Dans le cadre de la représentation de ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’
La pièce, ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’, a été représentée le mercredi 22 décembre 2021 à la Salle rouge du Palais des Congrès de Cotonou, dans une adaptation et une mise en scène d’Ousmane Alédji. Ce spectacle, plusieurs semaines après avoir été donné, continue de faire sensation, concernant des aspects interpellateurs de sa mise en scène, entre autres, le choix des langues nationales béninoises, ’’fon’’, ’’yoruba’’ et ’’nago’’, au lieu de l’habituelle, attendue puis déjouée langue française, et des jeux purement originaux de la part d’acteurs dont le niveau d’expérience professionnelle en la matière est élevé. Ayant accepté de se prononcer sur la mise en scène indiquée, le dramaturge béninois, Florent Couao-Zotti, auteur de la pièce originelle, et actuel Conseiller technique à la Culture du Ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola, nous livre, plutôt, une réflexion d’homme de crayon à dessin. Il nous présente ce qu’il aurait fixé sur papier de tout ce qu’il a suivi de la représentation afférente. Son choix ne semble pas loin de ce qu’Ousmane Alédji a décrit de « la femme avec ses attraits et ses charmes » et d’un « personnage rond et gras ».
Florent Couao-Zotti - Crédit photo : ''Darimage'' |
« La scène [qui m’intéresse est celle] où Tassi Hangbé prend un bain devant les dignitaires ; j’aurais dessiné la femme en train de prendre son bain, devant le regard éberlué des dignitaires qui sont dans la salle en train de la regarder ». La réaction spontanée de Florent Couao-Zotti, Conseiller technique à la Culture du Ministre de la Culture, Jean-Michel Ambibola, face à la question de savoir ce qu’il aurait dessiné de toute la pièce, ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’, qui a été représentée le mercredi 22 décembre 2021, sous la mise en scène d’Ousmane Alédji, au Palais des Congrès de Cotonou, dans le cadre de la tenue des Nuits artistiques et Culturelles de Cotonou (Nacc), organisées par l’Agence nationale des Evénements culturels, sportifs et des événements officiels (Anecsmo).
Dans
le fil de sa projection, le dramaturge béninois fait ressortir le caractère
bien mûri par la reine en déchéance de son acte frappant d’une sorte
d’indécence recherchée, pour marquer intemporellement les esprits. « Cette
séquence du bain est une séquence absolument théâtrale … C’est une sortie »,
commente-t-il, avant de fournir plus de détails concernant ses probables
courbes de crayon, auxquelles il offre un cadre bien technique : « Si je dois
faire une bande dessinée, le dessin phare, c’est au moment où, justement, elle
se lave, où elle a fini de se laver et où elle jette l’eau de bain sur les
dignitaires ».
Le fondement d’un tel choix artistique du dessinateur de circonstance reste la façon dont Tassi Hangbé, à travers sa profanation orchestrée des bonnes mœurs, à un niveau aussi élevé de la hiérarchie sociale, a témoigné de la férocité de sa haine pour le milieu politique qui la vomissait, ce qui amène Florent Couao-Zotti à analyser : « C’est un acte très fort, c’est un acte à conséquences. Tout ce qui m’intéresse est de voir qu’elle a posé un acte qui a produit un impact sur des générations », commence-t-il, appuyant : « Le fait de prendre l’eau du bain et de la verser sur des gens, cela apporte un plus sur la condamnation qu’elle manifeste ainsi vis-à-vis de ceux qu’elle soupçonne avoir été trempés dans le complot. Ces deux éléments qui se joignent donnent la pleine mesure du sentiment de frustration et de dégoûtation, qu’elle a éprouvé lorsque les différents éléments se sont mis en place pour la condamner et pour la faire partir du trône. J’ai trouvé cela très fort ».
Un
scandale, une signification sociale
Le bain de Tassi Hangbé, vu par ... |
Pour
l’écrivain ne fait pas de doute la portée sociologique de ce qu’a effectué la
reine, en matière de comportement d’abdication : « Dans la tradition, on estime
que lorsqu’une femme se met nue devant le monde, elle fait un acte de
transgression […] qui peut générer, par la suite, des conséquences sur la vie,
sur le pays, sur le royaume. Dans la tradition, on sait ce que ce genre d’acte
porte comme conséquences ».
Par
ailleurs, Florent Couao-Zotti caractérise davantage la situation créée par
Tassi Hangbé : « Dans la nature des femmes, lorsqu’elles en ont marre,
lorsqu’elles se déshabillent et montrent leur nudité à tout le monde, cela
signifie que c’est un mauvais signe pour l’ensemble de la communauté. Mais,
chez elle, le deuxième geste porte une symbolique effroyable, le fait de jeter
l’eau du bain sur les gens. Là, c’est la totale ! Et, il est dit quelque part,
les anciens nous en parlent, que cet acte a eu des conséquences puisque le pays
a traversé trois années de disette. Son successeur l’a reconnu, disant : ’’Nous
avons porté préjudice à Tassi Hangbé et nous en récoltons les conséquences’’.
Donc, ce n’est pas de l’ordre du mythe ni d’une construction intellectuelle ».
Si « la femme avec ses attraits et ses charmes » et le « personnage rond et gras » ont été de mise dans la réalité historique, au cours du bain profanateur, le Dahomey, à l’époque, en a donc payé le prix irrévocable.
De
la crudité historique à la crudité dramaturgique
... Ousmane Alédji |
Florent
Couao-Zotti rappelle, en conséquence, le contexte précis de son développement,
celui des faits originels de l’œuvre qui est la sienne, ’’Tassi Hangbé, la
reine interdite’’ et dont s’est inspiré Ousmane Alédji, pour son adaptation : «
Dans la pièce, [Tassi Hangbé] était debout, assistée de ses laveuses qui lui mettaient
l’eau sur le corps et, à un moment donné, elle s’est accroupie, elle s’est
lavée le sexe, puis, après, quand elle a eu fini, elle a pris la calebasse -
puisqu’elle se lavait dans une grande calebasse – elle en a jeté l’eau sur
l’ensemble des dignitaires présents ».
Le
courage de Tassi Hangbé en a généré deux autres, ceux, d’une part, de Florent
Couao-Zotti, dans une écriture de défi d’une généalogie dynastique
séculairement et opportunément faussée mais imposée comme vraie. D’autre part,
Ousmane Alédji, en faisant s’exprimer sa profession, au-delà de ses actuelles
responsabilités d’autres ordres, n’a pas ménagé, à travers la mise en scène de
la pièce adaptée de Florent Couao-Zotti, un certain goût pour le traitement de
l’atypique, du choquant, du cru scandaleux.
Marcel
Kpogodo Gangbè