lundi 28 avril 2025

Eric Médéda peint les silences maternels

Dans le cadre d’une exposition à Cotonou


L’artiste plasticien béninois, Eric Médéda, est, de nouveau, en exposition. Elle a connu son vernissage le mercredi 9 avril 2025. Le lieu de déroulement en était l’Institut français de Cotonou. Elle s’intéresse à la mère. L’exposition traite de ces moments préoccupants où elle se tait.


Eric Médéda, barbu, expliquant une œuvre à des visiteurs ...

Lorsque la mère s’abstient de paroles. Le sens d' ’’Éïtò tî inã’’, le titre de la nouvelle exposition de l’artiste plasticien béninois, Eric Médéda, dont le vernissage s’est tenu le mercredi 9 avril 2025, à la galerie ’’Joseph Kpobly’’, de l’Institut français de Cotonou.

Elle laisse voir, par le public, seize toiles peintes, aux formats variés. L’objectif en est d’exprimer des histoires humaines. Ce sont celles que les femmes africaines n’ont jamais racontées. Leur réserve se justifie par le silence que la société leur a imposé. « Nous avons une tradition très orale », commence à expliquer Eric Médéda. « Plus on avance vers la connaissance, plus on nous dit de nous taire ». Ainsi, il continue puis il détaille. « Plus tu sais, plus tu te tais ». Il insiste sur les victimes de la situation. Ce sont « surtout les femmes, qui semblent être privées de liberté d’expression ». En outre, le moment pour l’artiste de s’interroger. « Si la connaissance impose le silence, quel héritage pour la génération suivante ? ». Il précise le fondement de sa démarche de travail. « Cette question m’a profondément traversé ; je donne corps à ces mots, à ces propos interdits ». Alors, il conclut. « Je tisse cette matière pour raconter les histoires longtemps tues ».

Ces histoires, ces vérités maternelles, pour l’artiste, sont le parcours de nombreuses mères. Les canaux en sont multiples. Ce sont la cuisine, les rites, les cultures traditionnelles et l’éducation initiale. Plusieurs œuvres portent un tel message. Ce sont, notamment, ’’Initiation muette’’, ’’Hounsi danse encore’’, ’’Hohoo’’, ’’Atchô inam’’ et ’’Transmission’’.

Les œuvres qu’expose Eric Médéda mêlent trois matériaux de travail. Il s’agit de la peinture acrylique et de la combustion de matières naturelles. Il y a, aussi, des incrustations symboliques de tamis tissés par l’artiste.

Chacune des seize toiles met en valeur cet outil symbolique, le tamis. Celle, éponyme, présente une particularité de traitement. Elle est dénommée ’’Éïtò tî inã’’.


L'oeuvre éponyme, ''Éïtò tî inã''


Ce titre signifie ’’Vérités maternelles’’, dans la langue d’idaatcha, parlée au Bénin. L’artiste la représente plus grande, brûlée, incrustée dans un dialogue entre ombres et couleurs. Eric Médéda en donne l’explication. « La manière dont je brûle cette matière est personnelle », commence-t-il. « Elle est issue d’une communication spirituelle », dit-il, poursuivant. « Les ombres que je représente sont des humains que j’invente ou qui ont existé dans des histoires que je raconte ». « C’est comme un cliché photographique qui disparaît à l’ère du numérique », dit-il. « Je tente de lui redonner vie pour tuer les stéréotypes entre humains », achève-t-il.

Eric Médéda exerce une telle démarche depuis le début de sa carrière. Il fallait retracer l’histoire des peuples par la mémoire et la transmission. Le fil rouge de l’actuelle exposition s’est révélé en approfondissant la question. « Quand on écoute dix femmes, on retrouve un point commun dans leurs récits », reprend-il. Selon lui, au contraire, « chez dix hommes, on entend dix histoires différentes ». Il en déduit : « La femme détient notre histoire ». L’artiste en détermine un creuset unique de l’histoire longtemps tue. Elle est contenue dans des objets du quotidien, plus précisément, le tamis.

L’autre aspect de la démarche de l’artiste est l’inculturation linguistique. Il pense que titrer une œuvre, dans sa langue maternelle, est significatif. Cet acte lui sert à montrer l’abondance de ressources d’expression. Elles se trouvent dans son environnement immédiat. Elles lui servent à parler, à créer et à s’exprimer. Il s’en explique plus largement. « Aujourd’hui, en tant qu’artiste africain, nous ne pouvons pas peindre comme des Asiatiques », partage-t-il. « Moi, je parle de l’histoire de l’humain, de mon environnement, de mes réalités », continue-t-il. « Il faut que [...] nous fassions émerger un homme [...] capable de se défendre », finit-il.


