.


’’Maison de survie’’

Une oeuvre de sensibilisation. Pour l’artiste, la question de l’immigration, clandestine, surtout, est cruciale, vu que les candidats à cette aventure, très nombreux, à notre époque, en sont ignorants du fonctionnement catastrophique : « Il y en a beaucoup qui ne savent pas ce qui les attend quand ils veulent aller clandestinement en Europe », précise Rafiy. 

''Maison de survie''
Dans le but de proposer une idée des souffrances inconnues de la situation de ce type d’immigration, il a conçu ’’Maison de survie’’, ce qui donne lieu à une installation dans l’exposition ’’Mots magiques’’ ; elle préfigure la situation tragique des migrants aux frontières européennes : « Ils sont soumis au froid, à la neige, surtout, à Calais ; ’’Maison de survie’’ représente la tente qu’utilisent les migrants vers l’eldorado, ils la mettent au point pour tenir le coup contre les intempéries, le temps qu’un brèche s’offre pour qu’ils échappent à la police et entrent en Angleterre.   


Déambulation

Apparemment, Rafiy a voulu faire de la pierre ’’Mots magiques’’ plusieurs coups. Vêtu d’une sorte de combinaison rouge, affublé d’un chapeau de la même couleur et arborant un masque à oxygène, ses chaussures aussi étant rouges, il se meut dans le public des visiteurs, à l’aide d’un vélo surmonté d'un panier, et distribue à la ronde un carré de papier en carton en demandant, d’une voix sourde, peu audible, que chaque récepteur qu’il a muni d’un pastel y inscrive un mot. Par rapport au rouge, il se justifie : « J'aime le rouge, c'est la couleur commune à tous les hommes par le sang ». 

Rafiy, en déambulation
Le mot choisi doit être celui que chacun pense pouvoir lui faire du bien, produire cet effet sur son pays et, enfin, sur son continent : le « mot magique », à en croire Rafiy Okéfolahan. Après avoir collectionné ce type de mots, pendant un certain temps, il entend en faire une exposition. Sa vision : fédérer autour de lui le plus de mots possible qui puisse contribuer à créer partout une ambiance de paix, avec son pays, le Bénin, traversant une impasse électorale. « Il m’importe de sauver quelque chose qui se perd », commence-t-il, « peut-être la démocratie, les vraies valeurs comme le travail bien fait, l’absence de détournement des deniers publics, le patriotisme, l’abondance de travail pour que le pays aille de l’avant », a-t-il conclu. Les ’’Mots magiques’’ est une exposition qui se clôt le samedi 30 mars 2019.

Marcel Kpogodo

mardi 26 mars 2019

« […] je porte la responsabilité de tout un pays sur mes épaules, sur ma petite tête », dixit Hervé Wégbomè, comédien béninois

Dans le cadre de sa participation aux ’’Rencontres théâtrales francophones en Arménie’’

La République d’Arménie est un ancien Etat de l’ex-Union des Républiques socialistes soviétiques (Urss) qui se situe dans le Caucase, une région montagneuse établie en l’Asie et l’Europe. Du 28 mars au 7 avril 2019 s’y tiennent les Rencontres théâtrales francophones en Arménie. A cet événement participent deux artistes béninois dont le comédien Hervé Wégbomè. Dans cette interview qu’il a bien voulu accorder à notre Rédaction, sa capacité d’explication est si efficace que ces Rencontres n’ont plus aucun secret pour le lecteur, par rapport aux contours diplomatiques et d’œuvres sociales qui les fondent. En réalité, les artistes béninois possèdent le secret de faire rayonner et développer le Bénin, au-delà des attentes … 

Hervé Wégbomè, au cours de l'entretien
Le Mutateur : Bonjour Hervé Wégbomè. Vous êtes un comédien, un conteur et, entre autres, un percussionniste béninois. Vous participez à un événement dénommé ’’Les rencontres théâtrales francophones en Arménie’’. Il se déroule du 28 mars au 7 avril 2019, dans un pays qu’on appelle l’Arménie. Pouvez-vous nous détailler de quoi il s’agit ?


Hervé Wégbomè : ’’Les rencontres théâtrales francophones en Arménie’’, c’est un événement organisé par une association francophone d’Arménie, qui est l’Association ’’Avant-scène’’. Il s’agit, pour deux acteurs culturels béninois, Brice Bonou et moi, de participer à ces ’’Rencontres’’. Cela se centralise autour des textes de théâtre, que nous écrivons, de façon collective avec un Français, Bernard Renoult, avec qui Brice Bonou est metteur en scène sur les spectacles que je donne, notamment, celui intitulé ’’Traversées’’ qui est accueilli et qui sera joué à ces Rencontres-là, deux fois par moi-même, en tant que comédien seul sur scène. Cette pièce sera aussi interprétée par une troupe d’étudiants. Nous avons également un autre texte, ’’Sin liho’’, qui relève aussi d’une écriture collective de nous trois ; il sera joué par une autre troupe arménienne d’étudiants.
Je dois indiquer que le texte, ’’Traversées’’, est traduit en arménien et publié dans un recueil de quatre pièces théâtrales de quatre auteurs africains. Donc, à ’’Traversées d’Hervé Wégbomè  s’ajoutent ’’Néma’’ de Koffi Kwahulé, ’’Poussière’’ de Penda Diouf et ’’A bout de sueurs’’ d’Hakim Bah. En plus de cela, il y a une soirée qui est dédiée à la culture béninoise ; elle aura lieu à l’Alliance française d’Arménie, à Erévan, la capitale de ce pays.


L’Arménie est très loin du Bénin. Quel est ce pays et comment s’est effectuée la rencontre entre l’Arménie et vous ?


L’Arménie est vraiment très loin du Bénin. C’est un pays qui est situé à la frontière entre l’Europe et l’Asie, et qui n’a jamais eu de collaboration artistique avec le Bénin qui est un pays inconnu là-bas. La rencontre avec l’Association que j’ai évoquée tout à l’heure s’est faite sur un autre festival à Lyon, à travers les Rencontres théâtrales de Lyon, où j’avais été invité pour présenter mon spectacle, ’’Traversées’’, qui aborde les migrations. La Présidente de l’association arménienne, ’’Avant-scène’’, était venue aussi avec sa troupe pour présenter un spectacle. Après ma représentation, elle qui est professeur d’université et, en même temps, metteur en scène du spectacle présenté par les Arméniens, s’est rapprochée de moi, m’a félicité très sérieusement pour la prestation et a émis le souhait très vif d’accueillir le spectacle béninois dans son pays puis de profiter pour faire découvrir à ses compatriotes arméniens la culture béninoise. C’est comme cela que, de réflexions en réflexions, elle a trouvé ce bon bout de nous inviter sur son événement. Voilà un peu comment la rencontre s’est faite.  


