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lundi 3 août 2015

Christelle Yaovi à cœur ouvert : « […] je cultive la lumière, même si ce n’est pas facile tous les jours»

Dans une interview exclusive


Elancée, teint d’or, arborant un port altier, Christelle Yaovi, de famille de Souza, s’inscrit, depuis peu, dans une logique de jet de ses projecteurs sur des inspirations d’artistes béninois et étrangers. Dans le cas d’espèce, elle initiait, le 3 juillet 2015, à l’Agence ’’Air France-Klm’’ de Cotonou, l’exposition ’’Voyage imaginaire’’ faisant valoir l’œuvre de Sœur Henriette Goussikindey. Une énergie ainsi investie suscite, vis-à-vis de cette personnalité qu’est Christelle Yaovi toute une curiosité très vite étanchée par cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder. Il en ressort que la lumière constitue l’un de ses puissants moyens d’action ….  

Christelle Yaovi
Stars du Bénin : Bonjour Christelle Yaovi. Vous êtes une artiste franco-béninoise. Pouvez-vous définir votre place dans les arts au Bénin ?


Christelle Yaovi : Je suis peintre ; je pense que c’est le domaine que je préfère. Je suis plasticienne, puisque je fais aussi des installations ; j’ai eu l’occasion de pouvoir le faire, en résidence, avec Meshac Gaba, également, à Bakou, à Azerbaïdjan, où j’ai été invitée après la Biennale, celle de Cotonou.
Je sculpte, je fais de la photographie et j’écris, j’écris aussi beaucoup. D’ailleurs, lors de mes expositions, quand je mets mes œuvres, j’écris sur les murs ; j’aime beaucoup l’écriture (Voir des textes de l’artiste, à la fin de l’interview, Ndlr).


Pouvez-vous nous parler de votre passage à Azerbaïdjan ?
Au cours de la Biennale du Bénin en 2012, il y a eu plusieurs artistes qui y ont participé, des Japonais, des Brésiliens, des Sud-Américains, des Français, notamment, Daphné Bitchatch, artiste française, qui a, elle-même participé à différentes expositions à Azerbaïdjan, a parlé de mon travail qu’elle a découvert ici. C’est comme cela que je me suis retrouvée à y être invitée pour réaliser une grande installation.


Et, comment c’était, à Azerbaïdjan ?
Moi, j’ai adoré. D’abord, ce sont des gens qui vous accueillent de manière extraordinaire, qui adorent les artistes et, c’est un pays controversé parce qu’on parle de dictature, - mais, bon, nous sommes en Afrique, donc, nous savons de quoi nous parlons … - mais qui investit énormément sur les artistes. Ils aiment recevoir et, surtout, découvrir des artistes du monde entier. Donc, l’artiste franco-béninoise que je suis, a été découverte et appréciée à sa juste valeur.  


Comment une artiste plasticienne, franco-béninoise, comme vous, exerce au Bénin ? Comment travaillez-vous, dans ce contexte de double nationalité ?
Déjà, comme tu peux le voir dans mon atelier, je participe à certains projets, mais dont je suis souvent l’initiatrice, puisque j’ai créé ’’Le monde de Sica’’, qui a pour concept de faire des expositions collectives, justement, pour prononcer le lien entre les artistes, entre les œuvres, mais, aussi, toujours dans mon côté assez spirituel de la chose, en me disant que « l’union fait la force » et qu’on est tous ensemble, qu’on n’est pas si séparés. C’est quand même mon grand concept.
Comme j’ai pu aussi travailler avec ’’Air France’’, en présentant Sébastien Boko et Dina, j’initie surtout des projets, entre autres, ’’Starting block’’, avec Meshac Gaba et Thierry Oussou, ’’Le monde de Sica’’, avec Daphné Bitchatch, Diagne Chanel et Dominique Zinkpè, d’une part et, Sébastien Boko et Dina, d’autre part. Mais, voilà, c’est un travail très personnel. Comme on ne m’inclut pas souvent dans les projets, je crée les miens, je vends lors des visites de mon atelier. L’édition de mes propres catalogues permette aussi de faire connaître mon travail. C’est à peu près comme cela que je fonctionne.


En tant qu'artiste plasticienne, après nous avoir dit de quelle manière vous avez commencé à peindre ou ce qui vous a amenée à ce métier, pouvez-vous décrire votre démarche artistique ?
Ma démarche artistique?
En premier, je dirai que cela a été ma thérapie, la peinture m'a permis d'exorciser la souffrance, la douleur de mon héritage et ainsi garder un espoir envers et contre tout. C'était la première étape. 

Ma démarche artistique est constituée d'étapes. Je n'en avais pas conscience en commençant.
Il y a cette première étape douloureuse, tourmentée, et l'étape suivante a été d’entrer en contact avec les autres, mettre en lumière les différents liens, autant dans la mémoire collective que le tragique collectif, ou dans l'histoire de chacun d'entre nous.

Il y aura toujours une part de cette étape dans les suivantes.

Aujourd'hui, je commence l'étape où l'on sait en grande partie qui on est, où on assume tout, et où on se met à nu, on met à nu aussi les autres.

Ma démarche est toujours un pas vers les autres, des pas, vers soi même ...

Les thèmes s'imposent et je les suis, mais avec toujours une grande liberté! Art= Liberté. Avec une immense ouverture d'esprit, qui, d'une manière, entraîne vers un hors thème, selon d'autres... Lors d'une résidence, je ne m'attache pas trop au thème, je le rends extensible pour pouvoir laisser libre cours à ma créativité.


