« […] nous allons
bloquer des activités qui ne vont pas entrer dans les normes prévues par les
textes en vigueur »
Le 8 mars 2013, Patrick
Idohou prenait les rênes de la Direction de la Promotion artistique et
culturelle (Pac). Environ deux années après, beaucoup d’actions ont été menées,
ce dont il fait le bilan, à travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder,
n’oubliant pas, dans son propos, de menacer les sociétés de Gsm, en déphasage,
à travers leurs activités d’ordre culturel, avec les normes de la Dpac.
|
Patrick Idohou |
Stars du Bénin :
Bonjour Patrick Idohou. Vous êtes le Directeur de la Promotion artistique et
culturelle (Pac). Vous avez été nommé à ce poste, depuis le 6 mars 2013,
en Conseil des Ministres. Quelles sont vos impressions, maintenant que vous
allez bientôt boucler deux années à ce poste ?
Patrick Idohou :
Je voudrais sincèrement vous remercier pour l’attention très particulière que
vous accordez à la chose culturelle, en général, et pour la Direction de la
promotion artistique et culturelle, en particulier.
Je pense qu’après
bientôt deux années d’exercice à la tête de l’une des structures les plus
importantes du Ministère en charge de la Culture, nous nous rendons compte que
la tâche n’était pas aussi facile, comme on l’imaginait, parce que nous venons
du secteur privé et, nous sommes venus dans le secteur public pour diriger des
acteurs privés. Et, là, cela devient très compliqué, parce que ce sont des
personnes avec qui nous avons été de tout temps et, ce que nous pensions de
tous ceux-là, la gestion des ressources humaines, que ce soit sur le plan
administratif ou sur le plan social, par rapport à ces acteurs, ce n’était pas
ce qu’on imaginait. Je crois que, jusque-là, nous avons pu imprimer une
nouvelle détermination à cette Direction au niveau de laquelle un nouveau
souffle vient de naître, d’où l’importance de cette Direction est ancrée dans
la tête de tous les acteurs culturels, parce qu’il y a bon nombre de choses que
nous sommes en train de faire pour redonner vie à cette Direction.
En réalité, en quoi
consistent vos fonctions, en tant que Directeur de la Promotion artistique et
culturelle ? Quel est votre cahier de charges ? Quelles sont vos
obligations ?
Avant même de parler de
cahier de charges, je voudrais stipuler que c’est l’Etat béninois qui est le
principal promoteur du développement de la chose culturelle au Bénin et, le
Ministère de la Culture, de l’alphabétisation, de l’artisanat et du tourisme en
est l’organe central. Il stimule et coordonne les activités de tous les
secteurs du développement qui y contribuent. Le Ministère en charge de la
Culture a confié d’importants volets à la Direction de la Promotion artistique
et culturelle et, au titre de ceux-ci, il s’agit de stimuler et de promouvoir
la création artistique et culturelle sur le plan national et international, de
diffuser la culture béninoise au plan international, de développer la recherche
culturelle, de réglementer l’organisation des activités de production et de
diffusion artistique et culturelle, d’inciter nos opérateurs économiques
nationaux et internationaux du secteur privé aussi bien que du secteur public,
pour le financement des activités artistiques et culturelles, de mettre sur
pieds un fonds documentaire fiable afin de créer une banque de données pour nos
acteurs culturels.
En vous passant le
témoin, votre prédécesseur, M. Constant Nouatin, vous avertissait, en
disant : « Le public de la Dpac est exigeant ». De quelle
manière avez-vous constaté la véracité d’une telle affirmation ?
Je crois que c’est
après des années d’expérience qu’il a pu affirmer cela ; je crois qu’il a
parfaitement raison, étant donné que, sur le plan du vécu quotidien de la
gestion de la chose artistique et culturelle, en ce qui concerne, d’abord, les
artistes, ils sont réellement exigeants de même que les promoteurs et les
organisateurs d’événements culturels. D’une manière ou d’une autre, ils
attendant beaucoup de la Direction de la Promotion artistique et culturelle,
dans un premier temps, en ce qui concerne le financement de leur activité, la
réglementation du secteur, parce qu’aujourd’hui, beaucoup se plaignent du fait
qu’il y ait beaucoup d’intrus dans le secteur artistique et culturel, sur le
plan national ; il est tout à fait normal qu’il y ait plus de sérieux dans
ce secteur, qu’il y ait une réglementation qui puisse permettre qu’on puisse
trier le bon grain de l’ivraie. Et, c’est à cela que nous nous attelons depuis
un certain nombre de mois.