Aux Rencontres théâtrales francophones en Arménie, il y a, comme vous l’avez dit, trois activités principales qui y impliquent Brice Bonou, Bernard Renoult et vous : vous, Hervé Wégbomè, ferez deux représentations théâtrales de la pièce, ’’Traversées’’, avec vos deux collègues, vous animerez des ateliers de théâtre et, enfin, il y aura une soirée béninoise en Arménie, où vous cuisinerez pour vos hôtes un plat typiquement béninois. Comment appréhendez-vous ce vaste programme qui vous attend ?


J’appréhende tout cela avec beaucoup de fierté et de sérénité parce que c’est un grand honneur pour ma petite personne, pour un petit comédien béninois qui fait son petit bonhomme de chemin. C’est une grande fierté parce que, des conversations que nous avons eues avec les amis en Arménie, il y a eu une phrase qui m’a profondément touché. Quand ils se sont rendus compte, là-bas, que l’Arménie n’a jamais rien eu d’officiel avec le Bénin, ils m’ont demandé : « Hervé, sais-tu que ce programme-là est un projet diplomatique ? ». Je me suis dit alors que cela fait davantage une responsabilité, une très grande responsabilité parce que, non seulement je représente mon pays, le Bénin, mais, je le représente dans un pays qui ne le connaît pas du tout. Donc, c’est une lourde responsabilité ; il ne faudrait pas que je fasse piètre figure, parce que je porte la responsabilité de tout un pays sur mes épaules, sur ma petite tête. Il faut que cela soit un passage qui marque les Arméniens pour qu’après, ils puissent encore être demandeurs : « Tiens ! Ce que nous avons vu sur le Bénin, c’est tellement fort qu’on a envie d’en avoir davantage ». Donc, c’est, d’abord, une grande fierté pour nous, une grande responsabilité que j’ai envie de remplir de manière bien réussie.


Selon le regard de certains de vos partenaires sur vos activités culturelles à l’international, c’est un « projet diplomatique ». A cet effet, avez-vous le soutien des autorités béninoises par rapport à cette randonnée que vous allez effectuer dès le 28 mars ?


On peut dire qu’on a un petit soutien même si je doute que les gens, du côté des autorités béninoises, aient pris la vraie mesure de la chose. De façon indirecte, je peux dire qu’on a un soutien parce que, pour une fois, Hervé Wégbomè bénéficie de l’appui financier de l’Etat béninois pour les spectacles qu’il donne à l’extérieur du Bénin. De quoi s’agit-il ?
Depuis 2011, j’ai commencé, avec Brice Bonou, une aventure qui nous amène, de façon assidue, en France, tous les ans. Parfois, c’est deux fois par an, pour représenter le Bénin, pour faire parler du Bénin à travers nos pièces théâtrales qui abordent exclusivement le Bénin, l’Afrique. Et, c’est la première fois que le Ministère de la Culture, à travers le Fonds des Arts et de la culture (Fac), a pris en charge nos billets d’avion. Donc, le Fac nous a attribué les fonds pour l’achat de deux billets d’avion et pour les frais de visa de Paris à Erévan. Le visa du Bénin vers la France, nous l’avions déjà.
Donc, nous avons le soutien de l’Etat béninois, ne serait-ce que pour la prise en charge des billets d’avion. Pour le reste, en grande partie, on le fait de nos poches et, avec l’appui de nos hôtes arméniens puisque, là-bas, les gens ont pris la mesure diplomatique du Projet ; ils sont allés au niveau de leur Ministère des Affaires étrangères et ils ont parlé de leur envie d’inviter une troupe béninoise. De même, ils ont fait envoyer un courrier depuis cette institution vers le Ministère béninois des Affaires étrangères et de la coopération. Et, on a appris, dans les coulisses, que ce courrier a été affecté au Ministère de la Culture. Qu’est-ce que ce Ministère va en a faire par la suite ? On ne le sait pas. Avant l’arrivée de ce courrier, nous avions introduit une demande et nous avons reçu une notification pour la prise en charge des billets d’avion. Est-ce qu’ils vont nous rappeler ? On ne le sait pas encore. Jusque-là, on n’a pas été appelés par les autorités. Etant donné que nous devons aller représenter le Bénin, notre souhait aurait été de travailler avec la Direction du Tourisme, pour que nous ayons en notre possession des outils pour parler du Bénin à l’extérieur. Il faut avouer que c’est très lourd. Pour la petite expérience que nous avons eue de ces démarches-là, par le passé, c’est très lourd, c’est lent, pour rencontrer ces autorités, pour bénéficier d’appuis, pas que financiers, mais aussi logistiques. Parfois, cela épuise et décourage. Du coup, avec Brice Bonou, on évite de trop se gêner. Ceci nous amène à faire tout avec nos maigres moyens ; on a acheté, déjà, de nos poches, les petits objets qui nous serviront à parler de notre pays.



Comme vous l’avez mentionné, depuis 2011, vous faites le va-et-vient entre le Bénin et la France, ce qui vous a permis d’animer plusieurs spectacles : ’’Kan hohonou’’, par exemple, un conte théâtralisé qui vous a exigé plus de 300 spectacles à travers la France, ’’Sin liho’’, un autre conte théâtralisé, avec plus d’une centaine de représentations, ’’Parenthèse’’, concernant la guerre de 1914-1918, que vous avez joué en duo avec une comédienne française, pour plus d’une centaine de représentations aussi dans plusieurs villes de la France. Aujourd’hui, vous en êtes à la pièce, ’’Traversées’’, où vous êtes seul sur scène. Dans votre jeu, généralement, vous intervenez en tant que comédien, conteur et percussionniste. Nous imaginons que cela n’est pas facile … Est-ce que cela n’est pas épuisant physiquement et intellectuellement ?



