dimanche 17 décembre 2023

da Silveira et Tokoudagba, l’expression du rapport de l’homme à l’invisible

Dans le cadre du déroulement d’une exposition


’’Le Centre’’ de Lobozounkpa abrite une exposition collective dénommée ’’Ombres des Ancêtres’’. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 15 décembre 2023. Deux artistes peintres et plasticiennes l’animent. Il s’agit de Sika da Silveira et d’Elise Tokoudagba. Leurs œuvres abordent la connexion entre les vivants et les morts.


Sika da Silveira et Elise Tokoudagba, au cours du vernissage de l'exposition


Différentes catégories d’œuvres d’art, de la part de deux artistes visuelles, pour un objectif commun. L’essentiel à retenir d’ ’’Ombres des Ancêtres’’, une exposition dont le vernissage s’est déroulé dans le début de la soirée du vendredi 15 décembre 2023 au ’’Centre’’ de Lobozounkpa, situé au quartier d’Atropocodji, de l’arrondissement de Godomey, dans la commune d’Abomey-Calavi.


Sika da Silveira laisse découvrir par le public des toiles. Elle les a réalisées avec plusieurs matériaux. Ce sont l'acrylique, le fusain et le pastel. Quant aux couleurs, le noir, le blanc et le rouge s’imposent. Elles font référence, respectivement, à l'ombre, à la lumière, à la vie. L’association de ces matériaux et de ces couleurs joue un grand rôle. Ils illustrent la relation étroite entre les mondes des vivants et des morts. L’être humain en est le fil connecteur. Pour l’artiste, il est issu d’une substance infinie : Dieu. Elle en invite au recours aux croyances et aux pratiques culturelles. Elles ont été laissées aux générations actuelles par les ancêtres. Ce recours servira à communiquer avec le monde invisible et l'univers.


Sika da Silveira fait aussi valoir des œuvres photographiques. Elle y présente, notamment, la divinité du ’’vodoun’’, dénommée ’’Abicù’’. Elle est une entité intervenant dans un cas bien précis. Il s’agit de mettre fin aux décès de nouveau-nés dans une famille. Le but en est d’y garantir une vie paisible.


Avec l’œuvre, ’’Zoun mà bù’’, l’artiste attire l’attention sur un facteur actuel. Elle fait ressortir la double valeur écologique et spirituelle des arbres. Dans son propos, elle a expliqué la symbiose des ancêtres avec les forêts. Ceci est dû à leur caractère sacré. Elles constituaient des sites de déroulement de grands cultes et de rituels. Ils étaient dédiés aux ancêtres dans les traditions des pays africains. L’œuvre indiquée fait écho au poème, ’’Souffle’’, de Birago Diop. Elle lui rend hommage et permet une méditation. En sont à la base les vers, « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis ».


Elise Tokoudagba, le culte en avant ...


L’artiste s'inscrit dans la communication entre le visible et l’invisible. Ses œuvres sont des sculptures en argile et en fer. Elles sont enduites de peinture astrale à huile. Elles représentent la divinité, ’’ Gù’’, de la religion du ’’vodoun’’. Selon la créatrice, cette divinité détient les clés de la violence. Elle protège ceux qui l'invoquent contre tout sortilège provenant du fer.


Elise Tokoudagba s’inspire aussi des principes d’un culte particulier. Il se dénomme ’’Egun-Egun’’, en yoruba, et ’’Kùlitć’’ en langue du fon. En français, cela signifie ’’revenant’’. C’est une entité représentant les ancêtres décédés. Ils reviennent sous une autre forme auprès des leurs. Ils ont pour buts de les aider, de les guider et de conserver les totems. Ils veillent à la cohésion au sein de la famille, de génération en génération. L’artiste présente aussi la divinité, ’’Aziza’’. Cette entité apporte une abondance intarissable à son invocateur. De même, Elise Tokoudagba propose un tableau montrant la divinité, ’’Hêviossò Agbòtànklàn’’. Elle incarne le tonnerre, une entité justicière.

L’exposition, ’’Ombres des Ancêtres’’, prend fin le 23 février 2024.

Herman Sonon 

samedi 16 décembre 2023

Gbèmanwonmèdé, l'hommage posthume du Dr Raymond Gnanwo Hounfodji

 En célébration de la mémoire de l'artiste


Pierre Dossou Aïhoun, alias Gbèmanwonmèdé, est un artiste célèbre de la musique traditionnelle du Bénin. Au cours de ses 53 ans de carrière, il a révélé et promu le rythme, ''lomba''. Il émane de Covè, une ville du sud-Bénin d'où est aussi originaire le musicien. A l'âge de 87 ans, l'artiste a rendu l'âme, le 30 juin 2023, à la suite d'une longue maladie. Des hommages officiels lui ont été organisés au stade municipal de Covè. C'était en présence de personnalités politiques et de dignitaires de la région d'Agonlin. Parmi ceux-ci, on trouvait l'un des députés de la zone, Natondé Aké, et le roi Zéhè. Ces hommages se sont déroulés le 1er décembre 2023. Le chanteur traditionnel fut, alors, inhumé dans l'intimité familiale.  

Le créateur d'œuvres de l'esprit, en général, et l'artiste musicien, en particulier, intéressent les chercheurs, notamment, à l'université. Tel est le cas de l'un d'eux, le Docteur Raymond Gnanwo Hounfodji. Aujourd'hui, il est Professeur à l'université de Houston, dans l'état du Texas, aux Etats-Unis. Il a fait ses quatre premières années d'études en Lettres Modernes de l'actuelle Faculté des Lettres, langues, arts et communication (Fllac) à l'Université d'Abomey-Calavi (Uac), au Bénin. Au cours de celles-ci, il a été amené à travailler sur l'une des chansons de Gbèmanwonmèdé. Il finit aussi par le rencontrer. Ces types de contact avec l'artiste et l'amour de sa musique par l'universitaire l'ont fait réagir, à l'annonce de son décès et après le tenue de ses obsèques. Cet article d'hommage, parvenu à notre rédaction, livre tout un message. Il est celui du fondement de la soudure d'un chercheur à un musicien traditionnel traceur et mainteneur de liens destructeurs des distances ...    


Feu Pierre Dossou Aïhoun, alias Gbèmanwonmèdé - Crédit photo : Aubin Akpohounkè


« Ainsi, Gbèmanwonmèdé s'en est allé. Vive l'artiste !


À l'état civil, il répondait au nom de Pierre Dossou Aïhoun, mais ce virtuose de la musique traditionnelle était véritablement reconnu sous son nom d'artiste : Gbèmanwonmèdé. Le chanteur s’est éteint le 30 juin 2023, emporté par une série d'épreuves et d'épisodes sanitaires qui mirent fin aux derniers chapitres de son parcours terrestre. Il tira sa révérence à l’âge de 85 ans. Originaire de Houin, un quartier périphérique de Covè, dans la vallée pittoresque d'Agonlin, il s’imposa rapidement sur la scène nationale béninoise grâce à sa participation assidue aux compétitions de musique traditionnelle d'envergure, rencontrant des fortunes diverses. Pour mentionner quelques-uns de ses hauts faits, il peut être souligné quelques éléments d’illustration :


En 1997, avec son prestigieux prix de la meilleure création musicale, le Bureau Béninois des Droits d’Auteurs (BUBEDRA) décerna cette année-là, deux prix : l’un à la musique moderne et l'autre, à la musique traditionnelle. Dans cette édition, le chanteur remporta brillamment le prix du meilleur artiste de musique traditionnelle grâce à son 9e album, dont le titre phare était « Adan nou gbomi ». Dans cette chanson, une poignante célébration des vertus de l'amitié, le chanteur narre sa mésaventure au retour d’une visite dans la ville de Kétou. Pris à partie par les initiés de la divinité Oro et soumis au harcèlement sexuel d'une veuve sorcière, sa survie dans cette situation délicate a été possible grâce à l'intervention providentielle de connaissances influentes. Deux ans plus tard, sa contribution exceptionnelle à la musique traditionnelle fut, une fois de plus, reconnue lorsqu'il fut couronné meilleur chanteur traditionnel de l'année lors de l'édition 1999 de la Coupe Nationale du Vainqueur des Artistes du Bénin (CONAVAB). Ces distinctions attestent de la qualité et de la pertinence artistiques de Gbèmanwonmèdé, ancrant son statut en tant que figure majeure dans le paysage musical béninois.


