jeudi 17 février 2022

Florent Couao-Zotti, des fantasmes de dessin sur la reine Tassi Hangbé

Dans le cadre de la représentation de ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’


La pièce, ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’, a été représentée le mercredi 22 décembre 2021 à la Salle rouge du Palais des Congrès de Cotonou, dans une adaptation et une mise en scène d’Ousmane Alédji. Ce spectacle, plusieurs semaines après avoir été donné, continue de faire sensation, concernant des aspects interpellateurs de sa mise en scène, entre autres, le choix des langues nationales béninoises, ’’fon’’, ’’yoruba’’ et ’’nago’’, au lieu de l’habituelle, attendue puis déjouée langue française, et des jeux purement originaux de la part d’acteurs dont le niveau d’expérience professionnelle en la matière est élevé. Ayant accepté de se prononcer sur la mise en scène indiquée, le dramaturge béninois, Florent Couao-Zotti, auteur de la pièce originelle, et actuel Conseiller technique à la Culture du Ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola, nous livre, plutôt, une réflexion d’homme de crayon à dessin. Il nous présente ce qu’il aurait fixé sur papier de tout ce qu’il a suivi de la représentation afférente. Son choix ne semble pas loin de ce qu’Ousmane Alédji a décrit de « la femme avec ses attraits et ses charmes » et d’un « personnage rond et gras ».


Florent Couao-Zotti - Crédit photo : ''Darimage''

« La scène [qui m’intéresse est celle] où Tassi Hangbé prend un bain devant les dignitaires ; j’aurais dessiné la femme en train de prendre son bain, devant le regard éberlué des dignitaires qui sont dans la salle en train de la regarder ». La réaction spontanée de Florent Couao-Zotti, Conseiller technique à la Culture du Ministre de la Culture, Jean-Michel Ambibola, face à la question de savoir ce qu’il aurait dessiné de toute la pièce, ’’Tassi Hangbé, la reine amazone’’, qui a été représentée le mercredi 22 décembre 2021, sous la mise en scène d’Ousmane Alédji, au Palais des Congrès de Cotonou, dans le cadre de la tenue des Nuits artistiques et Culturelles de Cotonou (Nacc), organisées par l’Agence nationale des Evénements culturels, sportifs et des événements officiels (Anecsmo).  


Dans le fil de sa projection, le dramaturge béninois fait ressortir le caractère bien mûri par la reine en déchéance de son acte frappant d’une sorte d’indécence recherchée, pour marquer intemporellement les esprits. « Cette séquence du bain est une séquence absolument théâtrale … C’est une sortie », commente-t-il, avant de fournir plus de détails concernant ses probables courbes de crayon, auxquelles il offre un cadre bien technique : « Si je dois faire une bande dessinée, le dessin phare, c’est au moment où, justement, elle se lave, où elle a fini de se laver et où elle jette l’eau de bain sur les dignitaires ».


Le fondement d’un tel choix artistique du dessinateur de circonstance reste la façon dont Tassi Hangbé, à travers sa profanation orchestrée des bonnes mœurs, à un niveau aussi élevé de la hiérarchie sociale, a témoigné de la férocité de sa haine pour le milieu politique qui la vomissait, ce qui amène Florent Couao-Zotti à analyser : « C’est un acte très fort, c’est un acte à conséquences. Tout ce qui m’intéresse est de voir qu’elle a posé un acte qui a produit un impact sur des générations », commence-t-il, appuyant : « Le fait de prendre l’eau du bain et de la verser sur des gens, cela apporte un plus sur la condamnation qu’elle manifeste ainsi vis-à-vis de ceux qu’elle soupçonne avoir été trempés dans le complot. Ces deux éléments qui se joignent donnent la pleine mesure du sentiment de frustration et de dégoûtation, qu’elle a éprouvé lorsque les différents éléments se sont mis en place pour la condamner et pour la faire partir du trône. J’ai trouvé cela très fort ».


Un scandale, une signification sociale


Le bain de Tassi Hangbé, vu par ...

Pour l’écrivain ne fait pas de doute la portée sociologique de ce qu’a effectué la reine, en matière de comportement d’abdication : « Dans la tradition, on estime que lorsqu’une femme se met nue devant le monde, elle fait un acte de transgression […] qui peut générer, par la suite, des conséquences sur la vie, sur le pays, sur le royaume. Dans la tradition, on sait ce que ce genre d’acte porte comme conséquences ».