Vous dites qu’on ne vous inclut pas souvent dans des projets. Est-ce que cela veut dire que l’univers des arts plastiques au Bénin ne vous accepte pas ?
Me rejeter ? Non ; je ne suis pas la seule dans ce cas. Je pense que la première place, qui est la place de choix, est faite aux hommes. Les hommes artistes, au Bénin, sont reconnus bien plus facilement ; les femmes, elles, émergent. Et, c’est plus compliqué pour les femmes, c’est franchement plus compliqué. Mais, je dirais aussi que, par exemple, quand vous prenez le domaine des artistes chanteurs ou autres, vous avez ceux qu’on mettra toujours sur le devant de la scène et ceux à qui on ne va pas la laisser forcément accéder. Je pense que c’est dans ce cas de figure que je me retrouve. Mon métissage est parfois un handicap, parce que ma légitimité, du coup, d’être aussi Béninoise ne m’est pas reconnue ; ce sont des moments où on me l’enlève. D’un seul coup, on se dit : « Elle est un peu trop blanche … ». Et, même, il y a des visites de projets qui viennent de l’Extérieur, où des Blancs, qu’ils soient Américains, Français ou autre, ont jugé que je suis trop blanche pour représenter une artiste béninoise. L’art contemporain est universel, il n’y a pas l’art contemporain fait pour moi, béninois ou africain, français ou autre ; c’est de l’art contemporain.
On stigmatise encore les gens et, du coup, moi, je n’entre pas forcément dans des cases. Quand quelqu’un dit, à propos de moi : « Tiens, je vais te présenter une artiste béninoise ! ». On le dit comme ça et, moi, je rectifie toujours, « franco-béninoise … ».      


Cela veut dire que votre côté européen, parlant de votre peau blanche, n’est pas un avantage pour vous …
Pas toujours. Il l’est, cela dépend où je me trouve. Que je sois en Europe ou en Afrique, par exemple, c’est un avantage ou un handicap, selon les situations et, selon, aussi, la bonne ou la mauvaise foi des gens.
J’ai l’impression qu’au Bénin, les gens se diraient, en me voyant, la peau claire, l’air distingué, que je suis trop à l’aise pour entrer dans certains projets. Et, de l’autre côté, on se dirait que je ne suis pas assez dans la précarité pour bénéficier d’un projet visant à faire sortir les artistes locaux de l’ombre …
De toute façon, j’ai écrit un texte sur mon métissage. Au fait, c’est selon les gens, parce que le métissage, ça dérange toujours. Quand vous prenez Obama, on dit qu’il est noir, or il est métis. Il est métis, on est bien d’accord ? Et, pourtant, on te dit qu’aux Etats-Unis, on s’obstine à dire qu’il est noir. Il est noir et blanc, à la fois.
Finalement, ça dérange les gens, parce que c’est une forme d’unité et de résilience ; on unit plusieurs cultures, selon les différents métissages, les différentes couleurs, les différents héritages, en une seule personne, la plupart des gens ne sont pas à l’aise avec ça.
Moi, que j’aille bien ou pas, que j’aie de l’argent ou que je n’en aie pas, vous n’allez pas le voir ; c’est peut-être comme cela que j’ai été élevée où on est toujours très fiers, avec beaucoup de dignité. Mais, comme tu le dis, les gens qui me voient me perçoivent juste grande, avec une forme très distinguée. Du coup, quand on me voit, on se dit : « Hum, celle-là, elle n’a besoin de rien, donc elle n’a pas besoin de venir faire partie de ce projet … », « Celle-là, elle en a tellement qu’elle ne va même pas nous regarder ... ». Et, il y a des jeunes artistes qui, parfois, me disent : « Je n’ai pas osé venir vous dire « bonjour » ou vous proposer quelque chose … ».
Moi, je dois respect à toute personne qui me respecte.  En dehors de ça, il n’y a pas de grand, il n’y a pas de petit, on est tous faits pour apprendre ; les aînés m’aident à quelque chose, je suis aînée de certains, je suis là, je discute avec tout le monde, je ne fais pas de snobisme, du tout ! On préfère me mettre cette étiquette, avant d’apprendre à me connaître. On ne me donne aucun bénéfice du doute, puisque les gens estiment que je suis trop belle pour être intelligente et talentueuse. C’est quand ils se mettent à parler avec moi qu’ils se disent : « Ah, elle est belle, mais elle a quand même aussi un cerveau … », parce qu’on aime dire que les femmes qui sont belles n’ont pas de cerveau … Ils disent : « Ah non, elle a aussi un cerveau, elle sait réfléchir, elle sait analyser et, elle est aussi généreuse, elle est aussi très gentille et, à l’écoute, quand elle peut rendre service, elle le fait ». Pour les gens, ça fait trop … Donc, je suis trop …, pas assez … Enfin, voilà …


Pour résoudre ce problème, vous ne vous enflammez pas, vous ne vous aigrissez pas, vous mettez plutôt un système pour vous positionner, en créant des projets. D’où vous vient cette faculté de dépassement ?  
Je vais t’expliquer cela le plus simplement possible. J’ai toujours eu la faculté de m’accrocher au positif et non au négatif. Tout au long de ma vie, bien évidemment, depuis ma plus tendre enfance, j’ai rencontré des personnes généreuses, attentionnées et bienveillantes qui ont laissé leur empreinte, une empreinte si forte que mon expérience avec les autres malveillants, méchants, assassins, dans leur comportement, ne m’a jamais inspirée. Ma spiritualité, ma foi me permettent de savoir que la vie met les pendules à l’heure, d’elle-même ; je n’ai donc pas à me soucier de me venger. Du coup, je n’ai pas besoin d’être aigrie. J’aime la lumière, je baigne dans la lumière, mes œuvres sont empreintes de lumière, je suis une lumière, je cultive la lumière, même si ce n’est pas facile tous les jours. De cultiver la lumière, d’être positive, d’évoluer dans la bienveillance, permet de construire dans l’espoir et de transmettre l’espoir.  


Pouvez-vous parler un peu de votre vie de famille ? Etes-vous mariée ? Avez-vous des enfants ?
Je suis divorcée avec un fils qui aura bientôt 19 ans et que j’ai élevé seule, en grande partie. Mais, je suis également la maman de 9 filles, mes sœurs.


