jeudi 12 avril 2018

« [Il faudrait] essayer avec nous autres, demande Serge Ologoudou aux mécènes


Dans le cadre de la tenue de la cinquième édition du ’’Festin vocal’’

La cinquième édition du ’’Festin vocal’’, le Festival international des voix de femmes du Bénin, se profile à l’horizon. Nous en dit sur le programme prévu, le Directeur de l’Evénement, Serge Ologoudou. L’entretien, qu’il a bien voulu nous accorder, s’achève par un appel au soutien financier, qu’il lance aux mécènes.

Serge Ologoudou
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour Serge Ologoudou. Vous êtes journaliste culturel et promoteur culturel. Bientôt se tient le ’’Festin vocal’’. Pouvons-nous savoir ce qui est prévu pour cet événement ?


Serge Ologoudou : Merci pour l’opportunité que vous m’offrez. Le ’’Festin vocal’’, c’est le Festival international des voix de femmes du Bénin. Nous en sommes à la cinquième édition qui va se tenir du 24 au 28 avril 2018, ici, à Cotonou. Il y a plusieurs activités à mener. D’abord, il y a trois jours de formation, de perfectionnement en technique vocale ; ces trois jours seront encadrés par Annie Flore Batchiellilys qui est une grande chanteuse africaine, gabonaise d’origine. Elle est en même temps la tête d’affiche de l’édition.
Cette formation, ce seront trois jours de renforcement de capacités, c’est un Master class qui va regrouper un certain nombre d’artistes, des jeunes ou des moins jeunes, peu importe. Toutes celles qui sont intéressées à profiter de l’expérience d’Annie Flore Batchiellilys sont invitées à participer à ce Master class qui se déroulera du 24 au 26 avril, de 9h à 15h, à l’Institut français de Cotonou. En fait, il s’agit d’une dame qui chante depuis un bout de temps ; elle a déjà la cinquantaine, donc, elle n’est pas une petite dans le domaine.  
Ensuite, il y aura deux concerts : le premier, le 27 avril, à la Grande salle du Fitheb (Festival international de théâtre du Bénin, Ndlr), avec le Chœur polyphonique national, Assy Kiwa, Amy Mako de Parakou, Ayodélé et puis bien d’autres. Le 28 avril est prévu un deuxième concert qui sera, cette fois-ci, à l’Institut français de Cotonou avec, encore, le Chœur polyphonique national et, en première partie de la vedette du Festival, Annie Flore Batchiellilys, il y aura une révélation du nom d’Hermance Ellé ; elle est journaliste à l’Ortb (Office de radiodiffusion et télévision du Bénin, Ndlr) au journal parlé mais elle a pour passion la chanson. Elle a eu l’occasion de participer à ’’The voice’’ francophone cette année. Donc, elle sera la révélation et, son nom d’artiste, c’est Djayé.
Profitons de l’occasion pour parler du thème du Festival, qui est : « Les femmes dans l’environnement musical ». Il sera présenté par Marcel Padey. Ce sera la conférence inaugurale de tout le Festival, le mardi 24 avril.


Quelles sont les innovations de cette édition par rapport à la précédente ?

On veut mettre l’accent, surtout, sur les révélations, sur la détection de talents. Donc, nous sommes en train de lancer une activité dénommée ’’Première chance’’, où l’on aura à retenir une dizaine de jeunes chanteuses parmi lesquelles nous allons sélectionner trois que nous allons commencer à suivre, pour les autres éditions du Festival, histoire de les canaliser, de leur donner des notions de base pour que, d’ici à quelques années, elles puissent aussi évoluer dans leur carrière de chanteuses.


Pourquoi cette focalisation du Festival sur les femmes musiciennes chanteuses ?

D’abord, j’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs femmes artistes, entre autres, - paix à son âme ! – Zouley, et puis le trio Tèriba, surtout, un Groupe grâce auquel l’idée du Festival est née. Il faut rappeler que je l’ai fait connaître ici et à l’international. Je crois que le travail qui a été fait au niveau de ce Groupe, j’ai eu envie de le vulgariser. C’est pour cela que j’ai pensé mettre en place un Festival du genre.


L'Affiche officielle du ''Festin vocal''
Organiser un festival, par les temps qui courent, ce n’est pas facile. Est-ce que vous avez déjà tout bouclé pour la réussite de la cinquième édition du ’’Festin vocal’’ ?

Si tout dépendait de nous, tout serait bouclé. Mais, dans ce genre d’activités, il y a pas mal de partenaires, il y a pas mal de paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément. Il s’agit, entre autres, du nerf de la guerre ; il faut que les bonnes volontés, les mécènes se manifestent.
Les sponsors, il n’y en a pratiquement pas puisqu’il n’y a pas de politique ni de loi qui favorise ce genre d’activité. On y va comme l’on peut, mais on a pris ce risque parce que l’année dernière, on n’a pas pu faire le Festival, tout simplement du fait qu’il y a des réformes en cours au Ministère du Tourisme, de la culture et des sports et que ces perturbations ne nous ont pas facilité la tâche. Mais, cette année, on s’est dit que si on doit attendre que ces réformes se mettent en place, on risque de perdre beaucoup de choses. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes jetés à l’eau, il faut le reconnaître, pour maintenir la crédibilité du Festival. Donc, nous sommes là, on attend, on garde l’espoir que le Ministère finira certainement par nous accompagner.
Je profite de ce créneau pour lancer aussi un appel au Ministère de la Culture, aux responsables et aux décideurs politiques, pour attirer leur attention sur le fait que l’Etat organise des événements, mais je crois que les privés, que nous sommes, aussi participent quand même de façon importante à animer les activités artistiques et culturelles dans le pays. Et, on doit tenir compte aussi de cet effort, de cette contribution que nous, privés, apportons au secteur culturel qui en a vraiment besoin.
A l’endroit des mécènes : c’est vrai qu’il y a des bonnes volontés, des privés qui veulent parfois accompagner le secteur mais ils n’ont pas toujours la garantie qu’il faut, il manque un peu de crédibilité. Nous leur lançons l’appel d’essayer avec nous autres et, certainement, ils vont voir la différence. C’est vrai, après cette édition, on va les approcher pour mieux leur expliquer notre démarche à nous, pour mieux leur expliquer l’intérêt de ce que nous faisons et, surtout, l’intérêt que, eux aussi, peuvent en tirer. Ce sont des points qu’il faudrait, à un moment donné, éclaircir, il nous faudrait sensibiliser les uns et les autres sur des choses à faire et comprendre que si on n’a pas une mutualisation des différentes énergies, on ne pourra pas faire avancer ce secteur.


