Depuis la soirée du
jeudi 21 mars 2019, l’artiste plasticien béninois, Rafiy Okéfolahan, laisse
voir ses œuvres par le public à la galerie de l’Hôtel ’’La Maison rouge’’, à
Cotonou. Intitulée ’’Mots magiques’’, son exposition, ajoutée à trois autres
stratégies d’expression artistique, exhorte à ce que souffle un vent de paix,
notamment, sur le Bénin.
Rafiy Okéfolahan |
Abondance, exubérance,
variété, chaleur, épaisseur, vivacité et force, pour appeler à la paix entre
les hommes. Les caractéristiques des couleurs déployées par la vingtaine de
toiles que présente l’artiste béninois, Rafiy Okéfolahan, dans le contexte de
l’exposition ’’Mots magiques’’ dont le vernissage s’est tenu le jeudi 21 mars
2019, en début de soirée à la galerie de ’’La Maison rouge’’ de Cotonou.
Pour des tableaux dont
certains sont de grande dimension, notamment, 2,5m x 1,5m et 2m x 1,5m, le
bleu, le rouge, le jaune, le blanc et le noir, entre autres, se déploient
généreusement, tantôt pointant des personnages nettement détachables, tantôt
laissant imaginer d’autres que l’inspiration du moment ose manifester : « Je
navigue entre abstraction, figuratif et impressionnisme », s’en explique Rafiy
Okéfolahan, alias Rafiy, un artiste dont la démarche de peinture, les années
aidant, a évolué puisque les numéros de téléphone parsemant ses tableaux sont
devenus rares, de même que les couleurs qui lui servent à transmettre un
message sont plus diversifiées et que les couches qui établissent ces couleurs
sont plus épaisses. Un nouveau tournant, inévitablement.
Ce pas, Rafiy le
franchit en toute sérénité, troquant ses numéros si chers, par le passé, contre
des mots, ceux-ci, « magiques » par le fait que, pour ce créateur, sa
consultation de l’actualité par la presse, la radio, la télévision et à travers
Internet ne lui montre pas un fonctionnement reluisant du monde. Et, ce type
spécifique de mots, ne les possédant pas encore, il va à leur quête. En
attendant que l’artiste les trouve et qu’il les partage avec le public, aller
voir l’exposition ’’Mots magiques’’ à la galerie de ’’La Maison rouge’’ sis
zone des villas de la Cen-Sad, sur la Route de l’Aéroport, à Cotonou, amène à
réjouir ses yeux et à réchauffer son cœur. En effet, ce qui contribue à ces
états heureux : d’une part, une harmonie bien conçue, bien construite des
couleurs et, d’autre part, la vie qu’elles suggèrent, dans sa beauté, sans
oublier l’inattendu et la variété des champs que l’artiste choisit pour ses
messages, que nous soyons en politique, en faits de société ou en réalités
culturelles et cultuelles.
D’ ’’Appel chéri’’ à
’’Iyalodé’’, en passant par ’’En aparté 1’’, ’’Agban-non’’ – et non
’’Agbonnon’’ –, ’’Guèlèdè party’’, ’’Olowo yaléma’’, ’’En aparté 12’’,
’’Fleuriel’’, ’’La télé rend fou’’, ’’En aparté 13’’, ’’Akou’’, ’’Jazz club’’,
’’L’œil de Dieu’’, ’’Méditations’’, ’’Awobobo 1’’, ’’Awobobo 2’’, ’’Cycliste
performer’’ et ’’Babalao’’, sans oublier l’installation mosaïque incorporant
les toiles de petit format, ’’En aparté 2-11’’. Ce sont les tableaux au niveau
desquels Rafiy projette un système visuel qui accapare ; ces œuvres relèvent de
son inspiration des années 2016, 2018 et de l’actuelle, 2019. Des toiles du
renouveau d’une démarche artistique qu’il exerce, apparemment, depuis son
installation en France en 2012.
Du ’’Rapace
purificateur’’
En dehors du pinceau
qu’il manipule avec dextérité, avec aisance, avec une assurance conquise,
Rafiy, de ses doigts, ramasse, assemble, rassemble, fabrique, crée. Ainsi, le
’’Rapace purificateur’’, une sculpture appartenant à l’exposition ’’Mots
magiques’’.
