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lundi 8 septembre 2025

Mélinda Fourn-Houngbo et Charly d'Almeida, une nouvelle démarche artistique

Dans le cadre de l’exposition, ’’Et même les restes’’

L’Espace Culturel Le Centre a accueilli le vernissage de l’exposition, ’’Et même les restes’’. Mélinda Fourn-Houngbo et Charly d'Almeida en sont les deux artistes exposants.L'événement s’est tenu le vendredi 29 août 2025 au quartier de Lobozounkpa. Il se situe à Godomey, dans la commune d’Abomey-Calavi, au Bénin. Les œuvres exposées révèlent une démarche artistique originale et résolument expérimentale.


De gauche à droite, Mélinda Fourn-Houngbo, Berthold Hinkati et Charly d'Almeida, au vernissage de l'exposition, ''Et même les restes''


Des arêtes de poisson et des spatules comme matériaux principaux de création. La marque d’une nouvelle approche artistique dans laquelle s’inscrivent les artistes contemporains béninois, Charly d'Almeida et Mélinda Fourn-Houngbo, qu’ils ont présentée au début de la soirée du vendredi 29 août 2025, lors du vernissage de l’exposition collective, ’’Et même les restes’’, qui s’est déroulé à l’Espace Culturel Le Centre, sis quartier de Lobozounkpa, dans l’arrondissement de Godomey, de la commune d’Abomey-Calavi, au Bénin.

L’événement est l’aboutissement d’une résidence de recherche. Elle a duré trois semaines. L’un des résidents est Charly d'Almeida. Il est reconnu pour ses sculptures singulières en métal battu. Pour la résidence concernée, il a choisi de travailler avec des arêtes de poisson. « C'est la suite d’un travail que j'avais déjà amorcé auparavant », intervenait-il. « Je l’ai approfondie durant ces trois semaines de résidence au Centre », a-t-il continué. « Elle consiste à récupérer des arêtes de poisson pour incarner la résilience », précisait-il. Selon Steven Coffi Adjaï, curateur, les toiles exposées traduisent parfaitement cette recherche. Certaines œuvres, comme « Les restes », une série de trois tableaux, en témoignent. Le visiteur y découvre la tête du poisson et son squelette. Le corps absent symbolise l’animal disparu et la vanité de l’existence. « Le poisson, même pollué, cherche sa nourriture, c’est la résilience », commente-t-il. Charly d'Almeida présente surtout des toiles peintes à l’huile, travaillées au couteau. Les couleurs dominantes sont le rouge, le vert, le bleu et le noir. La technique utilisée permet de donner un relief fossile aux compositions exposées. Ces œuvres traduisent la persistance du vivant dans les traces et la matière. Elles prolongent un travail plus ancien désormais revisité avec une intensité nouvelle.



Entre mémoire et héritage


Mélinda Fourn-Houngbo était la co-résidente de Charly d’Almeida. Elle a choisi les spatules comme matériau central d’expression. Elle s’inspire de techniques artisanales ouest-africaines. Il s’agit du tissage et de la céramique. Ses sources en sont des souvenirs d’enfance et la découverte d’un musée. Sa visite de l’Espace Culturel Le Centre a également orienté sa démarche. « Le choix vient de ma première visite au Musée de la Récade », confie-t-elle. L’un des espaces d’exposition fait apercevoir neuf spatules en bois. Elles sont recouvertes de cendre ou brûlées puis associées à du métal. « Sur ces neuf spatules, j’ai entrelacé, collé et cloué du métal ». La série s’en intitule ’’Et même des restes il peut en sortir’’. La technique, proche du tissage, accentue la matérialité brute de ces objets. À côté, l’artiste propose aussi des écrits sur parchemin en plusieurs langues. On y lit des textes en fon, en français et en espagnol. L’œuvre, ’’Un jour je foulerai ta terre’’, illustre cette exploration intime. Elle est placée près de l’installation, ’’Réveille ma mémoire’’. Elle rend hommage à la famille. À travers ce poème adressé à sa grand-mère, l’artiste célèbre sa filiation.



Réception enthousiaste du public


Berthold Hinkati, Directeur de L'Espace Culturel Le Centre, s’est prononcé sur la réaction des visiteurs. « L’intérêt du public s’est porté fortement sur l’approche originale des deux résidents », a-t-il affirmé. Pour lui, Charly d’Almeida redonne vie aux arêtes, Mélinda Fourn-Houngbo, aux spatules ancestrales. Chacun réinvente ainsi des matières oubliées et les transforme en un outil de langage plastique.


Aperçu du public ayant fait le déplacement du vernissage

Leurs œuvres conjuguent mémoire, identité et renouvellement des formes artistiques locales. Présente, Lassissi Yassine, directrice des Arts visuels à l’Agence de Développement des arts et de la culture (Adac), a salué la rencontre des deux univers créatifs. Elle en a manifesté son grand enthousiasme. « C’est une joie de voir Charly, artiste confirmé, et, Mélinda, artiste émergente », partageait-elle. Elle a souligné leur regard croisé sur la mémoire, le patrimoine et la transmission. « Deux générations dialoguent, chacune offrant un prisme singulier mais complémentaire ». Elle s’est aussi réjouie de la participation active des jeunes à des ateliers.



Transmission et ateliers avec les jeunes


Durant la résidence, deux ateliers ont été animés pour initier des enfants. Charly d'Almeida a conduit le premier, produisant un tableau « Sans titre ». « Certains enfants hésitaient, mais ont trouvé un déclic créatif surprenant », raconte-t-il. « Leurs gestes rappelaient parfois ceux d’adultes confirmés dans la pratique ». L’artiste est persuadé que certains deviendront créateurs dans les prochaines décennies. Mélinda Fourn-Houngbo a guidé la production de deux œuvres collectives avec eux. La première, ’’Au milieu des rangées de perles’’, est un rideau enfilé. Elle associe bambou et noix de palme, révélant textures et odeurs naturelles. La seconde, ’’Réveille la mémoire’’, est une installation à partir de déchets. Des sachets d’eau, des tissus et des bassines brisées ont été recyclés en une œuvre participative. Trois tabourets entourent l’installation, évoquant l’espace intime de la cuisine. Sur le côté gauche, un petit fourneau diffuse l’odeur de la citronnelle. L’artiste insiste sur l’importance du caractère mouvant et sensoriel des œuvres. « Une œuvre vit et se transforme, comme le bambou qui se durcit », explique-t-elle. Pour elle, récupérer et transformer l’environnement sont un geste artistique fondateur. Selon Lassissi Yassine, cette démarche prolonge une logique de transmission essentielle. Elle rappelle l’exposition, ’’Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui’’, organisée en 2021. Une section y était dédiée à la jeune création et aux ateliers pratiques. « Ces expériences permettent d’ancrer la pratique artistique dans la jeunesse ». La résidence des deux artistes s’inscrivait donc dans cette continuité féconde.

