Face à la définition
d’une nouvelle démarche artistique
Comédien et acteur
béninois reconnu, conteur, déclamateur, poète, Guy-Ernest Kaho a pratiqué plusieurs scènes, de
celles ouvertes à d’autres, fermées, et ne manque pas d’explorer de nouveaux
univers de jeu de rôles, parmi les moins imaginables. Depuis peu, il exerce
dans une forme inhabituelle de théâtre, celle qui s’effectue à domicile, ce qu’il
a fallu découvrir, en décembre 2017, dans un foyer de Cotonou, à travers une pièce
écrite par Emmanuel Darley.
Le personnage, dans son jeu d'attrape-souvenirs et ... |
Un homme frappe à une
porte, entre et agit spontanément dans une maison dont l’intérieur remarquable
est une salle de séjour, où sont réunis, quelque peu serrés, les membres de la
famille et des amis qu’ils reçoivent, comme à dîner. Le contexte bien planté du
théâtre à domicile, qu’a pratiqué, dans la soirée du 15 décembre 2017, à Cotonou, le
comédien béninois, Guy-Ernest Kaho, à travers la pièce, ’’Qui va là ?’’ d’Emmanuel
Darley, dans une mise en scène de Jean-Michel Coulon.
Sans gêne aucune, cet
homme, qui semble un inconnu, arrive dans la demeure, y dépose son sac de
vagabond de même que ses chaussures, y déambule librement, en brise
complètement les normes d’intimité, y prend ses aises, une douche, un repas,
bien attablé qu’il est, se fraie un espace dans une banquette occupée, cause,
raconte comment la demeure qu’il a intégrée était sienne.
... dans son lit de l'époque, se souvenant de sa mère (Photo de Guy-Ernest Kaho) ... |
Dans ses différents
mouvements, dans ses va-et-vient, interminables, de l’intérieur vers le salon, dans
ses actes de liberté, tels que la musique qu’il met à fond en se douchant et qu’il
fredonne, les soupirs décontractés quand il est aux besoins, il évoque la
proximité avec sa mère, dans cette maison, une vingtaine d’années auparavant. A
la grande surprise du public circonstanciel, il va jusqu’à s’affaler douillettement
dans le confortable lit de l’une des chambres à coucher, à l’étage, la sienne,
dans un certain passé, y identifie, à une place précise, un trou qui a été
comblé, avec le temps.
C’est une véritable odyssée, dans une maison d’autrui, qui
se termine dans des conditions assez embrouillées puisqu’en quittant les lieux,
le personnage ne se souvient plus y avoir habité.
... et une situation réussie d'incursion domestique (Photo de Guy-Ernest Kaho) |
A table, manifestant un grand appétit, comme chez lui |
Le monologue, mené de
bouche et d’esprit d’expert, par Guy-Ernest Kaho, a rendu perceptible la
capacité d’adaptation du comédien à un système complètement nouveau pour lui
et, sa force réside dans sa capacité à incarner un personnage multi-actant,
supportant simultanément les charges de destinateur, de destinataire, d’adjuvant
et d’opposant de l’action de reconnexion avec un passé particulièrement
évocateur. En effet, le personnage lui-même est à l’origine de l’action de
recherche de réminiscence, et il est celui qui l’exécute, d’où sa posture se
renforce de l’actant du sujet.
En outre, destinataire,
le même personnage est celui qui profite de l’action du sujet, vu le bien-être
et l’épanouissement qui se lisent dans sa voix égayée, dans ses rires, dans son
agilité débordante à se mouvoir aisément dans une maison qui, entre temps, lui était
devenue étrangère ; il s’est défoulé de ses rancœurs, de ses frustrations.
Par ailleurs, ce personnage est son
propre adjuvant, étant que c’est lui-même qui a mis en œuvre le processus de
prise en contact avec les souvenirs épanouissants de la vie avec sa mère ;
il a concrètement agi pour donner corps à sa volonté. De même, il est son
propre opposant, sinon, comprendre qu’au dénouement, il se comporte comme s’il
n’était plus sûr d’avoir vécu dans la maison concernée ?
Le personnage, en fin d'odyssée domestique (Photo de Guy-Ernest Kaho) |
Dans ce contexte de
charge et de surcharge d’actants, Guy-Ernest Kaho n’avait pas d’autre choix que
de se sentir débordé, d’où, physiquement, la transpiration qui ne pouvait qu’aller
de soi. Et, le naturel de ses pas, de ses gestes, de ses intonations, de ses ricanements
font de lui un professionnel confirmé, indétrônable du jeu sur scène. En effet,
comme « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », il a réussi
son jeu après s’y être donné à fond et, « le coup d’essai a été un coup de
maître ».
Marcel Kpogodo