dimanche 17 novembre 2024

Eliane Aïsso, le rapport du Béninois à l’invisible

Face à son exposition à l’Institut français de Cotonou


Eliane Aïsso est une artiste contemporaine béninoise. Elle est en exposition à l’Institut français de Cotonou. Le vernissage en a eu lieu le jeudi 7 novembre 2024. La créatrice présente au public, notamment, le processus d’échanges du Béninois avec ses ancêtres.




Aperçu de l'installation, ''Présence de l'absent''


’’Présence de l’absent’’. L’installation qui, parmi un bon nombre d’autres œuvres, a donné du poids à l’exposition, ’’La renaissance du monde’’, d’Eliane Aïsso, artiste contemporaine béninoise, à l’espace, ’’Joseph Kpobly’’, de l’Institut français de Cotonou, pour un vernissage qui s’en est tenu le jeudi 7 novembre 2024, en présence de l’artiste et de nombreux participants dont le directeur de l’institution, Jérôme Binet-Bos.

’’Présence de l’absent’’ appartient à une série de deux autres catégories d’œuvres. Ce sont 9 photographies et 7 tableaux de peinture, toutes dimensions confondues. Elles ont, toutes, contribué à instaurer une atmosphère particulière. Elle était propice à la contemplation et à la réflexion. De telles conditions ont permis de lire ’’Présence de l’absent’’ à travers un rendu captivant. L’œuvre se constitue d’un ensemble d’autels portatifs.


Ils sont propres à la manifestation du culte des morts dans la religion du vodoun. Les matériaux de construction de chaque pièce sont du bois, du tissu et des cauris. Cette association appartient à la réalité des ’’assin’’, ces autels portatifs, en langue béninoise du fon. La production des pièces montre, de l’artiste, plusieurs qualités : minutie, patience, méticulosité. L'artiste a réalisé ces "assin" selon l'adaptation contemporaine qu'il lui a plu de leur donner. 

L’installation indiquée renvoie le Béninois à se réapproprier son patrimoine immatériel. Il lui faut aussi le préserver. L'œuvre a circonscrit, au lieu de sa présentation au public, un espace sacré. Il est lié au dialogue des humains avec leurs disparus. Elle explore les rapports des vivants avec les morts.



Eliane Aïsso, dans ses explications, lors du vernissage


Les photographies et les tableaux d’Eliane Aïsso, dans ’’La renaissance du monde’’, sont d’autres différents thèmes. Ils sont, entre autres, les vivants dans leurs expériences dans l’existence, le genre et la quête de l’équilibre. ’’Les tourtereaux’’, ’’Entre deux mondes’’, ’’Départ’’, ’’Djogbé’’, ’’Wi do ta’’, ’’Olutoju’’, ’’Connaître et renaître’’ sont quelques titres de ces œuvres. Leur point de convergence : l’existence d’un pont entre le monde des vivants et celui des défunts.


Les œuvres photographiques trouvent la femme comme leur sujet essentiel. Eliane Aïsso l’habille d’un voile blanc. Elle lui fait aussi tenir une calebasse. Elle est, donc, source de vie et de fécondité.


Les tableaux, quant à eux, sont abstraits. Ils interrogent l'invisible prenant forme dans le visible. « L'ombre n'est-elle pas l'essence même de la forme ? ». L’artiste s’en est, ainsi, interrogée, au cours du vernissage.


Un orchestre en a garanti l’ambiance conviviale et chaleureuse. Il a, notamment, retracé le parcours élogieux de Tassi Hangbé. Elle est la soeur jumelle d’Akaba, un des rois de la dynastie de l’ex-Danhomè. Elle a pris sa succession, à son décès subit. Elle a initié la puissante armée féminine des Amazones. Elle a été effacée par l’histoire. Eliane Aïsso, à sa façon, la révèle, au cours de l’exposition. Elle s’achève le 19 décembre 2024.

Herman Sonon / Marcel Kpogodo 

lundi 9 septembre 2024

Les Recico 4 s’annoncent avec des partenaires de poids

Dans le cadre d’une conférence de presse


La quatrième édition des Rencontres cinématographiques et Numériques de Cotonou (Recico) auront lieu très prochainement. L’information ressort de la conférence de presse, qui s’est tenue le jeudi 5 septembre 2024. Elle a été animée par Sètondji Dimitri Fadonougbo, Délégué général (Dg) des Recico. Le cadre des échanges avec les professionnels de la presse et des médias fut le siège de l’association, ’’La maison de la Culture’’, sis quartier de Togbin, à Cotonou. En substance, des partenaires importants accompagnent les Recico 2024.


Sètondji Dimitri Fadonougbo, dans ses explications, au cours de la conférence de presse


Du 5 au 12 octobre 2024 avec, en appui, le ministère béninois de la culture, la mairie de Cotonou, l'Organisation internationale des Migrations (Oim) et le royaume du Maroc. La date et quatre partenaires stratégiques des Rencontres cinématographiques et numériques de Cotonou (Recico), ce qu’a fait connaître Sètondji Dimitri Fadonougbo, le Délégué général (Dg) de l’événement panafricain, au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue au siège de l’association, ’’La maison de la culture’’, au quartier de Togbin, à l’ouest de Cotonou, le jeudi 5 septembre 2024.


Les fictions de long métrage en compétition


Pour le conférencier, le premier partenaire des Recico 2024 est le ministère du Tourisme, de la culture et des Arts (Mtca). Grâce à son Agence de Développement des arts et de la Culture (Adac), les 47 films de la sélection officielle du festival seront tous projetés à la Salle bleue du Palais des Congrès, à Cotonou. Ce sont des productions qui ont été retenues sur 117 films ayant participé à l’appel à candidatures, lancé en mars dernier. 21 pays d’Afrique et de la diaspora y avaient participé. Sur les 47 films finalement retenus, 17 émanent de réalisateurs béninois. « C’est une bonne moisson qui montre l’engouement croissant des Béninois pour les Recico », en a commenté Sètondji Dimitri Fadonougbo.


Les documentaires de long métrage en compétition


Selon lui, la Salle bleue du Palais des Congrès abritera aussi la cérémonie de distinction devant révéler le palmarès du festival. L’autre apport du ministère de la culture est l’affectation de sa Salle ''Vip'' à la tenue du colloque sur le thème : « Le cinéma, un outil de lutte contre l’extrémisme violent ». Cette opportunité d’échanges se déroulera avec le soutien technique et financier de l’Oim, a précisé le Dg des Recico.


Les documentaires de court métrage en compétition


Quant à la mairie de Cotonou, la personnalité a mentionné la partition que jouera l’institution décentralisée dans l’édition de 2024 de l’événement. Elle s’est engagée pour la projection, dans chacun des 13 arrondissements de la ville, sur une durée de trois mois, des films lauréats des Recico et des 17 films béninois initialement sélectionnés. Ce sera dans le cadre du projet, ’’Les Recico chez vous’’.


Les films de fiction de court métrage en compétition (1ère partie)


Enfn, le Maroc interviendra dans les Recico d’octobre 2024 en tant que pays, invité d’honneur. A en croire Sètondji Dimitri Fadonougbo, le royaume chérifien se fera représenter par un groupe de cinq réalisateurs. Ils manifesteront leur expertise au cours de l’un ou de l’autre des quatre ateliers de formation. Ils s’effectueront, respectivement, en scénario, en actorat, en direction de la photographie et en prise de son.


Les films de fiction de court métrage en compétition (2ème partie)


Y participeront les 294 postulants émanant de 13 pays africains, ayant répondu à l’appel initial qui avait été lancé à cet effet. Il n’y a aucun doute que les réalisateurs marocains auront aussi leur mot à dire dans la détection, d’une part, des meilleurs films parmi les 47 en compétition. D’autre part, il s’agira de choisir les deux meilleurs scénarios parmi les 21 ayant postulé à l’appel aussi mis en œuvre. Il a permis à 7 pays africains de concourir.


