lundi 16 avril 2018

Quand le ’’Sabwana orchestra’’ sème la chaleur et la joie


Dans le cadre du concert du Groupe à Cotonou

La Paillotte de l’Institut français de Cotonou a été grandement secouée dans la soirée du vendredi 13 avril 2018. C’est à la faveur du concert qu’y a donné le Groupe franco-burkinabé, ’’Sabwana orchestra’’. Alors, le public a vibré au rythme de la forte vitalité instrumentiste, véhiculée par les membres de l'orchestre de jazz.  

Le ''Sabwana orchestra'' (De gauche à droite, David Yaméogo, Jessie Ouédraogo, Sosthène Ouédraogo, Colin Mousser et Petit Solo Diabaté)
Vingt-et-une heures tapantes et des notes de balafon lancent un concert qui va durer quatre-vingt-dix minutes environ, dans une atmosphère d’embrasement du public pour un peu plus d’une dizaine de morceaux : ’’Blakyne’’, ’’Sabwana’’, ’’Curyse’’, ’’Ylop’’, ’’Débora’’, ’’Naaba Naaba’’, ’’E djè ka djo’’, ’’Sababou’’, ’’Célestia’’, ’’Night in Bobo’’, ’’Badenya’’ et ’’Zigribiti’’. Le délice musical qu’ont savouré les spectateurs le vendredi 13 avril 2018, en soirée, au concert qu’a donné le Groupe ’’Sabwana orchestra’’, sous la Paillotte de l’Institut français de Cotonou. Colin Mousser, qui va se révéler un saxophoniste vivant à fond chaque son que son souffle lui permet de générer, entre en scène en émergeant du public ; les deux guitaristes, Sosthène Ouédraogo, l’ ’’électriste’’, et Jessie Ouédraogo, le bassiste, font leur apparition des coulisses, de même que le batteur, David Yaméogo, puis, voilà Gautier Gêne, prenant le contrôle de la régie, qui répartit une lumière rouge et claire sur la scène : le morceau introductif donne le ton d’un concert engagé qui va donner du tonus.
Cette tendance se confirme au fil du déroulement. Une musique rendue jazz par l’agencement mesuré des coups de baguette sur les différentes cymbales, avec les coups harmonisés que reçoivent les styles de tambours, une rythmique qu’intègrent les notes que dégagent les deux guitares dont les cordes sont grattées ou secouées, selon que se stabilise ou monte l’intensité de la fièvre du message que ressentent les manipulateurs de ces instruments de musique. Et, une affinité de taille : celle que développe Petit Solo Diabaté, le joueur de balafon, avec le batteur à partir de l’accord lointain de qui il fait entrer en symbiose les notes douces qu’il laisse échapper de sa machine héritée de la séculaire tradition musicale mandingue. Spectaculaire et polyvalent, ce balafonniste ne varie en rien son comportement de quête d’entente avec David Yaméogo lorsqu’il se déporte sur ses percussions dont les battements communient étrangement avec les coups de batterie. Avec Petit Solo Diabaté, le jazz vire à l’afro, ce qui épanouit ceux dans le public qu’enchantent la grande capacité de provocation de remuement du corps de la part de la musique africaine, très dansante, qui a fait se lever et bouger beaucoup de spectateurs, tantôt spontanément, tantôt sur demande des musiciens.
Le côté purement jazzy du Groupe, c’est aussi la place laissée, dans la plupart des morceaux, à l’expression des instruments ; ’’Sabwana’’, ’’Naaba Naaba’’, ’’Sababou’’ et ’’Badenya’’ sont alors les seuls dans lesquels David Yaméogo, Jessie Ouédraogo, Petit Solo Diabaté et Colin Mousser auront fait découvrir leurs bonnes capacités chorales. 
Particulièrement, Colin Mousser s’est parfaitement intégré à cette belle ambiance, manifestant la partition de son précieux souffle à travers la mélodie de son saxophone, dans laquelle tout se trouvait engagé en lui, que ce soit son âme, son esprit et, très visiblement, son corps qui, se propulsant, à des moments donnés, au-devant de la scène, se courbait, se pliait en deux, sous l’impulsion d’une fougue intérieure, donnant l’impression que le musicien allait se retrouver au sol. Impresario de service, faisait luire son visage la satisfaction qu’il éprouvait de se donner entièrement au spectacle, pour un public qui suscitait en lui une simple ambition : le combler.
De toute évidence, l’homme de la soirée aura été Petit Solo Diabaté, dans le déploiement, d’abord, d’une énergie physique bien répartie, totalement généreuse, pour les besoins de la cause du comblement du public, de la manifestation de la spécificité dansante et remuante, émouvante de la musique africaine ; il se distribuait amplement entre son balafon et trois tambours de percussions, sans pour autant donner l’impression d’en ressentir de la fatigue, ses mains battaient ardemment la mesure sur ceux-ci, et son visage en rayonnait, il prenait du plaisir à procurer du plaisir …
Ensuite, Petit Solo Diabaté jouait juste et bien, faisant voyager l’esprit, en dépit de l’ambiance surchauffée du concert, par le doux son multiforme qui émanait de son balafon que balayaient des baguettes manipulées par ses doigts si agiles.
Enfin, le Groupe, dans son emble, aura davantage impressionné quand, à la fin du concert, devant un public qui en redemandait, les membres de l’orchestre n’ont eu d’autre choix que de concocter une improvisation acoustique mettant à l’honneur le gong géminé de chez nous, fusionnant avec de la percussion ! Un signe de la capacité du ’’Sabwana orchestra’’ à intégrer des instruments musicaux spécifiques, des rythmes locaux.        