Etant mère d'un garçon, pouvez-vous évoquer les relations que vous entretenez avec votre fils?
Mon fils! Avant de pouvoir répondre, je me suis demandé si ce n'était pas trop privé. Ça l'est.
Et, en même temps, je peux en parler un peu.
Mon fils a un œil très critique, une critique que je qualifie de constructive. J'aime qu'il puisse avoir sa propre vision. J'ai réussi une partie de mon rôle de mère. J'ai toujours voulu qu'il exerce son œil sur le monde dans lequel il vit, qu'il ne prenne jamais pour argent comptant ce qu'il entend, ce qu'il lit, ce qu'on lui apprend et même ce que je peux lui dire. Il est vital d'apprendre à nos enfants qu'ils ont un cerveau qu'ils doivent utiliser au maximum et qu'ils doivent trouver leur propre vérité, car je pense qu'il existe autant de vérités que d'humains dans l'univers.
Nous avons une grande complicité et un respect mutuel de notre individualité.
Nous apportons beaucoup à nos enfants, mais ils nous apportent énormément aussi, et mon fils est une vraie bénédiction! 


Propos recueillis par Marcel Kpogodo



Textes de Christelle Yaovi de Souza, illustrés de quelques œuvres significatives pour l'artiste


Il paraît

Il paraît que je ne suis personne, ni noire, ni blanche, trop noire, trop blanche...
Je suis noire, je suis blanche, je suis toutes les couleurs de l'arc-en-ciel... Je suis Or, je suis
Sica... Je suis métisse, un mélange harmonieux de tout ce que contient l'Univers.
Il paraît que je suis guenon et je me sais Reine en Héritage. Je suis Amazone, guerrière Femme.
On me réduit à un vagin sur pattes, je me sais sacrée et habitée du Divin.
Nous sommes tous issus de la lumière! Les liens sont et demeurent envers et contre tout. Toutes les étiquettes restent le bla bla des âmes perdues! Compassion pour les âmes perdues ... Le bla bla n'est que du néant!

Christelle Yaovi de Souza




Merci


Merci c'est rendre Grâce ... Un mantra de gratitude pour l'Amour, pour la Vie... Merci pour tant de courage...



Les larmes de l'âme


Pleurer à l'intérieur ... Taire ses larmes, taire sa souffrance... L'âme pleure... Les larmes de l'âme 



 Papa où t’es ?




Mon père est décédé, il m'a inspiré cet œuvre ... Il n'a pas été un bon père, il reste mon père et la chanson de Stromae conte d'une certaine manière une partie de notre histoire... Le titre a été une évidence ... 



Animus



Crédit photos : Christelle Yaovi


mercredi 9 avril 2014

Les 60 souffles de Jasmin Ahossin-Guézo

Eden d'ébène sur le marché depuis plus d'un mois

C'est un livre d'une qualité particulière qui a été lancé, le samedi 1er mars 2014, en milieu d'après-midi, sous la grande paillotte de l'Institut français de Cotonou. "Eden d'ébène", cet ouvrage du journaliste, animateur et chroniqueur culturel, Jasmin Ahossin-Guézo, revendique une saveur particulière de vengeance positive, une vengeance calmement proférée, à l'aide de 60 souffles chaleureusement inspirés, à l'aide de 60 souffles profondément vécus de l'intérieur de la psychologie du jeune écrivain.


Il prend bien son temps, Jasmin Ahossi-Guézo, à travers "Eden d'ébène", son premier livre, qu'il a lancé le samedi 1er mars dernier et qu'on se procure déjà, dans les librairies de la place. 5000 francs pour ce bijou de catalogue poétique, cela relève d'un véritable cadeau, un livre confortable, par la page de couverture, déjà, au regard et au toucher, d'un fond noir plein d'espérance, vu les couleurs rouge et indigo qui parsèment ce fond, matérialisant les éclaircies prometteuses du Noir portant encore durement les stigmates du viol de son identité par deux femmes, véritables épouses de gerfauts, l'esclavage et la colonisation, sans oublier, dans l’encadré rectangulaire gauche de cette même page de couverture, un dessin de Thierry Oussou, jumeau de circonstance de l’auteur, ce dessin d’une simplicité magistrale, réhabilitant ce Noir qui, tout d’un coup, par la magie de l’espérance, du négro-optimisme, est crayonné en blanc. Tout un symbole pour montrer que la réhabilitation du Noir par la nouvelle génération de la littérature poétique béninoise ne souffrira d’aucun surcroît d’imagination ! Et Thierry Oussou donne ainsi un ton auquel il restera fidèle, tout le long du livre, dessinant comme les enfants dont il est nostalgique, à ses dires, de l’innocence.

Il prend bien son temps, Jasmin Ahossin-Guézo, le volubile qui, dans ses ardentes chroniques sur "Weekend-matin", laissent se chevaucher les mots, marqué par un temps d'une précarité essentielle, lui qui, métamorphosé en un narrateur homodiégétique, dans le paradis qu'il veut pour le Nègre, qu'il voit d'ailleurs pour lui, souffle, souffle 60 fois, lentement, prudemment mais certainement, durement, imposant presque au Nègre de comprendre que son heure est venue, celle, en page 18 du livre, de la foi en la prospérité, de la prospérité, de la croissance économique, du développement ... : « [...] C'est que je crois tant qu'il fera jour dans ce jardin d'éden, ce jardin ébène où j'inaugure le geste enfanteur : je croque la pomme en égérie sacrificielle d'un poème nouveau pour qu'il ne soit mal écrit ... »
              
Jasmin Ahossin-Guézo

Oui, son temps, il le prend à merveille, le jeune Jasmin Ahossin-Guézo, laissant planer un suspens doux, par les cinq pages liminaires qu’il donne à savourer, de sa note à une pensée personnelle qu’il soumet sur son expérience de l’aventure poétique, en passant par deux pages successives de dédicace et de remerciements, puis par l’avant-poème de cet autre magicien du verbe pragmatique, le monument, Albert Tévoèdjrè, - comment l’a-t-il négocié ? – et il termine l’aventure par un dessin très oussouien de lui, un portrait d’une image trop mûrie de lui, comme si l’artiste-plasticien avait décelé qu’il était en avance sur son temps. Closant le système d’Eden d’ébène, il s’accroche à cet autre meilleur dans sa catégorie, le géant Jérôme Carlos ; à travers un ’’post-poème’’, celui-ci rend compte de la trop féminine inspiration du jeune auteur de 27 ans, indiquant le renvoi par celui-ci du lecteur – un Noir, de préférence - à la création par lui de sa propre gloire. Enfin, des ’’Fragments’’, en une dizaine de pages, étalent des pièces poétiques, apparemment d’une inspiration inclassable et donnant du poète l’image d’un insatiable de l’expression.