Les films de fiction de court métrage en compétition (3ème partie)

« J’invite les Béninois à participer massivement aux activités des Recico, de façon à amener les autorités à constater que le cinéma peut apporter de la rentabilité ». Tel est l’appel qu’a lancé Sètondji Dimitri Fadonougbo, closant la conférence de presse, après qu'il a répondu aux préoccupations des journalistes.

Marcel Kpogodo-Gangbè

mardi 30 juillet 2024

Des centaines d’acteurs culturels bientôt en travaux

Pour la Conférence nationale des Industries culturelles et créatives (Icc)


La Conférence nationale des Industries culturelles et créatives (Icc) débutera dans quelques jours. Elle servira à réfléchir aux solutions pour la structuration de ces Icc au Bénin. Ce sujet a fait l’objet d’une conférence de presse. C’était le vendredi 25 juillet 2024. Elle s’est tenue au siège de ’’Laha éditions’’, à Cotonou. Elle a été animée par Eric Gbèha, Président du Comité d’Organisation des assises indiquées. Elles réuniront un peu plus d’un demi-millier d’acteurs culturels béninois.


De gauche à droite, Eric Gbèha, et Jacques Lalèyè, modérateur de la conférence de presse


545 acteurs culturels, 20 jours de travaux, pour 36 panels de 3 heures, chacun. Les statistiques globales de la tenue de la Conférence nationale des Industries culturelles et créatives (Icc) du Bénin, ce qui a fait l’objet de la conférence de presse, qu’a tenue, au siège de ’’Laha éditions’’, situé au quartier de Kouhounou, à Cotonou, Eric Gbèha, Président du Comité d’Organisation de l’événement.

L’intervenant a annoncé qu’il se déroulera du 1er au 20 août 2024. Ce sera en ligne sur le site web de ’’Kultu Tv’’, https://kultutv.bj. La diffusion s’étendra à la plateforme et à l’application, ’’Kultu Tv’’. Les panels indiqués des échanges se tiendront quotidiennement. Chacun d’eux comprend quatre experts représentant une catégorie spécifique. Il s’agit d’un créateur, d’un investisseur, d’un marketeur et d’un diffuseur.

Eric Gbèha a précisé deux missions assignées à cette Conférence nationale. Il a parlé, d’abord, de « célébrer les industries culturelles et créatives ». Ensuite, il faut « amorcer une quête de solutions aux problèmes qui les minent ». Il s’est aussi prononcé sur les acteurs invités pour animer les assises. « Nous avons fédéré progressivement 545 acteurs de tous les secteurs », dit-il. Puis, il en a détaillé la répartition à travers des compartiments. Ce sont « l'audiovisuel, les arts de la scène, l'architecture, les festivals, le design et les arts plastiques ». Le conférencier en a fait un commentaire. « Ils forment, aujourd'hui, un véritable lobby déterminé à faire des Icc un levier de développement au Bénin ». Par ailleurs, selon Eric Gbèha, l’expert produira le diagnostic de son sous-secteur. Il proposera, alors, des approches de solutions pour son développement.


Affiche officielle de la Conférence nationale des Icc


Le Président du Comité d’Organisation annonce une démarche pragmatique et suivie. Il a insisté sur une finalité qui lui tient à cœur. Pour lui, « il faut des actions pour que les créateurs puissent vivre décemment de leurs œuvres ». Les avantages d’une telle approche doivent s’élargir aux structures dirigeantes. L’Etat devra, selon lui, « tirer des avantages économiques grâce à une industrie structurée ». Pour atteindre les résultats annoncés, il promet deux choses. Premièrement, son système s'impose de « suivre les recommandations avec rigueur ». Deuxièmement, il s’agit de « les appliquer, de manière concertée, entre l’Etat, le secteur privé et les institutions ». Ces actions se mèneront sur la base de deux documents fondamentaux. Le conférencier en a évoqué un Rapport général et un Rapport diagnostic appuyé des solutions afférentes. Une maison des Icc sera aussi mise en place.



’’Kultu Tv’’, une partition additive


De son côté, le média, ’’Kultu Tv’’, entend accompagner cette dynamique. Indépendamment des résultats de la Conférence, il créera la plateforme numérique, www.kultubook.com. Elle sera un espace d’identification et de promotion des acteurs sur le marché des arts et de la culture.


Léandre Houan / Marcel Kpogodo

jeudi 25 juillet 2024

’’Autopsie d’un misanthrope’’ pour mobiliser des fonds

Dans le cadre de la Biennale de Dakar 2024 


’’Autopsie d’un misanthrope’’ a connu son vernissage le vendredi 12 juillet 2024. C’était au restaurant-galerie, ’’La gallery’’, à Cotonou. Cette exposition collective a été initiée par ’’Sac o dos’’. Il s’agit d’un groupe d’artistes contemporains. Ils doivent prendre part à la Biennale de Dakar 2024. Il leur faut des ressources financières pour assurer leurs différentes charges ...

     

Ci-contre, à gauche, Achille  Adonon, au vernissage d' ''Autopsie d'un misanthrope''  


Organiser une résidence de création et participer à la Biennale de Dakar en ''Off''. Les deux objectifs pour lesquels les artistes du groupe, ’’Sac o dos’’, ont tenu ’’Autopsie d’un misanthrope’’, une exposition dont le vernissage a eu lieu le vendredi 12 juillet 2024 à ’’La gallery’’, un restaurant-galerie de la ville de Cotonou.

Eric Médéda est l’un des membres de ’’Sac o dos’’. Il voit plus loin que la volonté de ses collègues et de lui. Elle est celle de vendre des oeuvres pour financer leurs activités à Dakar. Il entrevoit, à travers la Biennale de Dakar 2024, la vie du contact. « L’objectif du projet est d'aller à la rencontre du monde ». Il lance et justifie sa position. « La Biennale de Dakar est un carrefour où le monde se réunit ». Il s’agit, pour lui, de « discuter de sujets et de pratiques artistiques ». Il faut aussi expérimenter les conditions d’un cadre original de création. D’abord, cela « permet une remise en question personnelle ». Ensuite, cela fait « participer à un atelier de formation artistique », finit-il.


’’Sac o dos’’, un trio d’artistes contemporains créatifs et prolifiques

Les trois artistes de ’’Sac o dos’’  font perveoir une introspection collective. Eric Médéda utilise une technique mixte. Elle associe acrylique et pigments naturels. Il explore les profondeurs de l'homme à travers ses œuvres épurées. Elles défient les conventions et interrogent les normes sociétales. Ses séries à découvrir : ’’Corps mouvement’’, ’’Résiliences’’ et ’’Mes héritiers’’.

Achille Adonon est meilleur sculpteur à la Biennale de Dakar, en 2022. Il enrichit l'exposition par des œuvres capturant l'immatérialité de l'humain. Il présente deux séries : ’’Amour’’ et ’’Empreintes’’. Il s’en confie. « Quand je parle d’amour », c’est « de l'amour qui vient du cœur ». Puis, il se justifie. « Si l'on ne s'aime pas, on ne peut aimer autrui ». Enfin, il établit le rapport entre sa vision et ses séries. « À travers la première série, je m'interroge : pourquoi l’homme n’aime-t-il pas les autres ? ». Avec la seconde, le thème en est tout autre. La série, ’’Empreintes’’, aborde l'héritage. Il est question de celui que laissent les ancêtres à leurs descendants. Il prend toutes les formes de contenu. 

Eliane Aïsso manifeste un éventail de réalités. Elles sont liées à la vie et à la mort. L’artiste aborde aussi la quête de l'équilibre de l'être. Elle cherche, en outre, à atteindre le point de rencontre des cultures. Elle présente les œuvres, ’’Imonlè’’, et la série, ’’Identité’’. Sa technique de travail est mixte.