Avec la passion, on peut dire que tout est facile. Physiquement et intellectuellement, c’est épuisant, mais la passion efface rapidement tout cet épuisement-là. Aujourd’hui, si l’on doit rassembler toutes ces représentations des quatre pièces créées et qui tournent actuellement, je peux dire qu’on en est à plus de 600 représentations données sur le territoire français en sept ans, à raison de deux mois et demie de tournée par an, ce qui fait environ quinze à seize mois de représentations dans plus de 50 villes françaises. C’est beaucoup. Il y a quelques semaines, quelques mois, on discutait, on rigolait entre amis et, lorsqu’on a fait le point, on s’est demandé à quel moment on a réussi à faire tout ceci. Cela veut dire que la passion efface rapidement tout l’épuisement physique et intellectuel qu’on peut ressentir ; on n’est pas près de s’arrêter, on a envie de continuer.


L'Affiche du spectacle, ''Traversées''
L’autre chose qui fait plaisir, qui encourage, qui donne envie de continuer dans ce sens, c’est le ressenti des gens. Quand vous allez dans un village français où les gens n’ont presque jamais vu un Noir, où les gens nourrissent des préjugés vis-à-vis de l’homme noir, vis-à-vis de l’Afrique, les habitants vous accueillent, tout curieux, ils suivent votre spectacle et, à la fin, ils vous posent des centaines de questions pour savoir qui vous êtes, pour connaître votre pays. A la fin, des semaines plus tard, ils vous appellent et vous disent : « Ecoutez, on a envie de venir découvrir votre pays ; on en a tellement entendu du bien qu’on a envie d’aller voir si, effectivement, ce qu’on a entendu est vrai ». Et, au-delà de la parole, ils vous appellent encore pour vous dire : « Hervé, je viens de prendre mon billet d’avion : de telle date à telle date, est-ce que tu es chez toi ? On viendra … ». Effectivement, ils arrivent au Bénin et, après un séjour, ils disent : « On ne savait rien de ce pays, on ne savait pas que vous viviez avec autant d’amour du prochain, avec autant d’humanité ; on va revenir ».
Quand on entend ces choses, cela encourage, cela fait plaisir. Depuis 2011 qu’on a commencé, on peut dire que, pratiquement, tous les ans, il y a au moins cinq Français qui visitent le Bénin parce qu’ils ont vu les spectacles, parce qu’ils ont croisé Hervé Wégbomè et Brice Bonou qui leur ont parlé du Bénin ; ils viennent découvrir, ils viennent sur deux ou trois semaines. Il y a, par exemple, Jean-Michel Barrault, qui nous accompagne beaucoup pendant nos tournées et qui a adopté le Bénin. Ce qui l’y a poussé, c’est que, son père étant militaire, il est né à Cotonou mais il est parti du Bénin à un an et demie ou deux ans. Mais, il n’a pas eu l’occasion d’y revenir, il n’en a plus jamais entendu parler. Et, quand il nous a rencontrés, il nous a dit : « Je suis Béninois comme vous mais je ne connais pas mon pays. Avec vous, je pense que je vais renouer avec lui ». Cela fait quatre ans que Jean-Michel arrive au Bénin tous les ans. Parfois, il vient deux fois. Il était arrivé, en 2018, en août, pour un séjour de trois semaines, et il est revenu faire le Nouvel an au Bénin. Il y a quelques jours, il m’a annoncé qu’il revient en août. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’il initie des projets avec des jeunes Béninois.
Tout cela, c’est une fierté, cela encourage et cela donne envie de continuer, de ne pas abandonner l’idée. Voilà ce que je peux dire de cette aventure ; c’est épuisant, effectivement mais, avec la passion, avec cette fierté qu’on éprouve, on n’a pas envie d’arrêter.


Au-delà de cette endurance physique et intellectuelle, comment vous sentez-vous face aux préjugés de ces spectateurs français sur l’Afrique, sur les Noirs, quand ils réagissent, quand ils les font connaître ? Il est aussi probable que vous soyez confronté au racisme … Comment cela se passe ? Comment vivez-vous tout ce regard peu flatteur sur l’Afrique, sur les Noirs?


