Découverte à la faveur
d’une conférence tenue à Cotonou
L’amphithéâtre ’’Christophe
Sadeler’’ de l’Institut des Sciences biomédicales appliquées (Isba) du Champ de
foire, à Cotonou, a accueilli une grande conférence littéraire au centre de
laquelle se trouvait un écrivain de forte stature : Barnabé Laye.
L’événement s’est déroulé dans la matinée du jeudi 24 mai 2018 et a réuni une
large brochette d’universitaires, d’écrivains, d’hommes et de femmes de lettres
et de culture. Un couac, cependant : le Ministre de la Culture, Oswald
Homéky, a été indexé dans un acte peu recommandable manifestant son profond
mépris pour le secteur littéraire béninois.
Barnabé Laye |
’’La parole et le
feu’’, un livre que, depuis environ deux mois, Oswald Homéky, s’acharne à ne
pas récupérer alors qu’il émane d’une personnalité dont l’influence dans la
littérature béninoise est avérée : l’écrivain vivant en France, Barnabé
Laye. Un tel comportement semble hautement méprisant et profondément révélateur
du grand problème que pose un positionnement politique, ce qui a été vivement
dénoncé dans la matinée du jeudi 24 mai 2018, à l’amphithéâtre ’’Christophe
Sadeler’’ de l’Institut des Sciences biomédicales appliquées (Isba) du Champ de
foire de Cotonou, au cours de la phase des débats, consécutive à la présentation
des exposés liée à la conférence publique consacrée à rendre hommage à cet
auteur béninois.
L'ouvrage ''La parole et le feu'' |
Selon Florent
Couao-Zotti, en tant que représentant du Ministre de la Culture, mandaté comme
tel par cette autorité, lui avait dirigé la délégation béninoise qui avait participé
au Salon du livre de Paris, du 13 au 19 mars 2018. Et, ayant profité de ce
séjour parisien pour rendre visite à Barnabé Laye, l’éminent poète avait demandé
au chef de la délégation de transmettre au Ministre Homéky son ouvrage, ’’La
parole et le feu’’, l’un des derniers qu’il a écrit et qui constitue
l’anthologie de sa production littéraire, étant paru à Paris au début du mois
de décembre 2017 à ’’Agora éditions’’, et ayant 416 pages.
A en croire toujours Florent
Couao-Zotti, à son retour au Bénin, la fin du mois de mars l’a vu déposer le
rapport des activités menées à Paris au cabinet d’Oswald Homéky, celle-ci,
assortie d’une demande d’audience pour, entre autres, lui remettre l’ouvrage
dont il était le porteur pour lui. Et, jusqu’au 24 mai, au moment de son
intervention à la conférence sur Barnabé Laye, l’autorité ne l’avait encore
reçu. Pire, contacté à ce sujet par notre Rédaction, le vendredi 1er
juin 2018, l’audience n’avait pas encore été accordée à l’écrivain, en dépit de
l’intervention, au niveau du Ministre, de personnalités de trempe du monde des
arts et de la culture.
Positionnement
politique absurde
Pour un profane du
secteur culturel, ne pas accorder plus d’importance à un écrivain de taille que
lorsqu’il s’agit de l’envoyer en mission, cela ne pose aucun problème. Pour un
non habitué du secteur culturel, banaliser la réception d’une commission
envoyée par un écrivain de poids, cela n’est rien. Pour une personnalité qui ne
connaît absolument rien aux codes de fonctionnement du monde culturel, ne pas
contribuer à dresser le tapis rouge présidentiel à un cinéaste béninois qui, de
haute lutte, a conquis l’Etalon d’Argent au Festival panafricain de cinéma de
Ouagadougou (Fespaco), dans son édition 2017, cela n’a rien de grave.
Cependant, pour ceux qui fonctionnent nuit et jour dans le domaine des arts et
de la culture, qui y souffrent pour créer, qui en tirent l’essentiel de leurs
revenus substantiels, qui, par conséquent, se trouvent, consciemment ou
inconsciemment, à l’affût du moindre signe visant à reconnaître la portée du
fruit de leurs sacrifices, de leur labeur, de leurs peines, les cas d’actes de
manquement, précédemment évoqués, sonnent comme un sacrilège, comme une faute forte
qui devrait décourager de continuer à créer, si l’on devait tenir compte de sa
profonde gravité.
Une grosse situation !
Le ver qui, malheureusement, détruit le fruit ! Si Oswald Homéky, chef d’entreprise,
homme de confiance et d’écoute du Chef de l’Etat, le Président Patrice Talon,
qui a été fait Ministre, entre autres, de la Culture, pour y rassembler une
famille écartelée, désunie, et qui, après sa prise de service, dans ses
premiers propos en direction des acteurs culturels, leur avait garanti de
connaître et de maîtriser la maison et ses problèmes, puis de s’atteler à les
résoudre, qui, le 21 février 2018, à l’Hôtel ’’Golden Tulip Le diplomate’’,
avait présenté le Programme d’actions du Gouvernement (Pag), dans son
orientation culturelle, rassurant de sa bonne foi, de sa bonne volonté, cette
personnalité gouvernementale, dans ses actes, donne l’impression que c’est tout
le contraire de cet état d’âme, qui fait battre son cœur, le mépris affiché
vis-à-vis des écrivains Florent Couao-Zotti et Barnabé Laye n’étant que la face
visible de l’iceberg, l’arbre cachant la forêt de toute une gestion déplorable
du secteur culturel avec, à la clé, des promesses non tenues.