’’Autopsie d’un misanthrope’’ s’achève le 30 juillet 2024. Les amateurs d’art contemporain, les collectionneurs et les mécènes y sont attendus. Leurs acquisitions d’œuvres sont leur manière de promouvoir l’art contemporain béninois. Les artistes de ’’Sac o dos’’ en participeront à la Biennale de Dakar 2024. Ce sera en novembre-décembre. 

Léandre Houan / Marcel Kpogodo

samedi 25 mai 2024

« De nos jours, la bonne musique [...] est mal vue », affirme Nana Yao

Dans le cadre d'une interview accordée à "Stars du Bénin"


Nana Yao est un artiste musicien et un technicien du secteur cinématographique. Il a suscité, le 7 mai 2024, une grande curiosité. Jah Baba, fondateur et directeur de l' "Africa sound city", en était à l'origine. Il avait publié de lui, sur les réseaux sociaux, un extrait de prestation scénique. Elle concernait le morceau, "Minmasi". Notre rédaction, frappée par la force suggestive de sa voix, l'a rencontré. Nana Yao nous en dit beaucoup, sur cette voix, sur son parcours ... L'essentiel, sur ses besoins, pour son épanouissement, dans le Bénin musical ...


Nana Yao, ''Africa sound city'' - Crédit photo : Jah Baba


Stars du Bénin : Bonjour, Nana Yao. Tu es un artiste musicien de nationalité béninoise. A l'état-civil, tu t'appelles Yaovi Gratien Tossou. 

A la faveur d'une courte vidéo d'une minute sept secondes, qu'a publiée, sur divers réseaux sociaux, le 7 mai 2024, Jah Baba, fondateur et directeur de l'espace culturel, "Africa sound city", du quartier de Kindonou, à Cotonou, au Bénin, les mélomanes te découvraient exécutant l'extrait de la chanson, "Minmasi", en langue béninoise du pédah, dans un rythme d' "afro-blues" captivant, langoureux, comme plaintif, et empreint d'un ressort de jazz digne d'une haute performance musicale. 

Peux-tu nous parler de cette chanson, "Minmasi", par rapport au message que tu y développes ?


Nana Yao : Cette chanson, ’’Minmasi’’, qui signifie ’’Manque de respect’’, je l'ai pensée et écrite, de façon émotive, dans un premier temps, pour honorer une langue béninoise, le ’’pédah’’, dans laquelle j’ai passé une bonne partie de ma vie. Elle n’est pas ma langue maternelle mais celle adoptive au milieu de laquelle j’ai grandi. Elle est celle que parlait et que m’a transmis mon père adoptif, la mari de ma mère. Il est de l’ethnie du même nom, le ’’pédah’’, et est originaire d'Akodéha, dans le département du Mono.

Dans un second temps, la chanson ’’Minmasi’’ me sert à me faire plaisir et à témoigner ma reconnaissance à mes parents-tuteurs, c’est-à-dire ma mère et mon père adoptif, son mari.

Concernant la chanson, elle parle, en fait, du manque de respect des enfants, de nos jours ; ils n'ont pas la culture de la crainte de leurs aîné(e)s, en recopiant l’Occident, ce qui est de la faute des parents que nous sommes, aujourd'hui.


D'où te vient cette voix fine, mélodieuse et expressive d'une certaine mélancolie ?


Ma voix est le résultat de toute une vie de travail musical, empreinte d'exercices dans ce sens. Il s'agit des exercices vocaux que je fais. Malgré cela, je ne manque pas les séances de coaching vocal quand j'en ai l’occasion. Il faut aussi noter que j'ai la grâce de Dieu, en matière de voix, mais cela ne m'empêche pas d'y travailler.


En tant que musicien originaire du Bénin, vivant et travaillant dans ce pays, quel genre d'artiste es-tu : joues-tu d'instruments de musique ou chantes-tu uniquement ? As-tu un rythme particulier que tu pratiques ? Combien d'albums as-tu à ton actif ? Pourquoi le pseudonyme, "Nana Yao" ? Quelle en est la signification ? 


Je suis un artiste du genre classique qui travaille beaucoup sur les mélodies et sur les textes afin de marquer positivement mes auditeurs. Je suis un touche-à-tout mais, de façon prioritaire, je m'accroche beaucoup plus à ma voix même si elle ne me convainc pas encore moi-même, d'où le travail continue.

Concernant un rythme particulier, j’en pratique un qui n'a véritablement pas de nom. A part la musique de recherches que je produis, je suis beaucoup plus dans les styles ’’afro’’ comme le jazz, le blues, le beats, entre autres. Je m'entretiens aussi par les rythmes du Bénin et à travers ceux du Nigéria, du Ghana et même des Etats-Unis. Nous avons, par exemple, l’ ’’agbadja’’, le ’’zinli’’, le ’’gbété’’, le ’’tèkè’’, le ’’juju’’ et l’ ’’élézo’’. 

En matière d’album, j’en ai sorti un seul, en 2013, grâce aux économies que j’ai réalisées en travaillant dans le cinéma . Il porte 10 titres et est intitulé ’’Déka’’, ce qui veut dire, tout simplement, ’’Un’’. Il n'y a pas eu un autre album parce qu’aujourd'hui, je ne suis plus en mesure d’en produire un, comme ce fut le cas du premier. Depuis quelques années, le cinéma est mort au Bénin ; le marché est gâté. En réalité, il n'y a plus de productions. 

Au niveau de ma carrière musicale, je manque d’un producteur, d’un promoteur, d’un manager et d’un communicateur. Je n’ai plus les moyens financiers pour assurer ces domaines. 

Dans mon nom d’artiste, ’’Nana’’ signifie le roi, le prince, dans la culture ghanéenne d'où est originaire ma chère mère. ’’Yao’’ est la réduction de mon prénom authentiquement béninois, ’’Yaovi’’, qui veut dire “Né le jeudi’’, dans la langue du ’’guin", c'est-à-dire le "mina’’. Donc, ’’Nana Yao’’ veut dire le ’’Prince Yao’’.


Es-tu uniquement artiste musicien ou pratiques-tu un autre métier, parallèlement, pour faire face à tes charges ?


J’interviens aussi dans le cinéma, en tant que réalisateur, cadreur, monteur vidéo et infographe. Je suis promoteur d'une entreprise.


Quel est ton parcours ? Comment es-tu devenu un artiste musicien ? Comment as-tu évolué, de tes débuts jusqu'à aujourd'hui ?


Plongé dans la musique, dès mon jeune âge, à la faveur des spectacles de masque, communément appelés ’’Kaléta’’, que  j'organisais, j'ai pris goût à la musique dont je tâtais déjà le pouls avant d'entrer au secondaire où j'ai intégré des groupes de chorégraphie et où j’ai participé à plusieurs concours inter-collèges. 

J'ai remporté plusieurs victoires et raflé des trophées, en danse et en interprétation, dans les rythmes, hip-hop, r’n’b et rumba. Du groupe de danse, "Well bred boys", j'ai fait le groupe de r’n’b, ’’Aïvo’’, et, ensuite, le groupe de rap, ’’Christ brothers’’, ce qui s'est sanctionné par la sortie d'un album, en septembre 2000. 

Tel un fouineur, mon désir d’apprendre, d’expérimenter des choses nouvelles et intéressantes m'a amené, dans la même année, à opter pour une formation en technique de son, en réalisation de cinéma, en montage et en infographie. 

J'ai commencé, de façon professionnelle, dans les années 1990 quand je faisais cet apprentissage en techniques de son, dans un studio. Six ans après cette formation,  je suis devenu un professionnel et ai signé plus de 45 films post-produits et, quelques-uns, réalisés. 