A quel contact on pourrait vous joindre, si on était intéressé pour vous accompagner ?

Il y a un contact sûr qui est mon contact direct : le 97-30-03-44.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

mercredi 11 avril 2018

Mounia Youssef, militante du cheveu crépu

Dans le cadre de trois expositions tenues au Bénin

Mounia Youssef est une photographe d’art, qui, à cheval entre le dernier trimestre de l’année 2017 et le tout premier de 2018, a tenu pas moins de trois expositions avec, comme point commun, la matérialisation de la vision chère à cette jeune femme à l’allure de libellule : combattre pour rétablir chez le Noir la conscience de la liaison de son authenticité à une réalité aussi banale que le cheveu crépu.

Mounia Youssef
Le cheveu crépu à l’honneur par seize œuvres photographiques et une dizaine de posters. Le fruit d’au moins six mois de shooting, ces séances-photo ayant, entre autres, permis à Mounia Youssef, artiste photographe libano-togolaise, de mettre au jour l’exposition intitulée, ’’l’Hair du Temps’’, qui s’est déroulée à l’Espace ’’Tchif’’ de Cotonou, du 24 novembre au 12 décembre 2017 et, de ce second mois à février 2018, au Restaurant, ’’Le Lambi’s’’ de la Haie-vive, sis quartier Cadjèhoun, toujours à Cotonou.
Au-delà de la présentation au public, à l’époque, du résultat d’un travail de longue haleine, cette corpulence délicate de femme a exposé une conviction, celle selon laquelle le Noir, qu’elle préfère appeler Afro-descendant, doit, aujourd’hui, se réapproprier les éléments physiques qui font son identité intrinsèque, et qu’à travers l’histoire, ses ’’maltraiteurs’’ ont dégradés, dévalorisés en lui, lui ont enlevés, à force de dénigrements, de préjugés, de rejet, notamment. Parmi ceux-ci, il y a le cheveu crépu qui est lui, l’Afro-descendant. « Le cheveu naturel a une place dans la société », affirme-t-elle. Et, ce n’est pas au Bénin qu’elle a cultivé cette certitude, un pays dans lequel les citoyens s’épanouissent en rejetant les normes de leur être culturel profond, pour adopter celles venant de l’étranger, mais au Ghana où elle a eu l’occasion de séjourner pendant une paire d’années.

Quelques oeuvres photographiques de ''l'Hair du Temps'', à l'Espace ''Tchif'', en novembre 2017
Dans ce pays, elle a touché du doigt la fierté avec laquelle les femmes manifestent la beauté de leurs cheveux crépus, en les arborant, bien peignés sur leur tête, ce qui, selon Mounia Youssef, a provoqué en elle le « déclic sur les cheveux naturels » et qui l’a décidée à en faire un sujet de travail. Et, les dix posters qu’elle a livrés à la délectation du public ont fait ressortir deux qualités essentielles chez l’artiste : d’abord, celle d’une graphiste accomplie qui sait disposer, positionner des conceptions originales, des couleurs fortes, des objets d’un symbolisme expressif, des propos incitatifs, des slogans motivants, un historique édifiant sur le mouvement ’’Nappy’’ de l’engagement des Afro-descendants, par les actes, à retourner aux sources de leur richesse physique spécifique, le cheveu crépu, principalement.

''l'Hair du Temps'', au Restaurant ''Le Lambi's'' de Cotonou
Ensuite, l’exposition a permis de faire ressortir le caractère fortement et profondément militant de Mounia Youssef, cela, de deux façons : premièrement, l’évocation de slogans marquants, poignants d’incitation à la prise de conscience sur la nécessité pour l’Afro-descendant, où qu’il se trouve, à travers le monde, de renouer avec le cheveu crépu, l’élément de son être originel. Morceaux choisis : « Emancipate yourself from beauty slavery », « My hair is my pride », « Your comb, your weapon ».
Deuxièmement, l’artiste réalise la focalisation du public sur certains mots forts en relation avec le fait pour l’Afro-descendant de renouer avec l’attribut de son être physique réel qu’est le cheveu crépu, dévalorisé, à travers les siècles, les époques et les années. A l’effet de la restauration de cet élément, des posters ont été spécifiquement composés et renseignaient de manière synthétique sur le sens du mot concerné : ’’Afro-descendant’’, ’’Unity’’, ’’Patrimoine’’, ’’Anticonformisme’’, ’’Réappropriation’’. De manière particulière, un poster a été investi de l’intense mission de restituer deux réalités : l’historique de la cause du cheveu ’’nappy’’ et le déroulement du laborieux processus ayant permis à Mounia Youssef de lancer, sur les réseaux sociaux, un appel à candidatures pour recruter des modèles devant poser pour les photos, d’en retenir pas moins de 35 sur plus de 300 appelés.
Aperçu du poster sur, notamment, le mouvement ''Nappy''
Et, elle a aussi, au finish, livré au regard du public, un riche éventail de traitements du cheveu crépu, de sa tresse à sa pousse libre, en passant par d’autres états inattendus de sa valorisation, tels que la simple joie de vivre d’un visage à la tête surmontée d’une tresse conséquente. En outre, une gestion commune pour toutes les seize photos exposées, concernant la démarche de travail de l’artiste : elles ont fait l’objet d’une « impression numérique sur papier photo ». Cerise sur le gâteau : certaines notoriétés béninoises n’ont pas résisté à l’appel à donner aux visiteurs de contempler leur chevelure extraordinaire, dans leur caractère intrinsèque, mais s’adaptant au projet conçu par Mounia Youssef : le slameur Kamal Radji.

Mounia Youssef, en exposition au ''Centre'' de Lobozounkpa
Par ailleurs, en décembre 2017, des icônes moins palpables ont fait l’objet de l’intérêt de la photographe-graphiste, dans le contexte de la deuxième édition des ’’Echos de Lobozounkpa’’, un événement qu’a organisé ’’Le Centre’’, complexe culturel situé à Atropocodji, dans l’Arrondissement de Godomey, de la Commune d’Abomey-Calavi ; avec neuf autres artistes contemporains, elle y a traité le sujet des Amazones, ces femmes guerrières ayant fait fureur dans le royaume du Dahomey.
Avec cette exposition collective, Mounia Youssef, à travers la longue plaque rectangulaire aux seize photos en noir et blanc, qu’elle a fait valoir, l’amazone appartient à tous les temps, même à l’époque contemporaine, face à un cheveu crépu qui apparaît quatre fois, abondant sur une tête vue de dos et, de profil, tressé puis, enfin, s’étalant court sur le côté d’une tête dont la moitié est perçue de face. Une stratégie d’agencement de quoi rendre remarquable le cheveu crépu comme l’élément pour matérialiser l’identité physique que rend véritablement spécifique l’appartenance culturelle, ce cheveu qui ne peut évoluer en une hirondelle unique : «  Avec sa peau, ses rondeurs, une amazone qui s’affirme affirme aussi son corps », appuie l’artiste, concluant sans ambages : « Etre amazone, aujourd’hui, c’est s’affirmer corporellement ».  