Des 60 souffles de Jasmin

En fait d’une soixantaine de souffles, l’observateur regretterait de ne pas se délester d’un quelconque billet de cinq mille francs pour lire de lui-même comment, concernant ''Eden d'ébène'' dont les pages sont aussi numérotées en langue fon, il s’agit plutôt d’un souffle en soixante pauses surréalistes ! Sous le couvert des Editions Chrysalide, à Cotonou, ’’Eden d’ébène’’, ce long souffle, en 92 pages, manifeste soixante arrêts, par une ambiance toute gâteau, par une atmosphère d’une douilletterie savante, dans des thèmes de l’amour (poèmes 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 51, 53, 54, 55, 56) de la satiété sensuelle et sexuelle (poèmes 38, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50), du trépas destructible du Noir (poème 3), de l’espérance (poèmes 1, 2, 4, 6, 16, 17, 19, 20, 21), de la symbiose de l’homme avec l’univers (poèmes 7, 9, 11, 13, 22, 23, 25), de la libre vision du poète de l’existence (poèmes 1, 7, 12, 15, 18, 34, 57, 58, 59, 60), de la mission cathartique du poète (poèmes 4, 5, 10,14, 24, 26, 52), notamment. 
A l’effet de l’expression de son moi, le poète se joue des mots, excelle dans la manifestation de l’attente déçue, sur des formules devenues usitées, travaillant à donner une nouvelle vivacité sémantique aux sons : « […] j’élève l’encre » (p. 20), pour « je lève l’ancre », « L’âme chevillée au cœur … » (p. 20), pour « L’âme chevillée au corps », « Et le mot en corps, en vie » (p. 24), pour « […] le mot encore en vie », « mots divers » concurrence « mots dits vers », et « langue de l’être » rudoie « langue de lettres » (p. 24), de même que « C’est une âme qui n’est » (p. 25) a expulsé « C’est une âme qui naît », et que « choses inentendues » éveillait en vain vers « choses inattendues », entre autres.
Remplissant, par ailleurs, la formalité initiale des images fortes, des métaphores, des hyperboles explosives, des allitérations, des assonances et, notamment, d’un langage de l’intelligible, d’un verbe surchauffé par les transes d’une inspiration abondante, débordante, forte, le poète, à la manière d’André Gide, dans L’immoraliste, plie le langage à ses exigences et cisèle les expressions, combine les mots à son gré, les agence, sous le couvert du système de non-règles, traduit tout simplement le tréfonds de ses sensations, vêtus d’habits césairiens. Ainsi, pour un premier recueil de poèmes, Jasmin Ahossin-Guézo montre, en douceur, une fougue poétique révélant un talent d’écriture dont l'avenir révèlera le niveau de consistance. 


Un oubli ?

En quatrième de couverture d' ''Eden d'ébène'', un texte resplendissant sur l'ouvrage. Sans auteur. Un oubli ou ainsi voulu par l'éditeur ? Bien malin qui démêlera ce qui peut sembler un écheveau.

Marcel Kpogodo

mardi 25 février 2014

Projet "Mava unité résidence"

Sept étoiles pour une inspiration spécifique

Les dépendances de la Bibliothèque "Musée de l'art de la vie active" (Mava), sis Quartier Fidjrossè de Cotonou, ont abrité une résidence de création sur le thème de l'unité, d'où la dénomination "Mava unité résidence". Si sept artistes y ont participé, elle a donné lieu à une exposition qui s'est achevée, le lundi 24 février 2014. Celle-ci, en présence, notamment, de l'Ambassadeur de l'Allemagne près le Bénin, avait été ouverte par une grande performance rythmiquement mouvementée, animée par des artistes danseurs et des artistes acrobates, le vendredi 21 février, en plein après-midi, au même lieu.

Un extrait de la performance sur l'unité, à l'ouverture de l'exposition "Mava unité résidence", le vendredi 21 février 2014.
Hermann Pitz, l'Allemand, Dianne Hagen, la Hollandaise, Sokey Edorh, le Togolais, Meschac Gaba, Thierry Oussou, Eliane Aïsso et Donatien Alihonou, les Béninois, dont le premier vit en Hollande, sont les sept artistes ayant pris part à la résidence de création, "Mava unité résidence", qui s'est déroulée à partir du 3 février 2014, à la Bibliothèque Mava. C'était aussi sous la coordination d'Edith Rijnja, Hollandaise, historienne de l'Art, notamment. Après un peu plus de deux semaines de travaux en atelier, entrecoupées par une conférence-débats sur le thème : "Unité : mythe ou réalité?", et animée par le Professeur Romuald Tchibozo, Professeur d'Art contemporain à l'Université d'Abomey-Calavi, les résultats étaient palpables et, au cours d'une conférence de presse donnée par les artistes, le jeudi 20 février dernier, en soirée, ces résultats ont été présentés aux professionnels des médias.

Edith Rijnja, présentant Hermann Pitz, face à son œuvre d'art.
Hermann Pitz : Ouvrant le bal des explications, l'artiste allemand, Hermann Pitz, présente aux journalistes et à ses collègues artistes le fruit de son inspiration : un long cadre spacieux, en verre, présentant une vision d'agrandissement de la Bibliothèque Mava. Selon lui, un facteur très simple incarne l'idée de l'unité, la représentation de la totalité de l'espace Mava, des appartements privés à la pièce de lecture en passant par les espaces d'exposition ; ce champ total s'embarque dans la logique unitaire de l'évolution.