J’en ai acquis une certaine réputation dans la sous-région. Alors, pour l’amour du cinéma, j'ai parcouru plusieurs pays d'Afrique dont le Burkina Faso, le Ghana et le Togo. 

Ma rémunération, issue du cinéma, est la seule ressource des revenus qui m'ont permis de financer ma musique. Mon album de 10 titres, accepté par le public, a été enregistré, en live, par les meilleurs musiciens du Bénin, dans le prestigieux studio de John Arcadius. Avec 6 vidéo-clips et plusieurs spectacles, à mon actif, je ne compte pas baisser les bras. 

Je passe le clair de mon temps à faire des exercices de voix et à me produire régulièrement en live aux côtés de plusieurs artistes de renommée internationale et de professionnels de la musique.

Pour l'heure, je me consacre entièrement à la musique. Je pourrai revenir au 7ème art à tout moment, étant donné qu'entre la musique et le cinéma, il n'y a qu'un pas.


La musique béninoise et son état actuel ... Qu'en penses-tu ?


La musique béninoise, elle-même, dans son originalité, se porte à merveille mais elle souffre de sa promotion. De nos jours, la bonne musique, dans le style acoustique et professionnel, est mal vue par les promoteurs qui ne font que faire valoir les musiques urbaines et l'amateurisme. Si cela continue ainsi, le Bénin n'aura plus d'ambassadeurs culturels fiers du pays.


As-tu un album en vue ? Quels sont tes autres projets ?


Oui, j'ai un album, en préparation, qui portera, d'ailleurs, le titre, "Minmasi", et aura plusieurs autres chansons. Il paraîtra l’année prochaine si tout va bien.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo

dimanche 21 avril 2024

‘’La bâtisse !?’’, une exposition à l'ordre du jour

Suite aux explications de la ’’Gallery Charly’’


’’La bâtisse !?’’ est une exposition qui a cours depuis décembre 2023. Elle a été initiée par l’artiste contemporain béninois, Charly d’Almeida. Elle a fait l’objet d’une présentation à la ’’Gallery Charly’’. L’événement s’est produit le vendredi 5 avril 2024. C’était à la galerie indiquée, du quartier de Zongo, à Cotonou. Steven Coffi Adjaï, le curateur de l’exposition, dirigeait l’explication aux journalistes. C’était en présence de l’artiste, pour une exposition fermée depuis le 8 avril. Cependant, elle se poursuit en privé.


De gauche à droite, Steven Coffi Adjaï et Charly d'Almeida, au cours des échanges avec l'auditoire ...


Une réelle combinaison d’oeuvres créées à des moments différents. La substance de ’’La bâtisse !?’’, telle qu’ont présenté l’exposition ainsi dénommée, Steven Coffi Adjaï, qui en est le curateur, et Charly d’Ameida, le créaleur des oeuvres concernées, à la séance d’échanges avec des journalistes et des artistes, qui s’est déroulée le vendredi 5 avril 2024, à la ’’Gallery Charly’’, la galerie d'art contemporain, sis quartier de Zongo, à Cotonou.


« L'exposition interroge le temps, un concept central dans l’œuvre de ce plasticien contemporain béninois », selon Steven Coffi Adjaï. Il a poursuivi : « Dans “La bâtisse !?” de Charly d’Almeida, nous avons pensé, théorisé le processus créatif comme une chose incomplète, un territoire en perpétuelle expansion, et une abîme qui épie le quotidien ».


Pour Charly d'Almeida, les œuvres exposées racontent son histoire. Elles décrivent son évolution, lui qui est passé de la peinture traditionnelle à des assemblages de métaux. « Je recherchais une sensation que la peinture n’arrivait pas à me donner, une sensation liée au toucher », a-t-il commencé. Il a achevé son propos : « Je voulais créer du volume en dehors des deux cadres d’un tableau ». Charly d'Almeida a atteint cette sensation tactile en manipulant les métaux, depuis lors. Il a continué à expliquer : « Quand je termine la création d'une œuvre et que je la revois plus tard, je me demande si cette pièce est achevée. Et là, j'arrive à avoir cette sensation que je recherchais ».



Concernant le narratif ...


De son côté, Steven Coffi Adjaï a fait comprendre le narratif. Il est spécifique à l'exposition, ’’La bâtisse !?”. Elle se compose de deux parties. Elles célèbrent le processus de création.


La série murale, "Les Piliers", ouvre la première. Les œuvres qui s’y trouvent ont été réalisées par l'assemblage de métaux. Elle exprime l'idée de fondation de toute construction, à en croire le curateur. A sa suite est visible la série intitulée “Les constructions”. « Elles sont issues de deux différentes pièces produites dans différentes temporalités » a informé Adjaï. « On ne commence pas une construction en pensant que ce que l'on fait sera inachevé ! », a-t-il fini.


La symphonie liant ces œuvres illustre bien le rôle que joue le temps dans la démarche de création. « Les écritures » est une série apparaissant en troisième position. Elle dévoile la plupart des matériaux qu'utilise Charly d'Almeida dans ses créations : freins d'engins, spirales, plaques métalliques, aux couleurs variées. Cette série symbolise le plan, le facteur essentiel de tout processus créatif. Elle invite le créateur à se remettre en cause, à auto-évaluer son travail afin d'avancer. La série, “Les constructions n°2”, aborde la regénération après la remise en cause. D'autres œuvres, regroupées sous ’’Les fragments’’, peuvent être découvertes à la “Gallery Charly”.



Pour une seconde partie ...


La seconde partie de ’’La bâtisse !?’’ s’annonce avec l'une des œuvres de la série, “Les piliers”. Elle rappelle les anciennes peintures de Charly d'Almeida, qu’il a revisitées et actualisées. « Vous retrouverez, dans ces tableaux, des thématiques comme la paix, les histoires, le voyage », affirme Steven Coffi Adjaï. Cette seconde scène de l'exposition s'achève avec la pièce maîtresse, “L'ancêtre”, réalisée, également, par l’assemblage de métaux. La parole s’y révèle par des ouvertures en métal, astucieusement agencées, des bouches, selon le curateur. Elles laissent des empreintes, au cours du temps. Elles traduisent le processus parolier par lequel on acquiert le statut de l'ancêtre. Charly d’Almeida inscrit ce cheminement dans le temps.


Concernant, en particulier, le temps de l'exercice de son métier par l’artiste, au bout de 36 ans de carrière, il ne prendra pas une retraite. Il promet, d’ailleurs, une nouvelle inspiration à travers une réflexion à venir. Elle interrogera les restes du temps. En attendant, les œuvres de l'exposition, "La bâtisse !?", restent ouvertes à la visite pour les collectionneurs et pour les amoureux des œuvres d'art, à la “Gallery Charly”.

Léandre Houan / Marcel Kpogodo

vendredi 22 mars 2024

La femme béninoise dans tous ses éclats

Dans le cadre d’une exposition d’amour pour le Bénin


L’exposition, ’’Femmes du Bénin’’, s’est ouverte depuis le vendredi 12 janvier 2024. Elle se tient à la Chapelle de l’Observance, dans la ville de Draguignan, en France. Elle a été mise en place par les membres du Mouvement associatif pour de Nouvelles initiatives d’orientation culturelle (Manioc). Le visiteur en aimera le Bénin, un pays francophone d’Afrique de l’Ouest. L’exposition promène une grande lumière sur le labeur de type particulier, tous domaines confondus, par lequel les femmes font fonctionner le pays.


Marie-José Ramondetti, ci-contre, dans ses explications, à des visiteuses

Un aménagement orchestré aux couleurs de la femme actrice des réalités socio-culturelles du Bénin. Le fondement de l’exposition, ’’Femmes du Bénin’', qui, depuis le 12 janvier 2024, à l’initiative du Mouvement associatif pour de Nouvelles initiatives d’orientation culturelle (Manioc), est ouverte aux visiteurs, à la Chapelle de l’Observance, sis 2-86 Mont du Rigoulier, dans la ville de Draguignan, au sud-est de la France.

