Après 7 mois d’Ange N’Koué au Ministère du Tourisme
et de la culture
Les relations ne sont pas des plus idéales entre
Ange N’Koué, Ministre du Tourisme et de la culture, et les acteurs culturels.
Le constat qui ressort du point de presse qu’a tenu, le 11 novembre dernier, la
Plateforme des confédérations et fédérations d’artistes et d’acteurs culturels
du Bénin, à Cotonou. Au menu, un vrai réquisitoire fait par les acteurs
culturels de la gestion des affaires du Ministère de la Culture par Ange
N’Koué, ce qui pousse ceux-ci, en dernier recours, à demander de l’aide au
Président Patrice Talon.
Pascal Wanou |
Intégralité de la déclaration du Porte-parole, Pascal Wanou
PLATEFORME DES CONFEDERATIONS ET FEDERATIONS D’ARTISTES ET D’ACTEURS
CULTURELS DU BENIN
Tél. 97 98 34 74 / 97 64 62 01/97 78 03 48/
COTONOU
Cotonou,
le 11 novembre 2016
RENCONTRE
AVEC LA PRESSE
-
Remerciements à l’adresse des hommes de
la presse pour leur accompagnement depuis que la crise qui secoue le secteur a
commencé.
-
Remerciements aussi aux artistes et aux
acteurs culturels pour leur combativité.
Le présent point de
presse sera axé sur trois points : les réformes dans le secteur, le projet
de budget du Ministère exercice 2017, et la problématique du BUBEDRA.
1- Les réformes en cours
-
Les acteurs culturels sont déçus ;
ils ont le sentiment d’avoir été floués, abusés :
·
Voici 7 mois que la nécessité de mettre
en place des réformes au MTC, en général, et au FAC, en particulier, a été
exprimée ; une nécessité partagée par tous ;
·
7 mois que des réflexions ont été
menées, de part et d’autre ;
·
7 mois que tout le secteur est
paralysé ; la raison, c’est la gouvernance du Ministre Ange N’KOUE, basée
sur les « 3 M », M signifiant mépris, à savoir :
→ mépris des hommes, en général, et des
artistes et des acteurs culturels, en
particulier,
→ mépris des textes, des règles et des réalités
du secteur,
→ mépris de la vérité et de l’intelligence de
l’autre,
le tout sur fond de
démarchage de certaines têtes d’affiches du secteur en les soudoyant et en répandant
des sabotages sur les responsables de faîtières et du FAC, dans le but de les
décrédibiliser et de démobiliser les acteurs.
·
Pour étayer ce qui précède, il convient
de rappeler la rencontre du 09 août dernier avec le Ministre, et le scénario
mis en œuvre. En effet, sous pressions diverses, le Ministre N’KOUE a dû
décider de convoquer les artistes et les acteurs culturels, dans une sorte
d’assemblée générale qui ne dit pas son nom. Il a choisi lui-même la cible. A
la surprise générale, au lieu de nous soumettre à des échanges sur les
propositions de réformes, le Ministre nous a plutôt soumis à une présentation
magistrale du Fonds des Arts et de la Culture (nouvelle appellation du FAC). La
vérité, c’est qu’il usait de ruse pour nous faire valider ses soi-disant
réformes, afin de s’en prévaloir devant le Gouvernement comme étant la caution
des artistes à ses réformes. Ayant compris le subterfuge, les artistes ont
demandé 72 heures pour étudier minutieusement le document et pour en formuler
les contre-propositions, au besoin. C’est ainsi qu’ils se sont éclatés en
ateliers de travail sur la base des différents corps de métiers. Après étude du
document, réunis en plénière, les artistes ont unanimement regretté le
caractère vide dudit document, et dénoncé le piège qui leur était tendu.