Le fulgurant "Baby foot" de Meschac Gaba.
Meschac Gaba : Le promoteur du Projet "Mava unité résidence", en mettant la main à la pâte de la réalisation du concept de l'unité trouve aussi une formule très simple qui appartient à notre quotidien immédiat, le "Baby-foot", en trois temps. Dans le premier, c'est le concept ordinaire, avec deux équipes en lice, chacune d'elle, en son sein, selon l'artiste, incarnant l'unité. Mais, là où le schéma se dote d'une envergure réflexive reste la formule du jeu où toutes les deux équipes sont indissociables, étant revêtues des mêmes attributs, ce qui semble vouloir dire qu'au-delà d'un affrontement, il existe une symbiose entre deux camps dans une logique qui, tout en étant spécifique, est commune de part et d'autre. Quant à la troisième  pièce, présentée sous le couvert du "Baby foot", c'est le système de la globalisation qui est mis en vue, étant donné tout ce que cela suppose de sacrifices culturels pour que tous les hommes de la terre adoptent les mêmes modes de vie, qui deviennent un facteur d'unité.

Dianne Hagen : Avec cette Hollandaise enjouée et aussi expérimentée que ses collègues, c'est le couvert d'un "Trophée pour le monde", conçu tout en tissu, que celle-ci choisit pour montrer que le symbole du succès permettant d'arriver à la conquête des victoires de la vie, des victoires sur les situations d'adversité de la vie, c'est l'unité des pensées, la concentration sur un unique objectif ultime capitalisant notre vision de réussite, ce qui, inévitablement, nous conduit au succès. Féministe, Dianne Hagen a modelé ce "trophée" sous la forme d'un corps de femme. A coup sûr, c'est surtout elle qui aurait besoin de se départir de la dispersion pour mieux évoluer.






Sokey Edorh : Représentant de notre voisin de l'ouest, il a proposé une inspiration matérialisée à travers des éléments naturels : la terre rouge, entre autres. Dans un tel contexte et, armé de sa torche de mineur maintenue au front, l'artiste Edorh a éclairci le fondement de trois boules protégées par un petit cadre en verre, qui intriguent l'observateur : la planète réalisant une unité cosmique puisque, selon lui, la naissance de la vie a été précédée d'une explosion, justement cosmique. Ainsi, il a montré que le facteur d'unité se traduit par le fait que la terre, la nature est le creuset dans lequel tout se trouve, quel que soit le domaine auquel on s'intéresse. Ainsi, toujours à en croire les explications d'Edorh, les êtres humains évoluent dans un contexte commun "d'unité d'idée, d'unité d'action, d'unité de travail, d'unité dans la pensée religieuse, d'unité dans la connaissance". Traduction : apparemment, tous les éléments de différence entre les hommes sont factices ; ils sont un et indivisibles, dans leur essence.

Thierry Oussou : Cet artiste béninois originaire de la Commune d'Allada, dans la description de son inspiration, s'est appuyé sur des jeux d'enfants, lui qui se passionne de raconter son histoire avec des signes. Dans le cas d'espèce, le puzzle constitue un élément récurrent de son œuvre, rien de mieux placé, à en croire ses propos, pour manifester les symboles et les signes de l'unité. Donc, les chemins de l'unité sont différents et, il importe à chacun de remettre en cause son égo pour prendre son chemin, ce qui n'est possible qu'aux enfants ou à tous ceux qui possèdent un esprit s'identifiant au leur.









Eliane Aïsso : Cette autre Béninoise, dans son travail,  laisse pénétrer les visiteurs dans un espace chaleureux mais mystérieux avec, aux murs, des tableaux de petite dimension, appelant à vivre, aussi coïncidant que cela puisse paraître, la chaleur du cocon familial, dans l'unité que ses membres montrent. Mais, selon Eliane Aïsso, le rideau de l'installation, long, transparent et bloqueur, reste le symbole de la fermeture de l'homme à l'épanouissement ; il représente l'égo dont il doit se débarrasser pour accéder à la plénitude, à la réalisation de soi. Alors, pour une leçon essentielle, l'artiste a livré qu'il ne peut exister d'unité sans concessions de part et d'autre.


Donatien Alihonou : Cet artiste béninois de Porto-Novo a exploité un élément simple du quotidien de ses compatriotes pour révéler sa vision du thème de l'unité : le bois de chauffage servant à alimenter le feu de la cuisine, qu'il soit du manguier, de l'avocatier ou de toute autre plante. Dans cette multiplicité d'espèces de provenance, le bois se fond dans l'unique logique du feu pour cuire des aliments que toute la famille, en toute unité, consommera. Voilà donc, au niveau de créateur, la trilogie de l'unité, qui ne fait que renforcer la fondement unique de la mentalité humaine.







Cette mouvance multiple d'inspiration sur le thème de l'unité, dans le cadre du Projet "Mava unité résidence" donne le tournis, vu cette capacité de cette constellation d'artistes venus d'horizons particuliers à s'unir dans la spécificité de manifestation du thème en question. Finalement, cette séance de restitution des résultats probants de la résidence de création, ayant connu la participation de noms très connus du monde des arts au Bénin, Elise Daubelcour et Christelle Yaovi de Souza, entre autres, met en pôle position l'esprit de captation, chez Meschac Gaba, du génie créateur, de sa matérialisation, de son explosion, de sa diffusion, quelles que soient la densité et la qualité, la provenance de ce génie créateur salvateur. Apparemment, ce très hollandais artiste béninois n'a pas dit son dernier mot, étant donné le peu qu'il a bien voulu livrer, en privé, de son esprit fourmillant d'autres projets complémentaires au finissant, pour son pays.

(De gauche à droite) Christelle Yaovi de Souza, Dianne Hagen et Elise Daubelcour, à la fin du dîner offert par Meschac Gaba, suite à l'activité de restitution aux professionnels des médias.

Marcel Kpogodo  

dimanche 6 octobre 2013

Activités du plasticien béninois Thierry Oussou

Une randonnée danoise anti-déchets


Du 9 au 28 septembre dernier, l’artiste plasticien béninois, Thierry Oussou, a effectué un séjour de création artistique au Danemark. Le cadre en était l’initiative prise par le Centre de la culture et du développement (Cku), une institution du Ministère des Affaires étrangères du pays hôte. Il fallait activer la sensibilisation contre l’exportation par les pays occidentaux de leurs appareils électroniques usagers vers l’Afrique.


Le "Zangbéto", cadeau des enfants stagiaires aux autorités danoises.

