samedi 12 avril 2014

Erick-Hector Hounkpè doit faire de la durée un allié salutaire

Pour un Fitheb plus crédible


Le dimanche 6 avril 2014 a permis aux téléspectateurs de la Chaîne télévisuelle, Canal 3 Bénin, de suivre l’artiste comédien, metteur en scène, conteur, poète et entrepreneur culturel, Erick-Hector Hounkpè. Désigné, le 24 juillet 2013, Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), par le Conseil d’administration de la Biennale, en fin de mandat, depuis le 22 décembre 2013, la personnalité a rompu avec une longue réserve pour exiger sa nomination par le Ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola. Ceci contrarie profondément le processus en cours d’organisation du Fitheb 2014, du 29 novembre au 7 décembre prochains. Erick-Hector Hounkpè devrait plutôt investir dans la durée, s’il espère un jour occuper le tant convoité fauteuil de Directeur du Fitheb.

Erick-Hector Hounkpè
Les idées partagées, le dimanche 6 avril dernier, sur les antennes de Canal 3 Bénin, par Erick-Hector Hounkpè, visant, entre autres, à ce que lui soit restitué le fauteuil de Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), conformément à sa désignation à ce titre par l’ancien Conseil d’administration de la Biennale, le 24 juillet 2013, fonctionnent comme un cheveu dans la soupe du processus actuel travaillant ardemment à ce que tienne le Fitheb 2014. En effet, depuis le mardi 25 février 2014, Ousmane Alédji a pris les commandes du Festival international de théâtre du Bénin, en tant que Directeur par intérim, ayant environ une dizaine de mois pour faire tenir la 12ème édition de la Biennale, selon une date déjà bien connue : du 29 novembre au 7 décembre 2014. Appuyé par un Comité provisoire de supervision du Fitheb, nommé par arrêté ministériel et entré en fonction dans la même période, la machine semble désormais en marche pour la tenue effective de cette grande manifestation théâtrale d’envergure internationale. Cet objectif entre en troisième position parmi les cinq que s’est fixé le Ministre de la Culture, de l’alphabétisation, de l’artisanat et du tourisme, Jean-Michel Abimbola, depuis qu’il a lancé les réformes du Fitheb, vers la fin du premier semestre de l’année 2013.
En réalité, il y a d’abord eu les assises des 6 et 7 juin 2013, de Grand-Popo, qui ont permis à toutes les composantes du Fitheb d’y participer, parmi lesquels le Ministre de la Culture et ses Directeurs techniques, le Directeur du Festival et le Conseil d’administration, tous en fonction, à l’époque, les candidats à cette Direction, les anciens Directeurs, les représentants d’associations du secteur théâtral et les journalistes culturels. Parmi les conclusions ayant reçu l’assentiment de tous, il fallait compter avec la mise en place d’un Comité de suivi, chargé de la rédaction de nouveaux textes, ceux-ci qui ont été conçus par l’instance, reçus par le Ministère, et validés par le Conseil des Ministres, en décembre 2013, d’où le deuxième objectif cardinal atteint par la première autorité du Ministère de la Culture. En outre, parallèlement à l’organisation du Fitheb, les membres du nouveau Conseil d’administration seront désignés ou élus, selon le cas, par les institutions concernées et, cette structure, après son installation officielle, procèdera à l’élection du nouveau Directeur du Festival, pour le déroulement de l’édition 2016 de la Biennale.

