Le
Mutateur : Arsène
Kocou Yêmadjè, comédien et metteur en scène béninois, vous vous investissez
aussi dans la formation. C’est ainsi que vous animerez, des 8 au 10 janvier
2015, un atelier de formation. Qu’en est-il réellement ?
Arsène
Kocou Yêmadjè : Oui, en effet, il y a quelques années,
j’étais à Lokossa, dans le cadre du festival dénommé ’’Rencontres
internationales du théâtre monodrame’’ (Ritm), où j’ai joué mon monologue, ’’Confessions
posthumes’’. Donc, quelques jeunes comédiens se sont rapprochés de moi pour me
féliciter du travail, pour me dire l’intérêt qu’ils avaient pour lui et pour me
dire, surtout, leur envie de travailler avec moi et d’apprendre. J’ai réfléchi
à la chose ; j’ai été tellement touché que je me suis dit qu’il fallait
initier un atelier de formation. Après discussion, ils m’ont dit leurs
inquiétudes par rapport au métier et, j’ai initié, avec le soutien du Fonds d’aide
à la culture (Fac), un atelier sur le jeu d’acteur. Précisément, cela s’intitule :
« Du texte écrit à la réplique vivante ». Pourquoi ?
Tout simplement parce
que je me suis rendu compte que la plus grosse des difficultés des acteurs, c’est
de dire un texte, c’est de le sentir ; il y en a qui apprennent un texte
et qui le débitent. Mais, là, j’ai envie de travailler avec ces jeunes acteurs,
à Lokossa, sur comment dire un texte, sur comment on part d’un texte écrit pour
lui donner vie, et nous verrons si un texte s’apprend seulement pour être
débité et comment cela se vit.
Eh bien, nous allons
décortiquer ça, nous allons travailler beaucoup sur cette chose fondamentale qu’est
de dire un texte sur scène, sur ce que cela implique, sur ce que cela veut dire
que de prendre un texte qui est écrit et de le dire, en tant que personnage.
Donc, c’est tout un processus de travail que nous allons décortiquer, trois
jours durant, à Lokossa.
Quel
est le statut de ces stagiaires que tu vas former et qui sont au nombre de cinq ?
On peut dire que ce
sont déjà des praticiens, quand même, d’une façon ou d’une autre. Ce sont des
jeunes, il y en a qui continuent sûrement à étudier, il y en a qui ont cette
volonté ferme de faire carrière dans le théâtre et, c’est cela qui m’intéresse
beaucoup.
Comment
sera structurée cette formation ?
On aura environ trois
modules, trois étapes. Nous allons, en un premier temps, nous poser des
questions sur ce que c’est qu’un texte écrit, de quoi il est constitué, de quoi
est constituée une réplique vivante ; nous allons faire une étude
comparative entre ces deux éléments, en dégager les composantes. Toujours dans
cette étape, nous allons parler des notions de ’’circonstance proposée’’ ;
on entend par ’’circonstance proposée’’, tous les éléments qui concourent à l’incarnation
d’un personnage. Les circonstances proposées sont des renseignements donnés par
l’auteur, ce sont des composantes liées aux personnages et aux situations, qu’il
faut décoder, dans un texte, pour pouvoir restituer les situations.
En deuxième partie,
nous allons faire une petite sortie dans la rue et nous allons observer des
conversations normales, nous allons voir des gens parler dans une buvette,
quelque part au marché ou dans la rue, nous allons observer le comportement des
gens quand ils parlent, parce qu’un acteur ne convainc sur scène que lorsqu’il
réussit à bluffer le spectateur, à lui montrer qu’il est parfaitement dans l’état
dans lequel il prétend être ; quand vous débitez un texte et que votre
corps ne se comporte pas comme cela se doit, on sent tout de suite que vous
récitez, tout simplement. Mais, vous bluffez les gens, quand vous êtes dans une
attitude tout à fait naturelle. Pour y être, c’est tout un processus. Donc, en
fait, le métier de l’acteur se résume à observer, tous les jours, les
comportements de la vie et à réapprendre à être soi-même ou à être les autres,
c’est-à-dire le personnage, sur scène.