Cependant, on se rappelle une année où, en dépit de sa performance exceptionnelle en finale, la victoire lui a été refusée. Le jury, après une longue délibération et prenant en compte divers critères, évoqua notamment que l'orchestre du chanteur avait pâti à cause de son habillement peu attrayant, jugé inapproprié pour la solennité de la compétition. En ces genres de circonstance malheureuse ou chaque fois que le chanteur trébuchait dans ses entreprises artistiques, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il utilisait humour et autodérision pour ne point se laisser aller à des complaintes futiles. C'était aussi sa stratégie pour anticiper et esquiver les railleries de ses critiques, leur dénier le plaisir de le ridiculiser avec succès. Ses triomphes, tout comme ses revers, devenaient des sources d'inspiration pour de nouvelles créations musicales, le propulsant non seulement au sommet de son art, mais également vers la célébrité nationale.


Homme décomplexé et humble, il n’est pas rare de le voir, dans les rues de son Covè natal, échanger salutations et amabilités avec ses compatriotes. En raison de son accessibilité, sa voix et son talent étaient souvent sollicités par de nombreux animateurs de radio pour composer le pré- ou post-générique de leurs émissions. La voix stridente de Gbèmanwonmèdé, entonnant « Aziza ɖɔ din ɔ̀ è sùn sɔ̀ », résonne encore dans les mémoires des témoins de cette époque-là. Car c'est sur cette mélodie devenue emblématique que Albert Kinhouandé prenait souvent congé de ses fidèles auditeurs à la fin de "Xovikléoun", une émission hebdomadaire de divertissement, très prisée et axée sur les faits divers, diffusée tous les samedis soirs sur les ondes de l'Office de la Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) dans les années 1980 et 1990.


Exhibant une créativité et une originalité exceptionnelles, le jeune chanteur talentueux connut une ascension fulgurante en érigeant sa carrière musicale sur le socle du Lomba, un rythme musical traditionnel caractéristique de la région d'Agonlin. Bien qu'il n'en fût pas le créateur, il en était cependant devenu le porte-étendard en lui conférant une visibilité nationale. Toute sa vie, il fit de ce rythme sa chasse gardée, comme en témoigne cette ritournelle qui vient souvent clôturer nombre de ses compositions musicales :


Coryphée : O lɔnba sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Lomba sohoun et vous invite.


Chœur : Aziza zɛhwè to bo wa kpɔn mi lo

Le génie est en spectacle, peuples, venez me voir.


Coryphée : Cɔkli sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Chocli sohoun et vous invite.


Chœur : Aziza zɛhwè to bo wa kpɔn mi lo

Le génie est en spectacle, peuples, venez me voir.


Coryphée : O lɔnba sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Lomba sohoun et vous invite.


Chœur : O nu ɖe ma nɔ ba tatɔ kpo ɖe gbɛmè

Aucun règne n'est dépourvu de son souverain dans la vie :

lan lɛmɛ̀ ɔn jawunta d'emɛxo

Parmi les animaux, c'est le lion qui trône en roi incontesté ;

Xɛ lɛmɛ̀ zùnhɔ wɛ ɖu baba

Dans le royaume des oiseaux, l'aigle s'élève comme le plus imposant ;

Odan ayiɖowxɛ̀do wɛ kpacɛ ni o dan b'ɛvɔ

L'arc-en-ciel, parmi les serpents, déploie sa majesté incomparable.

To bo wa kpɔn mi lo o

Peuples de la terre, accourez donc pour me voir !


L'insinuation dans ce refrain est véritablement magistrale et perspicace : Gbèmanwonmèdé, à travers une métaphore filée habilement doublée de l'apostrophe dans le verset final, s'est autoproclamé maître incontesté du rythme Lomba. Cette supériorité, qu'il a fièrement assumée tout au long de sa carrière, le positionne aujourd'hui en tant que légende de la chanson traditionnelle béninoise.


En dehors de ses apparitions régulières sur les chaînes de radio et de télévision, qui étaient pour moi des moments d'excitation et de fierté en raison de notre origine commune et de mon vif intérêt pour le contenu accrocheur de ses chansons, j'ai également eu la chance de rencontrer le chanteur à plusieurs reprises. Je vais brièvement évoquer quelques-unes de ces rencontres, toutes aussi anecdotiques que riches en enseignements.


J'ai fait la connaissance du chanteur pour la première fois à la gare routière de Covè. À cette époque, la gare se trouvait dans une rue adjacente à l'est du marché Azogotchébou et du quartier Ahito. J'avais probablement entre 8 et 9 ans et j'étais là pour accueillir ma grand-mère, en route de Cotonou après un long séjour sanitaire. Partagé entre l'anxiété et l'impatience de la revoir enfin après son absence insupportable, je m'adonnais à mille et une distractions pour tuer le temps. Soudain, je vis le chanteur émerger de la RNIE 4, la voie nationale passant devant le marché et traversant Covè pour relier Bohicon à Zagnanado et d'autres contrées. Il marchait, tirant à ses côtés un vélo flambant neuf de marque Peugeot. Arrivé à la gare, il s'arrêta à une bonne distance de moi. Était-il venu rencontrer un voyageur en provenance de Cotonou comme moi, ou vaquait-il tout simplement à ses affaires ? Je ne saurais le dire ! J'étais donc en présence du plus grand chanteur de Covè et l'un des meilleurs chanteurs traditionnels de mon pays. Sans trop lui montrer mon euphorie d’être en sa présence, discrètement, je le scrutais du coin de l'œil. Parfois, lorsque son regard était ailleurs, je le fixais intensément pour bien graver en tête sa frêle silhouette, silhouette qu’il a, du reste, gardée jusqu’à la fin de ses jours. Au bout d'un moment, le chanteur remarqua mon manège et décida de m'adresser la parole :


 Ɖakpɛvi fitɛ ka nu wè (Jeune homme, d'où viens-tu dans la cité ?)

 Zogbanu kpɛvi ɖè wɛ nu mi (Je suis un petit Zogbanou), balbutiai-je instinctivement.

 Zogbanu kpɛvi ɖè ka ɖeǎ (Il n'y a point de petit Zogbanou), me rétorqua-t-il.


À l'arrivée soudaine d'un taxi, je m'éloignai de mon interlocuteur, car j'avais hâte de retrouver ma grand-mère ! Bien que très bref, et bien que le temps en ait certainement effacé les détails, notre échange reste gravé dans ma mémoire. Ce dont je me souviens encore aujourd'hui, c'est la chaleureuse candeur qui émana de la sentence corrective que le chanteur eut le temps de me lancer : « Il n'y a point de petit Zogbanou ». 


Je n’ai guère oublié son invitation au jeune garçon que j’étais à me départir de la mésestimation, à avoir la confiance en soi. De ce jour lointain naquit mon intérêt, voire mon obsession, pour le chanteur et son œuvre. Plus tard, j'appris que ma grand-mère maternelle et le chanteur venaient de la même concession, tous deux descendants de la famille Hounmanon Dah Kpoguènon de Houin Agbangnanhoué. Mais, à nos rencontres subséquentes, je ne jugeai guère opportun de lui avouer nos liens de parenté. Cela importait peu pour moi, car notre première rencontre était déterminante, en cela qu’elle était le ciment ayant scellé un lien implicite entre nous et allait guider plus tard ma décision d’entreprendre des travaux de recherche sur ses chansons.