Segun Olabissi
A accompagné le ’’Sabwana orchestra’’, celui qu’il est devenu ordinaire d’appeler le ’’plus Béninois des Nigérians’’, Segun Olabissi. Bête de scène, sa voix tonnait, il y déambulait, stimulant le public à accompagner le mouvement.  


Engagement et écologie 
      
De longues branches de palmier décoraient de part et d’autre la scène, laissant pressentir chez les musiciens une tendance écologiste, et même d’engagement, surtout qu’une certaine uniformité a frappé, en ce qui concerne leur accoutrement de scène : faisait l’unanimité, au niveau d’eux tous, la cravate multicolore en tissu dit africain, ainsi que le pantalon jeans. Celle-ci distille le message de la fusion entre l’Afrique et l’Occident, la cravate étant culturellement de lui, le tissu, du continent des Afro-descendants, en grande majorité. Du côté du jeans, il symbolise le travail acharné sans quoi rien ne s’acquiert ni ne se conquiert, ce travail dans lequel s’engagent les membres du ’’Sabwana orchestra’’, pour donner corps à leurs objectifs, à leur vision. Se rapportant à la chemise, elle est de couleur kaki chez certains, verte, noire ou rouge chez d’autres, ce qui témoigne de la variété, de la multiplicité des choses, des cultures, de leur complémentarité.   
Et, à en croire Jessie Ouédraogo, porte-parole de circonstance, sur la scène, le ’’Sabwana orchestra’’, né depuis quatre ans, s’implique, au fil de son évolution, dans le développement durable, pour plus de justice et d’équilibre dans le monde contemporain.  

Marcel Kpogodo   

jeudi 12 avril 2018

« [Il faudrait] essayer avec nous autres, demande Serge Ologoudou aux mécènes


Dans le cadre de la tenue de la cinquième édition du ’’Festin vocal’’

La cinquième édition du ’’Festin vocal’’, le Festival international des voix de femmes du Bénin, se profile à l’horizon. Nous en dit sur le programme prévu, le Directeur de l’Evénement, Serge Ologoudou. L’entretien, qu’il a bien voulu nous accorder, s’achève par un appel au soutien financier, qu’il lance aux mécènes.

Serge Ologoudou
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour Serge Ologoudou. Vous êtes journaliste culturel et promoteur culturel. Bientôt se tient le ’’Festin vocal’’. Pouvons-nous savoir ce qui est prévu pour cet événement ?