Les trois œuvres produites avec les jeunes sont à découvrir à l’Espace Culturel Le Centre. De même, l’exposition, ’’Et même les restes’’, est ouverte jusqu’au 31 octobre 2025.

Léandre Houan




Encadré

Acteurs artistiques et visiteurs parlent de l'exposition, ’’Et même les restes’’

À la fin du vernissage de l'exposition, ’’Et même les restes’’, ''Stars du Bénin'' s'est rapproché de trois visiteurs. L'objectif était d'obtenir leur opinion sur l'événement.


Yassine Lassissi, Directrice des Arts visuels à l'Agence de Développement des arts et de la culture (Adac) du Bénin :

« C'est une joie de découvrir les deux artistes, un majeur qui est Charly, un artiste ancré au Bénin, et, l'autre, émergente, qui est Mélinda Fourn-Houngbo, une jeune femme franco-béninoise. Charly a pris le parti de présenter des peintures. Mélinda nous propose des sculptures réalisées à partir de spatules. Je pense qu'il y a une diversité, vous l'aurez compris, dans la création, les propositions artistiques que nous offrent ces artistes. Ces deux artistes ont un regard croisé et c'est cela que je trouve très intéressant.


Yassine Lassissi, au milieu de Berthold Hinkati et de Mélinda Fourn-Houngbo

Charly, je connais ses toiles depuis quelques années. Cela faisait un moment que je ne l'avais plus revu peintre, même s'il continuait de réaliser des peitures. C'est plutôt ses sculptures qui ont pris le pas, ces dernières années. Et, le voir, ici, revenir à la peinture, c'est assez intéressant. En plus, je trouve la thématique très pertinente puisque le titre de l'exposition est ’’Et même les restes’’.

Ici, l'artiste prend le parti de travailler les arêtes de poisson et, comme je lui demandais ce que cela évoquait pour lui, il a parlé de résilience. Quand j'ai vu ses toiles, tout de suite, ce qui m'est venu à l'esprit, c'est cette question du temps qui passe, de la vanité, du côté éphémère de la vie, de ce rappel que nous partirons tous un jour et que ce qui resterait, effectivement, c’est tout cela. C'est un sujet profond. Il mérite tout une dissertation philosophique autour de la vanité : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Par rapport à cette technique utilisée par l'artiste, on sent beaucoup de dynamisme dans sa peinture au couteau. Je suis particulièrement sensible au bleu parce que cette couleur me parle beaucoup. Donc, oui, je trouve cette nouvelle proposition de Charly très intéressante. Concernant Mélinda Fourn-Houngbo, je découvre son travail. Je ne la connaissais pas. Je suis ravie d'avoir remarqué son univers. Elle a pris le parti de travailler sur les spatules. C'est un objet qu'elle retrouve chez elle, à la maison ; sa mère l'utilisait. Elle se l'est approprié pour réaliser des sculptures. Ce qui m'a le plus marqué, c'est le rôle de la spatule : elle sert à cuisiner la pâte, donc, à nourrir. L'autre travail intéressant de l'artiste, c'est la peinture sur des parchemins. Ce choix rappelle une dimension ancienne de l'écriture. Nous avons quelque chose que j'espère qu'elle développera.

En voyant ces écritures de Mélinda Fourn-Houngbo, cela m'a posé la question de la mémoire. Ses parents sont béninois. Elle revient au Bénin. Il est intéressant qu'elle creuse cette question du retour. Le retour des siens mais aussi celui des Afro-descendants liés à notre histoire. Cela est d'actualité, surtout que le Bénin œuvre pour leur retour chez eux. Je lui ai demandé d'aller visiter Ouidah si elle ne l’a pas encore fait, de rencontrer également Ludovic Fadaïro qui en a fait un travail remarquable. Cet artiste majeur lui apportera beaucoup à ce propos.

Les deux artistes exposants ont aussi tenu un atelier avec des jeunes.

Cette initiative, comme vous le savez, est très importante dans la question de la transmission. Qu'il vous souvienne, lorsqu'on a organisé l'exposition, “Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui”, à la présidence de la République du Bénin, on avait une section dédiée à la jeune création, aux jeunes artistes, pour la transmission. On faisait des ateliers de pratique artistique initiés par des artistes qui se sont portés volontaires pour accompagner cette jeunesse dans la création et pour les initier à l'art.

Donc, cela est fondamental et salutaire à l'endroit de ces deux artistes qui ont partagé leur temps avec ces jeunes. Puisque ces jeunes deviendront les grands de demain, il faut les initier très tôt à la création artistique. Je suis très sensible à cela. Par ailleurs, on a également cette transmission qu'on va retrouver entre un artiste majeur et une artiste plus jeune qui est Mélinda.

C'est le lieu pour moi de remercier l'Espace Culturel Le Centre pour ce qu'il fait depuis plusieurs années : accompagner les artistes, les révéler et transmettre également. En effet, il implique la jeunesse dans les résidences artistiques des aînés à travers des ateliers pour la sensibiliser à la création artistique. Donc, vraiment, je salue ce travail formidable que fait Le Centre. Nous sommes partenaires également. Il reçoit des artistes en résidence que l'Adac pourrait proposer. Il nous a accompagnés dans le cadre du Mur du Port où nous avons mis des artistes en résidence chez lui où la directrice artistique les a accompagnés vraiment sur la technique du muralisme. C'est un partenaire important dont il faut saluer le travail, un travail qui s'inscrit pleinement dans la politique du gouvernement béninois qui, depuis 2016, a décidé de faire des arts, de la culture et du tourisme un levier de développement économique du Bénin ».