Mounia Youssef, une poigne de conviction 

Incandescente par sa vision pan-afro-descendantiste, rude par sa combativité et profonde dans son endurance, Mounia Youssef entretient le contraste sur sa personne, de par ces traits de caractère, avec une fine corpulence et un grand calme, une puissante sérénité. Des atouts qui semblent l’avoir conduite à mener à bien le travail impressionnant qu’ont demandé la conception, la préparation et la concrétisation de l’exposition, ’’l’Hair du Temps’’ : entre autres, toutes les sortes de va-et-vient, la communication pour recruter, par Facebook, des candidats loméens et cotonois pour les photos, des postulants voulus afro-descendants, métis avec des cheveux naturels, le travail sur les 35 retenus, leur maquillage, la location de studios-photo pour les séances de shooting, l’étalement de sa disponibilité pour l’adapter à celles de ses élus.
En frais début de la trentaine, Mounia Youssef fera retenir par l’histoire qu’en 2008, elle entre au devenu célèbre, prestigieux et crédible Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (Isma) de Cotonou, au Bénin, pour une formation en Journalisme audiovisuel. Trois ans après, sa Licence professionnelle conquise, elle se fait autodidacte en Photographie avec, comme source d’acquisition des précieuses connaissances, Internet et, elle s’enferme dans une activité intense dans le domaine : « Plus on pratique, on devient meilleur », a-t-elle compris. Puis, de 2013 à 2015, elle fait l’option du Ghana pour une nouvelle formation en ’’Multimedia design’’. Depuis, son savoir-faire, en Photographie alliée au Graphisme, se demande abondamment, de toutes parts.
Voilà une réelle efficacité technique fondée sur une pugnacité à toute épreuve, et ce ne serait pas l’élancée Mounia Youssef, si cela devait s’en arrêter là : « Le militantisme, cela fait partie de ma vie », confie-t-elle. Ceci aide à comprendre qu’elle ne se contente pas d’exécrer, mais elle passe à l’action pour bouter dehors ce qui, pour elle, semble pouvoir nuire au fonctionnement harmonieux de la société, de l’africaine, en particulier. Conséquence : s’indignant des dégâts de plusieurs ordres que causent les produits chimiques sur le cheveu afro-descendant qui est rendu artificiellement lisse par le défrisage, s’horrifiant de la richesse dépouilleuse de l’Afrique, que cela génère pour les occidentaux concepteurs de ces produits, s’offusquant de la dépersonnalisation de l’Africain désormais condamné à s’approprier les standards européens de la beauté au détriment des siens, elle se révolte par l’exposition ’’l’Hair du Temps’’ dont elle a décliné le but, simple : « contribuer à ce que cela change, à ce que tombe ce complexe d’infériorité que montrent les Afro-descendants, sensibiliser » sur comment ces produits « gâtent le corps » et sur comment le système commercial mis en place « enrichit ceux qu’il ne faut pas ». Une amazone des temps modernes.
Et, ce n’est pas fini ! Ce qui l’épanouirait : « appartenir à une équipe technique pour tenir des conférences sur tout ça … ». Prête à aller plus loin, elle précise pouvoir faire de la « sensibilisation porte-à-porte ». Une telle détermination a une bonne justification : Mounia Youssef, de couleur métis de peau, ne laisse rien voir de son esprit, de son âme intrinsèquement africains, authentiquement afro-descendants : « Je me considère africaine, c’est général, c’est global ; je suis née en Afrique, j’ai grandi en Afrique, mon histoire, ma vie sont ici, de même que mon cursus scolaire et le décollage de ma carrière ! », laisse-t-elle émerger d’elle, non sans une pointe de chaleur dans la voix. « Ma mission continue » pour « valoriser la beauté black, avoir l’inspiration pour la révélation de la beauté africaine », clôt-elle.

Marcel Kpogodo

jeudi 5 avril 2018

Sakpata Zogbo pilote désormais le Festival des danses endogènes


Dans le cadre des réformes opérées au niveau de son événement

L’artiste danseur, Sakpata Zogbo, de son identité à l’état civil, Léon Hounyè, a rencontré le desk ’’Culture’’ du Journal ’’Le Mutateur’’, le mardi 3 avril 2018, à Cotonou. Il ressort des échanges effectués que l’événement phare dont il tient l’organisation annuelle depuis cinq ans, le Festival ’’Yaoïtcha’’, va opérer une métamorphose majeure fondée sur le renouvellement de sa dénomination.
Sakpata Zogbo, en pleine démonstration de son art de la danse 
Le ’’Festival des danses endogènes’’. Le nom par lequel il faut remplacer ce que le public connaissait par le Festival ’’Yaoïtcha’’, ce qui ressort des échanges que le danseur professionnel, Léon Hounyè, alias Sakpata Zogbo, a tenus avec la rédaction culturelle du ’’Mutateur’’, le mardi 3 avril 2018, en fin d’après-midi, au quartier Zogbohouè de Cotonou.
« Nous devons aussi opérer des réformes au niveau de nos initiatives d’ordre culturel ! », s’est exclamé l’hôte du Journal, expliquant que le défunt Festival ’’Yaoïtcha’’ portait le nom de la danse du feu avec l’implication attendue que toutes les activités de la manifestation ne tournait autour que d’elle, ce qu’il a trouvé restrictif. Ainsi, le nouvel événement aura comme innovation de travailler sur plusieurs autres danses à part la ’’Yaoïtcha’’ : ’’Dan’’, ’’Hêviosso’’, ’’Sakpata’’, ’’Zangbéto’’, celle de la chasse, entres autres.


Un programme déjà ficelé

En 2018, à en croire Sakpata Zogbo, le Festival des danses endogènes aura lieu sous le sceau de la sixième édition et, l’événement est prévu pour tenir sur trois jours avec, comme invité de marque, le Roi d’Allada. D’abord, le vendredi 12 octobre, en matinée, à Zogbo, sera animée une communication par celui qu’il a appelé un sage, l’ancien Député, l’Honorable Kakpo ; cette personnalité aura la lourde responsabilité intellectuelle de retracer l’histoire des autochtones de Cotonou devenue la capitale économique du Bénin, de même qu’il établira la nette différence entre les quartiers Zogbo, Zogbohouè, Mènontin et Kindonou, notamment, et évoquera les fondements de la création de Cadjèhoun et d’Abomey-Calavi. 