Le temps semble donc bien compté et rien n’est laissé au hasard pour réhabiliter le Fitheb, pour le mettre désormais en pôle position dans le système des grands événements internationaux de théâtre. Ainsi, tout laisse croire que tout discours contraire à cette logique ne viendrait en rien arrêter un processus qu’il serait intéressant de laisser aller à son terme afin d’en juger des résultats, afin de noter de la pertinence ou non des réformes tant voulues par le Ministre Abimbola. De plus, Erick-Hector Hounkpè, de par sa trempe intellectuelle et artistique, gagnerait à faire du temps son allié. Dans ce contexte, que lui coûte-t-il de garder patience et de laisser le système actuel aller à son terme, surtout qu’aucune vocifération d’aucune sorte n’est à même de le remettre en cause, validé qu’il est par le Conseil des Ministres ? Encore, lors du vote de l’ancien Conseil d’administration du Fitheb, ayant eu la confiance de 8 votants sur les 11 présents, il devrait se convaincre de l’existence à son propre niveau d’une grande force de frappe, ce qui l’amènerait à analyser de quelle manière utiliser la durée et les différentes opportunités de sélection à sa disposition pour rebondir et revenir plus fort pour, le moment adéquat, être unanimement reconnu pour occuper le fauteuil de Directeur du Fitheb, puis pour impulser la vision qu’il a développée à travers son mémoire, pour un Festival digne de ses rêves. Il serait indiqué pour lui de faire du temps son allié et, la patience aidant, il verra son objectif se réaliser comme en un tourne-main. Cependant, tout devrait d’abord passer par une vraie réconciliation avec l’actuel maître des lieux, Ousmane Alédji. A cet effet, il serait important de voir qui d'entre les deux hommes aura encore le courage d'appeler l'autre et, qui, appelé, développera le courage de répondre à l'appel du calumet de la paix. 


Marcel Kpogodo

mercredi 9 avril 2014

Les 60 souffles de Jasmin Ahossin-Guézo

Eden d'ébène sur le marché depuis plus d'un mois

C'est un livre d'une qualité particulière qui a été lancé, le samedi 1er mars 2014, en milieu d'après-midi, sous la grande paillotte de l'Institut français de Cotonou. "Eden d'ébène", cet ouvrage du journaliste, animateur et chroniqueur culturel, Jasmin Ahossin-Guézo, revendique une saveur particulière de vengeance positive, une vengeance calmement proférée, à l'aide de 60 souffles chaleureusement inspirés, à l'aide de 60 souffles profondément vécus de l'intérieur de la psychologie du jeune écrivain.


Il prend bien son temps, Jasmin Ahossi-Guézo, à travers "Eden d'ébène", son premier livre, qu'il a lancé le samedi 1er mars dernier et qu'on se procure déjà, dans les librairies de la place. 5000 francs pour ce bijou de catalogue poétique, cela relève d'un véritable cadeau, un livre confortable, par la page de couverture, déjà, au regard et au toucher, d'un fond noir plein d'espérance, vu les couleurs rouge et indigo qui parsèment ce fond, matérialisant les éclaircies prometteuses du Noir portant encore durement les stigmates du viol de son identité par deux femmes, véritables épouses de gerfauts, l'esclavage et la colonisation, sans oublier, dans l’encadré rectangulaire gauche de cette même page de couverture, un dessin de Thierry Oussou, jumeau de circonstance de l’auteur, ce dessin d’une simplicité magistrale, réhabilitant ce Noir qui, tout d’un coup, par la magie de l’espérance, du négro-optimisme, est crayonné en blanc. Tout un symbole pour montrer que la réhabilitation du Noir par la nouvelle génération de la littérature poétique béninoise ne souffrira d’aucun surcroît d’imagination ! Et Thierry Oussou donne ainsi un ton auquel il restera fidèle, tout le long du livre, dessinant comme les enfants dont il est nostalgique, à ses dires, de l’innocence.

Il prend bien son temps, Jasmin Ahossin-Guézo, le volubile qui, dans ses ardentes chroniques sur "Weekend-matin", laissent se chevaucher les mots, marqué par un temps d'une précarité essentielle, lui qui, métamorphosé en un narrateur homodiégétique, dans le paradis qu'il veut pour le Nègre, qu'il voit d'ailleurs pour lui, souffle, souffle 60 fois, lentement, prudemment mais certainement, durement, imposant presque au Nègre de comprendre que son heure est venue, celle, en page 18 du livre, de la foi en la prospérité, de la prospérité, de la croissance économique, du développement ... : « [...] C'est que je crois tant qu'il fera jour dans ce jardin d'éden, ce jardin ébène où j'inaugure le geste enfanteur : je croque la pomme en égérie sacrificielle d'un poème nouveau pour qu'il ne soit mal écrit ... »
              