Steven Coffi Adjaï, Curateur de la ’’Gallery Charly’’ :

« Le poisson est revenu dans les œuvres de Charly d’Almeida dès 1992-1993. Cet animal, il l’a toujours associé à deux symboliques : la quête et l’abondance. Pendant au moins vingt ans, le poisson a continué d’habiter essentiellement ses peintures. Mais, dans le cadre de la recherche qu’il a menée à l’Espace Culturel Le Centre, le poisson a été utilisé comme prétexte pour aborder la notion de vanité. Il s’interroge : ’’quand l’animal poisson disparaîtra du monde, qu’est-ce qui restera ?’’.

En réalité, les poissons représentés dans les tableaux exposés, dans ’’Et même les restes’’, sont dépouillés, presqu’autopsiés. Charly d’Almeida en a extrait leur squelette. C’est également une métaphore de l’humanité : que restera-t-il de nous, humains, lorsque nous ne serons plus là ?

L’artiste associe aussi à cette démarche la notion de survivance et de résilience. Pour lui, le poisson, même dans un environnement pollué, parvient toujours à chercher sa nourriture. C’est un animal d’une grande résilience. Toutes ces réflexions ont nourri sa recherche intitulée, ’’Et même les restes’’. L’idée est que, même à partir de ce qui n’est que déchet ou rebut, la vie peut continuer. C’est une forme de renaissance, une invitation à brûler, à mourir puis à renaître à travers nos ossements.

Dans ses premières œuvres, les poissons étaient habillés : on voyait leur morphologie. Parfois, un squelette apparaissait en filigrane. Mais, les œuvres issues de cette résidence dévoilent clairement leur squelette. À un moment donné, Charly n’avait pas voulu « déshabiller » ses poissons, mais, ici, il a pris ce risque. Il parle d’un processus dont une des étapes s’est matérialisée dans ce projet mais ce n’est pas une fin en soi. Il va poursuivre cette recherche, peut-être en donnant une nouvelle apparence aux poissons, en rendant leurs ossements plus réalistes. C’est un processus entamé dans les années 1990 et qu’il continue d’approfondir. Ces œuvres en sont une conséquence tangible. »

Pour le lien entre Charly d’Almeida et Mélinda Fourn-Houngbo, à l’origine, nous avons discuté avec Charly du projet qu’il souhaitait développer à l'Espace Culturel Le Centre. Il apparaissait urgent pour lui d’approfondir sa quête autour du poisson. Nous avons alors mené une recherche sur les mythes et les légendes liés à cet animal dans certaines communautés béninoises, notamment, chez les Xwla et les Toffin. Quant à Mélinda, connaissant déjà son travail grâce aux recherches que j’ai effectuées sur son œuvre, j’ai souhaité que le poisson, utilisé par Charly comme prétexte, soit relié à une problématique mémorielle, d’où la thématique des restes. Et, quand on parle de restes, il s’agit de travailler avec ce qui a déjà existé pour continuer à écrire l’histoire. Dans ses sculptures, Charly assemble différentes temporalités. C’est ce processus qu’il poursuit dans cette recherche : mémoire, souvenirs, survivance, reste ».



Grâce Blessing Zannou, jeune participante à la résidence artistique des deux artistes, élève en 4ᵉ :

« J’étais heureuse parce que je ne savais pas comment préparer les couleurs primaires. M. Charly nous en a donné quelques-unes et nous a appris, par exemple, le blanc, le noir, le rouge, le jaune et le bleu.

Grâce Blessing Zannou

Nous avons également mélangé les couleurs. Par exemple, le rouge et le blanc donnent le rose. J’aime vraiment les couleurs et j’avais envie de savoir comment les préparer. Ils nous ont aidés à faire de jolis dessins. C’était vraiment bien. J’étais aussi contente parce que j’ai dessiné et je suis allée montrer mon travail à mes parents qui étaient heureux également ».



Durand Lafounlou, visiteur devant un tableau de Charly d’Almeida :

« Première chose : j’ai été totalement charmé par la beauté des tableaux. Ils reflètent véritablement le thème donné à cette exposition. L’artiste utilise un matériau original : l’arête de poisson. Sur ce tableau, devant lequel je me tiens, on distingue tout le squelette du poisson, avec la tête bien visible. On remarque également des flèches que l’artiste a dessinées et qui, selon ses explications, symbolisent le sens, l’orientation que chacun donne à sa vie. Les arêtes de poisson expriment aussi l’idée de résistance car, même après des années sous terre, elles subsistent.


Durand Lafounlou

Trois éléments m’ont profondément touché : la symbolique de l’arête comme métaphore de la persistance et de la résistance, le message de liberté et d’orientation personnelle suggéré par les flèches et l’esthétique du tableau. Un très bel agencement de couleurs s’en dégage : du noir, du rouge, du vert, du bordeaux, du blanc et quelques touches de bleu. Ce ne sont pas des teintes faciles à marier mais l’artiste réussit avec magie à les réunir pour offrir une image harmonieuse et agréable à contempler ».

Propos recueillis par Léandre Houan

jeudi 25 mai 2023

Sika da Silveira, reine révélatrice de l’harmonie cosmique

Dans le cadre de l’ouverture de son atelier au public 


Sika da Silveira, artiste contemporaine béninoise, ouvre au public, depuis le vendredi 19 mai 2023, son espace de travail, dénommé ''Atelier Sika'', sis quartier d’Akogbato, à Cotonou, la capitale économique du Bénin. Elle y montre une trentaine d’œuvres d’art variant entre peintures, photographies et installations. Cette ouverture, par la créatrice, de son espace de travail, montre d’elle une réalité remarquable.  Elle prend le leadership de l’engagement pour des relations responsables entre l'être humain et l’univers.


Sika da Silveira, dans ses explications au public - Extrait photographique réalisé à partie d'une photo originale de Carlos Sodolpa

Vaste, étendu, espacé, diversifié, coloré, lumineux, radieux, suggestif ! Décor enchanteur, le reflet de la personnalité de Sika da Silveira à la mesure de ces valeurs de son ''Atelier Sika'', situé au quartier d’Akogbato, dans le 12ème arrondissement de la ville de Cotonou, au Bénin, cet atelier qu’elle a décidé d’ouvrir au public, en début de soirée, le vendredi 19 mai 2023. L’objectif de l’artiste plasticienne et performeuse est d’exprimer la complémentarité entre les êtres vivants, incitant l’humain à en prendre conscience, pour la sauvegarde de l’environnement.