Sakpata Zogbo
Quant au samedi 13 octobre, il enregistrera le lancement du Festival. Cette ouverture, qu’il annonce grandiose et flamboyante, intense et dense, donnera au public de déguster plusieurs tableaux des danses traditionnelles de chez nous, un spectacle devant durer six heures de temps, à partir de 10 heures, dans la matinée. Et, ce sera à Zogbohouè. Enfin, le dimanche 14 octobre, Kindohou accueillera un autre vaste spectacle de danses, dès 10 heures du matin. Six heures plus tard, le public devra se déplacer vers Zogbo pour vivre les activités de la clôture du Festival.


Un réquisitoire de révolte

L’évolution des discussions a induit un inattendu changement de casquette. 

Sakpata Zogbo
C’est ainsi que le danseur de la musique traditionnelle s’est mué en Secrétaire général du Groupe 113 (G113), ce qui a justifié son indignation face à la léthargie actuelle dans le monde culturel : « Aujourd’hui, notre Ministère de la Culture n’existe plus, le Ministre ne nous connaît pas, il ne croit pas à notre travail, il n’a pas confiance en nous, il nous prend pour des bandits ! », lance-t-il, d’un trait avant, très vite, d’en tirer ses conclusions : « Nous, les artistes, nous ne pouvons plus faire comme avant, c’est-à-dire soutenir un Ministre ; si les gens ne nous considèrent pas, il faudrait que nous prenions notre destin en mains : il ne faudrait plus que les artistes parlent, qu’ils fassent leur travail, celui qui les libère ! », finit-il, avant de rebondir par un appel à ses pairs : « Que chacun de nous accompagne le Gouvernement selon ce qu’il peut apporter », et par une adresse au Chef de l’Etat : « Je remercie le Président Talon pour son travail et, nous pouvons l’accompagner en vulgarisant les idées du Programme d’actions du Gouvernement (Pag) au niveau des populations, à travers les activités de nos festivals ».

Crédit photos : Sakpata Zogbo, alias Léon Hounyè

Marcel Kpogodo

lundi 26 mars 2018

Grand hommage à Cheikh Anta Diop


Dans le cadre de manifestations commémoratives de son œuvre


Le célèbre historien et anthropologue sénégalais, Cheikh Anta Diop, a été l’objet d’un vibrant honneur, en novembre 2017, à Dakar, au Sénégal, à l’occasion d’une impressionnante manifestation artistique.

De gauche à droite, Erick Ahouansou et Ana Vicky Castillo
58 œuvres dont une cinquantaine de photos de pharaons imprimées, et 8 toiles originales parmi lesquelles se trouvent 7 portraits de pharaons et, un autre, de Cheikh Anta Diop. L’arsenal artistique qui a été déployé dans le Hall du Grand théâtre national de Dakar, capitale du Sénégal, pour le compte du vernissage d’une exposition, qui s’est déroulé le 24 novembre 2017, à l’initiative du Professeur Ana Vicky Castillo.
Plusieurs personnalités ont honoré de leur présence l’événement : la marraine de l’exposition, Mariétou Diop, Présidente de la Fondation ’’Cheikh Anta Diop’’, Omar Danfakha, Représentant du Ministre sénégalais de la Culture, Boubacar Barry et Diallo Diop, Professeurs d’Histoire et, surtout, Massamba Diop, Docteur en Médecine et fils de Cheikh Anta Diop, sans oublier une personnalité Vip, l’Ambassadeur des Iles des Comores près le Sénégal.


Les Noirs, une origine prestigieuse

Ana Vicky Castillo, d’origine colombienne, Professeur d’Espagnol et Docteur en Histoire, vivant aux Etats-Unis, est partie des travaux de Cheikh Anta Diop, de ses recherches et de ses révélations sur la culture africaine et ses fondements, pour se rendre compte de la portée inestimable de ses travaux, ce qui l’amena à décider d’en faire la révélation à travers l’exposition indiquée, qui avait un thème bien précis : « L’apport de l’ancienne civilisation africaine ». Ainsi, pour cette universitaire, il s’agissait de diffuser, de vulgariser les idées du très respecté chercheur sénégalais, selon lesquelles l’Egypte antique, ayant rayonné dans plusieurs secteurs tels que les mathématiques, la médecine, la mécanique, les sciences en général, la musique, le calendrier, l’art et la culture, notamment, cette Egypte était composée de la civilisation noire, celle-ci qui est la toute première ayant régné pendant l’âge d’or de la civilisation contemporaine. 

Une exposition qui a drainé du monde ...
Et, à en croire les analyses d’Ana Vicky Castillo, développées au cours de la conférence qu’elle a animée le 25 novembre 2017, des vues inspirées des résultats des recherches de Cheikh Anta Diop, la civilisation noire s’est même retrouvée en Amérique du Sud, à travers les Mayas, les Astèques, entre autres. Par ailleurs, l’égyptologue sénégalais  trouvait que l’histoire de l’Egypte n’était pas séparable de celle des Noirs, et elle a inspiré beaucoup de savants qui étaient allés s’instruire dans ce pays. Ainsi, la validité de l’histoire africaine dépend de sa liaison avec celle de l’Egypte, d’où une déduction simple émanant de Cheikh Anta Diop et relevée par Ana Vicky Castillo : « L’histoire de l’Afrique noire sera écrite dans l’air jusqu’à ce que les historiens africains osent la relier à l’histoire de l’Egypte ». Cette réflexion prouve à quel point les puissances occidentales ont réussi la basse œuvre de démolition de l’image des Noirs par l’anéantissement des preuves de leurs racines avec la resplendissante civilisation de l’Egypte antique.


Des collaborations déterminantes  

L’exposition indiquée, qui a clos ses portes le 30 novembre 2017, est la manifestation phare ayant permis de lancer les activités d’une institution culturelle crée aux Etats-Unis et dont la Fondatrice et Présidente n’est personne d’autre qu’Ana Vicky Castillo : l’ ’’African diaspora museum of Chicago’’ (Admc) ; cette personnalité est aussi à l’origine de la création de l’ ’’Afrolatino historical society’’. Prévue pour être montrée à travers les pays du monde depuis le 7 février 2018, cette exposition, qui n’est que le commencement du processus de révélation par Ana Vicky Castillo des fondements authentiques de l’histoire des Noirs, n’a pu connaître une véritable réussite sans un certain trio d’artistes : le Colombien Julio C. Montano M, l’Américain Gary Taylor et, surtout, le Béninois Erick Koffi Ahouansou dont la partition précise a été, notamment, la réalisation des sept portraits de pharaons et de celui de Cheikh Anta Diop. 