A votre prise de
service, le 8 mars 2013, vous avez promis « de voir ce qui est en train d’être
fait pour avancer », de « revoir ce qui a été fait pour mieux avancer »,
d’« identifier et de mettre en œuvre ce qui peut encore se faire, toujours
pour avancer ». Qu’en est-il, aujourd’hui, après bientôt deux années de
fonction ? Avez-vous réussi à concrétiser votre vision de l’ ’’avancement’’ ?
Merci beaucoup pour
cette question. Je crois qu’en ce qui concerne ce qui se faisait avant notre prise
de fonction, je vais évoquer trois volets, par rapport à ceux sur lesquels la
Direction de la Promotion artistique et culturelle agit : les artistes,
les événements et les promoteurs.
Les artistes, si je
prends leur cas, je crois que la gestion artistique, au plan national, ainsi
que la reconnaissance artistique, était plus ou moins liée à la délivrance de
l’Attestation d’artiste ; c’est ce que nous avons observé jusque-là où les
artistes étaient reconnus pour une période de six mois, à travers un document
délivré par la Direction de la Promotion artistique et culturelle. Je crois
que, sur le plan international, quand les artistes présentent un tel document,
cela ne mettait pas réellement en valeur notre Etat, cela ne démontrait pas le
sérieux et le professionnalisme qui caractérisent notre Direction. Pour
corriger cet état de choses, nous avons instauré la Carte professionnelle
d’artiste ; c’est une carte biométrique qui sera le document officiel que
nos artistes pourront brandir, non seulement sur le plan national mais, aussi,
international. Cette carte aura une période de validité de deux ans et sa
délivrance est assujettie à l’autorisation et à la validation par un Comité
d’étude de dossiers déposés par les artistes. Dans ce Comité, nous avons les cadres
de l’administration du Ministère en charge de la Culture, ainsi que des acteurs
culturels ; je voudrais parler des présidents de fédérations et de
certaines personnes-ressources.
En dehors des artistes,
nous nous sommes penchés également sur les événements culturels ; nous
avons constaté qu’il y a beaucoup d’événements culturels qui sont organisés, de
façon éparse, sans un suivi réel. Et, pour effectuer le suivi de tous ces événements
sur toute l’étendue du territoire national, nous avons instauré la délivrance
d’agréments aux associations. Donc, désormais, il est indubitable que toute
association qui doit être subventionnée par le Ministère de tutelle ou dont les
activités doivent être autorisées par lui, doivent recevoir l’agrément de la
Direction de la Promotion artistique et culturelle, qui n’est que l’agrément du
Ministère de la Culture. Et, nous n’avons pas corsé, pour cette phase
expérimentale, parce que, pour obtenir l’agrément, l’association doit avoir une
année d’existence, avoir un objet explicite lié à la promotion artistique et
culturelle, démontrer son insertion au Journal officiel, déposer la photo des
trois premiers responsables, fournir le rapport annuel des activités menées et
la quittance d’une somme dix mille francs, versée au Trésor public. Je crois
que, dès que ces documents sont constitués, il y a le Comité d’étude et de
délivrance des agréments qui siège, de façon trimestrielle, pour voir les
organisations qui remplissent les critères et leur délivrer leur agrément.
Cela va nous permettre un
tant soit peu d’avoir une idée plus ou moins claire de tous ceux qui opèrent dans
ce secteur. Il est vrai qu’aujourd’hui, parmi les documents demandés pour
l’obtention de l’agrément, on n’a pas mis l’accent sur le Rib (Relevé
d’identité bancaire, Ndlr), l’Ifu (Identifiant fiscal unique, Ndlr), sur le
siège social de ces associations, parce que, pour le renouvellement, nous
allons passer de département et département, pour constater l’effectivité de
l’existence physique de celles-ci. Nous allons un peu plus corser les critères
et les à fournir pour l’obtention de l’agrément, parce que, comme il s’agit
d’une phase expérimentale, nous ne sommes pas venus pour empêcher les gens
d’opérer dans le secteur culturel mais, c’est de les aider à se conformer à la
réglementation, à se conformer à ce qui se fait dans les autres pays ; pour
soumette des projets sur le plan international, il faut suivre des canevas
donnés, si on n’est pas habitué à eux, c’est difficile pour nos promoteurs et nos
responsables d’associations d’y arriver. C’est cet état de choses que nous
essayons de corriger en insistant sur le fait que toutes les associations
doivent avoir la reconnaissance du Ministère en charge de la Culture.