Le visiteur, dès son entrée, découvre  une série d’œuvres d’art, qui interpellent. Des photographies, réalisées dans une technique mixte, des toiles à la charnière de l’abstrait et du figuratif et … une installation ! Majestueuse. Qui impose qu’on s’y arrête pour l’interroger, pour la laisser se faire découvrir et appréhender. 


Une trentaine d’œuvres occupent l’attention du visiteur. Selon l’artiste, son travail reflète la relation intime existante entre l’univers planétaire et l’homme. « Nous sommes des microcosmes, donc, nous portons des petits gènes du grand cosmos à l'intérieur de nous », introduit-elle. Elle approfondit : « Le noyau de mon travail, c'est toujours l'équilibre de l'homme, son équilibre spirituel. Il nous faut prendre conscience de cela pour mieux composer avec notre univers ». Cette préoccupation  de l’artiste d’appel à la conscience se lit, de façon omniprésente, d’une œuvre à une autre.


Les tableaux abstraits comme ‘’Elévation’’, ‘’Expansion’’ et ‘’L’incarné’’ traduisent, à en croire l’artiste, les « manifestations énergétiques » internes à l’humain ». Il est question de sortir pour aller à cet atelier de Sika da Silveira afin de comprendre l’analyse qu’elle réalise des œuvres précitées. « Ici, ce sont nos univers intérieurs que je traduis. Je parle ici, - d'accord ! - mais s’il était possible de taire les mots, il y a des manifestations énergétiques que nous ne voyons pas et ce sont ses mouvements que je symbolise », avance-t-elle. Elle se fait sentencieuse : « Le jour où il n'y a plus de mouvement, c'est la mort ; c'est cette vie que je traduis ». « Ça bouge et ça descend, ce n'est pas plat, c'est de la danse », explique-t-elle, le regard, tout d’un coup, rayonnant. « Il faut aussi prendre en compte l'écriture dans ce travail. C'est une écriture intuitive qui vibre avec chaque partie de l'homme », oriente-t-elle.



Rappel de la connexion cosmique


Les photographies, captivantes, entrent en accord avec l’expression par Sika da Silveira de la relation externe de l’homme avec son univers, le cosmos. Elles combinent figuratif et abstrait. A travers la série intitulée ‘’Zoun man bou’’, il se découvre des visages d’hommes, avec une omniprésence des « arbres matures », en arrière-plan. Le prétexte créatif pour un plaidoyer de l’artiste : « C'est pour rappeler la vie de ces arbres parce qu'aujourd'hui, on détruit des arbres centenaires qui portent la mémoire de l'histoire, des arbres centenaires qui participent à notre équilibre, sans qu'on ne s'en rende compte ». Elle aborde la conséquence mortifère d’une telle option humaine. « Lorsqu'on les détruit, on détruit peu à peu notre équilibre. C'est donc pour rappeler que ce sont des êtres vivants qu'on tue », clarifie-t-elle. L’artiste fait ressortir le lien spirituel unissant l’homme à son environnement, dans sa série de tableaux, dénommée, ‘’Mystique’’ et ‘’Le Vivant’’ puis à travers l’installation évoquée.



’’Les gardiens de la terre’’ 


Elle est l’unique installation à aller voir de très près. Elle symbolise comme la maturité créative de l’artiste. Sika da Silveira y matérialise adroitement les connexions cosmiques. L’artiste plasticienne y exprime les liens invisibles qui soutiennent l’interaction entre l’homme et les autres entités du cosmos. Elle l’évoque : « J'ai représenté les gardiens de la terre par les sculptures qui sont au nombre de 40 + 1». Quarante sculptures, par dizaine, entourent la terre, l'eau, et le feu, que représentent, respectivement, un bloc de terre, une petite jarre remplie d’eau et un tas de charbon. 


Comme pour se départir de tout fondement de jalousie de la part des éléments naturels, autour de l'installation, un autre groupe de dix sculptures identifie les gardiens de l'air. Au centre de l'installation se trouve la quarante-et-unième sculpture traduisant la lumière. « Ce 41ème gardien, ça peut être vous, moi ou quelqu'un d'autre qui a su se relier à ses autres entités et, à travers lesquels, il peut agir sur terre. Parce que la Terre est un organisme vivant au sein duquel nous vivons, […] il nous faut prendre conscience de cela pour notre propre équilibre, en retour », explicite-t-elle.

 

L’exposition restant ouverte jusqu’au 9 juin 2023, aucune sorte de justification ne remplacerait le déplacement des visiteurs pour une rencontre inédite et unique avec l’esprit créatif de Sika da Silveira. Cet esprit s'est développé dans la durée. D'abord, exerçant comme perleuse, elle entre dans l'univers de l'art contemporain par la performance déambulatoire. Elle connaît, ensuite, le Cénacle expérimental, qu'initie Charly d'Almeida, en avril 2015. Continuant son chemin, elle s'affirme. Plusieurs années plus tard, un autre baobab de l'art contemporain béninois la repère: Dominique Zinkpè. Il la fait participer à ''Transe'' au ''Lieu unik'' d'Abomey, en 2022. Désormais, Sika da Silveira se construit en toute autonomie.


Son atelier, se situant à quelques mètres du bureau de la Caisse locale de Crédit agricole mutuelle (Clcam) du quartier d’Akogbato, est accessible du lundi au samedi, de 9 heures à 19 heures. 

Léandre Houan / Marcel Gangbè-Kpogodo

mercredi 23 mars 2022

’’Survivances !?’’, l’exposition décryptée de Charly d’Almeida

Dans le cadre d’une conférence à ’’Gallery Charly’’


’’Survivances !?’’ est une exposition d’œuvres d’art concernant les productions de l’artiste contemporain béninois, Charly d’Almeida, qui a cours depuis le 18 décembre 2021. Elle a fait l’objet d’une explication en profondeur au cours d’une conférence qui a été organisée le samedi 12 mars 2022 à la galerie de l’artiste, dénommée ’’Gallery Charly’’, du quartier de Zongo, à Cotonou. Devant un public constitué, entre autres, d’artistes et de journalistes, il est revenu au curateur de l’exposition, Coffi Steven Adjaï, et à Charly d’Almeida de présenter les fondements permettant de comprendre ’’Survivances !?’’.