Serge Ologoudou : Merci pour l’opportunité que vous m’offrez. Le ’’Festin vocal’’, c’est le Festival international des voix de femmes du Bénin. Nous en sommes à la cinquième édition qui va se tenir du 24 au 28 avril 2018, ici, à Cotonou. Il y a plusieurs activités à mener. D’abord, il y a trois jours de formation, de perfectionnement en technique vocale ; ces trois jours seront encadrés par Annie Flore Batchiellilys qui est une grande chanteuse africaine, gabonaise d’origine. Elle est en même temps la tête d’affiche de l’édition.
Cette formation, ce seront trois jours de renforcement de capacités, c’est un Master class qui va regrouper un certain nombre d’artistes, des jeunes ou des moins jeunes, peu importe. Toutes celles qui sont intéressées à profiter de l’expérience d’Annie Flore Batchiellilys sont invitées à participer à ce Master class qui se déroulera du 24 au 26 avril, de 9h à 15h, à l’Institut français de Cotonou. En fait, il s’agit d’une dame qui chante depuis un bout de temps ; elle a déjà la cinquantaine, donc, elle n’est pas une petite dans le domaine.  
Ensuite, il y aura deux concerts : le premier, le 27 avril, à la Grande salle du Fitheb (Festival international de théâtre du Bénin, Ndlr), avec le Chœur polyphonique national, Assy Kiwa, Amy Mako de Parakou, Ayodélé et puis bien d’autres. Le 28 avril est prévu un deuxième concert qui sera, cette fois-ci, à l’Institut français de Cotonou avec, encore, le Chœur polyphonique national et, en première partie de la vedette du Festival, Annie Flore Batchiellilys, il y aura une révélation du nom d’Hermance Ellé ; elle est journaliste à l’Ortb (Office de radiodiffusion et télévision du Bénin, Ndlr) au journal parlé mais elle a pour passion la chanson. Elle a eu l’occasion de participer à ’’The voice’’ francophone cette année. Donc, elle sera la révélation et, son nom d’artiste, c’est Djayé.
Profitons de l’occasion pour parler du thème du Festival, qui est : « Les femmes dans l’environnement musical ». Il sera présenté par Marcel Padey. Ce sera la conférence inaugurale de tout le Festival, le mardi 24 avril.


Quelles sont les innovations de cette édition par rapport à la précédente ?

On veut mettre l’accent, surtout, sur les révélations, sur la détection de talents. Donc, nous sommes en train de lancer une activité dénommée ’’Première chance’’, où l’on aura à retenir une dizaine de jeunes chanteuses parmi lesquelles nous allons sélectionner trois que nous allons commencer à suivre, pour les autres éditions du Festival, histoire de les canaliser, de leur donner des notions de base pour que, d’ici à quelques années, elles puissent aussi évoluer dans leur carrière de chanteuses.


Pourquoi cette focalisation du Festival sur les femmes musiciennes chanteuses ?

D’abord, j’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs femmes artistes, entre autres, - paix à son âme ! – Zouley, et puis le trio Tèriba, surtout, un Groupe grâce auquel l’idée du Festival est née. Il faut rappeler que je l’ai fait connaître ici et à l’international. Je crois que le travail qui a été fait au niveau de ce Groupe, j’ai eu envie de le vulgariser. C’est pour cela que j’ai pensé mettre en place un Festival du genre.


L'Affiche officielle du ''Festin vocal''
Organiser un festival, par les temps qui courent, ce n’est pas facile. Est-ce que vous avez déjà tout bouclé pour la réussite de la cinquième édition du ’’Festin vocal’’ ?