Dans le troisième
module, nous allons aborder la notion de pause psychologique et de pause logique.
Nous allons aussi parler des rôles des différentes ponctuations qui existent
dans un texte écrit. Celles-ci renferment des informations, imposent des façons
de dire un texte. Alors, nous travaillerons sur la manière dont on transforme les
ponctuations que nous avons dans un texte écrit, dès que nous passons à une réplique
qui doit être vivante : une virgule que nous retrouvons dans un texte,
comment on la respecte, quand on dit le texte et qu’on ne le lit pas, de façon
à ce que cette virgule ait tout son sens, nous allons étudier cela.
Quand on parle de pause
psychologique et de pause logique, évidemment, lorsque nous parlons, il nous
arrive de faire des pauses et, ensuite, de continuer ; il y a des choses
qui nous font faire ces pauses-là, ou c’est parce qu’on réfléchit à ce qu’on
veut dire, ou c’est parce que, pour donner une meilleure compréhension de ce qu’on
veut dire, on fait une virgule, on fait point-virgule, on fait un deux-points,
avant de continuer et, ces choses-là, il faut les étudier de près, pour mieux
les adapter à la scène.
Donc, voilà, à peu
près, les trois étapes, les trois modules qu’on aura, au cours de cette
formation.
Avez-vous
mis en place un système pour faire le suivi des acquis de cette formation, pour
évaluer l’efficacité de cette formation sur l’évolution artistique de ces
jeunes ?
Pour qu’il y ait suivi,
c’est là que nous lançons encore un appel au Fonds d’aide à la culture pour qu’il
nous aide à continuer ce travail que nous venons de commencer. Evidemment, nous
allons donner à ces jeunes les outils dont nous avons parlé plus haut, une
chose est de le faire, une autre est d’avoir un bon suivi ; pour que cela
soit chose faite, chacun de ces acteurs, nous allons les suivre, chaque fois qu’ils
seront dans une nouvelle création.
Ceci dit, il faut que,
pratiquement, tous les ans, on trouve l’occasion de se faire des stages mais,
des stages beaucoup plus élaborés, beaucoup plus longs, des stages de deux, de
trois semaines, pourquoi pas ? Quand on parle de deux semaines, cela peut
être des stages intensifs. Là, pour notre atelier de Lokossa, c’est trois
jours, cela fait très court. A l’avenir, il faut qu’on tienne des stages qui s’étendent
sur deux ou trois semaines, où l’on pourra même finir par des restitutions.
Nous en aurons sûrement une petite, pour le cas de Lokossa, mais nous allons mettre
l’accent beaucoup plus sur le travail lui-même, sur les méthodes de travail, de
décodage d’un texte, sur comment on passe d’un texte écrit à la réplique
vivante elle-même ; elle suppose qu’un texte qui est dit ne sort pas que de
la bouche, ça vient du corps aussi.
En
matière de formation au jeu d’acteur, quelles sont tes expériences ?
J’ai déjà fait ce genre
de formation, un bon nombre de fois ; je l’ai fait un peu partout et, beaucoup
plus, à l’Extérieur. D’ailleurs, après cette formation que je donne à Lokossa,
j’en ferai une autre pour continuer le projet de Giovanni Houansou, ’’Les
embuscades de la scène’’ ; il me sollicite, à la suite de Carole Lokossou,
pour encadrer les metteurs en scène qui ont travaillé … J’ai vu leurs
spectacles, j’ai pris des notes, j’étais d’ailleurs très content de ce que j’ai
vu globalement ; je vais donc travailler avec eux sur ce qui a fait
quelques faiblesses de leur travail. Donc, si c’est des formations, j’en fais
depuis un bon bout de temps.
Un
mot de fin ?
Je dirai tout
simplement « Grand merci » au Fonds d’aide à la culture, qui a cru en
ce projet, qui nous soutient.
Propos
recueillis par Marcel Kpogodo