De gauche à droite, Luc Aimé Dansou, modérateur de la conférence, Charly d'Almeida et Coffi Steven Adjaï

« Un fantôme ne meurt jamais, il reste à venir, et à revenir », la réflexion du philosophe français, Jacques Derrida, une pensée qui, selon le jeune curateur, Coffi Steven Adjaï, est le fondement de l’exposition, ’’Survivances !?’’. Un extrait important de la conférence qu’il a animée, appuyé par l’artiste contemporain, Charly d’Alemida, dans le milieu de l’après-midi du samedi 12 mars 2022 à l’espace d’exposition, ’’Gallery Charly’’, sis quartier de Zongo, à Cotonou, en présence, notamment, d’artistes et de journalistes.


Un aperçu ...


Les échanges d’ordres intellectuel et scientifique concernant l’explication de l’exposition, ’’Survivances !?’’, de Charly d’Almeida, depuis le 18 décembre 2021, avaient pour thème, « Objet, et image d’une survivance : se souvenir, est-ce survivre aux temps ? Contexte historique et trame narrative pour une lecture des survivances dans la production de Charly d’Almeida ». Pour Coffi Steven Adjaï, ’’Survivances !?’’ est le fruit d’un travail de recherche sur les formes spectrales de la “vie en mouvement ” dans les gestes créatifs contemporains. « C’est une réflexion sur les mécanismes par lesquels les “faits d’affects” refoulés survivent à travers l’acte de création artistique », a-t-il continué, abordant de quelle manière la pratique artistique contribue à donner vie et valeur à du matériel usagé que l’univers normal considère comme des déchets.

Se rapportant au contexte historique de cette exposition temporaire, le jeune curateur a fait savoir que “Survivances !?” provient du désir de répondre à plusieurs questions que suscitent les œuvres de l'artiste Charly d'Almeida. « Je me demandais pourquoi certaines formes réapparaissent souvent dans les œuvres de l'artiste et comment des choses disparates, sans un lien traditionnel ou historique, se retrouvent dans d'autres temporalités », a-t-il laissé entendre.


... de l'exposition, ''Survivances !?''


Sur la base de ces réflexions, le jeune curateur dit avoir mené de nombreuses recherches dans les œuvres de certains auteurs comme Camille Bloc, dans le catalogue de l’exposition collective, ’’In-discipline’’, qu’a tenue la Fondation ’’Montresso’’, en 2018, et dans les écrits qu’a laissés le philosophe et historien d'art allemand, Georges Didi-Hubermann.

 

Charly d’Alemida …

Dans sa prise de parole, Charly d'Almeida a raconté avoir trouvé derrière le portail de la maison de sa grand-mère maternelle des tas de ferraille au milieu desquels des pédales de bicyclette, des dents usées de moulin à maïs et d’autres objets triviaux en fer se perdaient. Selon lui, son oncle lui avait alors expliqué que cette ferraille représentait Ogou, dieu des forgerons et du feu. Un déclic fort, apparemment, ce qui fait qu’en début 2020, une autre exposition que ''Gallery Charly'' avait accueillie de lui, avait jeté les fondements de la compréhension idéelle de “Survivances !?”. Elle avait pour titre, "Quand les lignes et les formes se meuvent".

Pour l'artiste plasticien Charly d'Almeida, la survivance, dans sa production, « ce sont ces choses qui disparaissent, comme refoulées et puis qui réapparaissent un jour, sans un lien temporel/traditionnel/historique évident ». Reliant cette précieuse précision à “Survivances !?’’,  Coffi Steven Adjaï a, plus que jamais, relancé les débats en affirmant qu’il s’agit d’ « un premier jet d’encre sur une feuille encore vierge ».

Léandre Houan

mardi 25 février 2020

Avec la commémoration des 100 ans du constructivisme : Charles d'Almeida défie l'illimité

Dans le cadre de sa nouvelle exposition

Il surprendra toujours, cassant, renversant ce que les observateurs connaisseurs de son art auraient cru qu'il s'était fixé comme cadre, comme fondement. Charly d'Almeida, à travers l'exposition intitulée, "Quand les lignes et les formes se meuvent", impose la visite et même qu'on emporte une partie de lui avec soi, surtout que le sceau sous-tendant sa nouvelle tendance d'inspiration est le constructivisme, autant de faits dont il a entretenu les hommes de médias et des collègues artistes venant honorer la manifestation de présentation, qui s'est tenue à la "Gallery Charly", à Cotonou, le jeudi 13 février 2020. La surprise, au grand rendez-vous ...

De gauche à droite, Steven Adjaï et Charly d'Almeida, au cours du vernissage de l'exposition

29 pièces dont 4 toiles et 25 sculptures. La richesse incluse dans la finesse d'oeuvres, dont il est revenu à l'artiste peintre et sculpteur, Charly d'Almeida, de faire la présentation de l'exposition intitulée, "Quand les lignes et les formes se meuvent", dans le milieu de l'après-midi du jeudi 13 février 2029 à la "Gallery Charly", sis quartier Zongo, à Cotonou. Les oeuvres, réparties en deux espaces, démontrent de quelle manière l'artiste a fait siens les principes directeurs du constructivisme, eux qu'il a ingurgités, ruminés, passés au crible de sa cervelle et ramenés à la surface par des oeuvres, sous un concept réaménagé à son goût : le néo-constructivisme. 


Par conséquent, du constructivisme, promu en 1920 par le Russe Naum Gabo, au néo-constructivisme de Charly d'Almeida, il s'agit du passage d'une inspiration artistique, plus concrète, 100 ans après sa naissance, à celle d'un autre type, caractérisée par la recherche de l'équilibre et par la mise en harmonie, à travers des sculptures, de formes et de lignes, appelées à ne jamais concorder, coopérer.

Aperçu des sculptures, à la terrasse de la "Gallery Charly", ...

Ce sont donc 17 sculptures dont certaines sur socle et, d'autres, au mur, qu'il est possible de découvrir à la "Gallery Charly", dès la terrasse de l'espace et, 8 autres, dans la salle proprement dite d'exposition, sur socle et au mur, aussi, appuyées qu'elles sont par 4 toiles qui ne sont que le miroir des oeuvres de sculpture, à travers le concept central qui les fonde par une couleur unie de fond : Charly d'Almeida a restitué sur ces tableaux les lignes et les formes divergentes qui convergent dans une harmonie, aux fins de l'expression de plusieurs sensations, à savoir "l'équilibre, la montée, la pensée, l'éclosion, les vibrations, les expansions et les scènes sensuelles", a précisé Steven Adjaï, curateur de l'exposition, au cours de sa présentation des oeuvres.