Par ailleurs, Florent Couao-Zotti caractérise davantage la situation créée par Tassi Hangbé : « Dans la nature des femmes, lorsqu’elles en ont marre, lorsqu’elles se déshabillent et montrent leur nudité à tout le monde, cela signifie que c’est un mauvais signe pour l’ensemble de la communauté. Mais, chez elle, le deuxième geste porte une symbolique effroyable, le fait de jeter l’eau du bain sur les gens. Là, c’est la totale ! Et, il est dit quelque part, les anciens nous en parlent, que cet acte a eu des conséquences puisque le pays a traversé trois années de disette. Son successeur l’a reconnu, disant : ’’Nous avons porté préjudice à Tassi Hangbé et nous en récoltons les conséquences’’. Donc, ce n’est pas de l’ordre du mythe ni d’une construction intellectuelle ».


Si « la femme avec ses attraits et ses charmes » et le « personnage rond et gras » ont été de mise dans la réalité historique, au cours du bain profanateur, le Dahomey, à l’époque, en a donc payé le prix irrévocable.


De la crudité historique à la crudité dramaturgique


... Ousmane Alédji

Florent Couao-Zotti rappelle, en conséquence, le contexte précis de son développement, celui des faits originels de l’œuvre qui est la sienne, ’’Tassi Hangbé, la reine interdite’’ et dont s’est inspiré Ousmane Alédji, pour son adaptation : « Dans la pièce, [Tassi Hangbé] était debout, assistée de ses laveuses qui lui mettaient l’eau sur le corps et, à un moment donné, elle s’est accroupie, elle s’est lavée le sexe, puis, après, quand elle a eu fini, elle a pris la calebasse - puisqu’elle se lavait dans une grande calebasse – elle en a jeté l’eau sur l’ensemble des dignitaires présents ».


Le courage de Tassi Hangbé en a généré deux autres, ceux, d’une part, de Florent Couao-Zotti, dans une écriture de défi d’une généalogie dynastique séculairement et opportunément faussée mais imposée comme vraie. D’autre part, Ousmane Alédji, en faisant s’exprimer sa profession, au-delà de ses actuelles responsabilités d’autres ordres, n’a pas ménagé, à travers la mise en scène de la pièce adaptée de Florent Couao-Zotti, un certain goût pour le traitement de l’atypique, du choquant, du cru scandaleux.

Marcel Kpogodo Gangbè 

mercredi 16 février 2022

[’’Emblèmes’’] « tente de répondre au retour de nos biens culturels au Bénin », dixit Dominique Zinkpè

Dans le cadre du prochain lancement de l’exposition indiquée


L’exposition, ’’Emblèmes’’, s’ouvre au ’’Lieu Unik’’ d’Abomey dès le vendredi 18 février 2022. Son vernissage se tiendra une semaine après. Cette séance de présentation au public d’œuvres produites par douze artistes contemporains béninois est étroitement liée à une autre exposition qui s’organise à la présidence de la République du Bénin et concerne, entre autres, les 26 biens royaux que la France a restitués au Bénin le mercredi 10 novembre 2021. Elle est prévue pour être lancée le 20 février 2022. Dominique Zinkpè, Directeur du ’’Lieu Unik’’ d’Abomey, s’est ouvert de ce lien entre les deux expositions, dans un entretien qu’il a accordé au journaliste culturel béninois, Rodéric Dèdègnonhou, du blog culturel,’’Dèdègnonhou’’.


Dominique Zinkpè

« Je pense que l’idée nous a motivés, au Centre, le ’’Lieu Unik’’ d’Abomey, à ne pas être indifférents à cet événement inédit », commence Dominique Zinkpè, Directeur du ’’Lieu Unik’’ d’Abomey, abordant, ainsi, ’’Emblèmes’’, l’exposition que l’espace artistique et culturel qu’il dirige abritera et qu’il fait ouvrir officiellement le 25 février 2022, mais qui peut commencer à être visitée le vendredi 18 février.


A en croire cette personnalité de l’art contemporain et de l’action culturelle au Bénin, ’’Emblèmes’’ est née pour accompagner l’exposition des biens royaux, initiée par la présidence de la République du Bénin, et qui se déroulera du 20 février au 22 mai 2022, sur le thème : « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation ». « [’’Emblèmes’’] tente de répondre au retour de nos biens culturels au Bénin, c’est-à-dire que nous sommes heureux que le gouvernement béninois ait récupéré vingt-six des œuvres de nos aïeux […], explique Dominique Zinkpè, avant de détailler : « […] un groupe d’artistes et moi-même, nous avons décidé de réaliser des œuvres pour honorer nos rois qui ont travaillé auparavant et qui nous donnent encore la chance de récupérer leurs vestiges ».


Evoluant dans son analyse, Dominique Zinkpè fait ressortir la valeur ultime des biens royaux à découvrir prochainement au Palais de la Marina et que l’exposition, ’’Emblèmes’’, devra contribuer à mettre en vue. « C’est notre puits de pétrole ! », martèle-t-il, alors, évoquant les 26 biens royaux, eux qui, selon lui, doivent servir à rappeler la richesse de l’inspiration artistique des ancêtres des Béninois d’aujourd’hui.


En effet, à en croire toujours Dominique Zinkpè, il s’agit de « donner » à ce « puits de pétrole », « une nouvelle visibilité », de même qu’il faut « continuer à célébrer les artistes qui ont travaillé sur les emblèmes des rois, auparavant ».


Pour le Directeur du ’’Lieu Unik’’ d’Abomey, faire rayonner les 26 biens royaux en tenant l’exposition, ’’Emblèmes’’, va jusqu’au rappel historique d’une organisation politique, économique, sociale et, entre autres, artistique, qui se fait remarquable et impressionnante : « Notre rôle est de réussir à le dire parce que ces artistes l’ont fait, il y a de cela trois cents ans, et, aujourd’hui, ce qui reste, c’est comment nous voyons nos rois, comment nous imaginons l’essence de l’organisation d’un royaume, comment ils ont officié, avec leurs ministres, en ce temps-là, comment ils arrivaient à acquérir des terres, etc. C’est leur lutte qui fait que nous avons des villes comme Abomey, Kétou, Porto Novo, … ».


Après avoir établi le lien entre ’’Emblèmes’’ et l’exposition qui se déroulera à la présidence de la République, Dominique Zinkpè évoque le contenu de la présentation d’œuvres artistiques, qui s’ouvre le 18 février 2022 à Abomey : « […] pour nos 12 rois connus, 12 artistes contemporains se sont prêtés à ce jeu de travailler spécialement en observant les emblèmes de chaque roi du Danxomè pour essayer de les traduire par rapport à leur écriture plastique à travers la peinture, la sculpture et le dessin, entre autres. Ce que nous imaginons de partager avec le public d’ici et d’ailleurs ».


Par conséquent, l’artiste contemporain et acteur culturel s’ouvre à des détails d’importance : « Chaque artiste qui a accepté de participer au projet a développé ses techniques habituelles. Nous avons, par exemple, Marcel Nangbé qui est en tête d’affiche ; il a fait des œuvres murales, des sculptures. Carlos Sodokpa, lui, a exercé dans la photographie. Michel Taïwo a développé ses techniques picturales. Edouard et Elise Tokoudagba ont baigné dans cette tradition d’Abomey. Un artiste majeur, comme un aîné, Gratien Zossou, s’est aussi prêté au jeu ».


Et, tout porte à croire qu’au-delà de l’inspiration individuelle, sur chaque emblème royale, réalisée par Oswald Matro, Marcel Nangbè, Renaud Agbémadon, Carlos Sodokpa, Albert Sossa, Michel Taïwo, Marius Tchiakpè, Mathias Tossa, Gratien Zossou, Elise Tokoudagba, Edouard Tokoudagba et par Dominique Zinkpè, par ordre d’arrivée, dans la dynastie, du roi dont l’emblème a été exploité, il s’agit d’une œuvre collective portant un fondement d’unicité, ce qui pousse le Directeur du ’’Lieu Unik’’ à déclarer : « C’est cet ensemble qui fait l’exposition parce que ce ne sont pas des œuvres individuelles. La manière dont cela est organisé, c’est la succession des rois qui fait l’ensemble des emblèmes.  Donc, c’est la succession des œuvres, selon la scénographie qu’on va prêter, qui doit faire une œuvre d’ensemble, qui englobe les 12 artistes ».


Du côté des autorités étatiques, à en croire Dominique Zinkpè, un tel accompagnement de l’exposition de la présidence de la République du Bénin par des espaces culturels dont celui qu’il dirige fait la satisfaction du ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola : « Notre gouvernement, à travers le ministère de la Culture, est heureux de voir que les acteurs culturels indépendants que nous sommes, disposant d’un espace, essayent quand même de répondre et d’accompagner son énergie ».


Ainsi, du palais de la Marina, les visiteurs pourront continuer et achever leur parcours vers ces différents espaces culturels dont le ’’Lieu Unik’’. « […] c’est une organisation d’ensemble avec le ministère de la Culture pour réussir à faire un parcours pour des visiteurs pendant cette période festive autour des œuvres de nos aïeux et, aussi, pour célébrer les artistes contemporains actifs », a, ainsi, conclu Dominique Zinkpè.

Marcel Kpogodo Gangbè