Il y a une réalité et l’on y a été confrontés : la méconnaissance de l’Afrique par les Français, dès les premières années. Je suis allé pour la première fois en France en 2004 dans le cadre d’un projet de lutte contre le trafic des enfants, avec un groupe de Français. C’était un projet culturel et théâtral aussi. Et, après une représentation, les jeunes, les enfants, le public qui a suivi le spectacle pose des questions. Par là, on s’est rendus compte que toutes ces personnes ne connaissaient pas l’Afrique ; elles n’avaient pas la vraie image de l’Afrique d’aujourd’hui. Pour les plus petits, l’Afrique se présentait comme dans ’’Tarzan’’, comme dans ’’Kirikou’’ où l’on ne voit que les enfants avec le ventre ballonné, à courir dans la jungle, dans la forêt, tout nus. Et, c’était réel ; c’est l’image qu’ils avaient de l’Afrique. Cette image est encouragée par les médias occidentaux qui, pour parler de l’Afrique, présentent celle des guerres, des épidémies, du sida, d’ébola ; on ne montre pas vraiment l’Afrique qui se développe, qui réussit, qui fait des inventions. Du coup, confrontés à cette réalité, on s’est dit qu’il fallait qu’on la corrige. Comment le faire ? On n’est pas des politiciens ni des diplomates. On ne pouvait corriger cela que par ce qu’on savait faire le mieux : le théâtre. C’est de là qu’on a créé le premier spectacle, ’’Kan hohonou’’, en 2011.
A partir de ceci, je pense que, pour les villes qui ont accueilli ce spectacle, on a réussi à corriger cette image, parce que les gens posent beaucoup de questions ; ils sont curieux, ils posent des questions et ont envie de découvrir. Alors, on leur apporte la vraie information, preuves à l’appui. Quand on leur présente des éléments, on leur dit : « Allez sur Internet. Depuis chez vous, tapez tel nom, tapez tel site, visitez le Bénin de façon virtuelle ; vous allez découvrir ce que c’est que l’Afrique, à travers le Bénin ». Des gens, après, reviennent avec des témoignages, en nous disant : « Effectivement, on ne savait pas que c’était comme cela ». Cela nourrit en eux l’envie d’aller découvrir le Bénin. Et, ils viennent.
Donc, cette image de l’Afrique sauvage, nous, on réussit à la corriger, ne serait-ce que pour les villes qui nous accueillent. Plus de 50 villes, pour plus d’une centaine d’individus par ville, multipliée par 50, vous voyez donc qu’il y a vraiment quelque chose qui se fait, en sourdine, mais il y a quelque chose qui se fait. Nous avons des gens qui reviennent nous dire : « Nous sommes allés sur tel site et nous avons vu telle chose … », « On ne savait pas que le Bénin a une équipe de football … », « On ne savait pas que tel artiste chez nous est écouté au Bénin ... », « On a suivi les informations et on a vu qu’il y a le Président béninois qui est venu chez nous … », « On ne savait pas qu’il y a tel footballeur béninois qui intervient dans tel club chez nous … On l’a découvert … ». Ils nous appellent, ils nous écrivent, ils nous demandent : « Tu connais telle personne ? ». Je leur réponds : « Oui, c’est un footballeur béninois … ». « Il joue chez nous … », continuent-ils. Et, je leur réponds encore : « Oui, vous voyez que le Bénin, ce n’est pas que dans la forêt ; moi, je suis Béninois, je vis au Bénin et je n’ai jamais croisé un éléphant dans la rue ». Cela les étonne et, certains demandent : « Comment cela ? Tu es un Africain et tu vis en Afrique ? ». Il y a des enfants qui m’ont demandé, me faisant tomber des nues : « Mais, Hervé, comment est-ce que tu es arrivé en France ? ». En rigolant, je leur dis : « Je suis venu à dos d’épervier ». « C’est vrai ? », me demandent-ils et, je leur réponds : « Est-ce que vous pensez qu’un homme peut voyager à dos d’épervier, du Bénin vers la France, faisant plus de six mille kilomètres ? Ce n’est pas possible, ce n’est que dans des films, ce n’est que dans la fiction ; ce n’est pas possible : je suis venu en avion ». « Ah bon ! ». « Mais oui ! Chez nous, on a un aéroport, des avions atterrissent chez moi ». Ils s’en étonnent. Ils étaient à peu près en classe de Cm2 (Cours moyen deuxième année, Ndlr), en 2004 ou en 2006 : « Hervé, est-ce que toi aussi, chez toi, tu dors dans des arbres ? ».
Quand vous entendez ce genre de questions, en l’an 2000, cela vous donne des frissons, ce qui veut dire que les gens ne nous connaissent pas du tout. Mais, cinq ans après, quand certains enfants vous revoient : « J’ai suivi telle émission … » ou « Je suis allé chercher telle information sur Internet sur le Bénin ; j’ai eu telle information, telle information … ». Cela vous donne de la fierté. Au moins, chez ces personnes, nous avons réussi à changer quelque chose et, cela continue ; c’est une fierté : on le fait, on ne communique pas beaucoup là-dessus mais on le fait. Si beaucoup plus de Béninois faisaient des choses du genre, je crois que la diplomatie béninoise gagnerait plus par la culture que par la politique. Voilà une occasion pour lancer un appel aux autorités ayant en charge la culture béninoise : c’est d’y croire. Tout se passe comme si elles ne croyaient pas que la culture peut participer à développer le Bénin. Nous n’avons pas une autre richesse à faire valoir à l’extérieur que notre culture ; elle est très très très demandée. De façon insoupçonnée, chaque fois que je vais en France, avec des amis, qu’on se retrouve et qu’on se parle, je peux dire qu’environ une bonne vingtaine de Béninois qui vont sur des festivals, sur des événements, sur des projets, en France, en Europe, parlent du Bénin, pas dans l’environnement politique, mais dans celui culturel qui draine plus de monde, avec des gens qui sont à l’écoute, qui sont curieux de découvrir la culture de l’autre. Ces gens, c’est le peuple, c’est la population elle-même, ce n’est pas dans la politique. Je pense que c’est par ces gens-là que le développement peut se faire. Ce sont eux qui se déplacent vers notre pays, qui apportent des devises.
Comme je vous l’ai dit, Brice Bonou et moi faisons venir au Bénin plus de cinq Français par an ; ce sont des gens qui viennent avec de l’argent, qui dorment dans des hôtels, qui achètent des souvenirs, qui achètent à manger. Tout cet argent, ce sont des devises que cela constitue pour notre pays. Imaginons qu’il y a cent artistes béninois qui font venir cinq, dix Français ou dix Européens au Bénin, par an ; vous pouvez voir ce que cela fait. Ces gens, quand ils arrivent, ils découvrent des choses, ils voient des problèmes qu’ils ont envie de corriger ; beaucoup de touristes français venus au Bénin ont initié des projets et ils sont revenus pour intervenir dans la lutte contre le trafic des enfants, dans le droit des enfants, dans leur épanouissement. Certains viennent participer à construire des hôpitaux, des écoles. Le développement passe par là. Donc, la culture, en plus de tout ce qu’on peut faire par la politique, peut apporter beaucoup ; il faut que nos autorités prennent en compte cet aspect de la chose et qu’elles en aient une conscience amplifiée : il n’y a pas de tourisme sans la culture. Pour que les gens soient intéressés à visiter un pays, il faut que la culture les attire.


Parlant des projets que des Français viennent exécuter au Bénin par le biais de vos tournées théâtrales en France, il y en a un qui a été exécuté à Zakpota. Pouvez-nous nous développer son contenu ?