Si tout dépendait de nous, tout serait bouclé. Mais, dans ce genre d’activités, il y a pas mal de partenaires, il y a pas mal de paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément. Il s’agit, entre autres, du nerf de la guerre ; il faut que les bonnes volontés, les mécènes se manifestent.
Les sponsors, il n’y en a pratiquement pas puisqu’il n’y a pas de politique ni de loi qui favorise ce genre d’activité. On y va comme l’on peut, mais on a pris ce risque parce que l’année dernière, on n’a pas pu faire le Festival, tout simplement du fait qu’il y a des réformes en cours au Ministère du Tourisme, de la culture et des sports et que ces perturbations ne nous ont pas facilité la tâche. Mais, cette année, on s’est dit que si on doit attendre que ces réformes se mettent en place, on risque de perdre beaucoup de choses. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes jetés à l’eau, il faut le reconnaître, pour maintenir la crédibilité du Festival. Donc, nous sommes là, on attend, on garde l’espoir que le Ministère finira certainement par nous accompagner.
Je profite de ce créneau pour lancer aussi un appel au Ministère de la Culture, aux responsables et aux décideurs politiques, pour attirer leur attention sur le fait que l’Etat organise des événements, mais je crois que les privés, que nous sommes, aussi participent quand même de façon importante à animer les activités artistiques et culturelles dans le pays. Et, on doit tenir compte aussi de cet effort, de cette contribution que nous, privés, apportons au secteur culturel qui en a vraiment besoin.
A l’endroit des mécènes : c’est vrai qu’il y a des bonnes volontés, des privés qui veulent parfois accompagner le secteur mais ils n’ont pas toujours la garantie qu’il faut, il manque un peu de crédibilité. Nous leur lançons l’appel d’essayer avec nous autres et, certainement, ils vont voir la différence. C’est vrai, après cette édition, on va les approcher pour mieux leur expliquer notre démarche à nous, pour mieux leur expliquer l’intérêt de ce que nous faisons et, surtout, l’intérêt que, eux aussi, peuvent en tirer. Ce sont des points qu’il faudrait, à un moment donné, éclaircir, il nous faudrait sensibiliser les uns et les autres sur des choses à faire et comprendre que si on n’a pas une mutualisation des différentes énergies, on ne pourra pas faire avancer ce secteur.


A quel contact on pourrait vous joindre, si on était intéressé pour vous accompagner ?

Il y a un contact sûr qui est mon contact direct : le 97-30-03-44.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

mercredi 11 avril 2018

Mounia Youssef, militante du cheveu crépu

Dans le cadre de trois expositions tenues au Bénin

Mounia Youssef est une photographe d’art, qui, à cheval entre le dernier trimestre de l’année 2017 et le tout premier de 2018, a tenu pas moins de trois expositions avec, comme point commun, la matérialisation de la vision chère à cette jeune femme à l’allure de libellule : combattre pour rétablir chez le Noir la conscience de la liaison de son authenticité à une réalité aussi banale que le cheveu crépu.

Mounia Youssef
Le cheveu crépu à l’honneur par seize œuvres photographiques et une dizaine de posters. Le fruit d’au moins six mois de shooting, ces séances-photo ayant, entre autres, permis à Mounia Youssef, artiste photographe libano-togolaise, de mettre au jour l’exposition intitulée, ’’l’Hair du Temps’’, qui s’est déroulée à l’Espace ’’Tchif’’ de Cotonou, du 24 novembre au 12 décembre 2017 et, de ce second mois à février 2018, au Restaurant, ’’Le Lambi’s’’ de la Haie-vive, sis quartier Cadjèhoun, toujours à Cotonou.
Au-delà de la présentation au public, à l’époque, du résultat d’un travail de longue haleine, cette corpulence délicate de femme a exposé une conviction, celle selon laquelle le Noir, qu’elle préfère appeler Afro-descendant, doit, aujourd’hui, se réapproprier les éléments physiques qui font son identité intrinsèque, et qu’à travers l’histoire, ses ’’maltraiteurs’’ ont dégradés, dévalorisés en lui, lui ont enlevés, à force de dénigrements, de préjugés, de rejet, notamment. Parmi ceux-ci, il y a le cheveu crépu qui est lui, l’Afro-descendant. « Le cheveu naturel a une place dans la société », affirme-t-elle. Et, ce n’est pas au Bénin qu’elle a cultivé cette certitude, un pays dans lequel les citoyens s’épanouissent en rejetant les normes de leur être culturel profond, pour adopter celles venant de l’étranger, mais au Ghana où elle a eu l’occasion de séjourner pendant une paire d’années.

Quelques oeuvres photographiques de ''l'Hair du Temps'', à l'Espace ''Tchif'', en novembre 2017
Dans ce pays, elle a touché du doigt la fierté avec laquelle les femmes manifestent la beauté de leurs cheveux crépus, en les arborant, bien peignés sur leur tête, ce qui, selon Mounia Youssef, a provoqué en elle le « déclic sur les cheveux naturels » et qui l’a décidée à en faire un sujet de travail. Et, les dix posters qu’elle a livrés à la délectation du public ont fait ressortir deux qualités essentielles chez l’artiste : d’abord, celle d’une graphiste accomplie qui sait disposer, positionner des conceptions originales, des couleurs fortes, des objets d’un symbolisme expressif, des propos incitatifs, des slogans motivants, un historique édifiant sur le mouvement ’’Nappy’’ de l’engagement des Afro-descendants, par les actes, à retourner aux sources de leur richesse physique spécifique, le cheveu crépu, principalement.