Quant aux matériaux de travail, récupérés, pour les sculptures, comme il faut s'y attendre avec Charly d'Almeida, il s'agit du fer à béton, prélevé sur des ruines de bâtiments mis en effondrement, en destruction, de même que des pièces clés de véhicules à deux roues comme un simple démarreur, et de boules en métal, qui expriment la providence, les perceptions intelligibles, à comprendre les détails présentés par l'artiste. 

... sans oublier les toiles de la salle d'exposition

Par ailleurs interpelle profondément, rend propice à l'appréhension de l'agencement des pièces, installées de la terrasse à la salle d'exposition, un calme, un silence, une paix ou une ambiance propice à une sérénité de réflexion et à une certaine élévation d'esprit pour accéder à la hauteur d'univers, préparée par ce nouveau jet d'inspiration à la Charly d'Almeida.


Les visiteurs et les amateurs d'art contemporain disposent jusqu'au 21 mars 2020 pour aller s'imprégner de la nouvelle norme néo-constructiviste, d'un génie purement béninois, qui, en réalité, a généré, selon le curateur Steven Adjaï, un flux d'une bonne soixantaine de productions dont 20 tableaux, interchangeables, jusqu'à la clôture de l'exposition.


Marcel Kpogodo

samedi 28 janvier 2017

L’artiste Damas tient l'exposition, ’’La réconciliation’’

Dans le cadre d’un vernissage organisé à Cotonou


Le restaurant ’’Le Steinmetz’’, sis quartier Guinkomey, à Cotonou, a accueilli le vernissage de l’exposition dénommée ’’La réconciliation’’, organisée par l’artiste peintre béninois, Joseph Dama, alias Damas. C’était dans la soirée du vendredi 20 janvier 2017.

Damas, en face du diptyque, ''La réconciliation'', à son atelier de travail
17 tableaux répartis aux murs du salon du restaurant ’’Le Steinmetz’’ de même qu’à ceux de l’espace d’exposition du 1er étage que le public pourra aller regarder. L’essentiel à retenir de l’exposition, ’’La réconciliation’’, dont le vernissage a eu lieu dans la soirée du vendredi 20 janvier 2017, devant un certain nombre d’invités. Parmi eux, l’artiste peintre Charly d’Almeida dont l’atelier a servi de centre d’apprentissage à l’artiste du jour, Damas, de son nom à l’état-civil, Joseph Dama, pendant un peu plus de sept années.
Dans ses explications aux visiteurs, au lancement de l’exposition, Damas a montré que, pour une manifestation prévue pour se terminer le 20 février, il donne à voir des tableaux dont les titres varient, notamment, ’’Rêve’’, ’’Femme africaine’’, ’’Destin’’, ’’La sagesse’’, ’’Femme enceinte’’, ’’Le monde’’, ’’Femme amazone’’, ’’La force’’, ’’Couple’’, ’’La réconciliation’’. Si la dernière est un diptytique indissociable, c’est-à-dire une toile réalisée en deux parties détachables mais illisibles l’une sans l’autre, elle symbolise pour lui une demande personnelle de pardon à tous ceux qu’il aurait offensés, l’année précédente, une attitude qui, selon lui, devrait être récupérée par tous, vu que chacun a quelque chose à se faire pardonner chez beaucoup de personnes. Et, dans le cas où l’on aurait réussi à atteindre cet objectif, chez nos offensés, cela amènerait une gestion de l’année nouvelle, dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, concernant ses œuvres, abonné à l’acrylique, l’artiste la rend compatible avec le rouge de la latérite d’Abomey, qui reste un matériau de travail, sans oublier que ceux auxquels il tient le plus sont les filets de pêche et les moustiquaires, tous deux étant la base des reliefs remarquables sur la plupart des tableaux aux couleurs de prédilection dont les tons sont souvent foncés, sombres.
Dans le premier cas, l’utilisation des filets de pêche revêt pour Damas une importance capitale, vu qu’ils le réfèrent aux pêcheurs qu’il côtoie dans les environs de l’Hôtel ’’Eldorado’’, à Akpakpa, où se trouve son atelier. Ceux-ci l’impressionnent par la rudesse de leur travail relatif à la quête du poisson au fond des mers. En la matière, l’artiste se fait plus clair : le filet le renvoie à la corde et, celle-ci, au tissu, ce qui l’amène à considérer que la corde est la base de tout vêtement qu’utilise l’être humain, ce dont celui-ci ne saurait se passer, dans la civilisation actuelle, étant donné qu’il en tire toute la valeur que la société lui accorde ; elle reste, selon Damas, sa couverture contre les intempéries et contre l’accès de l’autre à son intimité physique.
Un autre matériau qui fait de cet artiste peintre un récupérateur est la moustiquaire. Elle lui sert de tremplin pour la suggestion d’un message d’appel à la protection de la mère et de l’enfant contre le paludisme.
Ce réalisme thématique inonde les 17 productions que le public devrait aller contempler au restaurant ’’Le Steinmetz’’, en face de l’Hôtel ’’Vertigo’’, situé sur l’Avenue ’’Steinmetz’’, tous les jours jusqu’au 20 février, de quoi se rendre compte de quelle manière Damas en a pris quelque peu de Charly d’Almeida, son principal maître et, aussi, des autres artistes peintres béninois reconnus, Tchif et Dominique Zinkpè ; il y a aussi acquis les repères de son art, pendant, respectivement, cinq et un an.

Marcel Kpogodo

lundi 20 avril 2015

Elon-m, Yamferlino’s et Sébastien Boko, trois pointures dans le ’’Cénacle expérimental’’

Aperçu sur un cru de bonne qualité


Le samedi 11 avril dernier a donné lieu à une exposition d’une soirée. C’était à l’Institut français de Cotonou, dans le cadre de la clôture de la résidence de création dénommée ’’Cénacle expérimental’’. Parmi les 10 artistes ayant participé à l’opération, vue sur trois d’entre eux dont la fougue artistique abonde dans le sens d’un talent récurrent : Elon-m, Yamferlino’s et Sébastien Boko.