Toutefois, ils ont décidé de saisir cette opportunité pour mener une réflexion
collective sur les réformes à opérer au FAC. Durant 02 semaines, ils ont dont
travaillé d’arrache-pieds, mettant sur la table toutes les divergences de
points de vue et, dans une autocritique sévère, ils sont parvenus à formuler,
de façon consensuelle, des propositions de réformes acceptées de tous, en
s’appuyant sur les règles universellement connues, en matière de financement
culturel, notamment, sur les règles de l’Union Européenne, connues pour leur
rigueur. Le document de propositions de réformes a été déposé au Ministre le 26
août 2016. Depuis lors et, contrairement à son engagement à nous rappeler, dans
les 72 heures, pour une harmonisation, le Ministre s’est installé dans un
mutisme total, teinté de mépris. Silence radio, le Ministre refuse de
communiquer et de discuter avec les acteurs, mais, préfère agir en solo et en
catimini, de sorte à mettre les acteurs devant le fait accompli. C’est dans cette optique qu’il a préparé et soumis au
Gouvernement, pour validation, une communication portant AOF du FAC, donc,
faisant état de nouvelles mesures dites de réformes. Personne n’a été associé à
ça ; pire, contrairement aux prescriptions légales, le Conseil
d’Administration du FAC n’a pas été associé, il n’a jamais vu le document, il
ne l’a donc pas validé avant sa transmission au Conseil des Ministres, ce qui
ouvre, par conséquent, la voie à une
contestation devant les juridictions compétentes.
·
Est intervenu ensuite le dossier
d’abattement du budget du FAC : même attitude du Ministre face aux
propositions formulées par les acteurs : absence de communication,
préférence pour les actions solitaires et pour le dilatoire ; aucune prise
en compte des réalités et des règles. Au lieu d’un abattement de 25% annoncé
par le Gouvernement, le Ministre N’KOUE a préféré opérer un abattement de 52,60
%, privant le FAC de ressources pour financer les projets déjà retenus et objet
de contrats. La conséquence, c’est la mise au chômage forcé de centaines
d’artistes, et les problèmes sociaux et de survie dans lesquels des milliers de
familles sont plongées. Le Ministre Ange N’KOUE ne s’en préoccupe pas, il s’en
fout.
·
Le choc a été très dur et révoltant
d’apprendre que l’une des décisions de réforme, qui a été retenue, contraint
désormais les artistes à ne contracter que des prêts auprès du FAC ;
·
L’analyse de cette mesure nous a amenés
à un autre constat de violation de la loi, ainsi que des conventions
internationales signées par le Bénin ;
→
en effet, cette mesure nouvelle, qui fait office de réforme, suscite 02
problèmes d’ordre juridique, qui nous poussent désormais à prendre des
dispositions pour la défense de nos acquis, au regard des textes en vigueur, vu
que nous n’avons plus d’interlocuteur avec qui discuter : 1èrmt, au regard des prescriptions de
la loi 91-006 du 25 février 1991, d’une part, des attributions du FAC, définies
par le Décret portant création, attributions, organisation et fonctionnement du
FAC, et du Décret 94-009 du 28 juillet 1994 portant création, organisation et
fonctionnement des offices à caractères social, culturel et scientifique,
d’autre part, le FAC est-il habilité à opérer comme une institution de
microfinance ou de micro-crédits ? Le FAC est-il un office à
caractère commercial ?
2èmt, la
mission du Fonds des Arts et de la Culture est-t-elle différente de celle du Fonds
d’Aide à la Culture ?
→ Si la réponse à ces deux questionnements se
trouve être NON, comme nous le pensons, alors il urge de renoncer à ces mesures
dites de réformes, d’arrêter le processus d’adoption du nouveau décret portant
AOF du FAC et de le faire valider par le CA/FAC, sous peine d’une bataille juridique sans
précédent devant les juridictions de la République. Nous pensons, pour notre
part, que le Bénin du nouveau départ n’a pas besoin d’un tel bras-de-fer.
2-
Le
projet de budget général de l’Etat exercice 2017
En tant qu’Organisations
de la société civile, et en dépit d’une certaine volonté de nous tenir à
l’écart de l’élaboration de sa section 38 relative au Ministère du Tourisme et
de la Culture, nous nous sommes appropriés le contenu du projet de budget du
Ministère.
Du décryptage que nous en avons
fait, il ressort une très grande déception, et un sentiment de révolte.
·
Comment comprendre en effet, que le
budget du Ministère soit revu à la hausse, dans une très grande proportion,
passant de 6. 576. 982. 000 F à 35. 755. 346 000 F, et que
le budget du FAC soit maintenu à son
niveau remanié de 2016, soit 2.400.000.000 F ???
Nous ne voyons aucune explication
plausible à cette situation qui frise de la méchanceté. Rien ne peut justifier
cela, vu la mission assignée au FAC, et le niveau de dotation déjà atteint par
le passé (5 milliards).