Les tournées d’Hervé Wégbomè en France, ce n’est pas pour me faire de l’argent, personnellement. Je ne suis pas riche, vous le voyez. En temps normal, un comédien béninois qui a à son actif plus de 600 représentations en Europe, cela sous-entend qu’il s’en met plein les poches aussi. Mais, non. Les bénéfices des tournées d’Hervé Wégbomè en France vont à un projet à Zakpota, celui qui donne aux enfants le droit à des loisirs sains : c’est le Centre des Loisirs de Zakpota.
Dans cette Commune, les enfants avaient souffert du trafic des enfants ; il y a donc eu des Ong et des institutions internationales qui, à travers des dizaines, des centaines de projets, ont réussi à faire reculer ce phénomène et à faire revenir dans la région des enfants qui étaient dans des mines au Nigeria, au Tchad, notamment. A la fin de ces projets, plus rien n’a été fait pour qu’ils se sentent chez eux, pour les maintenir dans leur milieu d’origine. Et, à un certain moment, ces enfants, pour ceux qui ont été rescolarisés, sont tentés de repartir pendant les vacances à cause de l’oisiveté, de la recherche de financements pour résoudre des besoins vitaux. Nous, nous nous sommes demandé ce qu’on pouvait faire pour résoudre ce problème ; c’était peut-être de créer un centre de loisirs où ces enfants, si ce n’est pas la période où ils accompagnent leurs parents aux champs, puissent avoir des distractions saines. Ceci nous a poussés à voir comment cela se fait en France à travers les centres de loisirs et, on en a créé un à Zakpota. Il est entretenu par les bénéfices de mes tournées. C’est un Centre qui accueille 300 à 400 enfants sur une période de six semaines, pendant les grandes vacances. Y viennent ceux qui ont envie de découvrir autre chose, qui ont envie de s’amuser, de s’épanouir. Et, pour les encadrer, ce sont des jeunes de la localité, qui ont reçu une formation en bonne et due forme, une formation qui a été réalisée par des formateurs spécialisés en Loisirs en France, ce qui a amené ces jeunes à obtenir le Brevet d’Aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa). D’un autre côté, si ces jeunes encadreurs viennent le ventre vide, ils n’auront pas la force qu’il faut pour réussir leur mission ni l’envie nécessaire à cet effet. A travers ce Projet, on arrive à leur trouver aussi une rémunération qui leur permet de préparer leur rentrée scolaire, étant donné qu’ils sont des collégiens, des lycéens et des étudiants.
Si ces enfants qui viennent au Centre n’ont que des loisirs, ils s’ennuieront, de même qu’avec le ventre vide, ils ne seront pas présents de corps et d’esprit. Du coup, on prend en charge leur déjeuner et leur goûter quand ils sont dans le Centre. Et, ils sont contents. Pour la plupart d’entre eux, ce déjeuner constitue le seul repas correct de la journée. Aujourd’hui, quoi qu’on puisse dire, Zakpota est encore à ce stade-là. Quand on y va, on voit des enfants dont on est très proches des conditions de vie.
A Noël, on organise une fête pour les enfants de Zakpota, on leur distribue des cadeaux. Les deux premières années, on avait été surpris de voir des enfants qui reviennent et qui nous montrent les cadeaux qu’on leur avait donnés l’année d’avant, des cadeaux encore emballés. A notre question pour comprendre ce comportement, ils répondent : « Ah, c’est trop joli pour être déballé ! ». Ainsi, ils ne découvrent pas ce qu’il y a dans l’emballage ; ce sont des enfants qui ne sont pas habitués à recevoir des cadeaux du genre. C’est nous qui leur disons que ce n’est pas l’emballage qui forme le cadeau et qu’il y autre chose dedans. On prend le paquet, on l’ouvre et l’on leur montre ce qui s’y trouve ; ils sont sidérés. A chaque nouvelle fête, on les éduque au déballage des cadeaux, à s’amuser avec leur contenu, à l’utiliser.
Comme tout ne peut pas se faire avec les bénéfices de la tournée, un autre projet de parrainage a vu le jour. Des Français qui viennent découvrir le Bénin participent à scolariser quelques enfants déshérités. Tout se passe de manière très transparente. Parmi les enfants, on choisit ceux orphelins les plus indigents et des invités les parrainent, ce qui leur permet d’avoir leurs frais d’écolage assurés pendant toute l’année, ainsi que de l’argent pour leur petit déjeuner et pour les photocopies. La gestion en est faite de telle sorte les moyens financiers vont directement à ces enfants. Donc, il y a de ces projets où les gens, spontanément, parrainent quelques enfants. Aujourd’hui, on en a cinq qui sont parrainés par des Français qui viennent découvrir le Bénin, qui se sont mis en association pour cette cause.
Donc, il y a beaucoup de retombées de nos tournées pour le Bénin et pour ces enfants de Zakpota. L’année dernière, on a essayé d’élargir le Centre ; on en a créé un à Bohicon aussi. On a rencontré le Maire Luc Atrokpo, on lui a parlé de l’expérience de Zakpota. Il en était sidéré et a promis de participer à ce qu’on fasse aussi quelque chose à Bohicon, pour les enfants de cette Commune. On a commencé mais cela n’a pas encore vraiment pris. Cette autorité a mis à notre disposition un local pour abriter les activités du Centre des Loisirs. Mais, financièrement, cela ne pend pas encore parce que nos tournées n’ont pas assez de bénéfices pour couvrir à la fois Zakpota et Bohicon. On s’est dit qu’on va en créer dans beaucoup d’autres localités si les mairies sont prêtes à accompagner la chose. On en est là, pour l’instant.


Un appel ?


L’appel que j’ai à lancer, c’est encore à l’endroit des autorités politico-administratives ou des autorités en charge de la Culture au Bénin : je les exhorte à croire davantage à la Culture et à mettre les moyens à disposition parce qu’ils existent. Et, ils vont à qui et à quoi ? C’est une question qu’il faut qu’on se pose. Parmi, ces moyens, il y a le Fonds des Arts et de la culture. Le Bénin en est envié par beaucoup de pays de la sous-région. Nous, au Bénin, qu’est-ce qu’on en fait ? A qui est-ce que ce Fonds profite ? Il y a beaucoup d’associations qui travaillent réellement et qui ont un grand impact mais, malheureusement, elles ne profitent pas du Fonds des Arts. Je ne demande pas qu’on transforme les projets culturels en des projets sociaux, mais il faut que cela soit des projets à impact réel pour le développement de la Culture et pour l’épanouissement du peuple. L’essence de la culture, c’est d’épanouir le peuple. Voilà notre vision de la chose. Il faut que nos Etats, nos autorités puissent nous accompagner dans ce sens. C’est l’appel que j’ai à lancer.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

vendredi 22 mars 2019

Dominique Zinkpè expose de nouvelles œuvres sur papier

Dans le cadre des ’’divines mascarades’’ de l’artiste

Ces années-ci, on a identifié Dominique Zinkpè, artiste visuel béninois multidimensionnel, peintre, sculpteur, performeur, déambulateur, à travers les statuettes jumelles en miniature, les ’’ibédji’’. Celles-ci lui servent à monter des œuvres de toutes les possibilités de hauteurs, de figures, de formes, de personnages, notamment. Aujourd’hui, il s’annonce son retour à la présentation de dessins. Le public pourra les découvrir au Maroc, dès ce mois de mars.

