Découverte d’un esprit
qui s’est imposé son destin
Pierre Mahoussi Ahodoto
est l’un des neuf artistes de la génération montante des arts plastiques
béninois, qui entre en résidence de création, ''Cénacle expérimental'' de Charly d'Almeida, dès le 1er avril 2015,
à Togbin. Aperçu sur une jeune poigne qui n’a pas voulu se laisser faire par la
vie.
Mahoussi Ahodoto, le sourire de la victoire sur les adversités de la vie ... |
28 ans bientôt, taille modeste et, tout en courts dreadlocks, le
voilà une jeune poigne dont l’atypisme réside dans sa capacité à échapper, de
manière décisive, à une mauvaise vie, défavorisé qu’il s’est révélé être, par
la nature : orphelin de père, à trois ans, laissé à la pauvreté et à sa
mère démunie, en même temps que ses quatre autres frères restés vivants et son
unique sœur, contraint à un abandon de l’école, au Cours moyen 1ère
année (Cm1), à cause d’une absence impitoyable de moyens financiers pour lui
assurer ses études.
La seule issue qui s’impose
alors, le ferraillage, héritage professionnel du père dans lequel s’engagent
aussi ses autres frères. Il accompagnait l’aîné d’ente eux sur les chantiers de
prestation de services ; Glazoué, Bohicon, Porto-Novo, Abomey sont donc
des villes qu’il a l’occasion de connaître. Mais, ces opportunités d’exercer
techniquement, déjà, tout jeune, ne l’empêchent pas de devenir un enfant de la
rue ; à 14 ans, il se voue à assumer la rupture avec sa famille et, il
réussit à ne pas atterrir là où l’on devrait l’attendre : dans l’univers
de la délinquance, dans les dédales de l’alcoolisme, dans les broussailles de l’éclatement
de soi au joint, … Rien n’y fit ; il leur échappe majestueusement, fabriquant,
de ses mains, des maisons et d’autres objets en miniature, pour les vendre sur
la plage, de quoi assurer ses jours de vie, ses jours de solitaire révolté.
Ce qu’il fabriquait en
s’amusant s’est révélé d’un sérieux exploitable et, en 2008, le voilà
résolument parachuté dans l’univers réellement artistique par sa participation
au Festival ’’Prom’art jeunes’’, de Mozart Fandohan, en 2008 ; il avait
réalisé des tableaux, ce qui l’a amené à être sélectionné, à participer à un
atelier de formation, à finir, enrichi et armé d’une salvatrice attestation. Il
commence alors à peindre. « Je ne me suis pas intéressé à l’art, parce que
c’était en moi », confie-t-il, mais d’autres déboires n’avaient pas manqué
de tenter en lui le découragement : le peu d’intérêt extérieur pour son
travail, la mévente, notamment. Ceci le conduit à se délester de sa vocation,
pour y revenir plus que jamais, puisque, « chasser le naturel, il revient
au galop ». Accroché à l’art, arc-bouté plus que jamais, le voilà alignant
les participations aux événements de son univers professionnel : Bénin
golden awards (Bga), ’’Arts 7/7’’, ’’Rayons d’Afric’’, sans compter qu’entre
temps, il est passé par un atelier de formation en peinture chinoise. En outre,
du lointain de ses souvenirs, d’autres noms, significatifs de la réalisation de
l’artiste qu’il se bat pour devenir, lui viennent à l’esprit, pourvus d’un certain
sens de reconnaissance : Gratien Adowanou, alias Adogra, Amour Yémandjro, …
Se considérant comme un
artiste autodidacte, il se voit aujourd’hui outillé pour se créer un autre
monde, « mon monde personnel à moi », commente-t-il. C’est ainsi qu’il
se lance dans la récupération qui assainit l’environnement, se saisissant du
plastique, des sachets de la même matière et des bidons. But ultime :
réaliser des œuvres d’art sous forme de masques, de sculptures sur socle, d’armes !
Oui, il fabrique des armes et, cela n’a rien d’un hasard. Ce n’est pas pour
encourager à la guerre, mais pour la dénoncer en Afrique, de même que les
Occidentaux qu’il considère comme en étant à l’origine pour s’accaparer les
richesses de la ’’Maman Africa’’. Mais, une situation qui, selon lui, est
prémonitoire de ce que ce continent flirte en permanence avec le crépitement
des armes : la carte retournée est bel et bien un pistolet ! Donc, à
en croire sa réflexion, la guerre est écrite sur l’Afrique, mais « on peut
l’éviter », conclut-il, d’un sourire optimiste. Restituant cet élan de
coïncidence, les socles qu’il fabriquera, à l’atelier du 1er avril
prochain, à Togbin, avec Charly d'Almeida, comme observateur critique de ses productions, auront la forme d’une arme ; « je ne peindrai pas
de tableaux », continue-t-il de confier, « il n’y aura rien que de la
création en sculpture ».
Marcel Kpogodo
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