Dans le cadre de son trio
avec Pierre-Claude Artus et Basil Diouf
Un spectacle d’un type
particulier a eu lieu dans la soirée du samedi 21 novembre dernier, sous la Grande
paillote de l’Institut français de Cotonou. Donné en trio par l’artiste
béninois, Jean Adagbénon, avec les Français, Pierre-Claude Artus et Basil Diouf,
il a révélé une symbiose artistique ayant atteint un niveau véritablement
ambitieux, celui du dépassement des légendaires relations conflictuelles entre
Blancs et Noirs, entre descendants d’anciens esclavagistes et ceux d’anciens
esclaves, des situations de manifestation de divergences liées à l’esclavage et
à la colonisation.
|
Pierre-Claude Artus, Jean Adagbénon et Basil Diouf, s'inclinant devant le public, à la fin de ''Houn ho dié'' |
14 bonnes chansons dont
certaines en langues maternelles goun et fon, d’autres en français et en
anglais, un chœur commun à plusieurs niveaux d’exécution des chansons et 3
pratiques instrumentales spécifiques. C’est ainsi que l’artiste à tubes, très
bien connu au Bénin, Jean Adagbénon, et les musiciens français, Pierre-Claude
Artus et Basil Diouf, ont comblé les attentes d’un public curieux de découvrir
ce qu’aurait pu donner une collaboration tri-dimensionnelle, au niveau des
instruments, des chants et des façons respectives de concevoir le monde
relevant de chacun des créateurs, au cours du concert, ’’Houn ho dié’’, en
langue fon, ’’une histoire dans le sang’’, en français. Avec un jeu de lumières naviguant, notamment, entre un bleu comme enfermant le public et les artistes dans un doux cocon de partage, un rouge doux, un jaune purement spécifiant. C’est donc une ambiance
de satisfaction et de plénitude qui a régné dans la soirée du samedi 21 novembre
dernier, à la Grande paillote de l’Institut français de Cotonou, vu qu’au
départ des artistes de la scène, à la fin d’un concert de près de 90 minutes, le
public a exigé leur retour, pour une petite prestation complémentaire.
|
Une scénographie intime du concert ''Houn ho dié'' |
’’Hui dopono’’, ’’Houn
vodé’’, ’’Lady’’, ’’Drum of my heart’’, en goun, ’’Ali Frakas’’, ’’Omi’’, ’’Tell
me baby’’, en anglais et goun, ’’Papajo’’, en français et en goun, ’’Oulala’’,
en fon, ’’Run for it’’, en anglais et en fon, ’’Reuben’’, ’’On the road’’, ’’Pushing
my luck’’, en anglais, et ’’Fulani’’, en mode instrumental. Une idée des 14
morceaux que le trio s’est employé à interpréter, brisant les barrières se
rapportant à la langue, à la mentalité d’origine des chanteurs et à la
conception politique des relations entre les Blancs et les Noirs. Un défi
relevé devant un public conquis, véritablement peu habitué aux sonorités aux
tendances nostalgiques dégagées par des instruments de musique comme le ’’Yukulélé’’,
guitare à 4 cordes d’origine sud-américaine, le banjo, de l’accompagnement séculaire
des plaintes des esclaves noirs, un objet musical qui laissait savourer ses
notes, non sans distiller les conditions lugubres du sang et de la douleur
fondant son invention et son utilisation.
|
Pierre-Claude Artus, armé du ''yukulélé'' |
Pierre-Claude Artus, riche de ses inspirations musicales irlandaises, écossaises et occidentales, en général, a assumé la
lourde responsabilité de la manipulation de ces deux instruments, notamment, défiant et dépassant la logique du
Blanc devant se complexer face à des facteurs artistiques devant rappeler un
passé tragique et sombre, dominateur, avec le Noir. L’artiste français s’est
engagé plus loin en fondant magnifiquement sa voix dans celles de Jean
Adagbénon et de Basil Diouf, à travers les morceaux, ’’Houn vodé’’, ’’On the
road’’, notamment, pour une onde d’un métissage plaisant entre les cultures
musicales d’Europe occidentale et d’Amérique, par le blues et le rock, et
celles d’Afrique et des contrées anciennement d’esclavage, avec le ’’mass-go’’,
l’afro-beat, le reggae et le jazz.
|
Jean Adagbénon, batteur bien adapté au ''Houn ho dié'' |
Accroché, de son côté,
à sa batterie, Jean Adagbénon s’est fait le socle d’une symbiose rythmique et
vocale qui ne devrait aucunement surprendre tout bon connaisseur de l’ardeur
langoureuse et lyrique de la voix d’un chanteur béninois d’origine wémé. A l’occasion
de ce concert du 21 novembre, il a démontré une capacité musicale d’adaptation
à nulle autre pareille, même si Pierre-Claude Artus, en la matière, s’est
montré impressionnant. En outre, le Béninois a réussi, notamment, à élever sa
voix à la hauteur de la mélancolie des messages des chants émis par les anciens
esclaves, ce que lui, artiste de notre époque, explique : « Nous
demandons pardon à nos frères qui ont été vendus ; c’est important !
Nous travaillons sur l’amour, le pardon et l’équité, pour un monde meilleur
dont nos enfants ont besoin … ».
|
Instants de symbiose entre les 2 artistes |
Par ailleurs, la gaieté
des morceaux, pour des messages liés à l’appel à la tolérance, à la sincérité
de l’amour, entre autres, leur caractère résolument imprégné de l’appel aux
normes d’égalité, de fraternité et du
pardon n’ont pas échappé à une incursion contemporainement chaleureuse, à
travers le scratch, ces coups de son de disque sciemment rayé, le propre des
artistes de rap et de hip-hop.
|
Basil Diouf, ''scratchant'' ... |
Basil Diouf dont le seul nom incarne à la fois l'esprit de métissage du concert, le sens du pardon et de la réconciliation, a ainsi manifesté son apport rythmique à cette messe musicale
ayant travaillé à témoigner de la disparition des complexes de tous genres
entretenant mépris et méfiance entre Blancs et Noirs aux difficiles relations
du passé. ’’Houn ho dié’’ a tenu les promesses d’une fusion des musiques du
passé et du présent, de celles folkloriques et de celles modernes.
Crédit photos : Annie Plagnard
Marcel Kpogodo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire