Dans la représentation de "La secrétaire particulière" de Jean Pliya
Le jeu de La secrétaire particulière de Jean Pliya
a eu lieu, dans la soirée du vendredi 28 février 2014. C’était dans un
archicomble théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou. Une vraie
réussite de mise en scène qui achève de faire valoir qu’Alougbine Dine a encore
de belles choses à démontrer.
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(De gauche à droite) M. Chadas (Nicolas Houénou de Dravo), Nathalie (Freedom Koffi), Virginie (Mireille Gandébagni) et Jacques (Gérard Tolohin). |
La simplicité. Voilà l’ingrédient
dans lequel a investi Alougbine Dine, concernant la représentation de la pièce
du dramaturge béninois, Jean Pliya. La
secrétaire particulière raconte l’histoire de Nathalie, une secrétaire sténo-dactylographe,
la particulière, qui entretenait des relations intimes avec M. Chadas, son
patron. Celui-ci tente de mettre dans son escarcelle, Virginie, la nouvelle
secrétaire mais, en vain. La première tombe enceinte, une situation
catastrophique coïncidant avec une autre, son échec au concours de sélection
des fonctionnaires de l’Etat. Devant ces deux faits, elle se heurte au rejet de
Chadas qui la brutalise pour se débarrasser d’elle mais cela occasionne son
arrestation. Et, Virginie épouse Jacques, l’autre employé du même service qui
lui faisait une cour discrète et patiente.
La
secrétaire particulière, c’est, d’abord, une mentalité des
années des fraîches indépendances, c’est une époque révolue. Alougbine Dine, le
metteur en scène de la pièce a su en rendre compte ; il a manifesté un
décor concentré et pragmatique, rectiligne tout en ayant en son sein plusieurs
tableaux différents s’ouvrant et se fermant au gré de l’évolution de la pièce,
grâce à la lumière que le régisseur renforce ou affaiblit pour mettre en valeur
ou affaiblir, aux yeux des spectateurs, une séquence de bureau. Et, Alougbine
Dine n’est pas allé loin pour retransmettre cette ambiance très bureaucratique :
des tables en bois, sur lesquelles on trouve une machine à écrire que l’ordinateur
d’aujourd’hui a éclipsé complètement, un bureau, au bout de la chaîne, à
gauche, pour M. Chadas.
Le public, dans lequel
on trouvait de grandes personnalités scientifiques comme les Professeurs Adrien
Huannou et Bienvenu Koudjo, du Département des Lettres modernes de la Faculté
des lettres, arts et sciences humaines (Flash) de l’Université d’Abomey-Calavi
(Uac), des enseignants du secondaire, spécialisés, notamment, dans la discipline
du Français, des cadres de tous genres, venus en tant que parents d’élèves, des
apprenants, ce public a pu constater la spontanéité et l’authenticité des
acteurs que le metteur en scène a programmés pour déclamer la parole adéquate,
pour délivrer le geste réaliste qui donne à la pièce toute son actualité, pour
vivre simplement le rôle qui leur était dévolu.
Ainsi, entre autres, Nicolas
Houénou de Dravo, incarnant M. Chadas, a fait ressortir toute la duplicité
morale et le caractère fémininement vicieux du personnage. Mireille Gandébagni,
dans le rôle de Virginie, n’a fait que donner à envier aux filles de bonne
famille d’exercer dans l’intégrité porteuse que ne valorise pas, de nos jours,
une vie sociale mouvementée et débridée laissant à eux-mêmes les adolescents,
sentimentalement et sensuellement.
De son côté, Freedom
Koffi, en donnant de l’envergure au personnage de Nathalie, en a rendu tout à
fait fidèlement la naïveté et le sens arriviste, calomniateur, moralement
superficiel et physiquement élégant. Avec Gérard Tolohin, dans le rôle de
Jacques, toute la poésie d’un jeune homme sorti de sa réserve et rendu à
lui-même par la rencontre candide de sa collègue de bureau, a retracé l’amour
méticuleux d’un homme pour celle-ci, dans une humilité du geste et des pensées
qui ont donné du sens, sur cette scène du Théâtre de verdure de l’Institut
français de Cotonou, à l’amour vrai.
Ne parlons pas des Fidèle
Anato, planton de circonstance, qui, même s’il appuyait parfois un peu trop sur
la chaîne des grimaces comiques, a mis en exergue, sous la férule d’Alougbine
Dine, le caractère tout à la fois désinvolte, injuste et loufoque du personnage,
des Gérard Hounnou, l’acteur aux yeux globuleux, connu de bon nombre de ses
compatriotes, de par son sobriquet beaucoup trop grossier, qui a rendu, de ce
réalisme simple, l’humilité de la condition du paysan béninois de cette époque
des années 1960-1970, lui qui, aux prises avec une administration inefficace, n’a
d’autre choix que de se rabattre sur une profonde résignation par rapport aux
brimades dont il est rendu victime.
Il n’aurait pas fallu
oublier des Delphine Aboh, projetant le sourire franc et la fermeté juridique
de Denise, l’avocate qui, opportunément, prendra Chadas en défaut. Didier
Sèdoha Nassègandé, quant à lui, dans sa tenue usée d’homme de l’armée coloniale,
roulait le brutal charabia de circonstance, exécutant violemment la litanie d’identification
professionnelle, à temps et à contre-temps, provoquant l’hilarité générale et
la satisfaction du public, sans compter qu’au lieu d’aller se pourvoir de deux
autres comédiens, Alougbine Dine
a préféré faire de cet ancien combattant chômeur,
dans une deuxième vie, dans la même pièce, l’un des deux policiers qui
viendront arrêter Chadas, le second n’étant personne d’autre que Gérard Hounnou
qui, dans son premier rôle avait, semble-t-il, une revanche à prendre sur l’incurie
du même Chadas.
Ce casting de haut niveau,
pour un metteur en scène de haut vol comme Alougbine Dine, ancien Directeur du
Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), de son état, a pris toute
sa valeur avec l’élan audacieux qu’il a insufflé à un Gérard Hounnou, rendu ’’fonnophone’’,
pour les besoins de la cause du rendu de la réalité d’une mentalité à laquelle
devraient s’identifier les Béninois, avec le ’’grimacier’’ Fidèle Anato qui
tantôt imitait mal son patron, tantôt s’enfonçait dans des initiatives
personnelles désastreuses qui faisaient tordre de rire le public, ce qui a
contribué à montrer à plus d’un, en cette soirée du vendredi 28 février, qu’il
en avait eu pour son argent. Et, la volonté proclamée d’Alougbine Dine de faire
débarquer cette pièce et ces acteurs dans les collèges pour les apprenants qui
ont ce livre au programme en 4ème, a suscité une clameur de grand
enthousiasme.
Par ailleurs, si ce
metteur en scène a émerveillé, c’est qu’il a donné, en sus, une sorte de défilé
des acteurs, avant de lancer le jeu, ce qui a plongé cette pièce dans la
modernité et l’universalité du problème des tares administratives qui, à
travers les décennies et les systèmes politiques au Bénin, ont persisté, tout
en changeant de forme, tout en s’adaptant aux modes de vie nouveaux. Pour la
réussite générale, Alougbine Dine n’est pas allé trop loin, il a tout
simplement investi dans la simplicité de ses idées, très créatives.
Marcel Kpogodo