De la visite de l’exposition, ’’Prends soin de moi’’, l’œuvre du photographe d’art béninois, Louis Oké-Agbo, donne le ton. Elle donne le ton comme d’un appel à intérêt. Cet appel est perceptible, lancé par une force séculaire. Elle s’exerce, nantie d’un pouvoir inné de transformation et de construction. Cette force, cependant, vu son influence porteuse d’ombrage, est condamnée à l’ombre. Par la société.

On entre dans cet univers dédié au Bénin par un panneau vert clair. Il présente le Bénin, sa carte, les statistiques conventionnelles et cette force qui le fait. La femme.

Le Manioc l’a, peut-être, voulu ainsi. Arcade Assogba, réalisateur béninois, ouvre et ferme l’exposition, ’’Femmes du Bénin’’. Marie-José Ramondetti, Co-secrétaire de l’association, en fait visiter les 13 étapes. Elle en édifie des enseignantes, l’après-midi du samedi 8 mars 2024, journée internationale des Droits des femmes.



Les 13 arrêts d’un voyage


A la découverte des deux premiers panneaux

Après deux tout premiers panneaux, 13 portraits photographiques de femmes permettent d’imaginer le Bénin actif. La sélection qu’en a opérée Arcade Assogba est représentative de secteurs variés d’activités. Le ''zooming'' en est expressif. Les femmes exercent, dans ces domaines, de manière réelle, dans le quotidien de leur vie. Puis, cela s’enchaîne, l’empathie naît. On s’épanouit des escales, des arrêts, des bruits circonstanciels des quais sociaux du Bénin. Des témoignages poignants, des pensées fortes sont à découvrir. Ils montrent des expériences innovantes de femmes du Bénin. Elles réussissent dans les affaires, dans l’exercice artistique, dans l’entrepreneuriat social, dans les religions endogènes. A certaines stations, la vie est dure. Il peut y avoir des larmes, des pleurs, des cœurs qui se meurtrissent. Leurs souffrances, dans un certain labeur pierreux, dans l'innocente meurtrière essence de contrebande, pour le pain quotidien, éprouvent. Et, l’on revient à la tranquillité d’esprit, à l’assurance, à la joie.

La femme du Bénin a aussi été une farouche et inébranlable guerrière. Elle a mis en déroute maints ennemis coloniaux. Avant cela, elle est, en outre, ce qui, en nourriture, se consomme, ce qui se vend dans les marchés. Elle est, par ailleurs, ce dont elle se vêtit, pour marquer les circonstances de la vie quotidienne. Elle est un duo d'arbres d'icônes du Bénin. Elle est l’influence implacable qu’elle a dans le fonctionnement des pratiques sacrées des religions endogènes. Elle est ce que des artistes contemporains béninois perçoivent de son être.

A ces différents niveaux de révélation de l’être de la femme béninoise, l’implication technique de membres du Manioc s’affirme. Ils ont mis à contribution un labeur dont la précision sur les détails difficiles émeut. Arcade Assogba, l’un d’entre eux, clôt le parcours. Le terminus se précise. L’entrevoir sans le parler vivant des femmes est un leurre. En bon cinéaste, le concerné compile et laisse se succéder, à loisir, des voix. Une bonne douzaine. 


Les visiteuses, au cours de la séquence vidéo

Elles sourdent de l’authentique, de la fraîcheur, de la réalité du timbre vocal féminin béninois. Marie-José Ramondetti siffle la fin du voyage. Ses auditrices se lèvent et se conforment. Elles auraient, depuis ce 8 mars 2024, conçu et exécuté des activités créatrices, artistiques. En faveur des écoliers dont elles ont la charge de l’instruction. A l’instar de cette autre membre du Manioc, Maryvonne Boudier.

A l’attention des Béninois vivant en France, des amoureuses et des amoureux de l'Afrique subsaharienne, du Bénin : à dix-huit heures précises, le samedi 23 mars 2024, ’’Femmes du Bénin’’ aura vécu.

Marcel Kpogodo

samedi 20 janvier 2024

’’Hope’’, l’appel de Sika da Silveira contre les abus humains sur l’environnement

Dans le cadre de l’exposition collective, ’’N.art.urel’’


Le samedi 6 janvier 2024 s’est tenu le vernissage d’une exposition collective. Il s’agit de ’’N.art.urel’’. Elle avait pour cadre la forêt classée de Pahou. Elle est située dans l’arrondissement de Ouidah. Il appartient à la ville du même nom. 23 artistes contemporains dont 10 invités participent à l’exposition indiquée. Le chef de l’Etat, Patrice Talon, était l’invité surprise de l’événement. Le ministre de la culture, Jean-Michel Abimbola, y a aussi pris part. Dominique Zinkpè, tête pensante du projet et directeur artistique de l’exposition collective, y était présent, de même que les artistes impliqués et de nombreux visiteurs. Avec ’’Hope’’, l’artiste plasticienne, Sika da Silveira, y aborde les menaces climatiques actuelles. Il s’agit d’une installation.


Sika da Silveira, face à l'installation qu'elle a réalisée


Un vaste cercle constitué d’un amas compact horizontalement rebondi de morceaux de charbon de bois, tapissant le sol, encadre un kapokier. L’aspect visible de l’installation, ’’Hope’, de l’artiste plasticienne, Sika da Silveira, une œuvre comprise dans l’exposition collective, ’’N.art.urel’’, dont le vernissage s’est tenu dans l’après-midi du samedi 6 janvier 2024, au sein de la forêt classée de Pahou, au niveau de l’arrondissement de Ouidah, de la ville du même nom, en présence du chef de l’Etat béninois, Patrice Talon, du ministre de la culture, Jean-Michel Abimbola et, notamment, de l’initiateur de l’événement, l’artiste contemporain, Dominique Zinkpè, puis des artistes participants et de visiteurs.


« Il y a la partie sauvage inexploitable et la partie exploitable où l'exposition se tient actuellement », a commencé à expliquer Sika. « Les arbres de cette forêt sont destinés à un abattage non destructif, donc à la commercialisation », a-t-elle continué. « C'est une sorte de solution pour préserver les arbres de la partie sauvage ». Puis, elle a conclu : « En écoutant l'histoire de Simon, le guide touristique, qui me l'a racontée, j'ai ressenti de l'espoir face aux défis climatiques actuels et j'ai voulu raconter l'espoir que représente ce lieu ».


Sika a répandu des débris de canari au bas du kapokier. Elle a aussi inséré, dans l’installation, trois photographies d'arbres. Elle a incrusté, dans ces images, le visage de Simon. Elle les a prises dans la partie sauvage de la forêt.



Sika da Silveira, au cours de l'explication de son œuvre, face au chef de l'Etat et à sa suite.


L’artiste contemporaine a voulu faire ressortir l’importance de la préservation des forêts. Elle en rend également hommage aux acteurs de cette activité. Son installation montre le caractère sacré du cadre choisi. L’œuvre d’art établit l'interdépendance entre les arbres et les êtres humains. Le charbon, de manière précise, symbolise la partie exploitable de la forêt et les bouleversements auxquels est soumis le climat. Sika da Silveira en appelle à la prise de conscience des habitants de la terre. Son œuvre incite ceux-ci à la réflexion sur leur responsabilité dans la conservation de l’environnement.


L’installation se situe à l’entrée de la forêt classée de Ouidah. Les visiteurs pourront la découvrir jusqu’au 31 janvier 2024. Cette date résulte de la prolongation de l’exposition par le chef de l’Etat. L’événement artistique est le fruit du partenariat entre l’Institut français du Bénin (Ifb) et l’espace culturel, le ’’Lieu unik’’ d’Abomey.