·
Pire, poursuivant le décryptage du
projet de budget, nous nous sommes aperçus, tout simplement, que le Ministère a
procédé à des détournements d’attributions grâce à une gymnastique habile et
rusée qui a consisté à s’accaparer certaines activités relevant des
attributions du FAC, et à les ériger sous la forme de projets, massivement
alimentés de crédits colossaux. Cela représente plus de 7 milliards de francs
que le Ministre veut gérer directement. C’est ici le lieu de vous faire une
révélation ; souvenez-vous de la position du Ministre face aux IDM, il a
tout le temps proclamé son indignation et son refus de voir se poursuivre ce
système de financement où c’est le Ministre qui distribue directement les
financements à qui il veut. Cependant, il en a distribué lui-même, il y a
trouvé du plaisir allant jusqu’à dépasser l’enveloppe prévue. Il y a tellement
trouvé du plaisir que dans le projet de budget 2017, il a soigneusement créé
des « IDM nouvelle génération » à travers ses projets, et pour 7
milliards de francs. Et, pour assouvir son dessein, il interdit le lancement de
la saison artistique. Comment peut-on comprendre qu’un ministre en charge de la
Culture, puisse déclarer fièrement qu’il n’y aura plus de saison
artistique ? On ne saurait comprendre une telle attitude qui frise de
l’aberration.
En d’autres termes, le Ministère a
choisi de mettre la main sur les trois quarts des ressources destinées au FAC,
et pour justifier cela, il décrète des projets dont les activités relèvent, en
réalité, du FAC. Nous ne pouvons l’accepter, et ne l’acceptons pas.
Tout comme nous ne comprenons pas
pourquoi le projet phare du Ministère jusqu’en 2016, celui de la construction
du Grand théâtre du Bénin, n’est pas pris en compte. Dans le même ordre
d’idées, des structures dont les activités assurent le rayonnement de la
culture béninoise, comme le FITHEB et l’Ensemble Artistique National, sont
dépourvues de ressources.
Il y a tellement d’injustices à corriger
dans ce projet de budget, que nous avons décidé de ne pas rester les bras
croisés pour subir, mais plutôt d’agir au plus vite.
Au risque d’envenimer la crise, il urge
de faire tout de suite les corrections qui s’imposent. C’est dans cette
perspective que nous avons saisi différentes commissions de l’Assemblée
Nationale, et nous avons été auditionnés par la Commission des Finances en
présence de députés d’autres commissions. C’est la seule façon de résoudre la
crise actuelle. Tout est encore possible à l’heure actuelle ; nous avons
formulé des propositions dans ce sens.
Se sentant donc sous pression, le
Ministre a finalement reçu le monde culturel le jeudi 10 novembre. Mais, au
lieu d’aborder le sujet qui nous préoccupe, il a préféré, comme à son habitude,
faire dans le dilatoire, en nous soumettant à la présentation du Programme
d’Action du Gouvernement, pensant ainsi détourner notre attention. La réaction
des acteurs a été prompte et unanime ; nous l’avons ramené sur les sujets
principaux, à savoir les Réformes et le budget. Mais il n’a trouvé d’autre
réponse que de nous renvoyer à attendre le vote du budget par l’Assemblée,
restant ainsi fidèle à son mode de gouvernance.
Dans ces conditions, nous n’avons
d’autres choix que de nous adresser au Chef de l’Etat, car dans son projet de
société, le Chef de l’Etat, parlant du FAC, a fait un diagnostic en 02 points,
à savoir :
-
Insuffisance de ressources financières,
-
Mal gouvernance.
Ce qui est tout à fait
juste.
Les solutions proposées
tiennent donc en 02 points :
-
Renforcer et accroître les ressources du
FAC,
-
Améliorer la gouvernance du FAC, grâce à
des réformes.
C’est fort de cela que
nous, artistes, l’avons suivi et avons travaillé à l’avènement du nouveau
départ. Nous le supplions donc de prendre ses responsabilités, au regard de la
gouvernance que fait le Ministre N’KOUE du secteur de la Culture, qui risque de
susciter des troubles sociaux. Les artistes sont fatigués et en ont marre de
cette gouvernance et de ces décisions à l’emporte-pièces qui ne font que mettre
à mal le secteur. Nous implorons le Chef de l’Etat d’arrêter cela ; c’est
du jamais vu dans ce secteur qui ne vit plus.
Pour la Plateforme des Conféderations et fédérations d’artistes et d’acteurs
culturels du Bénin,
Le Porte-parole,
Pascal Wanou