Dominique Zinkpè
Vingt œuvres sur papier, c’est-à-dire des dessins, de petite et de grande dimensions, puis des sculptures monumentales ’’Ibédji’’. Ce que le public devra découvrir dès ce samedi 23 mars 2019, par l’exposition ’’Divines mascarades’’, que présente l’artiste contemporain béninois, Dominique Zinkpè, à l’espace d’exposition, ’’Salon des Casques’’, de la résidence d’artistes dénommée ’’Jardin rouge’’, située à la Fondation ’’Montresso’’, à Marrakech, au Maroc.
En réalité, cet artiste, chercheur invétéré et infatigable, poursuit un objectif : accéder à la quintessence de l’intrinsèque de l’être humain dans ses moindres manifestations, que celui-ci soit un conformiste social ou un révolté, qu’il soit tangible, accessible ou fermé : « développer et continuer ma quête de la captation de l’âme ou de l’esprit qui nous habite, cerner l’esprit rebelle, faire entendre le souffle de l’âme : ma perpétuelle quête pour cerner l’esprit, l’incorporel, l’être immatériel qui anime nos corps … », s’ouvre généreusement Dominique Zinkpè, sur ’’Divines mascarades’’. A quel niveau est-il parvenu dans cette recherche d’une si forte complexité ? L’enjeu devant déterminer qui le peut à aller voir cette exposition.
Elle résulte de deux résidences successives, au même ’’Jardin rouge’’, la première ayant eu lieu en octobre 2018 pour huit semaines et, la seconde, celle d’un certain aboutissement, qui s’est achevée récemment et qui lui a pris une trentaine de jours.
Par ailleurs, Cotonou, en novembre 2018, avait déjà vu des œuvres sur papier de cet assez imprévisible artiste contemporain. C’était à la Galerie ’’Awounou’’, dans une exposition dénommée ’’Zinkpè de A à Z’’. Quelle évolution la technique de travail a-t-elle connue ?
En attendant qu’on y voir clair, Dominique Zinkpè, avec ’’Divines mascarades’’, en est à sa deuxième exposition à la Fondation ’’Montresso’’, la première étant intervenue en février 2018, dans le contexte du Programme ’’In-discipline’’ par rapport auquel il avait été responsabilisé pour y faire intervenir, à ses côtés, quatre autres artistes contemporains béninois : Ishola Akpo, Charly d’Almeida, Gérard Quenum et Nathanaël Vodouhè.
Dominique Zinkpè, ce créateur que certains critiques d’art de son pays aiment appeler ’’Le Mammouth’’, suscite curiosité, admiration, amour, empathie, considération, même si le caractère mystérieux et imprévisible de sa démarche du dessin renvoie toujours aux trousses d’un défi perdu d’avance : le cerner. Mais, l'espoir semble en être permis, vu que l'exposition s'achève le 14 avril 2019.

Marcel Kpogodo

lundi 18 mars 2019

Alphabétisation : Gopal Das Nounagnon lance ses services aux artistes et aux populations

Dans le cadre d’une conférence de presse qu’il a animée à Cotonou

L’artiste béninois du slam en langue nationale ’’goun’’, Gopal Das Nounagnon, a initié une conférence de presse, qui a eu lieu le vendredi 15 mars 2019, au ’’Parking’’, un espace culturel situé à Cotonou. En substance, le jeune créateur a informé les journalistes culturels de la mise à la disposition des artistes et du public de ses capacités, entre autres, à les former en alphabétisation dans les langues nationales du Bénin.

Gopal Das Nounagnon, dans ses explications, au cours de la conférence de presse
« En tant qu’Africains, nous devons apporter un revers au règne dévalorisant du français, ce qui crée la nécessité de l’écriture des langues maternelles pour contribuer à freiner la disparition de la littérature orale ». La réflexion du jeune slameur béninois en langue ’’goun’’, Gopal Das Nounagnon, alias, Gopal, lors de la conférence de presse, qu’il a animée dans le milieu de l’après-midi du vendredi 15 mars 2019, à l’Espace culturel ’’Le parking’’ sis quartier de Fidjrossè, à Cotonou.
Selon lui, cet échange avec les professionnels des médias tient lieu du lancement officiel de ses activités respectives de formation en alphabétisation dans les langues nationales du sud du Bénin, et de transcription de textes des chansons produites dans ces langues. Un ensemble de prestations qu’il réalisera au sein des Ateliers ’’Ojiji’’, ’’Oriji’’ qui veut dire ’’L'original’’, ''L'authentique''.
Dans le premier cas, Gopal affirme pouvoir accompagner les artistes pour leur faire acquérir, après quelques séances de transmission de capacités, la phonétique appropriée à l’écriture des langues nationales. Ceci leur permettra de produire par eux-mêmes les textes de leurs chansons au moment voulu. Et, l’intervenant se rend disponible pour mettre aussi cette formation au profit de toute personne qui en aurait besoin, et qui ne serait pas un artiste professionnel. Ainsi, pour un mois de formation, l'artiste devra s’acquitter d’un montant de cinq mille Francs (5000 F) Cfa, alors qu’un civil paiera deux mille Francs (2000 F) Cfa, pour la même durée de formation.
Concernant le second cas, Gopal appelle à recourir à ses services les artistes dans le besoin de transcription de leurs textes de chansons ou de tous les autres genres, ces textes étant en langues nationales. D’ailleurs, a-t-il précisé, le Bureau béninois du Droit d’auteur et des droits voisins (Bubédra) exige que les chansons en langues nationales, proposées à la protection, soient accompagnées de leur texte intégralement transcrit. Il se met alors à la disposition de ses collègues pour réussir, en leur faveur, ce genre de travail.