« Images du monde en mouvement 2013 ». Voici le programme mis en place pour les jeunes par le Centre de la culture et du développement (Cku), du Ministère des Affaires étrangères du Royaume de Danemark. Grâce à cette vision, l’artiste-plasticien béninois, Thierry Oussou, a tenu, dans le cadre de son séjour dans ce pays, du 9 au 28 septembre 2013, une série d’ateliers dans des écoles d’une dizaine de villes ou de villages danoises, selon le cas, notamment, Copenhague, Herning, Fudevihssund, Holbaek, Kolding et Roskilde. Mais, le 4 septembre déjà, il se trouvait dans la capitale danoise, Copenhague, pour la préparation pratique des activités. 
Sur le thème ’’Utopie’’, il s’agissait, selon l’artiste, de former ces jeunes stagiaires à la fabrication de masques inspirés de ceux béninois, comme les masques ’’Guèlèdè’’, et de réaliser des installations, pour le compte du musée de la ville de Holbaek. Le cahier de charges a été rempli et c’était en compagnie de son compatriote, artiste-plasticien aussi et récupérateur d’objets relevant des appareils électroniques et électriques usagers, Ferdinand Kounmassou, de son pseudonyme, Ferdinand Kosh, et de la coordonnatrice danoise du Projet, Fanni Baudo, assistée de Lærke Hooge Andersen, toutes deux designers.

De gauche à droite, Thierry Oussou, Fanni Baudo, Lærke Hooge Andersen et Ferdinand Kosh 
Les ateliers en question, placés sous la dénomination « Western Waste meets African Craft », de sa traduction en français, « Les déchets de l'Ouest rencontre l'art africain », ont été le socle de l’initiation de plus de 300 apprenants scolaires, en provenance de plus de 21 établissements, précisera Thierry Oussou, tout en ajoutant qu’en dehors des ateliers se sont déroulés des « Master class », du 9 au 13 septembre 2013. Résultat : les élèves ont créé des masques avec des déchets électroniques, un processus manifestant leur capacité à partager des idées, tout en livrant un signal fort sur la nécessité du recyclage comme un comportement alternatif à l’exportation de ces déchets ; les deux artistes béninois, en compagnie des deux danoises, ont participé également à la mise en place, toujours avec des déchets électroniques, d’une installation Zangbéto, dans le Musée de Holbæk, le 14 septembre. A en croire le plasticien béninois, il s’agit d’un « gardien pour demander aux Danois de ne plus envoyer des déchets électroniques au Bénin ». Le vernissage de l’exposition s’est tenu le 29 septembre.
Le montage en équipe du "Zangbéto"
Dans ses impressions, après ces trois semaines de travail, Thierry Oussou se dit particulièrement heureux d’avoir participé à un tel processus qui a permis de faire valoir la culture béninoise, en l’occurrence, le vodoun, au Danemark. Satisfait, par ailleurs, d’avoir été accueilli et traité comme un roi, durant tout son séjour de travail, il n’en demeure pas moins fasciné par ce pays dans lequel il a constaté l’exercice d’une liberté de tous ordres, dans tous les domaines de la vie, le sens de l’équité et, surtout, fait remarquable, le dynamisme de Fanni Baudo, la Coordonnatrice du Programme « Western Waste meets African Craft », qui a démontré une bonne planification des activités et un respect strict du chronogramme fixé, de même qu’un engagement et une grande détermination. Selon lui, il est prévu qu’une nouvelle phase du Programme se déroule sous peu à Cotonou.

D’un historique bien précis

En réalité, l’investissement efficace de Fanni Baudo dans le Programme « Western Waste meets African Craft » relève de sa désolation face à un comportement profondément illégal dans la législation internationale : l’envoi des Déchets d’équipements électriques et électroniques (Deee), en Afrique occidentale, par des pays européens comme le Danemark, la Grande Bretagne, la Belgique, la Hollande, l’Italie et l’Espagne. Ayant été frappée par le cas particulier du Ghana, avec la décharge d’Agbogbloshie, et visité le Bénin en mars 2013, en compagnie de Lærke Hooge Andersen, et du photographe danois, Torben Ulrik Nissen, elle a touché du doigt la situation environnementale déplorable des pays d’accueil de ces déchets qui, dans la majorité des cas, ne sont plus utilisables, mais que les populations de ces nations recherchent, à cause de la pauvreté. Il y a donc un transfert du problème de gestion des Deee, de l’Europe vers l’Afrique. 
Ainsi, Fanni Baudo a compris la nécessité d’attirer l’attention des apprenants de son pays sur le phénomène, d’où la sélection de Thierry Oussou et de Ferdinand Kosh pour l’exécution d’ateliers et d’un Master class. Vivement que les effets de cette stratégie se fassent sentir, dans les années à venir !  

Marcel Kpogodo

dimanche 5 mai 2013

Restitution de la résidence du Pavi à Cotonou

9 artistes de la vidéo projettent une inspiration spécifique

La soirée du 1er mai 2013 a donné lieu à une effervescence particulière à la Place du Souvenir de Cotonou. Le moment qu'ont choisi neuf stagiaires vidéastes de quatre nationalités différentes pour partager le fruit de leurs échanges professionnelles d'une bonne quinzaine de jours sur l'art de la vidéo, à l'initiative de l'Association "Elowa", dirigée par l'artiste Rafiy Okéfolahan. Les artistes, en fin d'atelier, ont permis au public de se régaler de projections révélant la fécondité particulière de chacun d'eux.

Neuf œuvres vidéo, de quelques secondes chacune, ont constitué un véritable élément de fascination. C'était au niveau du couloir de jonction des deux voies goudronnées passant de part et d'autre de la Place du Souvenir, lieu de circonstance d'exposition. Il a servi de cadre, le mercredi 1er mai 2013, en début de soirée, à la restitution vidéo de quinze jours de travaux d'atelier auxquels ont participé six artistes vidéastes béninois, un, togolais, un autre, malien et, un autre encore, camerounais. 

Une ambiance d'atelier
Autant qu'ils sont, leur parcours montre qu'ils ne sont pas nés de la dernière pluie, d'abord, en matière d'art plastique et, ensuite, dans le domaine de la vidéo d'art. Ce sont, respectivement, Rafiy Okéfolahan, Ishola Akpo, Mathieu Adjèran, Thierry Oussou, Totché, Dina, Eza Komla, Kôké et Kajéro. 
Rafiy Okéfolahan, observant le déroulement ...