L'affiche de l'événement
En outre, d’autres collaborateurs ont apporté leur pierre à l’édifice de ce succès : Jean-Claude Ahouansou, Ba Dethié, Owen Leroy, M. Sambou et Mme Gassama, tous émanant de la Maison de la Culture ’’Douta Seck’’ dont la seconde est la Présidente.
Les participants à la manifestation culturelle ont visité l’Ile de Gorée et la tombe de Cheikh Anta Diop.

Marcel Kpogodo

samedi 17 mars 2018

Charly Djikou, l’appel suppliant au ’’dialogue’’ salvateur entre Gouvernement et enseignants


Dans le cadre d’une exposition au Centre culturel chinois


Depuis le samedi 24 février 2018 se tient au Centre culturel chinois de Cotonou une exposition permettant à quatre artistes plasticiens béninois de faire valoir le fruit de leur inspiration concernant un sujet très simple : le ’’dialogue’’. Particulièrement, l’un d’entre ces créateurs, le sculpteur sur pierre, Charly Djikou, fait de cette situation de démonstration une opportunité pour s’inviter dans l’actualité du débrayage prolongé dans le monde de l’éducation ; par le biais d’une de ces œuvres, il appelle le Gouvernement et les enseignants à fumer le calumet de la paix pour que le pire soit évité à notre pays.

De gauche à droite, ''Awakpokpo'' et Charly Djikou
« ’’Awakpokpo’’, je l’ai fabriquée spécialement, à Savè, pour inviter le Gouvernement et les enseignants à s’entendre, afin que l’année scolaire soit sauvée ». Les yeux pathétiques, tournés vers le soleil comme s’il le suppliait de chasser, de sa lumière, les ombres de la grève, Charly Djikou, embrassant ’’Awakpokpo’’ de ses grosses mains d’ouvrier de la pierre, comme accroché à une bouée de sauvetage, s’exprime depuis l’entrée de la cour principale du Centre culturel chinois de Cotonou, où se déroule une exposition qu’il anime, avec trois de ses collègues artistes contemporains, depuis le 24 février 2018, sur le thème du ’’dialogue’’.
« Les artistes plasticiens ont leur mot à dire dans la société, au même titre que les hommes politiques, la société civile et les travailleurs », justifie l’artiste, enfonçant sa logique d’engagement : « Il faudrait utiliser le chemin du dialogue, car c’est lui qui apporte la paix, la compréhension, l’écoute de l’autre », avant de conclure : « Les artistes écrivent l’histoire de la civilisation d’un peuple, c’est ce qui me pousse à tenir compte de la crise que nous traversons au Bénin ».
Selon Charly Djikou, ’’Awakpokpo’’, le titre de l’œuvre porte-flambeau de son actuelle exposition au Centre culturel chinois de Cotonou, signifie ’’ensemble’’, en langue nagot. ’’Assemblée’’ est alors l’explication circonstancielle que sélectionne, de ce mot, en langue nationale, ce maître de la pierre, pour une très récente création qui matérialise une grande réunion, par les nombreux visages à la bouche ouverte, jalonnant tous ses côtés, ce qui fait, au décompte, pas moins d’une douzaine de personnages embarqués dans une concertation stratégique, peut-être celle entre les ministres représentant le Gouvernement Talon et les secrétaires généraux des centrales, des confédérations syndicales et des regroupements des syndicats d’enseignants. Surprise : un personnage, en bas, se trouve piétiné par tous les autres ! « C’est le sage », interprète Charly Djikou, «  il supporte tout, ce pour quoi il doit avoir le dos large », sanctionne-t-il. Ce sage est-il le Président de la République, Patrice Talon, que l’artiste appelle à l’acceptation de l’inacceptable, pour éteindre la crise scolaire actuelle ?


Irrésistible exposition

En réalité, ce maître de la pierre profite de l’exposition intitulée ’’Dialogue’’ pour prendre en otage, dans certains de ses espaces stratégiques, le Centre culturel chinois : à l’entrée principale, six œuvres, parmi lesquelles ’’Awakpokpo’’, se déploient autour d’une sorte de piscine décorative, deux autres ornent une autre entrée, celle de la résidence du maître des lieux, pendant que deux autres concèdent un message aux visiteurs voulant accéder au hall du Centre, d’autres encore vous assistent dans ce hall et, dans la galerie proprement dite, les toutes dernières vous surprennent par l’inattendu du message que les a chargés de transmettre leur père.
Si ’’Awakpokpo’’ est taillée à partir de la pierre extraite de la Cité aux trois mamelles, Savè, un matériau d’une « nature belle » dont le sculpteur laisse des parties intactes, vu sa dureté, sa résistance, sa « morphologie compacte », sa beauté à la finition, les autres pièces émanent de la pierre de la Commune de Dassa, des régions de Dan, dans le zou, ou d’Idadjo, à Ouèssè. Lorsque ces pierres de différentes origines contribuent à évoquer le ’’dialogue’’, l’artiste dénonce certaines circonstances de la vie qui le compromettent : ’’Akowé I’’ et ’’Akowé II’’ rejette le port hautain et vaniteux de l’intellectuel, qui l’amène à se bloquer à son entourage, ’’Ta vo I’’ et ’’Ta vo II’’, la vacuité intellectuelle, spirituelle, qui débouche sur la prétention, un objet de conflits avec les autres, ’’Zèle du roi’’, la même prétention, mais relevant de la promotion à un poste, l’état donnant lieu à de la vantardise, ’’Grande gueule’’, le comportement de celui qui « dit tout sans rien dire de concret », achève l’artiste.
Et, les quatorze autres sculptures  doivent aussi être vues, de quoi s’abreuver, d’une part, de l’expression des bons thèmes chers à Charly Djikou : le masque ’’guèlèdè’’, la belle tradition ancestrale, la force sociale de la mère, les valeurs du brassage, de la convivialité, du vivre ensemble, de la vie communautaire, de la sagesse, ces qualités qui, notamment, garantissent le dialogue. D’autre part, il est important de viter une telle exposition, afin de constater la capacité du sculpteur à la représentation de faits, de sentiments, de personnages.