Entre 1998 et 1999, période pendant laquelle je résidais à Covè et enseignais au CEG de Zogbodji, devenu CEG 1 de la ville, j'eus une autre rencontre fortuite avec le chanteur. Un jour, de retour d'une visite à un collègue à Houin, je remontais tranquillement à pied la rue menant au centre-ville, passant devant Tolègbaholi, quand je surpris un homme, comme pris dans un piège, il se démenait dans son agbada (boubou ample) complet. Arrivé à son niveau, me voici nez à nez avec le chanteur. Lorsque je m'enquis si tout allait bien, il m'informa qu'il revenait d'une prestation musicale et qu'il essayait de cacher une partie de sa recette dans la poche de sa culotte. Sans même me laisser le temps de lui demander pourquoi tant de précautions, il me lança avec un visage empreint d'un sourire jovial invitant à la complicité : « Nyà cè (mon semblable), je suis père de famille ; une fois chez moi, toute cette recette va aussitôt partir en fumée si je ne mets rien de côté pour les jours de vaches maigres ». Après cette information prévenante, la leçon que le chanteur voulut m’enseigner était évidente. De la sorte, je ne cherchai guère à l’interroger davantage ; nous échangeâmes quelques amabilités et chacun continua son chemin.


En juin 2005, en compagnie de mon épouse, je rendis visite au chanteur afin de lui remettre en mains propres une copie de mon mémoire de Master intitulé : ''Gbèmanwonmèdé et son œuvre : Aspects socio-littéraires de quelques chansons''. 


Ce document, achevé la même année à l'Université de St Thomas à Houston au Texas, sous la direction de la professeure Rolande Leguillon, était accompagné d'un support numérique : un CD contenant le corpus des chansons que j'avais compilées et digitalisées dans le cadre de mon travail. Cette démarche était novatrice, car à l'époque, la discographie du chanteur était principalement constituée de cassettes.


Précédemment commencé entre 1997 et 1998, ce travail devait marquer la fin de mes études universitaires en Lettres modernes au Bénin. Durant tout mon cursus, le professeur Ascension Bogniaho nous avait initiés à la littérature orale à travers plusieurs cours, insufflant en nous une véritable passion pour ce domaine. Ainsi, lorsque vint le moment de choisir un sujet de mémoire de maîtrise, j'optai immédiatement pour les chansons de Gbèmanwonmèdé


Dans le cadre de ce travail, j’ai dû faire des va-et-vient interminables chez le chanteur et d’autres personnes-ressources vers qui il me dirigea pour recouper des informations sur les origines du Lomba. Malheureusement, en raison de circonstances étranges, dont je vous épargne les détails, cette recherche ne connut pas d'avancées significatives avant mon départ du pays en 2001.


En somme, le chanteur, ne comprenant pas pleinement la portée de ma démarche et la raison d'être du document que je lui offrais, semblait préférer que je partage avec lui les bénéfices financiers que mon travail aurait pu générer. Après quelques explications sur le sens de ma démarche, il scruta longuement mon épouse et moi-même avant de nous lancer : « nùnywɛ́ vɛ́ axi hǔ akwɛ́ » (« La connaissance est plus précieuse que l’argent ! »). 


Après ces termes péremptoires empreints de sagesse du chanteur, nous nous séparâmes, et je ressentis un profond sentiment de satisfaction d'avoir amorcé un travail auquel bien d'autres pourraient contribuer à travers des développements d’autres aspects.


Chanteur d'une prolificité inégalée, constamment en communion avec les muses, Gbèmanwonmèdé a accumulé au fil de sa carrière une discographie à la fois riche et impressionnante, composée de nombreux albums, chacun comprenant au moins une dizaine de chansons. Déjà en 2004, dans le cadre de ma recherche, j’avais répertorié une douzaine d’albums, majoritairement produits par les éditions, ''Dinapel'', de Séraphin Tohounta. Étant donné les contraintes imposées par un mémoire de Master, le champ couvert par mon examen était significativement parcellaire. Cependant, une analyse approfondie des chansons sélectionnées révèle une structure thématique triangulaire, avec pour axes cardinaux : Dieu, l'existence et les humains. 


En écoutant attentivement le chanteur, on constate une variété dans ses paroles, passant de l'exaltation des sentiments divin, religieux et existentiel à l'exhortation des êtres humains à vivre en harmonie. Les thèmes récurrents dans ses textes gravitent autour de la mort, du destin, de la vanité humaine, de Dieu, de la religion, de la souffrance, de la misère, etc. De manière notable, ses chansons évoluent d'un empirisme de « villageois » vers une philosophie de l’universel. Ses réflexions, loin de se baser sur des raisonnements a priori, trouvent leur fondement dans des faits et des méfaits de la société, ainsi que dans des expériences personnelles vécues, que ce soit dans son voisinage immédiat ou lointain.


En tant qu'observateur averti, chaque chanson devient pour lui un moyen de célébrer les actions louables ou de dénoncer les tares sociales. S’appuyant sur des faits de société irréfutables, des expériences de vie réelles, le chanteur formule des leçons de morale et de bien-vivre, appelant à l'adhésion du public. La profondeur et la pertinence de ces enseignements lui ont valu, à juste titre, le surnom de "philosophe". De ce fait, prenant conscience du rôle social qui lui incombe, on comprend alors pourquoi le refrain suivant fonctionne comme une sorte de leitmotiv que le chanteur reprend dans la plupart de ses chansons : « Ma chanson, c'est le livre de la vie, et je m'attelle à vous en décrypter les lignes ».


La mort demeure l'une des thématiques qui ont le plus captivé le chanteur et qui ont dominé ses compositions musicales. À maintes reprises, il a exploré ce sujet, l'analysant sous toutes les coutures et offrant des réflexions à la fois transversales et métaphysiques, sans jamais parvenir à une conclusion définitive. La seule certitude qu'il offre à ses auditeurs est que la mort représente un voyage ultime, un départ sans retour. Par exemple, sa chanson intitulée ''Min on ku nugbo'' (''La personne est effectivement morte !''), devenue une sorte de rengaine, s'impose comme un chant funèbre classique joué en boucle lors des cérémonies funéraires. Dans cet hymne à la mort, le chanteur, tout en exprimant ses compassions aux endeuillés, leur rappelle cependant que la mort est un passage inéluctable auquel nul n’échappe et que le défunt n’y reviendra pas.


Coryphée : Que l’au-delà lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille !

Que la Providence lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille !

Chœur : Que la mort lui ouvre ses portes, qu’elle lui ouvre ses portes à jamais !

Coryphée : Le vent, en son périple vers un pays, ne se trompe jamais d’itinéraire.

Chœur : Que la mort lui ouvre ses portes, qu’elle lui ouvre ses portes à jamais !


Pierre Dossou Aïhoun, face au joug implacable de la mort, n’a pas fait exception ; il s’en est effectivement allé après 85 ans de vie. Mais son alter ego, Gbèmanwonmèdé, lui, s’est immortalisé en laissant un legs artistique inestimable à nous, ses contemporains, et, surtout, à la postérité. Par la magie des nouvelles technologies, sa voix chaleureuse continuera à nous fredonner ses chansons pétries de sagesse, d’enseignements philosophiques, d’humour et même de vulgarités plaisantes.


Adieu, Pierre Dossou Aïhoun, et « que l’au-delà lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille ! »

Vive l’artiste ! »


Le Professeur Raymond Gnanwo Hounfodji, de l'université de Houston, du Texas, aux Etats-Unis

                                                                                                                              

Raymond G. Hounfodji

mardi 28 novembre 2023

Éric Médéda, des questions vitales sur la tradition

Dans le cadre d'une exposition à Cotonou

Une exposition collective s'est ouverte le samedi 25 novembre 2023. L’événement se passait au Centre culturel chinois de Cotonou, au Bénin. Eric Médéda, artiste contemporain, appartient au groupe des créateurs chinois et béninois. Il y montre quatre œuvres. Elles concernent la tradition béninoise. Il l’explore par des questions sur les trois dimensions du temps.