Une démarche pédagogique bien motivée

Dans son évolution professionnelle, Gopal s’est rendu compte, selon ses propos, de l’importance, pour les artistes, de la transcription des textes de leurs œuvres. En effet, ceux-ci sont parfois demandés par des chercheurs universitaires aux fins d’études scientifiques. Et, ce ne devrait pas être le moment pour se mettre à courir dans tous les sens afin de trouver une solution viable. Ainsi, il lance un appel vibrant à ses collègues artistes pour qu’ils sachent anticiper par rapport à ce genre de besoin, soit en se faisant alphabétiser pour opérer soi-même la transcription, soit en confiant des travaux de ce genre aux Ateliers ’’Orijiji’’.


Une réelle expertise

Gopal Das Nounagnon manifeste un engagement pour le retour par les Africains à leurs langues nationales, de manière à faire accepter aux décideurs qu’il faudrait mettre en place des budgets conséquents pour l'éclosion de ces langues, leur essor, leur appropriation, un peu comme le fait la France, pour la langue française, à travers la francophonie, a-t-il comparé. Ce slameur reste le concepteur, le promoteur et le pratiquant, par excellence, du ’’Sassigbé’’, une initiative linguistique l’amenant à partir des profondeurs de la langue nationale pour en extraire les tournures les plus riches, les plus imprévues, « pour créer un choc de sens et de son à partir des impossibilités naturelles que je sais que nous avons », a-t-il expliqué, lui qui, en outre, met à son service, à l’effet de cette réussite verbale, les proverbes.
Gopal est donc un manipulateur spécialisé des langues nationales du Sud-Bénin, lui qui, en 2009, connaissait son premier apprentissage en alphabétisation à travers un processus étatique mis en place par l’ex-Ministère de l’Alphabétisation, visant à faire obtenir aux apprenants de cette époque l’équivalent du Baccalauréat en Langues nationales, et qui, finalement, n’a pas abouti, vu l’instabilité des portefeuilles au niveau de ce Département ministériel. Mais, en 2015, il s’enfonce dans la pratique de ses connaissances. Aujourd’hui, appelé par plusieurs institutions, prouvant un savoir-faire avéré dans l’alphabétisation et dans la transcription de paroles en langues nationales, Gopal Das Nounagnon se dit prêt à servir, en la matière, les artistes et toute personne, lui qui répond au numéro, 00229 66559420, et qui se trouve joignable au mail, gopaldasleslam@gmail.com.

Marcel Kpogodo

dimanche 17 mars 2019

Exposition du rôle essentiel des femmes dans les sociétés de masques en Afrique

Dans le cadre de la tenue du volet intellectuel du Feridama

Le Festival des Rituels et des danses masquées (Feridama) s’est déroulé du 12 au 16 décembre 2018. Son volet intellectuel s’est matérialisé par un colloque qui a eu lieu le jeudi 7 mars 2019 à la Salle Vip de l’ex-Ministère de la Culture. La Journée internationale du Droit des femmes étant d’actualité, la femme s’est invitée dans les réflexions, pour des communications assurées par des intellectuels africains de haut rang.

Le podium du volet intellectuel du Feridama
« Place et rôle de la femme dans les sociétés de masques en Afrique ». Le thème qui a mobilisé les réflexions lors de la tenue d’un colloque, dans l’après-midi du jeudi 7 mars 2019, à la Salle Vip de l’ex-Ministère de la Culture, sis zone de la route de l’Aéroport. Ce coolloque appartient au volet intellectuel de la 9ème édition du Festival des Rituels et des danses masquées (Feridama) ayant été organisée  du 12 au 16 décembre 2018. Cette séance d’échanges s’est effectuée dans le cadre de la Journée internationale des Droits des femmes, que le monde entier célèbre le 8 mars de chaque année. 

Aperçu du public
Se sont succédé au pupitre pour faire connaître leurs réflexions respectives concernant le sujet indiqué l’Ivoirien Konin Aka, le Malien Lassana Cissé, le Burkinabè Léonce Ki et le Béninois Richard Sogan.


Des communications

Léonce Ki
De façon préliminaire, Léonce Ki a planté le décor de l’abord du sujet en traitant le thème : « Du culturel au cultuel, masques vs religions révélées ». Ainsi, il a fait ressortir que 247 sociétés de masques existent au Burkina Faso, avant de rappeler les grandes aires culturelles que comporte ce pays et de rejeter une idée reçue sur le masque : il ne se limite pas à la tête. Puis, il a évoqué les grandes catégories de masques dans son pays : les masques de feuilles, les masques d’écorces, les masques de fibres, les masques de pailles et les masques de tissus. Achevant son propos, il a montré que le système des masques est mis en danger par les religions étrangères importées.

De gauche à droite, Lassana Cissé et Konin Aka
De son côté, Lassana Cissé, Expert ’’Patrimoine et développement local’’, étant intervenu sur le thème, « Place et rôle de la femme dans la société des masques dogon », il a montré qu’au Mali, les aires culturelles Bobo, Dogon et Bamanan sont celles au niveau desquelles se manifestent les sociétés de masques. De manière particulière, il a choisi de s’appesantir sur celle des Dogon. Pour ce communicateur, elle s’appelle ’’Ava’’, reste l’affaire des hommes et intervient lors des funérailles et de toutes les circonstances sociales où il s’agit de « rétablir l’ordre social et de maintenir de bonnes relations entre le monde des vivants et celui des morts ». Il faut être circoncis pour appartenir à cette société. Aussi, après avoir fait ressortir les éléments de la mission sociale des masques, il a établi de quelle manière la femme a découvert la pratique relative aux masques, même si elle se trouve exclue de son aspect rituel mais recherchée dans celui relatif à l’initiation.
Quant au Docteur Konin Aka, Conservateur principal-muséologue, Expert en Culture et développement, et Directeur général de l’Office ivoirien du Patrimoine culturel, sa communication s’est structurée en trois parties, basée sur le thème : « Le rôle de la femme dans les sociétés de masques en Afrique ». Dans une première, il a énuméré les sept sociétés de masques de la Côte d’Ivoire et fait connaître leurs caractéristiques : les masques krou, dan, toura, baoulé, yohoué, gouro et sénoufo. A travers la deuxième, le conférencier a satisfait la curiosité du public en montrant le rôle qu’exerce la femme au niveau de chacun de ces masques. Pour finir, dans une troisième, Konin Aka a abordé la manière dont les masques contribuent à l’équilibre social et à la paix.