« Je suis pierre … »

Charly Djikou manifeste de la familiarité, de la proximité, une profonde intimité avec la pierre, ce qui l’amène à ne pas la travailler extérieurement ni superficiellement ; à l’aide du burin, du marteau, de la meule avec disque diamanté, il lui dicte son inspiration, la lui inflige, la dompte de façon à lui imprimer le message qu’il lui tient à cœur de partager avec le public, il la sort de la nature, la magnifie et le rend désirable ; elle n’est donc plus un matériau, mais une partenaire, une amante et, finalement, une épouse avec qui il fait corps pour développer une vision de conquête du monde par son ’’modèlement’’, son façonnement, sa sculpture. Ainsi, fondu en elle, il est elle, d’où cette sourde déclamation : « Je sors d’une pierre. Donc, je suis pierre, je m’exprime en pierre, avec la pierre, pour la pierre. Donc, je suis la pierre, je ne peux qu’être pierre ».
De la même manière qu’elle se donne, se fusionne à lui, recevant de lui des semences d’inspiration, qu’elle développe et qu’elle enrichit, qu’elle immortalise, pour la gouverne de la postérité, il lui fait allégeance, comme à Dieu, de quoi lui imprimer son génie, de même que de puissants gènes plus qu’identificateurs.
Et, une telle symbiose avec la pierre, une communion si productive d’une analyse aussi pointue qu’inattendue de la vie, Charly Djikou avoue fièrement qu’elles ne sont nullement accidentelles, vu qu’elles viennent de son sang profond, ce qui l’amène à la référence à l’un de ses ascendants, son arrière-grand-père, à l’origine, fabricateur de meules de pierre, un outil, une unité de production, une entreprise qu’il a mise en place pour satisfaire le besoin de la population d’Agbangnizoun en écrasement de céréales. C’est ainsi que l’aïeul prophétisa, à partir d’une conviction qu’il fit vérité, d’où sortit le patronyme ’’Djikou’’ : « Dji na o kou o, axi na djè ! », ce qui signifie : « Même si la saison est mauvaise, le marché s’animera ! ». Ainsi, définitivement, existe, dans la Commune indiquée, du Département du Zou, le marché ’’Djikou Sèto’’, s’animant tous les cinq jours. Comme, alors inspiré par la veine ancestrale, Charly Djikou entretient de grands projets pierreux pour Savè, en dehors d’une initiative, lancée et tenue, du 12 au 17 février 2018, pour créer une relève certaine en sculpture de pierre.

Marcel Kpogodo

samedi 10 mars 2018

Denis Akodébakou, le combat pour le mieux-être des artistes

Dans le cadre de la troisième édition du Concert ’’Hosanna’’

La salle de cinéma dénommée ’’Concorde’’, à Cotonou, abritera, le dimanche 25 mars 2018, le Concert ’’Hosanna’’, dans sa troisième édition. Selon le promoteur de l’événement, Denis Akodébakou, les ressources collectées serviront à un usage purement social, en faveur des artistes.

Denis Akodébakou, qui voudrait voir les artistes aussi souriants que lui
« Il ne faudrait pas attendre le décès des artistes avant de leur faire des cotisations ou de leur octroyer des distinctions ». Le cri de cœur de Denis Akodébakou, ce qui justifie son engagement et son combat à réussir le Concert ’’Hosanna’’ au Cinéma ’’Concorde’’ de Cotonou, un événement dont il prévoit l’organisation pour le 25 mars 2018, dimanche des Rameaux, à 16 heures. Pour ce reporter, ce manager et ce promoteur culturel, Président de la Fondation ’’Les trompettes d’or de Papa Oshoffa’’, les revenus du concert indiqué, organisé en collaboration avec l’Association ’’Heg diffusion’’, serviront à financer les soins de certains artistes actuellement en mauvais état de santé, afin de leur sauver la vie : entre autres, Nelly Amlot, accidentée depuis bien longtemps, Félix Didolanvi, alias ''Pêcheur'', qui garde une blessure non guérie au pied, après avoir aussi subi un accident de la circulation et avoir été abandonné par l’Assurance.

L'affiche du concert
Au total, pas moins de huit artistes se produiront sur scène : Nelly Amlot, Félix Didolanvi et Merit Child, du côté du Bénin, le Nigérian Olusesi Tope et la Togolaise Olusheyi, de même que des artistes débutants qui pourront entrer en contact avec leurs aînés pour bénéficier de leurs expériences : Esther Zanklan, Hippolyte Loko et Mathieu Koumasségbo. Le prix unique de participation au concert est de deux mille francs.

Marcel Kpogodo 

Amessiamey, le talent qui explose du boisseau


Dans le cadre de son insertion dans le Bim

En matière de résurrection artistique, on ne peut trouver plus indiqué, actuellement, qu’Amessiamey. Après un bon nombre d’années de silence, cette artiste chanteuse, depuis peu, a refait surface, le Projet ’’Bénin international musical’’ (Bim) ayant permis de l’entendre à nouveau chanter, de la voir à nouveau se produire sur scène, le vendredi 12 janvier 2018. Portrait d’un esprit artistique ayant surnagé du marais …