Sous le couvert du Projet dénommé Password art vidéo international (Pavi) 2013, ils ont enrichi leurs connaissances en suivant cinq modules bien précis : la prise de vue, le montage virtuel, l'écriture de scénario, l'analyse critique du récit littéraire et filmique, et l'art vidéo. 

.... des projections
Selon Rafiy Okéfolahan, Président de l'Association Elowa, qui a eu et concrétisé l'idée de cette formation, l'atelier, s'étant déroulé du 15 au 30 avril 2013, a consisté à focaliser l'attention des participants sur les tenants et les aboutissants de l'art vidéo, en ce qui concerne son histoire et les différentes techniques qui lui sont liées. Il a précisé qu'à l'issue du processus des échanges entre les neuf artistes, chacun d'eux a conçu une vidéo d'art, ce qui, d'ailleurs, faisait l'objet de l'exposition. Par la suite, ces productions seront gravées sur un support DVD et diffusées à partir d'autres sites précis de la ville de Cotonou. Cette expérience, inévitablement, fait ressortir l'humilité des stagiaires et leur volonté de partage et de communion professionnelle et artistique avec l'autre. Une humilité qui a généré des vidéo de génie, dans une spécificité et une variété enrichissantes d'inspiration.

Marcel Kpogodo


Impressions des artistes présents et d'Elise Daubelcour

Présents à l'exposition de restitution, la plupart d'entre eux ont accepté de se prêter au jeu d'explication de leur oeuvre.

Ishola Akpo, avec Le reflet du ciel : "Je m'adapte à toute chose, parce que, d'abord, l'eau prend forme à partir de ce que vous lui donnez, à partir de la couleur que vous lui donnez, l'eau prend forme à partir de ces éléments-là. Donc, pour moi, l'eau est un élément important dans la vie de l'homme, qui peut être aussi un élément de bonheur et aussi un élément destructeur ; je suis comme l'eau, je m'adapte, je peux être aussi ouvert, comme je peux montrer mon côté négatif comme mon côté positif ; je pense que tout être humain est pareil, il peut montrer son bon côté comme son mauvais côté. 
Donc, "Le reflet du ciel', c'est aussi, toujours parlant de l'eau, c'est une source naturelle qui nous vient du ciel, d'où le nom "Reflet du ciel". Mais, la vidéo que j'ai présentée est une vidéo-performance. C'est parce qu'on n'a pas eu assez de temps, sinon, j'allais faire cette performance. La performance est une forme théâtrale que l'artiste monte avec un sujet bien élaboré. Là, comme on ne devait pas avoir assez de temps, j'ai demandé à être dans ma vidéo ; au lieu d'aller filmer les autres, moi, je me suis mis sur la scène et, face à la caméra, pour exprimer mon idée. Donc, voilà un peu la particularité de ma vidéo ; vous m'y voyez avec une source d'eau quitte là-haut et me tombe dessus ; c'est une vidéo-performance. 


Dina, avec De l'ombre à la lumière : "Je veux mettre la lumière en valeur à travers l'ombre. C'est pour dire que, de la façon dont on voit l'ombre, ce n'est pas forcément ça. L'ombre, c'est la nuit qui nous fait voir la valeur du jour, c'est nos échecs qui nous poussent à rechercher la réussite. C'est un peu ça : dans ma vidéo, on voit apparaître une faible lumière qui bouge dans du noir, dans de l'obscurité carrément. Je peux dire aussi que j'aime beaucoup la spiritualité et que je travaille beaucoup là-dessus. Même dans toutes mes œuvres, j'essaie de me rapprocher un peu de la spiritualité.


Totché, avec Chacun a ses chances : Cette oeuvre invite toute la jeunesse d'Afrique, notamment, la jeunesse béninoise, à se mettre au travail, d'abord, et, après avoir acquis, les connaissances, les bases nécessaires qu'il faut, de se lever, avec courage, avec détermination, et de taper à toutes les portes. Dans la vie, j'ai remarqué qu'il y a un symbole très fort, chez nous, à la base : quand tu arrives chez toi, tu ouvres une porte d'abord avant d'entrer dans ta chambre et, quand tu sors, tu la fermes. Donc, il y a ce système d'ouvrir et de fermer. Et, la vie aussi, c'est ça ; quand on tape à une porte, l'intéressé qui est à l'intérieur peut choisir de ne pas ouvrir, comme il peut ouvrir. Aujourd'hui, la jeunesse, après avoir acquis toutes les connaissances, toutes les capacités pour construire sa nation, doit se lever et aller taper à toutes les portes ; quand une ne s'ouvre pas, il y a l'autre qui va s'ouvrir. Dans la vidéo, j'ai pris l'exemple des enfants parce que, aujourd'hui, nous, on a un âge donné et, on doit
dire aux jeunes, aux enfants de prendre conscience et connaissance de cela pour ne pas venir, un jour, à la dépravation.

Thierry Oussou, avec La protection : Au fait, je parle de la protection dans tous ses sens ; j'ai utilisé, comme matière, la bague ; le port de la bague procure beaucoup de choses, on peut porter la bague pour se protéger mystiquement, et aussi, pour se protéger contre l'infidélité. Donc, c'est dans ce sens que j'ai essayé de traiter ma vidéo". 

Rafiy Okéfolahan, avec Waba : " "Waba", c'est ce qui est accessible ; j'ai fait le constat que les vendeurs et les transporteurs d'essence ont l'habitude de nous inviter à venir acheter leur produit avec des slogans comme "Waba ! C'est accessible, venez, c'est moins cher !" Et, dans mes analyses, j'ai compris que leur vie, de la manière dont ils passent à la mort est aussi Waba ! C'est aussi très facile, parce qu'il suffit que le bidon d'essence, qu'ils transportent d'un point à un autre, explose pour qu'ils perdent la vie ; c'est ça que j'ai voulu montrer. Je voulais aussi toucher le côté selon lequel le trafic d'essence est tellement enraciné qu'il occupe une grosse part dans l'économie, c'est le cœur ; quand on essaie d'interrompre le trafic d'essence, tout va au ralenti". 