Eric Médéda, au cours du vernissage au Centre culturel chinois

Qu'avais-je été avant aujourd'hui ? Qui suis-je ? Que suis-je devenu ? Les questions fondamentales que se pose l’artiste contemporain béninois, Eric Médéda, pour le compte d’une exposition collective bénino-chinoise dont le vernissage a eu lieu le samedi 25 novembre 2023, à la salle polyvalente du Centre culturel chinois de Cotonou.

Les trois questions indiquées sont au centre de l’œuvre, ’’Tombée des masques’’. Le visiteur peut en découvrir trois autres, produites par Eric Médéda. Elles l’ont été au cours de la résidence de création ayant débouché sur l’exposition.

’’Partir ou Rester’’ porte un message profond dont seul le contact visuel du visiteur lui permettra le décryptage. Selon Éric Médéda, la toile aborde la soif du citoyen béninois d'aller vers les traditions étrangères. « Pour nous, Béninois, la question se pose tous les jours : est-ce que je dois partir ou rester, avec la richesse de mes traditions spirituelles, sociales, etc. ? Où aller et par quel chemin ? », a clarifié l’artiste, lors d'une brève présentation, au vernissage de l'exposition en question.

Sur cette peinture abstraite, il s’aperçoit trois portes ouvertes sur une ombre indécise d'un début de voyage vers d'autres horizons. Cette œuvre nourrira certainement la réflexion des visiteurs sur la question de la rencontre avec les traditions de différents pays.

Quant à ’’La Rencontre’’, il s’agit d’un tableau à découvrir absolument. Avec ’’L'Oubli’’, l’artiste s’exprime à travers la conception de jeux de flèches. Il y dénonce une faille importante de la mémoire de l'humanité, donc, la tradition. Elle laisse disparaître des pans remarquables de l'histoire.

La plupart des œuvres de l'artiste sont réalisées à travers une technique mixte, avec de l'acrylique sur toile. Elles appartiennent à une exposition collective qui se clôt le 29 novembre 2023. Elle a pour thème, “Traditions - Transversées - Transmissions”. Elle est le fruit d’une résidence de création. Elle a débuté le 10 novembre 2023 pour s’achever le 23. Elle a engagé la synergie du travail entre cinq artistes contemporains béninois et six, chinois, tous, de la nouvelle génération. Premièrement, à part Eric Médéda, il y avait Pierre Mahoussi Ahodoto, Charles d’Almeida, Anne-Marie Akplogan et Sika da Silveira. Deuxièmement, Junxian Zhang, Kai Yan, Haimian Li, Waiwai, Yuan Huang et Bin Liu sont spécialement venus de la Chine pour s’impliquer dans la manifestation artistique.



Eric Médéda, une énergie profonde et abondante


L'artiste contemporain vient d’une précédente exposition. Elle s’intitulait ’’Anonymous’'. Elle s’est déroulée du 15 septembre au 16 novembre 2023. Elle avait pour site le restaurant, ’’La gallery’’, situé à Cotonou, au quartier de Ganhi. Eric Médéda y avait présenté non moins d’une quinzaine de toiles amenant à une profonde réflexion sur les êtres anonymes et les ombres. Elle avait connu un vernissage auquel a pris part Jean-Michel Abimbola, ministre béninois du Tourisme, de la culture et des arts.

A l’occasion, l’artiste s’était exprimé pour aider le public à la compréhension de ses productions du moment : « Ce que nous voyons dans cette salle nous invite à un spectacle orchestré par les ombres. Pour moi, les ombres, particulièrement, dans l'obscurité, incarnent la richesse de notre tradition initiatique au Bénin, en Afrique. En effet, huit initiations sur dix se déroulent dans la nuit, dans notre culture, symbolisant, ainsi, notre passage de l'obscurité à la lumière ».

A travers ses œuvres, l'artiste faisait percevoir la préservation du précieux héritage culturel immatériel du Bénin. Il expliquait sa démarche de travail, en ces termes : « J'ai choisi, au départ, la technique du tamis pour rétablir les liens avec notre histoire. Cependant, en le faisant, j'ai ressenti que nous laissions de côté les acteurs de cette histoire. C'est pourquoi, je représente, désormais, ces personnes dansantes, disparues, impossibles à identifier, sur mes toiles. Ce sont peut-être des individus issus d'histoires que j'ai entendues ou qui naissent de mon imagination quotidienne. Mon but est aussi de révéler le secret immatériel caché dans le couvent ».

Coffi Adjaï, curateur de l'exposition, avait donné son décryptage du choix du thème de l’exposition, ’’Anonymous’’. Selon lui, il est né d'une question fondamentale : « Pourquoi ne pouvons-nous pas voir les visages de ces êtres invisibles qui viennent et qui repartent sans que nous puissions identifier leur identité ? » Cette interrogation a naturellement conduit à l'utilisation du mot “Anonyme”, se traduisant, en anglais, par “Anonymous”, pour désigner l'exposition.

« L'exposition, ’’Anonymous’’, explore le mystère des visages que nous cherchons mais que nous avons perdus. Nous rencontrons des individus, au quotidien, sans aucune garantie de les revoir le lendemain, parfois, même, sans nous souvenir d'eux. Ces rencontres fugaces et ce message sont partie intégrante de cette exposition », avait ajouté Coffi Adjaï.


Des œuvres qui ont beaucoup questionné


Les œuvres exposées invitaient à la réflexion. Parmi elles, ’’Messagers Communs’’ se préoccupait de la communication et de l'harmonie entre les êtres humains. Éric Médéda avait, alors, partagé sa compréhension de cette œuvre. « À l'origine, j'avais baptisé cette œuvre, ’'Tolègba’’. Il s'agit de l'être commun à chacun de nous, qui communique intérieurement des messages d'union et de paix ».

L'œuvre éponyme de l'exposition, ’’Anonymous’’, encourageait, quant à elle, les visiteurs à plonger au plus profond d'eux-mêmes, là où ils restent souvent anonymes pour les autres, afin de construire et de définir leur véritable identité. « C'est une invitation à chacun de nous, confronté à sa propre profondeur anonyme, à se construire et à découvrir sa véritable essence ». Cette exposition pouvait, ainsi, être considérée comme un fondement pour conduire à un certain développement personnel chez les visiteurs.

Lors du vernissage, le ministre, Jean Michel Abimbola, avait adressé ses félicitations à l'artiste, Éric Médéda. « Nous croyons en cet artiste qui a fait ses preuves et qui possède une signature artistique reconnaissable. En nous associant à l'exposition, ’’Anonymous’’, nous nous engageons à transmettre son message, un message qui puise au plus profond de notre patrimoine culturel immatériel au Bénin. Éric Médéda explore l'anonymat, les ombres, avec une délicatesse qui semble caresser la toile. Son approche légère résonne avec une quête philosophique transcendante, questionnant l'essence de l'anonymat, des fantômes, des revenants, et de l'esprit. Tout cela transparaît dans ses peintures et dans les thèmes qu'il aborde ».


En relation avec le retour au Bénin des 26 trésors royaux ...


Éric Médéda s'était illustré en participant à l'exposition contemporaine ayant accompagné le retour des 26 trésors royaux. Elle s’intitulait : « Art du Bénin d'hier à aujourd'hui : De la restitution à la révélation ». L'artiste, à travers l’exposition, ’’Anonymous’’, en avait exploré la dimension spirituelle par son œuvre, ’’Seules ou deux’’. Il y partageait une expérience personnelle, à en croire ses explications. « En peignant cette œuvre, j'ai rencontré spirituellement ma défunte mère, à plusieurs reprises, en me posant inlassablement la question : est-elle seule dans son univers éternel ou sommes-nous à deux dans mon atelier de travail ? ».

