Dans le cadre de la soutenance de son mémoire
Le mardi 18 juillet 2023 a été proclamé un résultat remarquable à Aix-Marseille université (Amu), en France. Il s’agit du décernement d’un grade universitaire de haut niveau. En était bénéficiaire Ezin Pierre Dognon, un acteur culturel du Bénin, son pays d’origine. Le résultat universitaire élogieux révèle la victoire de l’homme contre une dizaine d’années de situations d’adversité.
Contre vents et marées, Ezin Pierre Dognon, désormais, titulaire d’un PhD en Musique et musicologie. Ainsi en ont décidé, le mardi 18 juillet 2023, à Aix-Marseille université (Amu), dans la ville d’Aix-en-Provence, les huit membres du jury constitué dans le sens de la soutenance de son mémoire par le concerné, sur le thème, « Trajectoire des musiciens de style tradi-moderne entre l’Afrique (Golfe de Guinée) et la France au XXIème siècle : étude des conditions de réussite esthétiques, technologiques et interculturelles ».
Ce jury a été présidé par Martin Laliberté, Professeur des Universités à l’université de Paris-Est. Le mémoire qu’a défendu Ezin Pierre Dognon avait trois co-directeurs. Il s’agit de Nicolas Darbon et de Jean Vion-Dury, tous deux Maîtres de Conférences avec Habilitation à Diriger des recherches (Hdr), à l’Amu, puis d’Apollinaire Anakésa-Kululuka, Professeur des universités aux Antilles. Deux rapporteurs et deux examinatrices ont renforcé le jury.
Il est question, respectivement, d’une part, de Pierre Albert Castanet, Professeur émérite des Universités à l’université de Rouen, et de Romuald Tchibozo, Professeur des Universités à l’université d’Abomey-Calavi, au Bénin. D’autre part, il s’agit d’Odile Blin, Maître de Conférences Hdr, à l’université de Rouen, et de Sophie Stévance, Professeur des Universités à l’université Laval, du Québec, au Canada. Apollinaire Anakésa Kululuka, Romuald Tchibozo et Sophie Stévance ont pris part à la soutenance en distanciel, par la voie numérique.
Le nouveau grade qu’a conquis le lauréat n’a pas fait l’objet d’une mention ni donné lieu au port de la toge de Docteur d’Etat par l’élu. Cette double tradition n’a plus cours dans les universités françaises. Pour en arriver à son fait d’armes, Ezin Pierre Dognon a dû franchir bon nombre d’obstacles, depuis son arrivée en France, une dizaine d’années plus tôt.
Une victoire qui s’est bâtie sur la durée
Il arrive en France le 30 juillet 2013. Il avait bénéficié d’un visa de touriste. Son but : prendre part au mariage de sa sœur. En quittant le Bénin, il s’était enrichi d’une batterie de diplômes : un Baccalauréat de série B, obtenu en 2007, un Brevet de Technicien supérieur (Bts) en Communication d’Entreprise, en 2009, puis une Licence en Communication et Relations internationales, un Master I et un Master II dans la même filière, respectivement, en 2010, 2011 et en 2012.
Sur le territoire français, il ne parvient pas à régulariser sa situation administrative. Il avait obtenu une inscription à l’Ecole d’Art et de la culture de Paris. Il l’a effectuée pour un Master of Business administration (Mba) en Médiation culturelle, dans l’option de ’’Management de la Musique, des festivals et du patrimoine’’. C’était grâce au processus promu par une structure appartenant à l’Institut français. Elle se dénomme ’’Campus France’’. Cette inscription s’était produite pendant qu’il était à Cotonou. Il préparait son arrivée à la Métropole. Cependant, il n’en avait pas obtenu le visa, même après avoir subi l’entretien classique.
En France, il s’est mis à préparer, dans l’établissement mentionné d’enseignement universitaire, le diplôme évoqué. Il en avait profité pour s’adresser à une préfecture. Il poursuivait le but d’obtenir un titre de séjour. Elle lui a enjoint de reprendre le processus avec ’’Campus France’’. Pouvait-il en retourner au Bénin, pour autant ? « Un rude combat », cette conquête de sa régularisation administrative en France, commente Ezin Pierre Dognon.
En 2014, il s’offre le Master of Business administration (Mba). Il était sans papiers ; il n’avait obtenu qu’un Récépissé de la part de la préfecture. La situation rend difficile qu’il s’inscrive à l’université pour poursuivre ses études afin d’obtenir un doctorat d’Etat. Pour lui, elle n’est, néanmoins, pas impossible. Il opte pour la musicologie. Il y confectionne un protocole de recherche. Il suit des cours dans bon nombre d’enseignements de cette filière. Ce sont, entre autres, l’Histoire de la musicologie, l’Histoire de la musique contemporaine et l’Histoire des musiques. Il a même reçu des cours de guitare à un certain conservatoire, celui de la ville du Bouc-Bel-Air.
Ces différents acquis ont facilité que son inscription en doctorat soit reçue. Ezin Pierre Dognon a, ainsi, mené des recherches et en a déposé un mémoire. Il l’a soutenu, avec succès, le mardi 18 juillet 2023.