Le dernier volet
concerne les promoteurs culturels qui, d’une manière ou d’une autre, sont
considérés par les artistes comme des commerçants ; il est vrai que ceux-ci
sont appelés, aujourd’hui, à nous aider à industrialiser la culture béninoise,
parce que, de plus en plus, on parle des industries culturelles et, il n’ya
qu’eux pour aider le Bénin à s’élever et à se développer sur ce plan. Et, nous
avons allégé également les conditions d’obtention de la carte de promoteur
culturel à tous ceux qui exercent déjà dans le milieu, à ceux qui s’y
intéressent
C’est ce que nous
sommes en train de faire pour améliorer
le vécu quotidien des acteurs culturels, sur toute l’étendue du territoire
national.
Vous voulez donc dire
que l’avancement a un contenu vraiment concret … Au vu de tout ce que vous avez
partagé avec nous, qu’est-ce qu’on peut retenir de votre bilan, après bientôt
deux années à la Dpac ?
En dehors des réformes,
nous avons réussi à obtenir du Gouvernement béninois l’organisation, de façon
trimestrielle, de méga-concerts ; ce sont des plateformes de rencontres,
d’échanges, de promotion, de diffusion des œuvres de tous nos artistes. Les
plasticiens s’y retrouvent pour la décoration, de même que les musiciens
traditionnels, modernes et tradi-modernes, les comédiens, les hommes de
Lettres, ... C’est ce qui nous a permis, lors de l’organisation du concert pour
la célébration de la troisième année du second mandat du Chef de l’Etat,
d’obtenir une augmentation substantielle du milliard culturel ; c’est au
cours de cette manifestation que le Président de la République, vu la qualité
de l’organisation, vu la qualité des acteurs mobilisés, des instruments et de
tout ce que nous avons déployé sur le terrain, s’est dit qu’il était temps
d’aider les acteurs culturels et, il a pris l’engagement de faire passer le
milliard culturel au tri-milliard, ce qui est prévu pour être effectif, à
partir de cette année 2015. Cela fait partie des acquis ; ce ne sont pas
des acquis directs, mais ce que nous faisons, au moins, impacte, aujourd’hui,
le secteur de la culture, au plan national. Cela augure d’un bon avenir pour
nos acteurs culturels.
Donc, votre Direction
aussi émarge au Milliard culturel ?
En réalité, la Dpac
n’émarge pas au Milliard culturel, mais elle est une direction technique qui a
son mot à dire, également, dans la gestion du Milliard culturel, étant donné que
le Directeur que je suis est Administrateur dans le Conseil. Donc, il arrive
quand même à orienter les choix opérés par rapport aux projets, aux acteurs à
accompagner.
Qu’avez-vous à dire,
justement, par rapport à la programmation des activités culturelles, au cours
d’une année, par la Direction de la Promotion artistique et culturelle ?
Nous avons constaté,
lors de notre prise de service, qu’il n’y avait pas un répertoire des acteurs
culturels, qu’il n’y avait pas un agenda culturel, qu’il n’y avait pas des
documents statistiques pouvant nous permettre de réellement faire des
projections, à court, moyen et log termes, pour accompagner le développement de
la chose culturelle au Bénin. Et, au titre de l’année 2014, notre objectif a
été de tout faire, étant donné qu’on avait déjà balisé le terrain où il y a des
agréments aujourd’hui, pour réglementer les associations, de mettre au point des
arrêtés pour la délivrance de cartes professionnelles pour les artistes ainsi
que pour les promoteurs culturels. C’est un premier pas. Le deuxième que nous
devions franchir, au cours de la même année, était le recensement des acteurs
culturels sur toute l’étendue du territoire national de même que celui des
événements culturels ; je voudrais parler des événements majeurs sur
lesquels on peut positionner des étrangers, pour faire le développement
touristique et culturel à la fois. Nous avions aussi pour objectif de mettre au
point l’agenda culturel. Donc, à partir de 2015, la Direction de la Promotion
artistique et culturelle, en partenariat avec le Portail culturel du Bénin,
doit sortir le répertoire des acteurs culturels ainsi que l’agenda culturel,
pour la saison artistique 2015, parce que, sur le plan national comme
international, beaucoup s’adressent à nous pour avoir l’agenda culturel, pour
savoir qu’est-ce qu’il y a à faire au cours de tel mois, sur quelle activité les
gens pourront se déplacer pour venir visiter le pays et en profiter pour aller
sur des événements phare ; il nous faut, absolument, pour nous conformer à
ce qui se fait au sein de l’Uémoa aujourd’hui.