La démarche thématique d'Éric Médéda, lors de l’exposition, ’’Anonymous’’, mettait aussi en lumière le rôle essentiel des femmes dans la préservation de la richesse culturelle. Il faisait comprendre que l'anonymat imposé aux femmes avait une valeur culturelle significative : « On pourrait penser que, dans notre environnement, au Bénin, les femmes sont privées de liberté d'expression mais c'est une idée fausse. Les hommes, avec sagesse, préservent toute la richesse que détient la femme. Par exemple, lors de l'intronisation d'un roi, dans la culture béninoise, les femmes jouent un rôle prépondérant ».

Léandre Houan / Marcel Gangbè-Kpogodo



Des personnalités se sont prononcées sur l'exposition, ’’Anonymous’’, après l’avoir visitée


Ludovic Fadaïro, artiste plasticien : 

« Éric est un artiste que je suis depuis un certain temps, et mes impressions ne peuvent qu'être empreintes de fierté. La manière dont il franchit les étapes, sans difficulté, montre qu'il a le désir d'aller plus loin et de se révéler davantage au monde. Le Bénin est un grand pays de création, car nous avons eu la chance d'avoir un cousin qui est le ’’vaudou’’. Nous avons l'accoutrement, le geste, le son, la danse, etc., les couleurs et les formes, aussi. 

Et, j'ai l'habitude de dire que l'artiste issu de la culture ’’vaudou’’ a un potentiel d'âge, de possibilités, pour s'exprimer au monde entier. Donc, nous avons de quoi puiser pour nous exprimer et, qu'on le veuille ou non, on n'a pas forcément besoin d'être ’’vaudouisant’’ mais il faut savoir que cela existe, que c'est l'esprit qui nous guide. Aujourd'hui, les jeunes artistes font mieux, et je ne peux que les admirer, les accompagner, pour le bonheur de la création béninoise ».



Gildas Agonkan, Ambassadeur du Bénin au Niger :

« Un véritable travail est accompli. J'ai constaté l'abstraction de la peinture et de l'art mais d'un art qui parle, qui dit quelque chose. Il faut avoir de l'intelligence, du doigté pour pouvoir lire le message derrière chaque tableau de l'artiste. C'est là que réside la force des artistes. Lorsqu'on peut facilement détecter un artiste, à travers ses tableaux, cela signifie qu'il y a un problème. 

La valeur d'un artiste réside dans la complexité de son œuvre et dans la cohérence du message qu'elle porte. Ce soir, à mon arrivée, j'ai constaté que tout était en place. Aux jeunes qui s'identifient dans l'art plastique, aujourd'hui, je souhaite qu'ils prennent le temps de s'améliorer, qu'ils puissent approfondir leur art pour transmettre un message authentique, comme l'a montré l'artiste, ce soir ».



Agboka Sankara, artiste togolais, Promoteur du festival, ’’Emomé'art’’ :

« L'artiste a travaillé, et j'ai remarqué que son travail a beaucoup évolué. Il a une touche particulière. […] La thématique que l'artiste développe est celle de nombreux questionnements. Qui sommes-nous en tant qu'être ? Que voulons-nous faire ? Que voulons-nous devenir ? Quel est notre rapport à la société ? Quelle est notre dimension spirituelle, psychologique et physique ? Autant de questions que l'artiste a développées dans ses œuvres. Et, comme on le dit souvent, chaque lutte commence, d'abord, spirituellement, avant de se manifester physiquement. 

J'ai constaté, ce soir, que l'artiste est parti de cette étape spirituelle pour transcender le physique. Pour moi, c'est une création qui invite au respect de nos ancêtres, qui que vous soyez. Aujourd'hui, il existe des gens qui sont sortis de familles religieuses catholiques, mais qui possèdent tous une racine, une origine ’’vaudou’’. Ici, la relation entre le ’’vaudou’’ et Éric, qui n'est pas un initié mais le descendant de parents initiés, montre le regard de cet enfant non initié vers la tradition. 

En observant ses œuvres, on s'aperçoit qu'il n'a pas créé un conflit intergénérationnel, mais, plutôt, qu'il a puisé des éléments de la tradition pour concilier les deux générations. C'est ce que j'ai retrouvé ce soir, et, en tant qu'activiste des droits humains et artiste togolais, je me suis retrouvé pleinement dans ses œuvres. Il m'a donné, une fois de plus, la certitude de cultiver ma relation avec les ancêtres de ma tradition. 

J'ai vu, aussi, le public qui a apprécié ces toiles, avec la présence du ministre, qui a livré un message positif sur la création d'Éric. Je crois qu'avec cette progression, Éric s'imposera davantage dans l’art plastique, au Bénin, en Afrique et dans le monde entier ».



Imorou Boubacar, un visiteur de l'exposition, sur le tableau, ’’Dialogue’’ :

« […] j'aperçois un personnage, et, à travers sa tête, en croquis, je vois une coupe. Pour moi, c'est l'essence de la vie. Comme je le conçois toujours, les artistes sont spirituels. Ici, particulièrement, l'artiste ne parle pas, mais arrive à combiner la tradition et la modernité, dans son art. Pour moi, l'exposition, ’’Anonymous’’, a transformé un simple restaurant en un lieu d'expression artistique et de questionnement sur notre identité, notre tradition et sur notre recherche spirituelle. L'art d'Éric Médéda résonne au-delà des toiles, invitant chacun à plonger dans son propre anonymat pour mieux se découvrir ».

Propos recueillis par Léandre Houan 

dimanche 10 septembre 2023

Sètondji Dimitri Fadonougbo, à la cime du cinéma africain

Dans le cadre de la naissance de la Fépafca


La Fédération panafricaine des Festivals de cinéma et de l’audiovisuel (Fépafca) est née. Elle a vu le jour le 12 mai 2023, à Khouribga, au Maroc. Elle s’est dotée d’un Conseil d’Administration (Ca). Sètondji Dimitri Fadonougbo en a été élu à un poste clé. Un honneur pour le Bénin, son pays d’origine.


Aperçu de quelques membres du Bureau de la Fépafca dont Sètondji Dimitri Fadonougbo, en deuxième position, de la gauche vers la droite

Sètondji Dimitri Fadonougbo, Secrétaire général de la Fédération panafricaine des Festivals de cinéma et de l’audiovisuel (Fépafca). Le verdict du congrès constitutif de l’association indiquée, qui s’est tenu du 9 au 12 mai 2023, à l’hôtel ’’Farah’’, en marge du déroulement de la 23ème édition du Festival international du Cinéma africain de Khouribga (Ficak), dans la même ville évoquée, remarquable, mondialement, dans la production du phosphate, et située à 120 km, au sud-est de Casablanca, au Maroc.




L’élu béninois est le Délégué général des Rencontres cinématographiques et Numériques de Cotonou (Recico). Il appartient, au sein du Conseil d’Administration du Fépafca, à un bureau de 13 membres. Le Président en est Iz-Eddine Gourirran, Directeur du Ficak. Comme leurs pairs, les membres fondateurs du Fépafca sont des directeurs de festivals africains de cinéma. 


Ils sont venus d’un peu plus d’une dizaine de pays : Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Îles Comores, Maroc, Mauritanie, Niger, Rwanda et Tunisie. Le Canada a aussi été représenté, au niveau de la nouvelle instance du cinéma africain, au titre de la diaspora africaine illustrant et représentant ce cinéma depuis l’étranger. Les membres du premier Ca du Fépafca disposent d’un mandat de quatre ans pour faire leurs preuves.


Objectifs et projets


A en croire l’article 2 de ses statuts, la Fépafca se préoccupe d’atteindre sept objectifs : le renforcement de la coopération et des échanges entre les festivals africains de cinéma, la promotion du cinéma africain à travers le monde, l’incitation à la création et à la restauration des structures de diffusion des œuvres cinématographiques et vidéographiques, des actions visant à « favoriser le développement de l’industrie cinématographique en Afrique », la promotion de la diversité et de la représentativité dans le cinéma africain, la sensibilisation et l’éducation des publics africains sur le cinéma. Enfin, la Fépafca voudrait travailler à « contribuer à la création d’un cadre de financement » des festivals qui en sont membres.


Par ailleurs, ses quatre projets, à court terme, sont liés à réaliser les formalités adéquates pour sa reconnaissance officielle, la conception de son plan stratégique et de son plan d’actions, la mise en place de ses outils de gestion et, enfin, le combat pour la reconnaissance de la Fépafca par l’Union africaine.


Un tel cahier de charges, exige un engagement du premier Ca de la toute nouvelle association.

Marcel Gangbè-Kpogodo



Bureau du Ca de la Fépafca





M. G.-K.


jeudi 7 septembre 2023

Ezin Pierre Dognon, la résistance pour le doctorat

Dans le cadre de la soutenance de son mémoire


Le mardi 18 juillet 2023 a été proclamé un résultat remarquable à Aix-Marseille université (Amu), en France. Il s’agit du décernement d’un grade universitaire de haut niveau. En était bénéficiaire Ezin Pierre Dognon, un acteur culturel du Bénin, son pays d’origine. Le résultat universitaire élogieux révèle la victoire de l’homme contre une dizaine d’années de situations d’adversité.


De gauche à droite, Nicolas Darbon, Ezin Pierre Dognon, Pierre Albert Castanet, derrière les deux, Martin Laliberté, Odile Blin et Jean Vion-Dury, au niveau des ordinateurs, en distantiel, Apollinaire Anakésa-Kululuka, Sophie Stévance et Romuald Tchibozo. 
 

Contre vents et marées, Ezin Pierre Dognon, désormais, titulaire d’un PhD en Musique et musicologie. Ainsi en ont décidé, le mardi 18 juillet 2023, à Aix-Marseille université (Amu), dans la ville d’Aix-en-Provence, les huit membres du jury constitué dans le sens de la soutenance de son mémoire par le concerné, sur le thème, « Trajectoire des musiciens de style tradi-moderne entre l’Afrique (Golfe de Guinée) et la France au XXIème siècle : étude des conditions de réussite esthétiques, technologiques et interculturelles ». 


Ce jury a été présidé par Martin Laliberté, Professeur des Universités à l’université de Paris-Est. Le mémoire qu’a défendu Ezin Pierre Dognon avait trois co-directeurs. Il s’agit de Nicolas Darbon et de Jean Vion-Dury, tous deux Maîtres de Conférences avec Habilitation à Diriger des recherches (Hdr), à l’Amu, puis d’Apollinaire Anakésa-Kululuka, Professeur des universités aux Antilles. Deux rapporteurs et deux examinatrices ont renforcé le jury. 


Il est question, respectivement, d’une part, de Pierre Albert Castanet, Professeur émérite des Universités à l’université de Rouen, et de Romuald Tchibozo, Professeur des Universités à l’université d’Abomey-Calavi, au Bénin. D’autre part, il s’agit d’Odile Blin, Maître de Conférences Hdr, à l’université de Rouen, et de Sophie Stévance, Professeur des Universités à l’université Laval, du Québec, au Canada. Apollinaire Anakésa Kululuka, Romuald Tchibozo et Sophie Stévance ont pris part à la soutenance en distanciel, par la voie numérique.  


Le nouveau grade qu’a conquis le lauréat n’a pas fait l’objet d’une mention ni donné lieu au port de la toge de Docteur d’Etat par l’élu. Cette double tradition n’a plus cours dans les universités françaises. Pour en arriver à son fait d’armes, Ezin Pierre Dognon a dû franchir bon nombre d’obstacles, depuis son arrivée en France, une dizaine d’années plus tôt. 



Une victoire qui s’est bâtie sur la durée


Il arrive en France le 30 juillet 2013. Il avait bénéficié d’un visa de touriste. Son but : prendre part au mariage de sa sœur. En quittant le Bénin, il s’était enrichi d’une batterie de diplômes : un Baccalauréat de série B, obtenu en 2007, un Brevet de Technicien supérieur (Bts) en Communication d’Entreprise, en 2009, puis une Licence en Communication et Relations internationales, un Master I et un Master II dans la même filière, respectivement, en 2010, 2011 et en 2012. 


Sur le territoire français, il ne parvient pas à régulariser sa situation administrative. Il avait obtenu une inscription à l’Ecole d’Art et de la culture de Paris. Il l’a effectuée pour un Master of Business administration (Mba) en Médiation culturelle, dans l’option de ’’Management de la Musique, des festivals et du patrimoine’’. C’était grâce au processus promu par une structure appartenant à l’Institut français. Elle se dénomme ’’Campus France’’. Cette inscription s’était produite pendant qu’il était à Cotonou. Il préparait son arrivée à la Métropole. Cependant, il n’en avait pas obtenu le visa, même après avoir subi l’entretien classique. 


En France, il s’est mis à préparer, dans l’établissement mentionné d’enseignement universitaire, le diplôme évoqué. Il en avait profité pour s’adresser à une préfecture. Il poursuivait le but d’obtenir un titre de séjour. Elle lui a enjoint de reprendre le processus avec ’’Campus France’’. Pouvait-il en retourner au Bénin, pour autant ? « Un rude combat », cette conquête de sa régularisation administrative en France, commente Ezin Pierre Dognon.


En 2014, il s’offre le Master of Business administration (Mba). Il était sans papiers ; il n’avait obtenu qu’un Récépissé de la part de la préfecture. La situation rend difficile qu’il s’inscrive à l’université pour poursuivre ses études afin d’obtenir un doctorat d’Etat. Pour lui, elle n’est, néanmoins, pas impossible. Il opte pour la musicologie. Il y confectionne un protocole de recherche. Il suit des cours dans bon nombre d’enseignements de cette filière. Ce sont, entre autres, l’Histoire de la musicologie, l’Histoire de la musique contemporaine et l’Histoire des musiques. Il a même reçu des cours de guitare à un certain conservatoire, celui de la ville du Bouc-Bel-Air


Ces différents acquis ont facilité que son inscription en doctorat soit reçue. Ezin Pierre Dognon a, ainsi, mené des recherches et en a déposé un mémoire. Il l’a soutenu, avec succès, le mardi 18 juillet 2023. 


Ezin Pierre Dognon, au cours de sa soutenance ...


Il fait, de cette expérience, un vrai bilan. « Ce sont sept années de recherches intenses dont cinq ont été passées en situation irrégulière, c’est-à-dire sans titre de séjour  ni revenus ni ressources, avec une interdiction de travailler légalement mais, avec le devoir d’aller à la faculté, d’aller lire des ouvrages, de faire des recherches, de proposer des séminaires, des conférences, de répondre à des publications scientifiques, et le devoir de se rendre disponible pour les activités de son laboratoire et de son école doctorale. Donc, c’étaient des moments intenses de galère », achève-t-il, comme essoufflé. 


Il a puisé en lui des ressources en courage, en endurance, en foi en l’avenir, en positivité et, notamment, en persévérance. Il fallait triompher de l’adversité ambiante pendant les moments difficiles évoqués. Pour Ezin Pierre Dognon, il a réussi à tenir grâce aux membres de sa famille, à ses directeurs de recherche et aux responsables de ’’Perception, représentations, image, son, musique’’ (Prism), le laboratoire dans lequel il a servi. Ce fut un « long combat psychologique, mental et physique », ajoute-t-il, de 2013 à 2021, l’année où il finit par obtenir un titre de séjour de dix ans, en France.  



Musicologue, pratiquant musical, ...