Amessiamey
Un visage rondelet noir qui brille par de la lisseur, un visage dont le noir se rend bien éclatant par un maquillage discret, impeccable, une tête surmontée d’une épaisse et soyeuse touffe rousse de cheveux se raréfiant sur les côtés, un visage que prolonge un corps qu’enveloppe un accoutrement de scène : un simple corsage rose, vu de loin, dans lequel des motifs sombres entretiennent le contraste, un corsage à la base en dents de scie, sur un pantalon en tissu dit africain, d’un fond vert parsemé de dessins de fleurs, un pantalon s’élargissant après les genoux, pour se terminer en pattes d’éléphant, un genre de « bas d’elphe », d’une certaine époque. Les yeux fermés, les mains jointes, Amessiamey vit son morceau, le chœur dans lequel ses lèvres s’enfoncent harmonieusement, sur cette scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, le 12 janvier 2018, lors du grand concert de sortie des artistes du très radiophonique Projet du ’’Bénin international musical’’ (Bim). Bien avant, presqu’un mois plus tôt, le 15 décembre 2017, elle se produisait en un concert solo, à la Paillotte du même Institut.
Vingt-quatre ans de carrière sont passés par là ; ils ont façonné ce qui est devenu une voix claire dont l’ardeur se construit au fil des morceaux qu’elle chante ; ces vingt-quatre ans de carrière dans la musique béninoise ont fabriqué la voix éclatante qu’est aussi Amessiamey, elle qui a matérialisé ses débuts dans le fameux groupe ’’Alafia music’’, lequel, dans sa fureur du début des années 2000, a fait danser les Béninois dans les espaces convenus à cet effet, sur une salsa, copieuse à souhait, qui avait la particularité de décrisper par sa chaleur et de faire tendre le pied à ceux qui n’en étaient pas amateurs. Elle intègre ce qui s’est imposé comme un ensemble de trois membres en 1994, trois ans après sa mise en place.
Entre-temps s’amorce la traversée de désert du Groupe, Amessiamey se met à son commerce et, un fait marquant l’amène à s’extérioriser : « Ma famille est plus moi que moi ». Oui, ses collègues d’ ’’Alafia music’’ et, surtout, des membres de sa famille, étant donné ce qu’ils l’ont vue artistiquement démontrer, se sont lancés dans des encouragements qui ont produit un effet d’une efficacité intéressante : elle trouve du temps pour se mettre à nouveau au travail ; elle écrit elle-même ses morceaux, elle trouve désormais à son actif un clip et quatre chansons audio. Une figure représentative de cette famille très motiveuse : Pauline Kiti, sa grande sœur, artiste danseuse, ancienne membre des ’’Muses du Bénin’’, disponible pour la coacher, dotée qu’elle avoue, d’une force d’intuition, d’un talent pédagogique. Des conséquences s’en réalisent. Définition de rythmes de travail, de rythmes traditionnels : le ’’gazo’’ et l’ ’’élézo’’. Adoption de rythmes typiquement africains : le hi-life et l’afrobeat ! Elle se projette donc pour un album de douze titres, se démarquant par un élément de singularité : ce sera, confie-t-elle, de la « musique de salon », ses thèmes préférés en étant « l’amour fraternel, le positif, la paix dans la société, dans les foyers ». Ses langues de prédilection : le mina et le fon.
Celle dont les vingt-quatre ans de carrière se sont aussi forgés avec des ’’jam’’ au ’’So what !’’, à ’’Acropole’’, notamment, manifeste un processus atypique d’évolution : de son groupe de musique, elle est passée à une expérience en solo, pour aboutir au Bim, une véritable structure-orchestre de promotion de la musique béninoise, avec des canons rythmiques internationaux, pour des canaux puissants de diffusion, étant le réseau des radios de ’’Radio France’’ et de leurs partenaires, disséminés dans le monde entier.  

Amessiamey, deuxième position, de gauche à droite, au cours du concert du Bim, du 12 janvier 2018
Un succès, pour Amessiamey, d’avoir pu être sélectionnée pour participer à officier dans cette messe, une porte étroite. Un rude casting a révélé qu’elle pouvait en être, du fait de certains atouts : « une capacité hors pair d’improvisation sur n’importe quelle grille donnée », « sa voix qui accroche le public, qui est capable de se déployer dans tout registre, en alto, en soprano ou en aigu », notamment, explique Aristide Agondanou, ancien membre et manager des ’’Gangbé brass band’’, la tête pensante du Bim. De même, elle a démontré sa capacité rapide à concevoir des textes, à créer des mélodies.
A en croire, toujours, les réflexions de cet homme des grands festivals internationaux de musique et des réseaux influents afférents à ce domaine, ce système qu’est le Bim « apportera une communication de masse au projet personnel d’Amessiamey ». Et, « le carburant, l’énergie » dont elle a besoin pour évoluer et pour se surpasser et rayonner, Aristide Agondanou sait en produire les mots et les actes de motivation : « c’est un défricheur, un détecteur, un développeur », reconnaît de lui cette star en devenir, ce qui n’empêche pas cet esprit d’humilité, qu’est le patron de la structure de promotion, ’’Awo-négoce’’, de bien vite remettre les choses à leur place : Amessiamey « s’est personnellement trouvé sa voix, son style, sa musique, son identité ». Ainsi, le talent affermi de celle-ci reste le soleil au zénith, qui a en secoué et calciné le boisseau porteur de léthargie et d’extinction artistiques. La trentaine ferme, monolaise, Amessiamey, de son nom, à l’état-civil, Brigitte Kiti, prend son envol, avec ses collègues du Bim, dès le lundi 12 mars 2018, pour la soumission de son être artistique aux sensibilités françaises, européennes et occidentales. « Amessiamey », «Tout le monde », en langue mina, est peut-être porteuse d'un sens de l'unanimité, du consensus, qui lui portera bonheur hors du Bénin. 

Marcel Kpogodo  

vendredi 9 mars 2018

Six raisons pour devenir artiste malgré tout, selon Antoinette Tidjani Alou


Déclaration dans le cadre de la conférence inaugurale tenue à l’Eitb


La matinée du mardi 6 mars 2018 a permis d’enregistrer la tenue de la conférence inaugurale de la rentrée académique de la promotion 2017-2020, à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), devant un public important. L’occasion pour le Professeur Antoinette Tidjani Alou, animatrice de cette séance de partage intellectuel, d’évoquer six éléments de soutien pour lesquels il faudrait quand même qu’il y ait des artistes.

Le Professeur Antoinette Tidjani Alou
Le besoin pour les êtres humains d’avoir une vision, le rappel à l’ordre qui doit leur être fait par rapport à l’existence incontournable de la beauté, du sens d’humanité, du rêve, une « nécessité urgente », l’importance de la position de prise de recul, de questionnement vis-à-vis des systèmes établis, la nécessité du « renouvellement des sources de créativité dans tous les domaines », la place inévitable de comportements comme rire et pleurer, l’établissement de la prise de conscience par rapport à l’ouverture du monde, à la nécessité de ne pas « perdre son âme », sa subjectivité, sa manière intrinsèque, authentique d’être. Les six faits de motivation qui devraient encourager ceux qui s’en sentent la vocation et beaucoup d’autres personnes à devenir un artiste, à en croire Antoinette Tidjani Alou, Professeur de Littérature française et comparée à l’Université Abdou Moumouni du Niger, et Marraine de la Promotion 2017-2020, la sixième de l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), qui s’est exprimée dans le milieu de la matinée du mardi 6 mars 2018, au Studio théâtre de la structure universitaire, dans la conférence inaugurant la rentrée académique, sur le thème : « La formation professionnelle des artistes : repères et perspectives ». Ont fait le déplacement de la cérémonie des responsables d’universités privées, des enseignants, des acteurs et des promoteurs culturels, des artistes de même que des étudiants dont ceux de la sixième promotion de l’Eitb, sans oublier Alougbine Dine qui en est le Directeur.