Jasmin Ahossin-Guézo

Oui, son temps, il le prend à merveille, le jeune Jasmin Ahossin-Guézo, laissant planer un suspens doux, par les cinq pages liminaires qu’il donne à savourer, de sa note à une pensée personnelle qu’il soumet sur son expérience de l’aventure poétique, en passant par deux pages successives de dédicace et de remerciements, puis par l’avant-poème de cet autre magicien du verbe pragmatique, le monument, Albert Tévoèdjrè, - comment l’a-t-il négocié ? – et il termine l’aventure par un dessin très oussouien de lui, un portrait d’une image trop mûrie de lui, comme si l’artiste-plasticien avait décelé qu’il était en avance sur son temps. Closant le système d’Eden d’ébène, il s’accroche à cet autre meilleur dans sa catégorie, le géant Jérôme Carlos ; à travers un ’’post-poème’’, celui-ci rend compte de la trop féminine inspiration du jeune auteur de 27 ans, indiquant le renvoi par celui-ci du lecteur – un Noir, de préférence - à la création par lui de sa propre gloire. Enfin, des ’’Fragments’’, en une dizaine de pages, étalent des pièces poétiques, apparemment d’une inspiration inclassable et donnant du poète l’image d’un insatiable de l’expression.


Des 60 souffles de Jasmin

En fait d’une soixantaine de souffles, l’observateur regretterait de ne pas se délester d’un quelconque billet de cinq mille francs pour lire de lui-même comment, concernant ''Eden d'ébène'' dont les pages sont aussi numérotées en langue fon, il s’agit plutôt d’un souffle en soixante pauses surréalistes ! Sous le couvert des Editions Chrysalide, à Cotonou, ’’Eden d’ébène’’, ce long souffle, en 92 pages, manifeste soixante arrêts, par une ambiance toute gâteau, par une atmosphère d’une douilletterie savante, dans des thèmes de l’amour (poèmes 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 51, 53, 54, 55, 56) de la satiété sensuelle et sexuelle (poèmes 38, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50), du trépas destructible du Noir (poème 3), de l’espérance (poèmes 1, 2, 4, 6, 16, 17, 19, 20, 21), de la symbiose de l’homme avec l’univers (poèmes 7, 9, 11, 13, 22, 23, 25), de la libre vision du poète de l’existence (poèmes 1, 7, 12, 15, 18, 34, 57, 58, 59, 60), de la mission cathartique du poète (poèmes 4, 5, 10,14, 24, 26, 52), notamment. 
A l’effet de l’expression de son moi, le poète se joue des mots, excelle dans la manifestation de l’attente déçue, sur des formules devenues usitées, travaillant à donner une nouvelle vivacité sémantique aux sons : « […] j’élève l’encre » (p. 20), pour « je lève l’ancre », « L’âme chevillée au cœur … » (p. 20), pour « L’âme chevillée au corps », « Et le mot en corps, en vie » (p. 24), pour « […] le mot encore en vie », « mots divers » concurrence « mots dits vers », et « langue de l’être » rudoie « langue de lettres » (p. 24), de même que « C’est une âme qui n’est » (p. 25) a expulsé « C’est une âme qui naît », et que « choses inentendues » éveillait en vain vers « choses inattendues », entre autres.
Remplissant, par ailleurs, la formalité initiale des images fortes, des métaphores, des hyperboles explosives, des allitérations, des assonances et, notamment, d’un langage de l’intelligible, d’un verbe surchauffé par les transes d’une inspiration abondante, débordante, forte, le poète, à la manière d’André Gide, dans L’immoraliste, plie le langage à ses exigences et cisèle les expressions, combine les mots à son gré, les agence, sous le couvert du système de non-règles, traduit tout simplement le tréfonds de ses sensations, vêtus d’habits césairiens. Ainsi, pour un premier recueil de poèmes, Jasmin Ahossin-Guézo montre, en douceur, une fougue poétique révélant un talent d’écriture dont l'avenir révèlera le niveau de consistance. 


Un oubli ?

En quatrième de couverture d' ''Eden d'ébène'', un texte resplendissant sur l'ouvrage. Sans auteur. Un oubli ou ainsi voulu par l'éditeur ? Bien malin qui démêlera ce qui peut sembler un écheveau.

Marcel Kpogodo