Pour avoir une synergie
des actions culturelles sur les pays de l’Uemoa, il nous faut absolument un
répertoire, non seulement des acteurs culturels, mais, aussi, l’agenda
culturel, pour la saison artistique 2015. Nous nous attelons à cela et, ce
sera, bientôt, une chose effective.
Que pensez-vous des
acteurs culturels qui vous accusent de ne pas valider le déroulement de leur
événement, au cours d’une année ?
Je ne pense pas que ce
soit une réalité. Jusque-là, nous n’avons pas commencé à bloquer l’organisation
d’événements sur l’étendue du territoire national ; il est vrai qu’il
revient à la Direction de la Promotion artistique et culturel de réglementer le
secteur culturel d’autoriser ou d’annuler l’organisation de spectacles ou
d’événements, mais, jusque-là, nous n’avons pas commencé à empêcher la
réalisation d’événements, étant donné que nous sommes toujours dans la phase
d’information et de vulgarisation des prérogatives dédiées à la Dpac, parce que
des structures, sans le savoir, agissent dans l’illégalité. Quand nous prenons
l’exemple de nos sociétés de Gsm sur place, elles organisent des événements
majeurs, mais qui ne sont pas autorisés par notre Direction ; beaucoup se
disent qu’une fois qu’elles ont l’autorisation du Bubédra, qui n’est que celle
liée à l’exploitation des œuvres artistiques, ils croient qu’elles ont celle de
production de spectacles, mais il ne s’agit pas de l’autorisation du Ministère
en charge de la Culture. Nous sommes en train de faire un travail de
sensibilisation et, c’est à partir de cette année 2015, que nous allons
commencer, réellement la répression, que nous allons bloquer des activités qui
ne vont pas entrer dans les normes prévues par les textes en vigueur.
On vous a vu vous
impliquer personnellement dans l’organisation de certains événements,
notamment, les obsèques de GG Vikey. Comment cela se passe, cumulativement avec
vos fonctions de Dpac ?
Je crois que c’est le
Gouvernement béninois qui a décidé de rendre un hommage digne à l’un des
chantres de la musique béninoise et africaine, reconnu sur le plan
international et, c’est la toute première activité que j’ai organisée après ma
prise de service. Il est de bon ton, quand l’Etat béninois décide de réaliser
ce genre de manifestations d’ordre culturel, que le Ministère de la Culture
s’en charge et, la direction technique habilitée à mettre en application la
stratégie du Gouvernement, est la Direction de la Promotion artistique et
culturelle. Ceci nous a conduit à associer, non seulement la famille du Feu GG
Vikey, mais, aussi, les acteurs culturels, les fédérations d’artistes, de façon
à constituer un Comité national d’organisation, sous la supervision du Ministre
de la Culture. C’est de cette manière que les obsèques de l’artiste défunt et
les cérémonies ont été organisées, de commun accord avec toutes les parties
prenantes.
Cela a été un succès,
de même que l’organisation de l’élection du représentant du monde artistique et
culturel au Conseil économique et social, et de celles respectives des
différents représentants des artistes au Conseil d’administration du Festival
international de théâtre du Bénin (Fitheb). Quel est votre secret ?
Tout réside dans le
sens de leadership et de management de chaque personne. Je me base
beaucoup sur le sens de ces qualités que possède le Ministre Jean-Michel
Abimbola qui arrive à rassembler, de façon incontestable, tout le monde, autour
de sa vision ; je voudrais parler des acteurs culturels. J’essaie de
copier ce sens de management et de l’adapter à la gestion de tout ce que nous
organisons au sein de cette Direction.