Un aperçu du public ayant fait le déplacement ...
En évoluant dans son propos, l’oratrice a décliné plusieurs avantages forts justifiant que l’artiste reçoive une formation professionnelle : « comment être et rester africain face à la modernité », savoir ce que l’on est, d’où l’on vient, où aller, maîtriser du passé et du présent, faire valoir, dans le monde, un langage contribuant à développer la sensibilité chez les autres, « vivre dans l’imaginaire qui n’est pas l’illusion », autrement dit, « persévérer dans la lucidité », apprendre à avoir d’autres revenus pour gagner son pain. Pour la conférencière, la formation professionnelle est « un train rapide » pour l’artiste.

... avec le Directeur Alougbine Dine, très attentif

Des préalables

Cette chute en deux évocations cardinales a été précédée d’un préambule voulu par le Professeur Antoinette Tidjani Alou d’une remarquable humilité intellectuelle, ce qui lui a permis de formuler des encouragements aux artistes ayant décidé de s’engager dans une formation professionnelle, surtout qu’ils en sont rejetés par leurs proches. Abordant les avantages liés à leur courageux choix, l’intellectuelle jamaïco-nigérienne a montré qu’ils produisent un impact sur le monde et qu’ils se mettent véritablement en valeur. Et, pour cette fondatrice du Laboratoire d’Etude, de recherche, de pratique et de valorisation des arts et de la culture (Lervap), le processus éducation-formation-instruction est celui dans lequel l’artiste en quête de connaissances intellectuelles et de qualifications, recèle de bénéfices multidimensionnels.

Le Professeur Tidjani Alou posant avec les étudiants de la sixième promotion
Par ailleurs, abordant les « repères et perspectives », Antoinette Tidjani Alou, Chevalier des Palmes académiques du Niger, a fait ressortir la qualité essentielle de l’Eitb : fournir à ses étudiants une formation contemporaine. En outre, l’auteur d’ ’’On m’appelle Nina’’ et de ’’Tina shot me between the eyes and other stories’’, respectivement, une autofiction et un recueil de nouvelles, s’est embarqué dans la différenciation entre l’artiste et l’artisan, pour aboutir aux contraintes spécifiques de la transmission des connaissances techniques, dans un contexte africain, avant de faire ressortir le paradoxe que manifestent les hommes politiques, aux choix résolument opportunistes, culturellement parlant, entre leur vision culturelle et les réalisations concrètes, une analyse que la conférencière a fondé sur l’exploitation des articles 6, 7 et 14 de la Charte de l’Union africaine.
Très applaudie, aussi bien après la présentation qu’à l’issue de la phase des réponses aux préoccupations du public, Antoinette Tidjani Alou a été gratifiée d’un bouquet de fleurs.

Marcel Kpogodo

jeudi 1 mars 2018

L’artiste Elon-m, plusieurs facettes du dialogue

Dans le cadre du vernissage d’une exposition éponyme au Centre culturel chinois


La Salle polyvalente du Centre culturel chinois accueille, actuellement, une exposition dont le vernissage a eu lieu dans la soirée du samedi 24 février 2018. Parmi les quatre artistes présentant les résultats de leur travail, Elon-m laisse découvrir des postures diversifiées du ’’Dialogue’’, thème de l’exposition.

Elon-m Catilina Tossou, dans ses explications, sur l'exposition indiquée
Dialogue politique, interculturel ou d’un tout autre ordre. De son nom à l’état civil, Elon-m Catilina Tossou, Elon-m en présente quelques-unes des manifestations dont certaines sont inattendues, à travers l’exposition, ’’Dialogue’’, dont le vernissage s’est déroulé le samedi 24 février 2018, à la galerie du Centre culturel chinois, un événement qu’il est important d’inscrire dans le contexte de la célébration du ’’Happy chinese new year’’ (Hcny), le Nouvel an chinois.
Sur une bonne quinzaine de toiles réalisées en résidence de création, qu’il soumet au regard du public, jusqu’au 23 mars prochain, sept sont visibles dans différents halls du Centre culturel chinois. Quant aux huit restantes, elles s’intercalent avec les tableaux produits par deux autres peintres avec lesquels Elon-m se trouve en exposition, Achille Zohoun et Esther Bigo, sans oublier que, par ses sculptures, Charly Djikou marque son analyse du thème du dialogue.
Dans un premier temps, le jeune artiste contemporain présente le sujet indiqué comme un processus mettant face-à-face des hommes de pouvoir et des personnes qui leur sont assujetties, par l’œuvre, ’’Mouvement de dialogue’’ I, laissant figurer essentiellement une table symbolique de discussions, dont les contours du dessin sont stylisés. Ensuite, ’’Danse d’initiation’’, notamment, fait subtilement la remarque de l’existence de plusieurs points de similitude entre des danses traditionnelles béninoises et chinoises, en ce qui concerne la tenue des pieds, la gestion des accoutrements, le choix des couleurs, entre autres, du rouge qui revient, de manière récurrente, dans les deux cultures. Le signe d’un palpable dialogue interculturel entre la Chine et le Bénin.
Par ailleurs, ’’L’ombre rouge’’ frappe par le rude combat qu’il suggère pour la conquête de la lumière, seule capable de réduire à néant l’emprise dominatrice de l’ombre rouge, un pouvoir de grande dictature, de forte oppression. En outre, avec ’’Dialogue des couleurs’’, il est absolument proposé un creuset formel pour la tenue d’échanges, de discussions salvatrices, un appel, semble-t-il, à la manifestation du minimum nécessaire d’humilité que suscite simplement le sang, afin que des protagonistes entrevoient de converger vers un point focal donné, pour l’exercice du dialogue. Et, comme pour correspondre avec l’actualité politique, Elon-m livre ’’Chemin de dialogue’’, montrant que, dans certaines circonstances, le compromis est difficile pour la rencontre initiale entre des membres de camps opposés. Paysagiste, le peintre l’est aussi, dans une finesse des représentations, ce qui contribue à le hisser haut, dans le genre, surtout lorsqu’on considère la toile 17, ’’Sans titre’’.
Manipulant avec un contraste agile les couleurs, faisant du rouge celle de sa prédilection, Elon-m, au fil des expositions, manipule, d’une part, à profusion et à perfection, un abstrait, géométrique, rendant, ceci, par cette caractéristique précise, décryptable, de même qu’il s’est fait un expert rare, au Bénin, d’autre part, de la manipulation du couteau, cette petite truelle de maçon, qui lui sert de pinceau. En ces temps de crise sociale, il est fortement recommandé de consulter le regard d’Elon-m sur les tenants et les aboutissants de l’accès au dialogue, à la Salle polyvalente du Centre culturel chinois.


Marcel Kpogodo