Léandre Houan / Marcel Kpogodo  

dimanche 17 décembre 2023

da Silveira et Tokoudagba, l’expression du rapport de l’homme à l’invisible

Dans le cadre du déroulement d’une exposition


’’Le Centre’’ de Lobozounkpa abrite une exposition collective dénommée ’’Ombres des Ancêtres’’. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 15 décembre 2023. Deux artistes peintres et plasticiennes l’animent. Il s’agit de Sika da Silveira et d’Elise Tokoudagba. Leurs œuvres abordent la connexion entre les vivants et les morts.


Sika da Silveira et Elise Tokoudagba, au cours du vernissage de l'exposition


Différentes catégories d’œuvres d’art, de la part de deux artistes visuelles, pour un objectif commun. L’essentiel à retenir d’ ’’Ombres des Ancêtres’’, une exposition dont le vernissage s’est déroulé dans le début de la soirée du vendredi 15 décembre 2023 au ’’Centre’’ de Lobozounkpa, situé au quartier d’Atropocodji, de l’arrondissement de Godomey, dans la commune d’Abomey-Calavi.


Sika da Silveira laisse découvrir par le public des toiles. Elle les a réalisées avec plusieurs matériaux. Ce sont l'acrylique, le fusain et le pastel. Quant aux couleurs, le noir, le blanc et le rouge s’imposent. Elles font référence, respectivement, à l'ombre, à la lumière, à la vie. L’association de ces matériaux et de ces couleurs joue un grand rôle. Ils illustrent la relation étroite entre les mondes des vivants et des morts. L’être humain en est le fil connecteur. Pour l’artiste, il est issu d’une substance infinie : Dieu. Elle en invite au recours aux croyances et aux pratiques culturelles. Elles ont été laissées aux générations actuelles par les ancêtres. Ce recours servira à communiquer avec le monde invisible et l'univers.


Sika da Silveira fait aussi valoir des œuvres photographiques. Elle y présente, notamment, la divinité du ’’vodoun’’, dénommée ’’Abicù’’. Elle est une entité intervenant dans un cas bien précis. Il s’agit de mettre fin aux décès de nouveau-nés dans une famille. Le but en est d’y garantir une vie paisible.


Avec l’œuvre, ’’Zoun mà bù’’, l’artiste attire l’attention sur un facteur actuel. Elle fait ressortir la double valeur écologique et spirituelle des arbres. Dans son propos, elle a expliqué la symbiose des ancêtres avec les forêts. Ceci est dû à leur caractère sacré. Elles constituaient des sites de déroulement de grands cultes et de rituels. Ils étaient dédiés aux ancêtres dans les traditions des pays africains. L’œuvre indiquée fait écho au poème, ’’Souffle’’, de Birago Diop. Elle lui rend hommage et permet une méditation. En sont à la base les vers, « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis ».


Elise Tokoudagba, le culte en avant ...


L’artiste s'inscrit dans la communication entre le visible et l’invisible. Ses œuvres sont des sculptures en argile et en fer. Elles sont enduites de peinture astrale à huile. Elles représentent la divinité, ’’ Gù’’, de la religion du ’’vodoun’’. Selon la créatrice, cette divinité détient les clés de la violence. Elle protège ceux qui l'invoquent contre tout sortilège provenant du fer.


Elise Tokoudagba s’inspire aussi des principes d’un culte particulier. Il se dénomme ’’Egun-Egun’’, en yoruba, et ’’Kùlitć’’ en langue du fon. En français, cela signifie ’’revenant’’. C’est une entité représentant les ancêtres décédés. Ils reviennent sous une autre forme auprès des leurs. Ils ont pour buts de les aider, de les guider et de conserver les totems. Ils veillent à la cohésion au sein de la famille, de génération en génération. L’artiste présente aussi la divinité, ’’Aziza’’. Cette entité apporte une abondance intarissable à son invocateur. De même, Elise Tokoudagba propose un tableau montrant la divinité, ’’Hêviossò Agbòtànklàn’’. Elle incarne le tonnerre, une entité justicière.

L’exposition, ’’Ombres des Ancêtres’’, prend fin le 23 février 2024.

Herman Sonon 

samedi 16 décembre 2023

Gbèmanwonmèdé, l'hommage posthume du Dr Raymond Gnanwo Hounfodji

 En célébration de la mémoire de l'artiste


Pierre Dossou Aïhoun, alias Gbèmanwonmèdé, est un artiste célèbre de la musique traditionnelle du Bénin. Au cours de ses 53 ans de carrière, il a révélé et promu le rythme, ''lomba''. Il émane de Covè, une ville du sud-Bénin d'où est aussi originaire le musicien. A l'âge de 87 ans, l'artiste a rendu l'âme, le 30 juin 2023, à la suite d'une longue maladie. Des hommages officiels lui ont été organisés au stade municipal de Covè. C'était en présence de personnalités politiques et de dignitaires de la région d'Agonlin. Parmi ceux-ci, on trouvait l'un des députés de la zone, Natondé Aké, et le roi Zéhè. Ces hommages se sont déroulés le 1er décembre 2023. Le chanteur traditionnel fut, alors, inhumé dans l'intimité familiale.  

Le créateur d'œuvres de l'esprit, en général, et l'artiste musicien, en particulier, intéressent les chercheurs, notamment, à l'université. Tel est le cas de l'un d'eux, le Docteur Raymond Gnanwo Hounfodji. Aujourd'hui, il est Professeur à l'université de Houston, dans l'état du Texas, aux Etats-Unis. Il a fait ses quatre premières années d'études en Lettres Modernes de l'actuelle Faculté des Lettres, langues, arts et communication (Fllac) à l'Université d'Abomey-Calavi (Uac), au Bénin. Au cours de celles-ci, il a été amené à travailler sur l'une des chansons de Gbèmanwonmèdé. Il finit aussi par le rencontrer. Ces types de contact avec l'artiste et l'amour de sa musique par l'universitaire l'ont fait réagir, à l'annonce de son décès et après le tenue de ses obsèques. Cet article d'hommage, parvenu à notre rédaction, livre tout un message. Il est celui du fondement de la soudure d'un chercheur à un musicien traditionnel traceur et mainteneur de liens destructeurs des distances ...    


Feu Pierre Dossou Aïhoun, alias Gbèmanwonmèdé - Crédit photo : Aubin Akpohounkè


« Ainsi, Gbèmanwonmèdé s'en est allé. Vive l'artiste !


À l'état civil, il répondait au nom de Pierre Dossou Aïhoun, mais ce virtuose de la musique traditionnelle était véritablement reconnu sous son nom d'artiste : Gbèmanwonmèdé. Le chanteur s’est éteint le 30 juin 2023, emporté par une série d'épreuves et d'épisodes sanitaires qui mirent fin aux derniers chapitres de son parcours terrestre. Il tira sa révérence à l’âge de 85 ans. Originaire de Houin, un quartier périphérique de Covè, dans la vallée pittoresque d'Agonlin, il s’imposa rapidement sur la scène nationale béninoise grâce à sa participation assidue aux compétitions de musique traditionnelle d'envergure, rencontrant des fortunes diverses. Pour mentionner quelques-uns de ses hauts faits, il peut être souligné quelques éléments d’illustration :


En 1997, avec son prestigieux prix de la meilleure création musicale, le Bureau Béninois des Droits d’Auteurs (BUBEDRA) décerna cette année-là, deux prix : l’un à la musique moderne et l'autre, à la musique traditionnelle. Dans cette édition, le chanteur remporta brillamment le prix du meilleur artiste de musique traditionnelle grâce à son 9e album, dont le titre phare était « Adan nou gbomi ». Dans cette chanson, une poignante célébration des vertus de l'amitié, le chanteur narre sa mésaventure au retour d’une visite dans la ville de Kétou. Pris à partie par les initiés de la divinité Oro et soumis au harcèlement sexuel d'une veuve sorcière, sa survie dans cette situation délicate a été possible grâce à l'intervention providentielle de connaissances influentes. Deux ans plus tard, sa contribution exceptionnelle à la musique traditionnelle fut, une fois de plus, reconnue lorsqu'il fut couronné meilleur chanteur traditionnel de l'année lors de l'édition 1999 de la Coupe Nationale du Vainqueur des Artistes du Bénin (CONAVAB). Ces distinctions attestent de la qualité et de la pertinence artistiques de Gbèmanwonmèdé, ancrant son statut en tant que figure majeure dans le paysage musical béninois.