Je crois que c’est pour
la première fois qu’on a pu organiser des élections pour la désignation du
représentant des acteurs culturels, devant siéger à la cinquième mandature du
Conseil économique et social, sans heurts. Cela a été possible grâce à la
prise, à temps, des arrêtés devant réglementer le secteur de la Culture ;
toutes les associations ayant envoyé des délégations devant constituer le corps
électoral, pour toutes les élections qui ont eu lieu, sont des associations agréées
par la Dpac et, c’est ce qui a permis d’éliminer les associations, les
structures qui, d’une manière ou d’une autre, ont été créées, de par le passé,
à des fins inavouées ; c’est pour corriger ce genre de choses.
Nous avons aussi faire
du lobbying auprès des acteurs culturels, pour que toutes ces consultations
électorales se déroulent dans de très bonnes conditions.
Abordant un autre
volet, nous constatons que vous êtes pratiquement tout le temps en voyage pour
des événements culturels à l’extérieur. Qu’est-ce que cela apporte au
Bénin ?
En 2013 et en 2014, je
n’ai pas beaucoup voyagé ; jusque-là, j’ai effectué deux voyages sur le
plan international, le dernier remonte au mois de mars 2014 où, en ma qualité
de Président du Conseil d’administration de l’Ensemble artistique national, je
devais aller voir, de façon substantielle, comment le Ballet national
représente notre pays sur l’échiquier international. C’est à ce titre que j’ai
effectué un séjour d’une semaine à Diya,
qui est une province du sud de l’Espagne. Ceux qui sont habitué aux réseaux
sociaux et à nos chaînes de télévision ont vu le professionnalisme qui a
caractérisé la participation effective du Ballet national à des festivals
internationaux. Cela relève de notre compétence, parce que la promotion artistique
et culturelle ne se limite pas au Bénin ; il faut valoriser nos acteurs
culturels, nos artistes, notre richesse culturelle, sur le plan international. C’est
en cela que nous avons effectué ce voyage, pour appuyer, d’un sceau
particulier, l’Ensemble artistique national, pour pouvoir faire, les années à
venir, des propositions concrètes à l’Etat béninois pour appuyer, de manière
plus soutenue, la promotion de notre registre culturel, sur le plan
international.
Nous avons l’impression
qu’en matière de succès de la culture béninois à l’international, il n’y a que
le Ballet national. Quel en est votre avis ?
Je ne pense pas qu’il
n’y ait que le Ballet national, il y a des actions éparses que nous ne
parvenons pas à capitaliser. Prenons l’exemple des Ensembles artistiques
’’Towara’’, ’’Super anges hwendo na bua’’, ainsi que des ’’As du Bénin’’ ;
je crois qu’il y a un certain nombre de groupes, les ’’Gangbé brass
band’’, en l’occurrence, qui effectuent beaucoup de voyages, un certain nombre
de groupes qui valorisent notre culture, qui sont dans des réseaux,
aujourd’hui, parce que pour parler de la valorisation de la culture béninoise,
il faut avoir des tourneurs. Ce sont eux qui positionnent les acteurs, les
artistes dans des réseaux et, c’est ceux-ci qui peuvent diffuser les artistes
en Europe, en Asie, un peu partout. Et, ce qui nous manque, aujourd’hui, ce
sont de véritables tourneurs, des gens qui sont dans des réseaux donnés pour
pouvoir imposer nos artistes ; pour réussir à le faire, il faudrait que
les artistes aient des productions exportables, il faudrait que nous ayons des
productions réellement désirées, qu’il y ait des consommateurs des œuvres
créées par nos artistes, sur le plan international, parce que si nous
n’arrivons pas à adapter nos œuvres artistiques pour qu’elles soient plus ou
moins exportables, consommables sur le plan international, cela va être difficile
que des artistes de renom, au plan national, soient consommés à l’international.
C’est ce que notre grande sœur, Angélique Kidjo, a compris très tôt et, elle
fait notre fierté. Si on prend son exemple, en Afrique, elle fait partie des
baobabs, des dépositaires de la promotion de la culture de notre pays sur
l’échiquier international. Et, c’est ce que nous demandons à nos artistes :
cultiver plus le live, de cultiver plus le régionalisme et de laisser tomber le
snobisme, de laisser tomber le fait de copier les autres tout le temps, parce
que notre richesse culturelle, notre richesse patrimoniale est vraiment dense,
il y a beaucoup à tirer de cela pour valoriser notre culture sur le plan
international.