Jeune Docteur d’Etat, il garde, à son actif, pas moins de sept articles publiés dans des revues dédiées, une dizaine de participations à des conférences scientifiques, six cas d’animation de rencontres scientifiques, sept concernant des projets du même ordre, plus précisément, en musicologie. Il ne s’épanouit pas, pour autant, de ces acquis. Il se met en quête de pragmatisme. Il risque sa tête hors de la science. Il plonge ses doigts dans le cambouis de la fabrique du produit musical. Il les en ressort et, le voilà, slameur ! Il a écrit des textes, des poèmes, le temps de cette immersion. Il est entré en contact avec un ingénieur de son. Il s’installe une symbiose entre eux deux. Il peut aller plus loin : voir son inspiration textuelle devenir un morceau, deux morceaux, plusieurs autres morceaux, neuf morceaux ! Cela s’est fait, progressivement, l’air de rien ! 


Cette prouesse est une véritable surprise. Elle l’est pour ceux qui ignorent que, par le passé, il avait écrit trois livres. Le premier est un roman, ’’Dullah, la grosse énigme’’. Il paraît en 2015. Le deuxième ouvrage est un recueil de nouvelles, ’’Désolé madame, j’épouse mon portable’’. Il est édité en 2017. La troisième parution s’effectue en 2021 : ’’Les dames du Castellet’’. 


Neuf textes de slam ! Lui, l’analyste formé à l’ ’'analysme’’, se met en condition pour devenir un analysé, un jugé, un conspué ou un accepté, un adulé, un vomi, un haï ou un idolé. Ezin Pierre Dognon prend la marque de ''Myster Ezin''. Cela s’opère pendant les phases laborieuses de sa rédaction du mémoire de soutenance, pendant les moments éprouvants des réajustements que demandent les directeurs de thèse, des rejets, des reprises et des corrections qu’ils imposent. Tout va à la vitesse d’une fusée. 


En 2022, Myster Ezin est l’auteur de son premier album de slam, '’EspoirS’'. Des clips sont même disponibles : '’Caroline’’ et ’’Te chérir’’. En 2023, il a déjà fait plusieurs scènes de spectacles : le ’’Casino de Paris‘’, les ’’Folies bergères’’, le ’’Théâtre du Gouvernail’' de Paris, l’espace ’’Jeunesse’’ d’Aix-en-Provence et, entre autres, la Salle ’’Dupuy’', dans la commune du Tholonet, toujours en France.   


La résistance contre les situations d’adversité offre une moisson des charmes du succès. D’Ezin Pierre Dognon, acteur culturel béninois, en tant que Président de l’association, ’’Oladé tourisculture du Bénin’' (Otb), de 2010 à 2013, on aboutit à Myster Ezin et à Docteur Ezin Pierre Dognon. Grâce à la détermination de l’homme, les solutions de gain de son titre de séjour et du grade de Docteur en Musique et en musicologie se sont imposé. Elles ont avalé les obstacles de tous genres jalonnant ce chemin. 


Ezin Pierre Dognon a la vocation de l’investissement de sa personne dans l’action culturelle. Il n’a pas laissé ses difficultés, d’une certaine période, en terre française, en avoir raison. Il contribue à la tenue de l’événement, ’’Miss Bénin France Europe’’.  Cette implication concerne les éditions de 2014 à 2016. « Il reste indélébile parmi les événements de la diaspora béninoise en France », en dit-il. Il s’est, aussi, fait remarquer par l’organisation de ’’La nuit du 229 à Paris’’. 


Cours à l’université, morceaux d’albums à faire, concerts à tenir et événements à conduire au sein d’une vie associative. Des défis pour le Docteur Ezin Pierre Dognon. La flamme d’un souffle à entretenir …    

Marcel Gangbè-Kpogodo

vendredi 14 juillet 2023

« […] accompagnez-nous pour le Fithéca 2023 », demande Roméo Yallo

Pour l’organisation de l’événement 


La 6ème édition du Festival international de Théâtre et de contes d’Abomey (Fithéca) se tient à Abomey, au Bénin, dès le 29 juillet 2023. Roméo Yallo, Directeur de l’événement, en est préoccupé de la réussite. Des appels à l’aide, à son initiative, fusent, de toutes parts, sur les réseaux sociaux. Notre rédaction a décidé de lui tendre son micro pour en savoir plus. Roméo Yallo s’est montré engagé et tenace dans ses motivations à réussir le Fithéca 2023. Il continue d’appeler à la contribution des bonnes volontés ...  


Roméo Yallo, Directeur du Fithéca


Stars du Bénin : Bonjour, Roméo Yallo. Vous êtes le Directeur du Festival international de Théâtre et de contes d’Abomey (Fithéca). Vous préparez la 6ème édition de l’événement prévu pour se dérouler du 29 juillet au 4 août 2023. En ces moments-ci, vous vous êtes fait remarquer, sur les réseaux sociaux, par une demande d’aide, toutes rubriques confondues, aux personnes de bonne volonté, pour organiser cette 6ème édition, que ce soit pour des aliments ou pour du matériel permettant de tenir une manifestation culturelle. Pourquoi ne pas, carrément, abandonner cet événement si, après 5 éditions, vous n’avez pas développé l’autonomie minimale pour l’organiser ? 


Roméo Yallo : Merci, pour l'attention que vous avez décidé de porter au Festival international de Théâtre et de contes d’Abomey (Fithéca) et pour l'honneur que vous me faites, à travers cette interview.  


Comme tout autre festival, le Fithéca n'est pas destiné à son promoteur mais, plutôt, à la population. Pour un tel événement qui lui est destiné, il faudrait que la population se sente impliquée, surtout dans les zones urbaines, comme la nôtre, où les évènements culturels sont beaucoup plus faits dans le but de corriger, d'informer, d'animer et de régler quelque chose.  


Laissez-moi vous rassurer : nous ne pouvons pas envisager la possibilité d'abandonner, surtout qu'il s'agit d'un festival culturel qui est un marché d'art ! Arrêter tout, comme cela, serait vraiment du gâchis. Même si nous fonctionnons sans de grands moyens, il n'y a pas des possibilités d'abandon. 


Donc, nous ne pouvons pas abandonner de sitôt, vu qu'à Abomey, il n'y que ce festival, pour le moment, qui, non seulement anime la commune mais, aussi, valorise la culture de cette capitale historique du Bénin. Ce festival favorise le brassage culturel inter-pays. 




Un autre facteur préoccupe : pour le Fithéca 2023, vous attendez plus de 160 festivaliers, en provenance de 12 pays, pour 7 jours pendant lesquels il faudra les nourrir et les héberger, tout en les faisant participer aux manifestations prévues ! Comment entrevoyez-vous faire face à une telle logistique sans les moyens requis ? 


Il est vrai que cela ressemble un peu à la scène de Jésus qui nourrissait 5000 personnes avec quelques pains et des poissons. La providence ne nous a pas abandonnés. Nous avons, d'abord, le gouvernement de la République du Bénin, qui a su nous considérer, par les ministères de l'Enseignement secondaire, du Tourisme, de la culture et des arts, à travers le Directeur départemental du Tourisme, de la culturel et des arts des Zou / Collines et la direction départementale de la Police républicaine des Zou / Collines.  


Toutes ces entités ont su nous rassurer pour l'hébergement des festivaliers, au niveau du Lycée Houffon d’Abomey, et de l’assurance de leur sécurité, avec la police républicaine.  


Ensuite, nous nous souvenons de Messieurs Dominique Zinkpè, promoteur et président du ’'Lieu unik’’ d'Abomey, Jacques Fégo, président de l'Ong Sathya-Saï Bénin, qui nous aident beaucoup et, notamment, dans la recherche d'autres partenaires. Ils ne sont pas des fonctionnaires. Avec les moyens de bord, ils essaient d'apporter leur grain de sel pour que l'événement soit plus qu'une réussite.  


Je me souviens que, lors de l'un de mes voyages hors du continent africain, j'ai vu des jeunes concevoir du matériel de sonorisation et de régie, rien qu'avec du bricolage, sans des moyens de bord. Tout cela pour vous dire que quand la jeunesse veut et décide, plus rien ne l'arrête. Il en sera de même pour nous. 