''l'Hair du Temps'', au Restaurant ''Le Lambi's'' de Cotonou
Ensuite, l’exposition a permis de faire ressortir le caractère fortement et profondément militant de Mounia Youssef, cela, de deux façons : premièrement, l’évocation de slogans marquants, poignants d’incitation à la prise de conscience sur la nécessité pour l’Afro-descendant, où qu’il se trouve, à travers le monde, de renouer avec le cheveu crépu, l’élément de son être originel. Morceaux choisis : « Emancipate yourself from beauty slavery », « My hair is my pride », « Your comb, your weapon ».
Deuxièmement, l’artiste réalise la focalisation du public sur certains mots forts en relation avec le fait pour l’Afro-descendant de renouer avec l’attribut de son être physique réel qu’est le cheveu crépu, dévalorisé, à travers les siècles, les époques et les années. A l’effet de la restauration de cet élément, des posters ont été spécifiquement composés et renseignaient de manière synthétique sur le sens du mot concerné : ’’Afro-descendant’’, ’’Unity’’, ’’Patrimoine’’, ’’Anticonformisme’’, ’’Réappropriation’’. De manière particulière, un poster a été investi de l’intense mission de restituer deux réalités : l’historique de la cause du cheveu ’’nappy’’ et le déroulement du laborieux processus ayant permis à Mounia Youssef de lancer, sur les réseaux sociaux, un appel à candidatures pour recruter des modèles devant poser pour les photos, d’en retenir pas moins de 35 sur plus de 300 appelés.
Aperçu du poster sur, notamment, le mouvement ''Nappy''
Et, elle a aussi, au finish, livré au regard du public, un riche éventail de traitements du cheveu crépu, de sa tresse à sa pousse libre, en passant par d’autres états inattendus de sa valorisation, tels que la simple joie de vivre d’un visage à la tête surmontée d’une tresse conséquente. En outre, une gestion commune pour toutes les seize photos exposées, concernant la démarche de travail de l’artiste : elles ont fait l’objet d’une « impression numérique sur papier photo ». Cerise sur le gâteau : certaines notoriétés béninoises n’ont pas résisté à l’appel à donner aux visiteurs de contempler leur chevelure extraordinaire, dans leur caractère intrinsèque, mais s’adaptant au projet conçu par Mounia Youssef : le slameur Kamal Radji.

Mounia Youssef, en exposition au ''Centre'' de Lobozounkpa
Par ailleurs, en décembre 2017, des icônes moins palpables ont fait l’objet de l’intérêt de la photographe-graphiste, dans le contexte de la deuxième édition des ’’Echos de Lobozounkpa’’, un événement qu’a organisé ’’Le Centre’’, complexe culturel situé à Atropocodji, dans l’Arrondissement de Godomey, de la Commune d’Abomey-Calavi ; avec neuf autres artistes contemporains, elle y a traité le sujet des Amazones, ces femmes guerrières ayant fait fureur dans le royaume du Dahomey.
Avec cette exposition collective, Mounia Youssef, à travers la longue plaque rectangulaire aux seize photos en noir et blanc, qu’elle a fait valoir, l’amazone appartient à tous les temps, même à l’époque contemporaine, face à un cheveu crépu qui apparaît quatre fois, abondant sur une tête vue de dos et, de profil, tressé puis, enfin, s’étalant court sur le côté d’une tête dont la moitié est perçue de face. Une stratégie d’agencement de quoi rendre remarquable le cheveu crépu comme l’élément pour matérialiser l’identité physique que rend véritablement spécifique l’appartenance culturelle, ce cheveu qui ne peut évoluer en une hirondelle unique : «  Avec sa peau, ses rondeurs, une amazone qui s’affirme affirme aussi son corps », appuie l’artiste, concluant sans ambages : « Etre amazone, aujourd’hui, c’est s’affirmer corporellement ».  