Vous êtes un
entrepreneur culturel très connu, par rapport au Concours national d’art
scolaire (Conaasco) et à l’Espace ’’Adjadi’’ qui effectue ses activités à
Cotonou. Cela montre que vous avez évolué dans le privé. Maintenant que vous
exercez dans le secteur public, à travers votre poste, l’adaptation est-elle
aisée ? Aimez-vous l’ambiance qui prévaut autour de vous ?
L’adaptation a été très
très difficile, parce que, vous savez, quand vous êtes du secteur privé, c’est
un autre mode de management ; quand tu diriges ton entreprise, tu es le
seul responsable et tu décides. Quand tu n’as pas des résultats par rapport à
tes collaborateurs, tu es en mesure de mettre fin à votre collaboration, tu es
en mesure d’arrêter le contrat de collaboration et, cela ne peut pas se passer
dans l’administration où il y a une réglementation, où une fois que les
fonctionnaires sont couverts par la loi, par la législation du travail, ils se
disent qu’on ne peut pas les radier, même s’il existe des dispositions de
sanctions dans les textes. Ce n’est pas aussi facile de les prendre : pour
un employé, on connaît les horaires de travail, de 8h à 12h30, en matinée et,
de 15h à 18h30, en après-midi ; difficilement, on arrive à ressentir l’amour
du travail bien fait, il y a aussi la lourdeur administrative. Malheureusement,
quand vous arrivez avec la fougue du secteur privé pour booster un peu les
choses, vous êtes très mal vu, vous êtes très mal compris. Cela a été très
difficile pour ma première année à la Dpac ; à un moment donné, presque
tous mes collaborateurs se plaignaient parce qu’ils n’arrivaient pas à
s’adapter à mon rythme de travail, ils n’arrivaient pas à se donner comme je
l’espérais. Finalement, d’une manière ou d’une autre, on n’a pas été contaminé,
mais on a appris à faire avec, pour ne pas trop heurter la sensibilité des uns
et des autres, afin d’apporter le résultat qu’on attend de nous, ce pour quoi
on a été nommé, ce pour quoi on a été amené pour diriger cette structure.
Concernant votre vie
privée, quelle est votre situation matrimoniale ?
Je suis marié et père
de quatre enfants, deux garçons et deux filles.
Une question
classique : comment vous organisez-vous entre votre travail et la
maison ? Avec toutes ces activités que vous menez, cela vous permet-il de
vopus occuper correctement de votre famille ?
J’ai une épouse qui est
plus ou moins du milieu et qui maîtrise les contraintes liées à cette
responsabilité ; elle s’y est préparée. Nous arrivons à conjuguer les
efforts pour que l’éducation des enfants ne puisse pas en recevoir un coup, par
rapport à cette fonction que nous occupons aujourd’hui ; on arrive quand
même à gérer.
Avez-vous un appel à
lancer aux artistes, aux acteurs et aux promoteurs culturels ?
Je voudrais rappeler à
tous les acteurs culturels béninois que Monsieur Patrick Idohou est du secteur
privé et que, tôt ou tard, il y retournera ; je suis arrivé pour apporter
un grain de sel à la maison ’’Culture’’, pour améliorer les conditions de vie
et de travail de tous les acteurs culturels, toutes tendances confondues. Donc,
notre intérêt ne sera pas d’annihiler, de mettre fin à des intérêts des acteurs
culturels ou de bouleverser la bonne marche et l’évolution de certains ;
tout ce que nous entreprenons comme réformes, c’est dans l’intérêt général de
tout le monde, parce que, aujourd’hui, un certain laxisme a été observé, de par
le passé, par rapport à la gestion de la chose culturelle, il était temps que
l’Etat prenne ses responsabilités pour réglementer réellement ce secteur, pour
avoir une idée claire de tous ses acteurs, et que ce soit ceux-ci qui soient
accompagnés. Pour que nous puissions parler d’industrie culturelle, il faudrait
d’abord que nous fassions l’auto-évaluation de la gestion de la chose
culturelle, au plan national, pour voir venir des perspectives d’avenir, pour améliorer
les conditions de vie et de travail de tous les acteurs, toutes tendances
confondues. Je voudrais les rassurer que tout ce que nous faisons, ce sera de
concert avec les responsables des structures, des associations, des
fédérations.
Propos recueillis par
Marcel Kpogodo