Richard Sogan
Dernier communicateur, Richard Sogan, Expert du Patrimoine culturel et Conseiller technique à la Culture du Ministre béninois de la Culture. Dans son propos sur le thème, « Le rôle de la femme dans les sociétés de masques en Afrique : le cas du genre oral Guèlèdè », il a daté l’origine du ’’guèlèdè’’ à la mise en place du royaume de Kétou et a indiqué : « C’est une pratique sociale qui permet de conjurer la famine, les maladies, les épidémies et la sécheresse. Elle prône, par ailleurs, la cohésion sociale, et permet l’éradication de la mésentente et des discordes qui ont cours dans les familles ». Puis, selon lui, la femme en est le centre puisqu’il se tient autour des mères, les « Iya » à qui les hommes demandent pardon pour leurs méfaits, à travers les danses exécutées. Ceux-ci se servent de ce culte pour honorer la femme qui, pour Richard Sogan, « dans le ’’guèlèdè’’, joue, à la fois, le rôle de gardienne de la tradition mais, aussi, d’agent de transmission et de conservation des valeurs de la culture ». Voilà qui casse radicalement une idée reçue laissant croire qu’en Afrique, la femme est considérée comme un être humain de seconde zone.


De l’organisation 


Magdaléna Tovornik
Magdaléna Tovornik, représentante à l’Unesco du Conseil international des Organisations de festivals de folklore et d’arts traditionnels (Cioff), a été chargée d’organiser la succession des quatre communications qui ont été présentées et d’assurer la modération des débats. 

De gauche à droite, Koffi Adolphe Alladé et Marcel Zounon
Et, plusieurs autres personnalités ont, par leur présence, développé la valeur de la manifestation intellectuelle : Olabiyi Yaï, Ambassadeur honoraire du Bénin à l’Unesco, Carole Borna, Directrice du Patrimoine culturel, Dagbo Hounon Hounan, Chef de la religion endogène à Ouidah, Marcel Zounon, Directeur de l’Ensemble artistique national (Dean), Point focal du Cioff au Bénin et Président-Fondateur du Feridama, Koffi Adolphe Alladé, Directeur du Groupe traditionnel, ’’Hwendo na bu a’’ et Président de la Confédération béninoise de danses (Cobed), et Monique Blérald, universitaire guyanaise.  

Au dîner de gala ...
Dans la soirée du jeudi 7 mars, Marcel Zounon a convié ses hôtes à un dîner de gala qui leur a permis de savourer des mets béninois et un tableau des danses patrimoniales des grands pôles départementaux du Bénin.

Marcel Kpogodo

vendredi 15 mars 2019

’’Artisttik Africa’’ à Cotonou : ouverture ce 15 mars du 1er des 12 spectacles de théâtre

Dans le cadre d’une vaste programmation annoncée en conférence de presse

Le mardi 12 mars 2019 s’est tenue une conférence de presse à l’Espace culturel, ’’Artisttik Africa’’. Animée par son fondateur et Directeur, Ousmane Alédji, elle a donné l’opportunité à la personnalité de faire connaître aux journalistes la nouvelle programmation théâtrale devant enrichir le fonctionnement du Centre indiqué pendant les mois de mars et d’avril, à commencer par le vendredi 15 mars 2019.
Ousmane Alédji, au cours de la conférence de presse, de même qu' ... - Crédit photo : ''Artisttik Africa''
’’Négrititudes’’, à 20h30, au Centre culturel ’’Artisttik Africa’’, le vendredi 15 mars 2019, pour un ticket d’une valeur de deux mille francs Cfa, par personne. Le spectacle qui ouvre une série de douze représentations théâtrales, ce qu’a annoncé Ousmane Alédji, Fondateur et Directeur de l’Espace concerné, à travers une conférence de presse qu’il y a animée dans le milieu de la matinée du mardi 12 mars 2019.
Selon cette personnalité qui a construit de manière autonome et mis en scène le texte à partir de plusieurs productions d’Aimé Césaire, le comédien béninois Isidore Dokpa se livrera, à travers ’’Négrititudes’’, à un jeu de ’’One man’s show’’ permettant de cerner l’attitude contemporaine vis-à-vis de la négritude, un concept défendu par cet auteur martiniquais. Et, cette pièce de théâtre sera aussi jouée le samedi 16 et le dimanche 17 mars, à la même heure, selon le même tarif par unité de spectacle, sans oublier qu’elle revient sur scène les 5, 6 et 7 avril 2019.

Isidore Dokpa et ... - Crédit photo : ''Artisttik Africa''
A en croire, toujours, Ousmane Alédji, une seconde pièce, elle, au titre parodique, fera aussi son chemin à ’’Artisttik Africa’’, dans la même période : ’’La tragédie du roi Césaire’’, jouée pendant le Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), dans son édition 2018. Par ses explications, il a montré que cet ouvrage est une adaptation d’une pièce de théâtre bien connue du même auteur martiniquais : ’’La tragédie du roi Christophe’’. Ce livre de base reste le noyau d’une œuvre qu’a composée le metteur en scène béninois en exploitant d’autres pièces, des recueils de poèmes et, notamment, des essais césairiens. Il est question d’une « couture entre plusieurs portions de textes », a expliqué Ousmane Alédji.

... Nicolas Houénou de Dravo - Crédit photo : ''Artisttik Africa''
Ainsi, pendant 75 minutes, le public pourra se délecter du jeu d’un duo de comédiens s’illustrant par un parcours professionnel impressionnant : Nicolas Houénou de Dravo et Raphaël Hounto. La pièce, ’’La tragédie du roi Césaire’’, connaîtra six dates de représentation, à ’’Artisttik Africa’’ : les 22, 23 et 24 puis les 29, 30 et 31 mars 2019, selon les mêmes conditions de tarif et d’heure. Aux spectateurs, donc, d’aller massivement expérimenter un effort de programmation soutenue permettant de mettre en valeur une vision de travail acharné, un espace culturel dans ses installations et, entre autres, des comédiens rompus à l’exercice de leur profession.

Marcel Kpogodo