Ezin Pierre Dognon, au cours de sa soutenance ... |
Il fait, de cette expérience, un vrai bilan. « Ce sont sept années de recherches intenses dont cinq ont été passées en situation irrégulière, c’est-à-dire sans titre de séjour ni revenus ni ressources, avec une interdiction de travailler légalement mais, avec le devoir d’aller à la faculté, d’aller lire des ouvrages, de faire des recherches, de proposer des séminaires, des conférences, de répondre à des publications scientifiques, et le devoir de se rendre disponible pour les activités de son laboratoire et de son école doctorale. Donc, c’étaient des moments intenses de galère », achève-t-il, comme essoufflé.
Il a puisé en lui des ressources en courage, en endurance, en foi en l’avenir, en positivité et, notamment, en persévérance. Il fallait triompher de l’adversité ambiante pendant les moments difficiles évoqués. Pour Ezin Pierre Dognon, il a réussi à tenir grâce aux membres de sa famille, à ses directeurs de recherche et aux responsables de ’’Perception, représentations, image, son, musique’’ (Prism), le laboratoire dans lequel il a servi. Ce fut un « long combat psychologique, mental et physique », ajoute-t-il, de 2013 à 2021, l’année où il finit par obtenir un titre de séjour de dix ans, en France.
Musicologue, pratiquant musical, ...
Jeune Docteur d’Etat, il garde, à son actif, pas moins de sept articles publiés dans des revues dédiées, une dizaine de participations à des conférences scientifiques, six cas d’animation de rencontres scientifiques, sept concernant des projets du même ordre, plus précisément, en musicologie. Il ne s’épanouit pas, pour autant, de ces acquis. Il se met en quête de pragmatisme. Il risque sa tête hors de la science. Il plonge ses doigts dans le cambouis de la fabrique du produit musical. Il les en ressort et, le voilà, slameur ! Il a écrit des textes, des poèmes, le temps de cette immersion. Il est entré en contact avec un ingénieur de son. Il s’installe une symbiose entre eux deux. Il peut aller plus loin : voir son inspiration textuelle devenir un morceau, deux morceaux, plusieurs autres morceaux, neuf morceaux ! Cela s’est fait, progressivement, l’air de rien !
Cette prouesse est une véritable surprise. Elle l’est pour ceux qui ignorent que, par le passé, il avait écrit trois livres. Le premier est un roman, ’’Dullah, la grosse énigme’’. Il paraît en 2015. Le deuxième ouvrage est un recueil de nouvelles, ’’Désolé madame, j’épouse mon portable’’. Il est édité en 2017. La troisième parution s’effectue en 2021 : ’’Les dames du Castellet’’.
Neuf textes de slam ! Lui, l’analyste formé à l’ ’'analysme’’, se met en condition pour devenir un analysé, un jugé, un conspué ou un accepté, un adulé, un vomi, un haï ou un idolé. Ezin Pierre Dognon prend la marque de ''Myster Ezin''. Cela s’opère pendant les phases laborieuses de sa rédaction du mémoire de soutenance, pendant les moments éprouvants des réajustements que demandent les directeurs de thèse, des rejets, des reprises et des corrections qu’ils imposent. Tout va à la vitesse d’une fusée.
En 2022, Myster Ezin est l’auteur de son premier album de slam, '’EspoirS’'. Des clips sont même disponibles : '’Caroline’’ et ’’Te chérir’’. En 2023, il a déjà fait plusieurs scènes de spectacles : le ’’Casino de Paris‘’, les ’’Folies bergères’’, le ’’Théâtre du Gouvernail’' de Paris, l’espace ’’Jeunesse’’ d’Aix-en-Provence et, entre autres, la Salle ’’Dupuy’', dans la commune du Tholonet, toujours en France.
La résistance contre les situations d’adversité offre une moisson des charmes du succès. D’Ezin Pierre Dognon, acteur culturel béninois, en tant que Président de l’association, ’’Oladé tourisculture du Bénin’' (Otb), de 2010 à 2013, on aboutit à Myster Ezin et à Docteur Ezin Pierre Dognon. Grâce à la détermination de l’homme, les solutions de gain de son titre de séjour et du grade de Docteur en Musique et en musicologie se sont imposé. Elles ont avalé les obstacles de tous genres jalonnant ce chemin.
Ezin Pierre Dognon a la vocation de l’investissement de sa personne dans l’action culturelle. Il n’a pas laissé ses difficultés, d’une certaine période, en terre française, en avoir raison. Il contribue à la tenue de l’événement, ’’Miss Bénin France Europe’’. Cette implication concerne les éditions de 2014 à 2016. « Il reste indélébile parmi les événements de la diaspora béninoise en France », en dit-il. Il s’est, aussi, fait remarquer par l’organisation de ’’La nuit du 229 à Paris’’.
Cours à l’université, morceaux d’albums à faire, concerts à tenir et événements à conduire au sein d’une vie associative. Des défis pour le Docteur Ezin Pierre Dognon. La flamme d’un souffle à entretenir …
Marcel Gangbè-Kpogodo