Cependant, on se rappelle une année où, en dépit de sa performance exceptionnelle en finale, la victoire lui a été refusée. Le jury, après une longue délibération et prenant en compte divers critères, évoqua notamment que l'orchestre du chanteur avait pâti à cause de son habillement peu attrayant, jugé inapproprié pour la solennité de la compétition. En ces genres de circonstance malheureuse ou chaque fois que le chanteur trébuchait dans ses entreprises artistiques, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il utilisait humour et autodérision pour ne point se laisser aller à des complaintes futiles. C'était aussi sa stratégie pour anticiper et esquiver les railleries de ses critiques, leur dénier le plaisir de le ridiculiser avec succès. Ses triomphes, tout comme ses revers, devenaient des sources d'inspiration pour de nouvelles créations musicales, le propulsant non seulement au sommet de son art, mais également vers la célébrité nationale.


Homme décomplexé et humble, il n’est pas rare de le voir, dans les rues de son Covè natal, échanger salutations et amabilités avec ses compatriotes. En raison de son accessibilité, sa voix et son talent étaient souvent sollicités par de nombreux animateurs de radio pour composer le pré- ou post-générique de leurs émissions. La voix stridente de Gbèmanwonmèdé, entonnant « Aziza ɖɔ din ɔ̀ è sùn sɔ̀ », résonne encore dans les mémoires des témoins de cette époque-là. Car c'est sur cette mélodie devenue emblématique que Albert Kinhouandé prenait souvent congé de ses fidèles auditeurs à la fin de "Xovikléoun", une émission hebdomadaire de divertissement, très prisée et axée sur les faits divers, diffusée tous les samedis soirs sur les ondes de l'Office de la Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) dans les années 1980 et 1990.


Exhibant une créativité et une originalité exceptionnelles, le jeune chanteur talentueux connut une ascension fulgurante en érigeant sa carrière musicale sur le socle du Lomba, un rythme musical traditionnel caractéristique de la région d'Agonlin. Bien qu'il n'en fût pas le créateur, il en était cependant devenu le porte-étendard en lui conférant une visibilité nationale. Toute sa vie, il fit de ce rythme sa chasse gardée, comme en témoigne cette ritournelle qui vient souvent clôturer nombre de ses compositions musicales :


Coryphée : O lɔnba sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Lomba sohoun et vous invite.


Chœur : Aziza zɛhwè to bo wa kpɔn mi lo

Le génie est en spectacle, peuples, venez me voir.


Coryphée : Cɔkli sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Chocli sohoun et vous invite.


Chœur : Aziza zɛhwè to bo wa kpɔn mi lo

Le génie est en spectacle, peuples, venez me voir.


Coryphée : O lɔnba sohǔn un kè bo ɖɔ mi wa

J’entonne Lomba sohoun et vous invite.


Chœur : O nu ɖe ma nɔ ba tatɔ kpo ɖe gbɛmè

Aucun règne n'est dépourvu de son souverain dans la vie :

lan lɛmɛ̀ ɔn jawunta d'emɛxo

Parmi les animaux, c'est le lion qui trône en roi incontesté ;

Xɛ lɛmɛ̀ zùnhɔ wɛ ɖu baba

Dans le royaume des oiseaux, l'aigle s'élève comme le plus imposant ;

Odan ayiɖowxɛ̀do wɛ kpacɛ ni o dan b'ɛvɔ

L'arc-en-ciel, parmi les serpents, déploie sa majesté incomparable.

To bo wa kpɔn mi lo o

Peuples de la terre, accourez donc pour me voir !


L'insinuation dans ce refrain est véritablement magistrale et perspicace : Gbèmanwonmèdé, à travers une métaphore filée habilement doublée de l'apostrophe dans le verset final, s'est autoproclamé maître incontesté du rythme Lomba. Cette supériorité, qu'il a fièrement assumée tout au long de sa carrière, le positionne aujourd'hui en tant que légende de la chanson traditionnelle béninoise.


En dehors de ses apparitions régulières sur les chaînes de radio et de télévision, qui étaient pour moi des moments d'excitation et de fierté en raison de notre origine commune et de mon vif intérêt pour le contenu accrocheur de ses chansons, j'ai également eu la chance de rencontrer le chanteur à plusieurs reprises. Je vais brièvement évoquer quelques-unes de ces rencontres, toutes aussi anecdotiques que riches en enseignements.


J'ai fait la connaissance du chanteur pour la première fois à la gare routière de Covè. À cette époque, la gare se trouvait dans une rue adjacente à l'est du marché Azogotchébou et du quartier Ahito. J'avais probablement entre 8 et 9 ans et j'étais là pour accueillir ma grand-mère, en route de Cotonou après un long séjour sanitaire. Partagé entre l'anxiété et l'impatience de la revoir enfin après son absence insupportable, je m'adonnais à mille et une distractions pour tuer le temps. Soudain, je vis le chanteur émerger de la RNIE 4, la voie nationale passant devant le marché et traversant Covè pour relier Bohicon à Zagnanado et d'autres contrées. Il marchait, tirant à ses côtés un vélo flambant neuf de marque Peugeot. Arrivé à la gare, il s'arrêta à une bonne distance de moi. Était-il venu rencontrer un voyageur en provenance de Cotonou comme moi, ou vaquait-il tout simplement à ses affaires ? Je ne saurais le dire ! J'étais donc en présence du plus grand chanteur de Covè et l'un des meilleurs chanteurs traditionnels de mon pays. Sans trop lui montrer mon euphorie d’être en sa présence, discrètement, je le scrutais du coin de l'œil. Parfois, lorsque son regard était ailleurs, je le fixais intensément pour bien graver en tête sa frêle silhouette, silhouette qu’il a, du reste, gardée jusqu’à la fin de ses jours. Au bout d'un moment, le chanteur remarqua mon manège et décida de m'adresser la parole :


 Ɖakpɛvi fitɛ ka nu wè (Jeune homme, d'où viens-tu dans la cité ?)

 Zogbanu kpɛvi ɖè wɛ nu mi (Je suis un petit Zogbanou), balbutiai-je instinctivement.

 Zogbanu kpɛvi ɖè ka ɖeǎ (Il n'y a point de petit Zogbanou), me rétorqua-t-il.


À l'arrivée soudaine d'un taxi, je m'éloignai de mon interlocuteur, car j'avais hâte de retrouver ma grand-mère ! Bien que très bref, et bien que le temps en ait certainement effacé les détails, notre échange reste gravé dans ma mémoire. Ce dont je me souviens encore aujourd'hui, c'est la chaleureuse candeur qui émana de la sentence corrective que le chanteur eut le temps de me lancer : « Il n'y a point de petit Zogbanou ». 


Je n’ai guère oublié son invitation au jeune garçon que j’étais à me départir de la mésestimation, à avoir la confiance en soi. De ce jour lointain naquit mon intérêt, voire mon obsession, pour le chanteur et son œuvre. Plus tard, j'appris que ma grand-mère maternelle et le chanteur venaient de la même concession, tous deux descendants de la famille Hounmanon Dah Kpoguènon de Houin Agbangnanhoué. Mais, à nos rencontres subséquentes, je ne jugeai guère opportun de lui avouer nos liens de parenté. Cela importait peu pour moi, car notre première rencontre était déterminante, en cela qu’elle était le ciment ayant scellé un lien implicite entre nous et allait guider plus tard ma décision d’entreprendre des travaux de recherche sur ses chansons.