De gauche à droite, Eric Médéda, en compagnie d'Anne-Marie Akplogan et d'Achille Adonon, deux artistes contemporains venus le soutenir, lors du vernissage de son exposition

’’Éïtò tî inã’’ est une exposition particulière. Elle ne se contentera pas de montrer. Elle fondera l’animation de trois ateliers à destination du jeune public. Cette activité se déroulera les 16, 22 et 30 avril 2025. Ce sera à l’Institut français de Cotonou. Eric Médéda se produira aussi à travers deux performances artistiques. Elles sont prévues pour les 8 et 14 mai. L’exposition connaîtra sa clôture le 17 mai. .

Léandre Houan / Marcel Kpogodo

vendredi 18 avril 2025

da Silveira et Toninfo, la synergie de la lumière-nature

A une exposition collective aux Ateliers ’’Sika’’


Sika da Silveira et Mazoclet Toninfo sont deux artistes contemporains béninois. Ils ont participé à une exposition collective. Elle était intitulée ’’Ayi hon do zandji’’. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 21 décembre 2024 aux Ateliers ’’Sika’’. Cet espace est sis quartier d’Akogbato, à Cotonou, dans le département du Littoral, au Bénin. Les deux artistes avaient un commun leur intérêt pour la lumière. 


Mazoclet Toninfo


L’humanité exposée, dans sa nature, grâce à la lumière. La substance de l’exposition collective, ’’Ayi hon do zandji’’, qui s’est ouverte le samedi 21 décembre 2024 aux Ateliers ’’Sika’’, du quartier d’Akogbato, à Cotonou, dans le département du Littoral, au Bénin, engageant les artistes contemporains, Sika da Silveira et Mazoclet Toninfo.


Ils manifestaient une réelle fusion, par les œuvres qu’ils ont présentées. Un système se précisait, néanmoins, au sein de la symbiose indiquée. Il s’agit d’une profonde opposition de démarche, entre les deux artistes. Elle laissait s’exprimer de la complémentarité.


Le premier facteur d’entente est le sujet qui les a unis pour l’exposition, « Ayi hon do zandji ». Ce thème signifie, en langue du fon, du Bénin, « L’aurore a dissipé les ténèbres » . Ainsi, deuxièmement, les deux créateurs manifestaient une appréhension de la lumière, bafouant les sentiers battus. Elle n’est pas, pour eux, un simple moyen mais un véritable processus. Troisièmement, ils ont exploité l’invisible pour l’expression des réalités visibles. Quatrièmement, ils ont proposé au public, au cours de l’exposition, des tableaux, d’une part.



D’autre part, les points d’opposition s’ouvrent ...


Mazoclet Toninfo a fait découvrir des pièces de sculpture. Il s’est rendu audacieux, par elles. Il y a utilisé la mort comme le facteur de transition vers la lumière. da Silveira, elle, a exploité un canal différent, au même effet : la nature, son authenticité, son caractère originel.


Ces éléments de divergence, entre les artistes, étaient un trompe-l’oeil. La lumière, par la mort, et, par la nature, ont fait chorus pour donner une valeur de choix à l’humanité. da Silveira, dans cette harmonie trouvée, avec son collègue, a laissé contempler ses oeuvres. Ce sont : ’’L'aurore’’, ’’Le don du soleil’’, ’’L’échange’’, ’’Houé do té’’, ’’Ayi hon’’ et ’’Houé dji to’’. Les trois dernières, évoquées, avaient un sens expressif. Elles signifiaient, respectivement, traduites, du fon, ’’Le soleil au zénith’’, ’’Le jour s’est levé’’ et ’’Porteuse de lumière’’.


Toninfo, en écho, avait affiché des pièces de sculpture. Il les a réalisées avec du plastique, du fer et des bouts de tissus. Il a récupéré tous ces matériaux. Ces œuvres s’intitulaient ’’Kékéli’’, ’’Igbese ti aïri’’ et ’’Xoxo fo’’. Il y avait, aussi, une installation : ’’Klutohoun’’. Respectivement, ces œuvres signifient, du fon, ’’Présence de lumière’’ et ’’ Le pied de l’invisible’’, notamment.


« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Telle est la célèbre pensée de Lavoisier. Elle a servi de fondement à l’inspiration de Mazoclet Toninfo. Il avait, comme préoccupation, la matérialisation du lien entre les êtres humains et le cosmos. da Silveira était si proche d’une telle projection.


L’objectif, concernant Toninfo, en est l’appropriation par les vivants du legs culturel que les anciens ont laissé. Sa consoeur, dans sa proximité, a relayé la communion que développent la création naturelle universelle et l’être humain. Les deux artistes contemporains, par leur exposition, avaient tenu en haleine le public jusqu’au lundi 31 mars 2025.


Herman Sonon / Marcel Kpogodo