En effet, le 21 février
2018, Oswald Homéky avait notifié aux artistes le projet de recensement des
festivals importants se déroulant à l’international et l’octroi d’un appui à
ceux-ci pour une participation effective à ces rendez-vous. Dans la réalité, la
treizième édition de la Biennale de Dakar, qui s’est déroulée du 3 mai au 2
juin 2018, n’a pas permis à son institution de financer le déplacement
d’artistes contemporains béninois vers cet événement, malgré leurs démarches en
direction de son cabinet. Pour un autre festival, en préparation de tenue dans
un pays d’Amérique du Nord, le meilleur que le Ministère de la Culture a pu faire
est d’octroyer une Attestation d’artiste comme un document pouvant faire
obtenir un visa !
En réalité, les belles
paroles, très rassembleuses mais politiquement réfléchies, ne suffisent
plus : Oswald Homéky est difficilement à la hauteur de la tâche, ce qui
devrait amener le Chef de l’Etat à prendre ses responsabilités en confinant
cette personnalité aux Sports, vu qu’elle a réussi, par deux fois, en 2017 et
en 2018, à octroyer des subventions aux fédérations sportives, et à donner du
financement aux clubs de football des première, deuxième et troisième
divisions. Et, ce ne sont pas les personnalités inculturées qui manquent pour
voir confier à l’une d’elles un Département des Arts et de la culture,
radicalement détaché des Sports.
Un carré pour un
secteur culturel
En lieu et place
d’Oswald Homéky à la Culture, il n’est pas besoin d’aller bien loin pour
dénicher la perle rare, bonne connaisseuse du secteur et capable d’y apporter,
enfin, le bonheur, surtout que plusieurs personnalités, quatre précisément,
gravitent dans l’environnement plus ou moins proche du premier des Béninois.
Premièrement, Ousmane
Alédji, comédien, metteur en scène, dramaturge, essayiste, administrateur
d’espace culturel, collectionneur d’art, promoteur culturel et ancien Directeur
du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), est si compétent pour
être Ministre de la Culture que le Président de la République l’a d’abord retenu
auprès de lui comme ses Conseiller culturel et Chargé de mission. N’est-il pas
temps de le mettre au fourneau de la charge ministérielle pour la réalisation
de prouesses dans la maison ’’Culture’’ ?
Deuxièmement, Gilbert
Déou-Malè, Directeur général du Fonds des Arts et de la culture (Fac),
historien de formation et, par-dessus tout, artiste chanteur et danseur du
’’Tchingoumè’’, l’une des musiques traditionnelles phare du Bénin, de son nom
d’artiste, Ohangnon, il pilote une troupe multivalente, artistiquement parlant,
et manifeste une imprégnation des réalités intrinsèques du secteur culturel
béninois, portant un langage et des idées qui fascinent les artistes et les
acteurs culturels.
Troisièmement, Marcel
Zounon, Directeur de l’Ensemble artistique national, artiste, à la base, du
secteur de la danse, Directeur de la troupe ’’Towara’’ et Président du Festival
des Rituels et des danses masquées (Féridama), pétri d’humilité, moulé dans le
fonctionnement administratif et financier propre au circuit de l’appui aux
initiatives culturelles, toujours vêtu de costumes de chez nous.
Quatrièmement, Claude
Balogoun, comédien, metteur en scène, dramaturge, romancier, promoteur
culturel, Directeur général de la Société ’’Gangan Prod’’, mécène culturel et
représentant des artistes au Conseil économique et social (Ces). Une véritable
tête pensante qui, à son actif, trouve, notamment, l’idée fonds de démarrage visant
à faire tourner les arts et la culture au Bénin.
Si le nombre n’est
nullement exhaustif des personnalités pouvant être pressenties pour prendre les
rênes du Ministère de la Culture, ces quatre, évoquées ci-dessus, constituent
une crème de profils affinés par une pratique et une expérience de plusieurs
décennies dans le secteur culturel béninois, le prochain remaniement
ministériel étant une chance qu'aurait dû saisir le Président Talon pour
positionner une personnalité inculturée au Ministère de la Culture, ce qui aurait contribué à montrer sa rupture avec le comportement habituel des chefs d’Etat
béninois consistant à faire de Département ministériel le point de chute et de
remerciement des hommes politiques qu’on n’aurait pas réussi à caser à des
postes considérés comme plus sérieux, plus influents.
Marcel Kpogodo