Le ''Rapace purificateur'' |
Un oiseau d’expansion de bien de sentiments nobles qui rendent la
vie plaisante, qui l’épanouissent de ses couleurs les plus variées, à l’instar
de l’aile droite du ’’Rapace’’ vu de dos ; elle est un appareil constitué à
partir de plusieurs couleurs d’éventails en plastique, bien propres, brillants
de leur caractère neuf : « Cette aile dispense du bonheur, de la sérénité, de
la paix, des sentiments qui entretiennent l’harmonie entre les hommes »,
dévoile Rafiy. Dans le même temps, l’aile gauche, comme par un choix bien mûri,
débarrasse la terre de toutes les pulsions noires, de tous les déchets moraux
qui poussent l’homme à la nuisance, de tout ce qui entrave le développement du
pays, du continent, ce qui justifie la sélection des matériaux ayant aidé à la fabrication
de cette aile : des résidus de toutes sortes et, notamment, des couvercles
sales de boîtes de lait, l’ensemble rangé dans un filet.
Voilà un oiseau, tout
de fer, qui, lorsqu’il est censé s’envoler, joue deux rôles complémentaires,
absorber les maux et répandre les vertus. Rafiy, dans son engagement à produire
un impact sur la société, par son art, ne s’en arrête pas à cette inspiration.
’’Maison de survie’’
Une oeuvre de sensibilisation. Pour l’artiste, la
question de l’immigration, clandestine, surtout, est cruciale, vu que les
candidats à cette aventure, très nombreux, à notre époque, en sont ignorants du
fonctionnement catastrophique : « Il y en a beaucoup qui ne savent pas ce qui
les attend quand ils veulent aller clandestinement en Europe », précise Rafiy.
''Maison de survie'' |
Dans le but de proposer une idée des souffrances inconnues de la situation de
ce type d’immigration, il a conçu ’’Maison de survie’’, ce qui donne lieu à une
installation dans l’exposition ’’Mots magiques’’ ; elle préfigure la situation
tragique des migrants aux frontières européennes : « Ils sont soumis au froid,
à la neige, surtout, à Calais ; ’’Maison de survie’’ représente la tente
qu’utilisent les migrants vers l’eldorado, ils la mettent au point pour tenir
le coup contre les intempéries, le temps qu’un brèche s’offre pour qu’ils
échappent à la police et entrent en Angleterre.
Déambulation
Apparemment, Rafiy a
voulu faire de la pierre ’’Mots magiques’’ plusieurs coups. Vêtu d’une sorte de
combinaison rouge, affublé d’un chapeau de la même couleur et arborant un masque
à oxygène, ses chaussures aussi étant rouges, il se meut dans le public des visiteurs, à l’aide d’un vélo surmonté d'un panier, et
distribue à la ronde un carré de papier en carton en demandant, d’une voix
sourde, peu audible, que chaque récepteur qu’il a muni d’un pastel y inscrive
un mot. Par rapport au rouge, il se justifie : « J'aime le rouge, c'est la couleur commune à tous les hommes par le sang ».
Rafiy, en déambulation |
Le mot choisi doit être celui que chacun pense pouvoir lui faire du bien,
produire cet effet sur son pays et, enfin, sur son continent : le « mot magique
», à en croire Rafiy Okéfolahan. Après avoir collectionné ce type de mots,
pendant un certain temps, il entend en faire une exposition. Sa vision :
fédérer autour de lui le plus de mots possible qui puisse contribuer à créer
partout une ambiance de paix, avec son pays, le Bénin, traversant une impasse
électorale. « Il m’importe de sauver quelque chose qui se perd », commence-t-il,
« peut-être la démocratie, les vraies valeurs comme le travail bien fait,
l’absence de détournement des deniers publics, le patriotisme, l’abondance de
travail pour que le pays aille de l’avant », a-t-il conclu. Les ’’Mots
magiques’’ est une exposition qui se clôt le samedi 30 mars 2019.
Marcel Kpogodo