Mathieu Adjèran, avec The way : " "The way", c'est le chemin ou la voie ; c'est une invite à chacun pour qu'il écoute la voix de sa voie, c'est-à-dire que, dans la vie de chacun, à un moment donné, on est appelé à prendre une voie. Et, cette voie, quelle qu'elle soit, demande forcément un sacrifice. L'inspiration me vient d'une légende du Fâ sur la voie, qui voudrait que, sur n'importe quelle voie sur laquelle on s'engage, pour aboutir, il faut se sacrifier, il faut un sacrifice. Dans ma vidéo, vous verrez que tous ceux qui s'engagent sur une voie n'y vont pas au bout ; à un moment donné de leur cheminement sur la voie, on les perd. C'est pour symboliser qu'il est beaucoup qui s'engagent sur des voies mais, très peu y vont au bout, parce que, sur chaque voie, il y a un sacrifice et, beaucoup n'arrivent pas à supporter ça. Je vous prends le cas du journaliste culturel que vous êtes : vous êtes les moins nantis dans la corporation encore des journalistes . Donc, il y a très peu, sûrement, qui se sont engagés un jour comme journaliste culturel mais, aujourd'hui, ce peu continue. Dans ma vidéo, beaucoup s'engagent sur une voie mais peu en arrivent au bout, au beau milieu, on les perd. A un moment donné, quand vous regardez ma vidéo, on voit une voie presque vierge, de la broussaille. C'est pour dire qu'aucune voie n'est assez comble, n'est assez vieille pour qu'on ne s'y engage pas. En réalité, toute voie est toujours vierge pour qui veut s'engager vraiment. A la fin, j'ai mis : "Find yours ...", pour dire : "Trouve la tienne et va jusqu'au bout ; sûrement, cela va te demander des sacrifices mais, quand tu vas jusqu'au bout, tu deviens champion et, même les gens qui avaient voulu te dérouter hier viendront t'applaudir, t'acclamer, parce qu'ils verront que tu es un champion. Donc, trouvons notre voie, suivons-la, acceptons les sacrifices nécessaires que cette voie va nous demander. Donc, la voie aussi comme option, comme vie, comme engagement ... Quand tu choisis ta voie, ça devient un engagement".

Eza Komla, artiste togolais, avec une vidéo sans titre : "Je suis venu ici dans le cadre d'un atelier vidéo et, l'oeuvre que j'ai créée n'a pas de titre. J'ai travaillé spécialement sur l'eau. Dans mon oeuvre, j'ai parlé un peu de l'illusion que le commun des mortels a en disant qu'on a de l'eau en abondance, alors qu'au fin fond, l'eau est très rare. A l'allure où vont les choses, la plupart des grands dirigeants de ce monde disent que la troisième guerre mondiale, c'est la guerre de l'eau. J'ai créé ma vidéo tout en me référant aux résidences d'étudiants, à l'Université d'Abomey-Calavi. On voit que, dans leur baignoire ou dans leur douche, il y a un peu de gaspillage de cette eau, parce qu'on a cette impression qu'on a de l'eau en abondance, et le commun des mortels en abuse en la gaspillant. Et là, vous voyez dans la salle de bain de ces étudiants, il y a des robinets endommagés, l'eau coule abondamment des robinets ; dans des coins de l'université, ils restent ouverts et l'eau sort ! Donc, mon travail tourne autour du gaspillage".

Kôké, artiste malien, avec A la recherche de l'abondance : "Individuellement ou collectivement, tout être humain, tout pays, tout continent, tout le monde cherche, cherche, cherche le progrès, l'abondance. Donc, individuellement, quand on regarde la vidéo, on a l'eau, la mer, le chapelet en cauris. L'eau est source d'abondance, elle est la source de vie, tout vient de l'eau, tout part de l'eau. Quant au chapelet, il est une source de l'exhortation de Dieu, pour demander à Dieu de me donner des lendemains meilleurs. Les cauris, c'est l'abondance, la richesse, c'est la première monnaie de nos ancêtres ; quand tu avais assez de cauris, ça voulait dire que tu étais riche. Donc, finalement, l'homme est à la recherche de l'abondance jusqu'à ce qu'on arrive à un moment, dans la vidéo, où le chapelet se transforme en famille : sans elle, on n'a pas le bonheur ; le chapelet se transforme en cœur : sans amour, il n'y a pas de progrès ; sans l'amour de la patrie, de la nation, nos dirigeants ne peuvent pas développer nos patries, nos nations. Après le cœur, le chapelet se transforme en une carte de l'Afrique: le jour où les dirigeants, où les citoyens africains aimeront leur pays, ce jour-là, on va se développer. Donc, il faut l'amour de nos patries, il faut chercher, chercher et chercher, tomber et chercher ; je me dis que l'Afrique est en train de bouillonner, de se chercher mais, quand est-ce qu'on aura cette abondance-là ? Donc, la vidéo, c'est ça, en quelque sorte : tout vient de l'eau, tout revient à l'eau ; même scientifiquement, le monde est venu de l'eau, quand l'eau disparaîtra, le monde va partir. Religieusement, la fin du monde est avec l'eau, c'est l'eau qui va sortir des montagnes, du sol, pour engloutir la terre. Tout vient de l'eau, l'eau est source de vie, d'abondance. Et puis, chacun est libre d'interpréter cette vidéo comme il le veut".       

Elise Daubelcour : "Par rapport à la restitution de l'atelier vidéo, je pense que c'est une bonne chose qu'il puisse y avoir des initiatives de ce genre, ici, à Cotonou et puis, généralement, au Bénin. On avait vu qu' "Unik" (Complexe culturel de Dominique Zinkpè, Ndlr) avait fait, à l'époque, avec la Fondation "One minute" un atelier du même genre et que cela a pu se poursuivre avec des associations comme "Elowa", avec Rafiy, je trouve que c'est très bien, ça ne peut être que bénéfique pour les artistes, surtout que l'art de la vidéo n'est pas très répandu ici.    

Propos recueillis par Marcel Kpogodo