Même si les soucis demeurent, nous restons optimistes que des personnes de bonne volonté percevront l'importance dudit festival, suite à son impact sur le développement social de la commune d’Abomey, et nous viendront en aide. Sans cela, l’événement sera hypothéqué. 



De manière générale, comment se présente le Fithéca ? Quelles sont les manifestations qui le meublent, au cours d’une édition ? 


Le Fithéca regroupe des conteurs, des slameurs, des compagnies de théâtre et de danse, en provenance du Bénin et de l'extérieur.  


Les soirs, lors du festival, des séances de diction de contes, de déclamation de poèmes, des spectacles de marionnettes et de danses traditionnelles sont présentés. Il y a aussi des représentations théâtrales. 


Les matinées sont consacrées à des sorties-découvertes guidées et à des conférences, de même qu’à des ateliers de formation en diction de conte, en art de la marionnette, du théâtre, du cinéma, de danses traditionnelles du Bénin et d'autres horizons puisqu'on est là pour un brassage culturel.  


L'une des affiches officielles du Fithéca 2023

En 2023, nous allons parcourir la Zone, Djidja, Abomey, Agbangnizoun (Daa), et la Zogbodomey, Bohicon, Zakpota (Zoboza). 


Cela permettra aux autochtones de nouer des relations avec des gens venus d'ailleurs et, si possible, des partenariats de long terme. 



Quel bilan pouvez-vous faire de la 5ème édition du Fithéca ?  


Les éditions précédentes du Fithéca ont réuni 2 à 3 pays. Aujourd'hui, nous en sommes de 9 à 16 pays dont la France, la Belgique, la Suisse, le Burkina-Faso, le Togo, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Gabon, la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, la Guinée-Conakry, la Guinée Équatoriale, l’Algérie, l'Égypte et bien d'autres. L'Afrique et l'Europe sont plus représentées. Nous prévoyons nous étendre à l'Asie.  


Parlant des précédentes éditions du festival, les habitants d'Abomey ne se sont pas montrés vraiment accrochés au théâtre. Mais, depuis trois ans, lors du passage d'une troupe sénégalaise qui avait fait une représentation en français et en wolof, ils étaient tous captivés par ce qui se faisait, surtout par le professionnalisme qui s'en dégageait. Cela faisait nouveau pour eux. Ils ont vu ce qui se pratiquait ailleurs, sont devenus plus ouverts à juger d'une performance et à prêter plus d'attention à la chose théâtrale. 


Depuis trois ans, nous avons connu la présence de figures emblématiques du théâtre, de la littérature et de la culture du Bénin, de l'Afrique et d'autres continents. 



De la 1ère à cette 5ème édition, avez-vous noté une évolution dans le déroulement du Fithéca ? Si oui, pouvez-vous nous en donner des détails ? 


Oui, il y a eu une évolution. Déjà, comme tout projet, tout le monde n'avait pas cru en nous, lors de la première édition du Fithéca. Aujourd'hui, le doute s'est dissipé et il y a plus d'engouement du côté de la jeunesse à faire partie de ce festival. Nous avons, désormais, une page '’Facebook’’, un groupe ’’WhatsApp’' et un canal ’'Telegram’’. Du côté des pays qui participent, leurs consuls respectifs sont informés des réalisations du festival et du sérieux que nous y mettons.  


Autrefois, l'hébergement était à notre charge. Depuis deux ans, c'est l'État qui nous l'assure à travers le ministère des Enseignements secondaire, technique et de la Formation professionnelle et le ministère du Tourisme, de la culture et des Arts. Aussi avons-nous plus de troupes participantes et même en provenance d'Europe, d'Afrique et d’Asie. Avant, nous étions limités au village du Fithéca. Aujourd’hui, nous migrons progressivement vers les villes. 



Quelle sera la spécificité de la 6ème édition du Fithéca ? 


Pour cette sixième édition, comme je l’affirmais précédemment, trois continents y prendront part : l'Afrique, l'Europe et l'Asie. Dans les années antérieures, on ne faisait que visiter les sites touristiques. Dès cette édition, ce sera différent et, aussi, pour les fois à venir.  


Cette année, nous pourrons visiter le palais du roi Houégbadja et étudier, de fond en comble, son histoire, ainsi que celle de toutes les personnalités auxquelles il était lié. En allant, ainsi, à la source, cela nous donne les armes pour mieux démentir les informations que l'on nous vend sur notre propre histoire.  


Il y aura une foire au cours de laquelle sera exposée la culture ’’Made in Abomey’’, surtout, du côté de la gastronomie. Il est prévu un défilé avec le drapeau de chaque pays, ainsi qu'un match amical entre l’équipe des festivaliers et celle de la population d'Abomey. Nous attendons aussi la signature des documents de plaidoyer et de partenariats, de même que d'autres manifestations que les participants découvriront. 



Nous souhaiterions mieux vous connaître : quelle profession exercez-vous ? De quelle manière avez-vous conçu et concrétisé le Fithéca ? Comment travaillez-vous ? Avec qui vous organisez-vous ? Quel message lancez-vous au public, à nos lecteurs ? 


Je suis Sèdali Roméo Yallo, jeune promoteur, entrepreneur culturel, scénariste, réalisateur, directeur artistique, scénographe, régisseur et metteur en scène à plein temps. Titulaire d'un Certificat d'Enregistrement secondaire et supérieur en arts de la scène (Cess) obtenu à Namur, en Belgique, en 2018, je suis aussi diplômé en électronique général, étudiant à l'école d'entrepreneuriat culturel, social et créatif. Je suis membre de l'Organisation africaine des Entrepreneurs culturels (Oaec), de l'Association des Entrepreneurs culturels (Aec) et président de la troupe, ’’Les plumes du paon’’ du Bénin.   


Roméo Yallo, promoteur culturel ...


Le Fithéca a été conçu, suite à une injure à ma personnalité princière. J'ai eu l'idée de créer ce festival pour corriger le tir. De même, que ce soit pendant les vacances ou en pleine année scolaire, la commune d’Abomey manque d’animation et de divertissements. Les adolescents et les jeunes n’ont que les actes de dépravation comme moyen d'épanouissement. Abomey en a été soupçonnée d’être la commune où se développe le fléau des filles-mères et dans laquelle augmentent les cas de VIH et d'autres infections sexuellement transmissibles. Il n’était possible pour une troupe théâtrale du plateau d'Abomey de représenter la commune en dehors de sa superficie, à cause du caractère non vendable de sa production.   


Du côté des palais royaux, malgré les investissements les réhabiliter, le constat déplorable est qu’ils sont dans la brousse. Le touriste, à son arrivée dans la ville, ne peut y rester longtemps alors qu'il suffit de programmer des diffusions de spectacles pour les attirer en un nombre plus important.  


Devant tant de situations déplorables, un vrai promoteur et entrepreneur culturel, et un vrai citoyen n’ont pas d’autre choix que de chercher à produire un impact positif sur leur commune. Ainsi se justifie la création du Fithéca et le fait pour moi d’exercer dans le secteur culturel à plein temps. 


Notre message pour vos lecteurs : accompagnez-nous pour le Fithéca 2023, pour la réussite de sa 6ème édition, quelle que soit la nature matérielle ou financière de votre apport. A cet effet, toute personne pourrait nous joindre au (00229) 94 203 974.  


Ayant comme devise, “Le Fithéca, c'est ta voix qui compte”, nous les exhortons à prendre part au Fithéca 2023 ; les surprises que les jeunes leur y réservent sont au-dessus de toutes leurs attentes.  


Nous sommes convaincus qu'il n'y a rien qui nous reste, en tant qu'hommes, si l’on nous enlève la culture. Personnellement, en tant que jeune promoteur, l'audace, le courage, l'espoir et l'amour font de moi ce que je suis.  


Propos recueillis par Marcel Kpogodo