Mounia Youssef, une poigne de conviction 

Incandescente par sa vision pan-afro-descendantiste, rude par sa combativité et profonde dans son endurance, Mounia Youssef entretient le contraste sur sa personne, de par ces traits de caractère, avec une fine corpulence et un grand calme, une puissante sérénité. Des atouts qui semblent l’avoir conduite à mener à bien le travail impressionnant qu’ont demandé la conception, la préparation et la concrétisation de l’exposition, ’’l’Hair du Temps’’ : entre autres, toutes les sortes de va-et-vient, la communication pour recruter, par Facebook, des candidats loméens et cotonois pour les photos, des postulants voulus afro-descendants, métis avec des cheveux naturels, le travail sur les 35 retenus, leur maquillage, la location de studios-photo pour les séances de shooting, l’étalement de sa disponibilité pour l’adapter à celles de ses élus.
En frais début de la trentaine, Mounia Youssef fera retenir par l’histoire qu’en 2008, elle entre au devenu célèbre, prestigieux et crédible Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (Isma) de Cotonou, au Bénin, pour une formation en Journalisme audiovisuel. Trois ans après, sa Licence professionnelle conquise, elle se fait autodidacte en Photographie avec, comme source d’acquisition des précieuses connaissances, Internet et, elle s’enferme dans une activité intense dans le domaine : « Plus on pratique, on devient meilleur », a-t-elle compris. Puis, de 2013 à 2015, elle fait l’option du Ghana pour une nouvelle formation en ’’Multimedia design’’. Depuis, son savoir-faire, en Photographie alliée au Graphisme, se demande abondamment, de toutes parts.
Voilà une réelle efficacité technique fondée sur une pugnacité à toute épreuve, et ce ne serait pas l’élancée Mounia Youssef, si cela devait s’en arrêter là : « Le militantisme, cela fait partie de ma vie », confie-t-elle. Ceci aide à comprendre qu’elle ne se contente pas d’exécrer, mais elle passe à l’action pour bouter dehors ce qui, pour elle, semble pouvoir nuire au fonctionnement harmonieux de la société, de l’africaine, en particulier. Conséquence : s’indignant des dégâts de plusieurs ordres que causent les produits chimiques sur le cheveu afro-descendant qui est rendu artificiellement lisse par le défrisage, s’horrifiant de la richesse dépouilleuse de l’Afrique, que cela génère pour les occidentaux concepteurs de ces produits, s’offusquant de la dépersonnalisation de l’Africain désormais condamné à s’approprier les standards européens de la beauté au détriment des siens, elle se révolte par l’exposition ’’l’Hair du Temps’’ dont elle a décliné le but, simple : « contribuer à ce que cela change, à ce que tombe ce complexe d’infériorité que montrent les Afro-descendants, sensibiliser » sur comment ces produits « gâtent le corps » et sur comment le système commercial mis en place « enrichit ceux qu’il ne faut pas ». Une amazone des temps modernes.
Et, ce n’est pas fini ! Ce qui l’épanouirait : « appartenir à une équipe technique pour tenir des conférences sur tout ça … ». Prête à aller plus loin, elle précise pouvoir faire de la « sensibilisation porte-à-porte ». Une telle détermination a une bonne justification : Mounia Youssef, de couleur métis de peau, ne laisse rien voir de son esprit, de son âme intrinsèquement africains, authentiquement afro-descendants : « Je me considère africaine, c’est général, c’est global ; je suis née en Afrique, j’ai grandi en Afrique, mon histoire, ma vie sont ici, de même que mon cursus scolaire et le décollage de ma carrière ! », laisse-t-elle émerger d’elle, non sans une pointe de chaleur dans la voix. « Ma mission continue » pour « valoriser la beauté black, avoir l’inspiration pour la révélation de la beauté africaine », clôt-elle.