Deux jeunes artistes peintres et un sculpteur. Elon-m, de son nom plus complet, Elon-m Catilina Amévi Tossou, Yamferlino’s, s’appelant, à l’état-civil, Lionel Ferréol Yamadjako et, enfin, Sébastien Boko. Un travail d’une trempe singulière, chez l’un et l’autre. Une remarque qui s’imposait à l’exposition de restitution d’une dizaine de jours de travail en résidence, une présentation organisée par Charly d’Almeida, le samedi 11 avril 2015, à l’Espace ’’Joseph Kpobly’’ de l’Institut français de Cotonou.
Elon-m, en résidence de création, le 3 avril dernier
Le premier, Elon-m, a matérialisé son inspiration sur le thème de la liberté, par trois toiles : ’’Liberty city’’, ’’Laissez-moi dire’’ et ’’La liberté des individus’’. Selon ses explications, il a réalisé la première et la troisième, grâce à la technique du couteau, dans le sens de l’expression d’une représentation réaliste de la vie. Le couteau se révèle donc comme un instrument novateur dans sa démarche de travail, complétant sa stratégie par le crayonnage devant concorder avec les idées à exprimer, celles-ci se marquant par l’étude des tons pour agencer les couleurs, de façon à ce qu’elles s’appellent, a continué de clarifier Elon-m.


Grâce à cet instrument qu’est le couteau, il réussit aussi à installer confortablement ses idées dans l’abstraction, les stylisant, rendant hermétique son message, ce dont il se satisfait, montrant, d’une part, la liberté et l’ouverture du lecteur de l’œuvre à manifester sa propre compréhension de la toile et, d’autre part, la nécessité de rendre sélectif le groupe restreint des lecteurs pouvant se rapprocher du message. Voilà le sens du tableau ’’Laissez-moi dire’’ où il faut lire une décomposition artistique du visage humain dont les différentes parties sont généreusement disséminées aux quatre coins de la toile, laissant le public à son sort de grandes et profondes équations de déchiffrage.

... de même que Yamferlino's ...
Se rapportant à Yamferlino’s, trois travaux aussi lui servent à concrétiser ses pensées : ’’Service libre’’, ’’Libre expression’’ et ’’Visibilité’’. Un point commun : des traits de gribouillage qui replongent nostalgiquement l’artiste dans l’enfance, aux premières années de sa pratique du dessin. Sinon, sur ses tableaux, les couleurs rivalisent d’espace, les visages tentent de se faire jour, le peintre s’amuse ; pour Yamferlino’s, l’entreprise semble avoir été un jeu.

... et Sébastien Boko, en pleine manipulation de sa tronçonneuse
Sébastien Boko, lui, a montré, au cours de cette exposition de l’Institut français de Cotonou, deux pièces de sculpture : ’’Aïcha’’ et ’’Kèkènon’’. Des visages, longs, sur socle, les lèvres arrondies, les lunettes aux verres embrouillées par plusieurs cadenas, pour une explication très simple de l’artiste : « Je bloque les critiques sur l’autre et je me braque sur moi, pour me changer ». Et, les contours arrondies des pièces ont une cause : Sébastien Boko conçoit désormais un monde au féminin, de quoi en extirper les affrontements, les guerres, les crises, des fléaux trop masculins.

Les artistes résidents et Tchif

Elon-m, Yamferlino’s et Sébastien Boko. Ce sont trois forces qui sont et qui devront persister à être, de même que les sept autres, celles de Sika Adjélé da Silveira, d'Eliane Aïsso, de Constantine Gbètoho, de Bello Kifouli, de Damas, d'Achille Adonon, de Mahoussi Ahodoto, qui, toutes, ont reçu les sages conseils d'un aîné, à l'issue de la soirée d'exposition : Tchif.


Marcel Kpogodo 

jeudi 16 avril 2015

Damas, une curiosité dans le ’’Cénacle expérimental’’

Révélation sur un artiste, aux derniers jours du combat


Depuis la soirée du jeudi 9 avril 2015 s’est close la résidence de création dénommée ’’Cénacle expérimental’’, à l’issue d’une restitution des œuvres produites par les 10 artistes stagiaires. L’un d’eux, Joseph Dama, alias Damas, diffère de ses condisciples en plusieurs points.

Damas, au travail, le 3 avril dernier, au cours de la résidence ''Cénacle expérimental''
Des tiges de corde et des morceaux de bois harmonieusement agencés sur des toiles. Trois au total. Un fond toujours sombre, noir sur deux des tableaux et d’un bleu très foncé s’éclairant progressivement par le centre, à l’intérieur. Du rouge, abondant ici, rare là-bas, mais existant. C’est Damas tout craché, de son nom à l’état-civil, Joseph Dama. Réservé jusqu’à la manifestation sur son visage de la moindre émotion, il s’est quand même expliqué sur le message de ses toiles, numérotées de 20 à 22, successivement, le jeudi 9 avril 2015, à l’espace ’’Café cauris coquillages’’ de Togbin, lors de l’exposition tenant lieu de clôture de la résidence ’’Cénacle expérimental’’ et, le samedi 11, en soirée, à l’Institut français de Cotonou.
Nettement, ’’La vie’’, le tableau n°21, se détache par, justement, le bleu extrêmement foncé, fondamental contrastant en son centre par du rouge imposant, ce qui, selon, lui, signifie le soleil et le sens de lumière, accroché à cet astre, pour dire que les périodes d’adversité, dans la vie de l’être humain, passent pour laisser la place au bonheur, sans oublier que, par extension, il exprime, avec l’arrimage au rouge, la liberté de source dans laquelle l’homme vit, elle qui est intemporelle et qui lui permet de réaliser tout ce qu’il désire.
Par rapport aux toiles ’’Protection’’ et ’’Couple’’, les 20 et 22, le noir de fond constitue l’uniforme dont Damas les vêtit, sans contrer un schéma récurrent, celui de l’exploitation du milieu de la toile pour une exécution particulière : nous avons de la corde et des morceaux de bois. Pour Damas, la corde est importante dans notre vie, basée sur le fil qui constitue tout ce que nous portons, notamment, sans compter le bois, un matériau dont l’utilité dans la création des objets quotidiens va de soi.
Dans sa sobriété de parole, Damas réussit à nous faire comprendre qu’en matière de pratique artistique, il a fait un certain chemin, capitalisant 17 ans de carrière, ayant déjà été ’’mentoré’’ par Charly d’Almeida, en 1998-2004, coaché par Dominique Zinkpè, en 2005-2006 et, dirigé par Tchif, entre 2006 et 2013.