Entre 1998 et 1999, période pendant laquelle je résidais à Covè et enseignais au CEG de Zogbodji, devenu CEG 1 de la ville, j'eus une autre rencontre fortuite avec le chanteur. Un jour, de retour d'une visite à un collègue à Houin, je remontais tranquillement à pied la rue menant au centre-ville, passant devant Tolègbaholi, quand je surpris un homme, comme pris dans un piège, il se démenait dans son agbada (boubou ample) complet. Arrivé à son niveau, me voici nez à nez avec le chanteur. Lorsque je m'enquis si tout allait bien, il m'informa qu'il revenait d'une prestation musicale et qu'il essayait de cacher une partie de sa recette dans la poche de sa culotte. Sans même me laisser le temps de lui demander pourquoi tant de précautions, il me lança avec un visage empreint d'un sourire jovial invitant à la complicité : « Nyà cè (mon semblable), je suis père de famille ; une fois chez moi, toute cette recette va aussitôt partir en fumée si je ne mets rien de côté pour les jours de vaches maigres ». Après cette information prévenante, la leçon que le chanteur voulut m’enseigner était évidente. De la sorte, je ne cherchai guère à l’interroger davantage ; nous échangeâmes quelques amabilités et chacun continua son chemin.


En juin 2005, en compagnie de mon épouse, je rendis visite au chanteur afin de lui remettre en mains propres une copie de mon mémoire de Master intitulé : ''Gbèmanwonmèdé et son œuvre : Aspects socio-littéraires de quelques chansons''. 


Ce document, achevé la même année à l'Université de St Thomas à Houston au Texas, sous la direction de la professeure Rolande Leguillon, était accompagné d'un support numérique : un CD contenant le corpus des chansons que j'avais compilées et digitalisées dans le cadre de mon travail. Cette démarche était novatrice, car à l'époque, la discographie du chanteur était principalement constituée de cassettes.


Précédemment commencé entre 1997 et 1998, ce travail devait marquer la fin de mes études universitaires en Lettres modernes au Bénin. Durant tout mon cursus, le professeur Ascension Bogniaho nous avait initiés à la littérature orale à travers plusieurs cours, insufflant en nous une véritable passion pour ce domaine. Ainsi, lorsque vint le moment de choisir un sujet de mémoire de maîtrise, j'optai immédiatement pour les chansons de Gbèmanwonmèdé


Dans le cadre de ce travail, j’ai dû faire des va-et-vient interminables chez le chanteur et d’autres personnes-ressources vers qui il me dirigea pour recouper des informations sur les origines du Lomba. Malheureusement, en raison de circonstances étranges, dont je vous épargne les détails, cette recherche ne connut pas d'avancées significatives avant mon départ du pays en 2001.


En somme, le chanteur, ne comprenant pas pleinement la portée de ma démarche et la raison d'être du document que je lui offrais, semblait préférer que je partage avec lui les bénéfices financiers que mon travail aurait pu générer. Après quelques explications sur le sens de ma démarche, il scruta longuement mon épouse et moi-même avant de nous lancer : « nùnywɛ́ vɛ́ axi hǔ akwɛ́ » (« La connaissance est plus précieuse que l’argent ! »). 


Après ces termes péremptoires empreints de sagesse du chanteur, nous nous séparâmes, et je ressentis un profond sentiment de satisfaction d'avoir amorcé un travail auquel bien d'autres pourraient contribuer à travers des développements d’autres aspects.


Chanteur d'une prolificité inégalée, constamment en communion avec les muses, Gbèmanwonmèdé a accumulé au fil de sa carrière une discographie à la fois riche et impressionnante, composée de nombreux albums, chacun comprenant au moins une dizaine de chansons. Déjà en 2004, dans le cadre de ma recherche, j’avais répertorié une douzaine d’albums, majoritairement produits par les éditions, ''Dinapel'', de Séraphin Tohounta. Étant donné les contraintes imposées par un mémoire de Master, le champ couvert par mon examen était significativement parcellaire. Cependant, une analyse approfondie des chansons sélectionnées révèle une structure thématique triangulaire, avec pour axes cardinaux : Dieu, l'existence et les humains. 


En écoutant attentivement le chanteur, on constate une variété dans ses paroles, passant de l'exaltation des sentiments divin, religieux et existentiel à l'exhortation des êtres humains à vivre en harmonie. Les thèmes récurrents dans ses textes gravitent autour de la mort, du destin, de la vanité humaine, de Dieu, de la religion, de la souffrance, de la misère, etc. De manière notable, ses chansons évoluent d'un empirisme de « villageois » vers une philosophie de l’universel. Ses réflexions, loin de se baser sur des raisonnements a priori, trouvent leur fondement dans des faits et des méfaits de la société, ainsi que dans des expériences personnelles vécues, que ce soit dans son voisinage immédiat ou lointain.


En tant qu'observateur averti, chaque chanson devient pour lui un moyen de célébrer les actions louables ou de dénoncer les tares sociales. S’appuyant sur des faits de société irréfutables, des expériences de vie réelles, le chanteur formule des leçons de morale et de bien-vivre, appelant à l'adhésion du public. La profondeur et la pertinence de ces enseignements lui ont valu, à juste titre, le surnom de "philosophe". De ce fait, prenant conscience du rôle social qui lui incombe, on comprend alors pourquoi le refrain suivant fonctionne comme une sorte de leitmotiv que le chanteur reprend dans la plupart de ses chansons : « Ma chanson, c'est le livre de la vie, et je m'attelle à vous en décrypter les lignes ».


La mort demeure l'une des thématiques qui ont le plus captivé le chanteur et qui ont dominé ses compositions musicales. À maintes reprises, il a exploré ce sujet, l'analysant sous toutes les coutures et offrant des réflexions à la fois transversales et métaphysiques, sans jamais parvenir à une conclusion définitive. La seule certitude qu'il offre à ses auditeurs est que la mort représente un voyage ultime, un départ sans retour. Par exemple, sa chanson intitulée ''Min on ku nugbo'' (''La personne est effectivement morte !''), devenue une sorte de rengaine, s'impose comme un chant funèbre classique joué en boucle lors des cérémonies funéraires. Dans cet hymne à la mort, le chanteur, tout en exprimant ses compassions aux endeuillés, leur rappelle cependant que la mort est un passage inéluctable auquel nul n’échappe et que le défunt n’y reviendra pas.


Coryphée : Que l’au-delà lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille !

Que la Providence lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille !

Chœur : Que la mort lui ouvre ses portes, qu’elle lui ouvre ses portes à jamais !

Coryphée : Le vent, en son périple vers un pays, ne se trompe jamais d’itinéraire.

Chœur : Que la mort lui ouvre ses portes, qu’elle lui ouvre ses portes à jamais !


Pierre Dossou Aïhoun, face au joug implacable de la mort, n’a pas fait exception ; il s’en est effectivement allé après 85 ans de vie. Mais son alter ego, Gbèmanwonmèdé, lui, s’est immortalisé en laissant un legs artistique inestimable à nous, ses contemporains, et, surtout, à la postérité. Par la magie des nouvelles technologies, sa voix chaleureuse continuera à nous fredonner ses chansons pétries de sagesse, d’enseignements philosophiques, d’humour et même de vulgarités plaisantes.


Adieu, Pierre Dossou Aïhoun, et « que l’au-delà lui ouvre la voie pour qu’il s’en aille ! »

Vive l’artiste ! »


Le Professeur Raymond Gnanwo Hounfodji, de l'université de Houston, du Texas, aux Etats-Unis

                                                                                                                              

Raymond G. Hounfodji