Marcel Kpogodo

jeudi 5 avril 2018

Sakpata Zogbo pilote désormais le Festival des danses endogènes


Dans le cadre des réformes opérées au niveau de son événement

L’artiste danseur, Sakpata Zogbo, de son identité à l’état civil, Léon Hounyè, a rencontré le desk ’’Culture’’ du Journal ’’Le Mutateur’’, le mardi 3 avril 2018, à Cotonou. Il ressort des échanges effectués que l’événement phare dont il tient l’organisation annuelle depuis cinq ans, le Festival ’’Yaoïtcha’’, va opérer une métamorphose majeure fondée sur le renouvellement de sa dénomination.
Sakpata Zogbo, en pleine démonstration de son art de la danse 
Le ’’Festival des danses endogènes’’. Le nom par lequel il faut remplacer ce que le public connaissait par le Festival ’’Yaoïtcha’’, ce qui ressort des échanges que le danseur professionnel, Léon Hounyè, alias Sakpata Zogbo, a tenus avec la rédaction culturelle du ’’Mutateur’’, le mardi 3 avril 2018, en fin d’après-midi, au quartier Zogbohouè de Cotonou.
« Nous devons aussi opérer des réformes au niveau de nos initiatives d’ordre culturel ! », s’est exclamé l’hôte du Journal, expliquant que le défunt Festival ’’Yaoïtcha’’ portait le nom de la danse du feu avec l’implication attendue que toutes les activités de la manifestation ne tournait autour que d’elle, ce qu’il a trouvé restrictif. Ainsi, le nouvel événement aura comme innovation de travailler sur plusieurs autres danses à part la ’’Yaoïtcha’’ : ’’Dan’’, ’’Hêviosso’’, ’’Sakpata’’, ’’Zangbéto’’, celle de la chasse, entres autres.


Un programme déjà ficelé

En 2018, à en croire Sakpata Zogbo, le Festival des danses endogènes aura lieu sous le sceau de la sixième édition et, l’événement est prévu pour tenir sur trois jours avec, comme invité de marque, le Roi d’Allada. D’abord, le vendredi 12 octobre, en matinée, à Zogbo, sera animée une communication par celui qu’il a appelé un sage, l’ancien Député, l’Honorable Kakpo ; cette personnalité aura la lourde responsabilité intellectuelle de retracer l’histoire des autochtones de Cotonou devenue la capitale économique du Bénin, de même qu’il établira la nette différence entre les quartiers Zogbo, Zogbohouè, Mènontin et Kindonou, notamment, et évoquera les fondements de la création de Cadjèhoun et d’Abomey-Calavi. 

Sakpata Zogbo
Quant au samedi 13 octobre, il enregistrera le lancement du Festival. Cette ouverture, qu’il annonce grandiose et flamboyante, intense et dense, donnera au public de déguster plusieurs tableaux des danses traditionnelles de chez nous, un spectacle devant durer six heures de temps, à partir de 10 heures, dans la matinée. Et, ce sera à Zogbohouè. Enfin, le dimanche 14 octobre, Kindohou accueillera un autre vaste spectacle de danses, dès 10 heures du matin. Six heures plus tard, le public devra se déplacer vers Zogbo pour vivre les activités de la clôture du Festival.


Un réquisitoire de révolte

L’évolution des discussions a induit un inattendu changement de casquette. 

Sakpata Zogbo
C’est ainsi que le danseur de la musique traditionnelle s’est mué en Secrétaire général du Groupe 113 (G113), ce qui a justifié son indignation face à la léthargie actuelle dans le monde culturel : « Aujourd’hui, notre Ministère de la Culture n’existe plus, le Ministre ne nous connaît pas, il ne croit pas à notre travail, il n’a pas confiance en nous, il nous prend pour des bandits ! », lance-t-il, d’un trait avant, très vite, d’en tirer ses conclusions : « Nous, les artistes, nous ne pouvons plus faire comme avant, c’est-à-dire soutenir un Ministre ; si les gens ne nous considèrent pas, il faudrait que nous prenions notre destin en mains : il ne faudrait plus que les artistes parlent, qu’ils fassent leur travail, celui qui les libère ! », finit-il, avant de rebondir par un appel à ses pairs : « Que chacun de nous accompagne le Gouvernement selon ce qu’il peut apporter », et par une adresse au Chef de l’Etat : « Je remercie le Président Talon pour son travail et, nous pouvons l’accompagner en vulgarisant les idées du Programme d’actions du Gouvernement (Pag) au niveau des populations, à travers les activités de nos festivals ».

Crédit photos : Sakpata Zogbo, alias Léon Hounyè

Marcel Kpogodo