Marcel Kpogodo   

samedi 11 avril 2015

Deux "sorciers" dans le ''Cénacle expérimental'' de Charly d'Almeida

Entrée dans l’intimité de deux jeunes créateurs


Vue sur deux jeunes espoirs des arts plastiques au Bénin, le 8 avril dernier, à la veille du vernissage de l’exposition tenant lieu de restitution de la résidence de création, le ’’Cénacle expérimental’’, mise en place par l’artiste peintre béninois, Charly d’Almeida,  ; ils fusionnent par une force de caractère peu commune : des ’’sorciers’’, pour leur entourage qui s’habitue très peu à eux …


Ils sont considérés par leurs proches familiaux comme des ’’sorciers’’, étant donné leur résistance à se faire envahir par une atmosphère extérieure peu plaisante, peu épanouissante, une situation de deuil, en l’occurrence ; devant les larmes ambiantes, ils gardent les yeux secs, ruminant intimement leur douleur, s’extrayant de l’hypocrisie exigée par les règles de la comédie humaine, s’économisant tout comportement futile, inutile, incapable de contrer, de conjurer la fatalité. Devant un tel anticonformisme mal reçu, ils ne sont que des sorciers.
Achille Adonon, en pleine création, le 3 avril dernier ...
L’un est peintre, l’autre l’est aussi, mais il se fait découvrir sous une autre facette de sculpteur-récupérateur. La résidence de création, de formation et d’échanges, dénommée ’’Le cénacle expérimental’’, tenue du 1er au 9 avril derniers, à l’initiative de Charly d’Almeida, est le cadre ayant permis d’entrer dans l’intimité de leur psychologie.
L’un, d’une taille un peu légèrement au-dessus de la moyenne, malingre, la simplicité d’un regard pétillant de consistance, il reçoit de bons effluves d’inspiration sous l’effet d’une musique gospel distillée dans ses oreilles par les écouteurs de son téléphone portable. L’autre, de taille modeste, dreadlockeux, le sourire facile, mais le regard ferme. Un contraste entre ces deux personnalités, une opposition qui n’est qu’apparente, quand elles nous donnent l’occasion de les pénétrer. Donc, en plus de déployer un caractère commun de sorcier, ils sont de la vingt-huitaine et ont travaillé sur la guerre, au ’’Cénacle expérimental’’.
Le premier déploie ce thème à son niveau étroitement social, à travers une toile portant justement le titre, ’’Le choix’’, une peinture aussi sombre, aussi mélancolique, que l’état d’âme quotidien de ce jeune artiste : du gris-cendre, du jaune sombre, du noir … Et, ces couleurs, confie-t-il, c’est la relation de son enfance difficile, lui qui est né en Mauritanie, d’un père mécanicien d’avion, qui a choisi de se faire élever par son oncle maternel, qui a fait ses premiers bancs d’école à Savè, dans un environnement social où les ressortissants de l’ethnie fon sont l’objet d’une haine séculaire rappelant les durs moments des guerres de conquête des rois d’Abomey. Victime collatérale lointaine, il n’arrivait pas à s’exprimer ou, si cela était possible, cela se passait avec des ressortissants aboméens,  comme lui ; on le détestait sans qu’il ait fait quelque chose à quelqu’un. C’est ainsi qu’il présente le ton d’une guerre au Bénin entre les localités : « Les fon ne s’entendent pas avec les Idaatcha à cause du passé, cela constitue un frein au développement et est attisé par des parents qui ont mal éduqué leur progéniture ; ils lui inculquent cette mentalité de la mésentente, ce qui est un véritable fléau social », éclaircit-il.  « J’expose le monde en mouvement, les vibrations que je ressens au sein de mon environnement », explique-t-il, comme pour renforcer l’analyse de son premier tableau : selon lui, au Bénin, la guerre se tient aussi dans les familles, entre des frères qui, par tous les moyens, se disputent l’héritage paternel.
Toutes ces guerres, il use d’une démarche très précise pour les révéler : ses matériaux favoris sont des lacets et des résidus de charbon, ces seconds qui lui rappellent fortement l’ambiance culinaire de son environnement d’enfance, ce qui montre une profonde inspiration de cet artiste de son vécu personnel. Pour lui, Charly d’Almeida est un modèle depuis toujours, un repère à atteindre et à dépasser, sa manière de lui rendre hommage de l’inspirer constamment et de lui avoir donné une ouverture à travers le ’’Cénacle expérimental’’.
Dans ses deuxième et troisième toiles, la liberté, sujet de la résidence de création, trouve une place d’impératrice. La première, intitulée ’’Horizon’’, livre deux facettes de la liberté, comme sur une pièce d’argent : la première décline le jour comme la propre expression de cette liberté où l’être humain peut aller et venir, travailler, se livrer à ses différentes occupations, ce que permet le soleil, la lumière qu’il dégage. La seconde restitue tout le contraire à travers la nuit qui met tout le monde au repos.
Avec le tableau intitulé ’’Ordonnance’’, il y a l’expression des limites à la liberté.



L’autre …

Pierre Mahoussi Ahodoto
Quant à l’autre artiste, le second des deux, il est bâti à peu près dans la même matière intellectuelle que le premier qui a renoncé au baccalauréat, après deux tentatives infructueuses. Lui n’a pu même atteindre cette étape, ce qui ne constitue guère pour lui un handicap, armé qu’il est aussi de la rage de dénoncer la guerre ; il se livre à cette vision ponctuelle par le montage artistique d’armes de guerre, à qui il définit la mission de la destruction psychologique de la guerre : des Akm 5 et 10. Ses matériaux en sont les sachets, les toiles cirées, les récipients en plastiques qui ne sont plus utilisés. Il les récupère, les brûle, les modèle de façon à leur imprimer les formes qu’il veut : d’un côté, deux pistolets, d’un autre, des sculptures toutes en noir, qu’il décrit comme des corps humains déformés, éclopés par les guerres. Mais, reconnaît-il, dans cette violence qu’il dénonce s’exerce la sienne propre, celle qu’il commet par l’étape cruciale de la brûlure incontournable du plastique, ce qui dégage une fumée noire destructrice de la couche d’ozone. Très vite, il trouve un facteur de consolation : la récupération de tous les éléments en plastique, non biodégradables par-dessus tout, constitue une action salvatrice de l’environnement.

L’un est Achille Adonon, l’autre, Pierre Mahoussi Ahodoto.


Marcel Kpogodo