Entrée dans l’intimité
de deux jeunes créateurs
Vue sur deux jeunes espoirs des arts plastiques au Bénin, le 8 avril dernier, à la veille du
vernissage de l’exposition tenant lieu de restitution de la résidence de
création, le ’’Cénacle expérimental’’, mise en place par l’artiste peintre
béninois, Charly d’Almeida, ; ils fusionnent par une force de caractère peu commune :
des ’’sorciers’’, pour leur entourage qui s’habitue très peu à eux …
Ils sont considérés par
leurs proches familiaux comme des ’’sorciers’’, étant donné leur résistance à
se faire envahir par une atmosphère extérieure peu plaisante, peu
épanouissante, une situation de deuil, en l’occurrence ; devant les larmes
ambiantes, ils gardent les yeux secs, ruminant intimement leur douleur,
s’extrayant de l’hypocrisie exigée par les règles de la comédie humaine,
s’économisant tout comportement futile, inutile, incapable de contrer, de conjurer la
fatalité. Devant un tel anticonformisme mal reçu, ils ne sont que des sorciers.
Achille Adonon, en pleine création, le 3 avril dernier ... |
L’un, d’une taille un
peu légèrement au-dessus de la moyenne, malingre, la simplicité d’un regard pétillant de
consistance, il reçoit de bons effluves d’inspiration sous l’effet d’une musique gospel distillée dans ses oreilles par les écouteurs de son téléphone
portable. L’autre, de taille modeste, dreadlockeux, le sourire facile, mais le regard
ferme. Un contraste entre ces deux personnalités, une opposition qui n’est
qu’apparente, quand elles nous donnent l’occasion de les pénétrer. Donc, en
plus de déployer un caractère commun de sorcier, ils sont de la vingt-huitaine
et ont travaillé sur la guerre, au ’’Cénacle expérimental’’.
Le premier déploie ce thème
à son niveau étroitement social, à travers une toile portant justement le titre,
’’Le choix’’, une peinture aussi sombre, aussi mélancolique, que l’état d’âme
quotidien de ce jeune artiste : du gris-cendre, du jaune sombre, du noir …
Et, ces couleurs, confie-t-il, c’est la relation de son enfance difficile, lui
qui est né en Mauritanie, d’un père mécanicien d’avion, qui a choisi de se
faire élever par son oncle maternel, qui a fait ses premiers bancs d’école à
Savè, dans un environnement social où les ressortissants de l’ethnie fon sont
l’objet d’une haine séculaire rappelant les durs moments des guerres de
conquête des rois d’Abomey. Victime collatérale lointaine, il n’arrivait pas à
s’exprimer ou, si cela était possible, cela se passait avec des ressortissants
aboméens, comme lui ; on le
détestait sans qu’il ait fait quelque chose à quelqu’un. C’est ainsi qu’il
présente le ton d’une guerre au Bénin entre les localités : « Les fon
ne s’entendent pas avec les Idaatcha à cause du passé, cela constitue un frein
au développement et est attisé par des parents qui ont mal éduqué leur
progéniture ; ils lui inculquent cette mentalité de la mésentente, ce qui
est un véritable fléau social », éclaircit-il. « J’expose le monde en mouvement, les
vibrations que je ressens au sein de mon environnement », explique-t-il,
comme pour renforcer l’analyse de son premier tableau : selon lui, au
Bénin, la guerre se tient aussi dans les familles, entre des frères qui, par
tous les moyens, se disputent l’héritage paternel.
Toutes ces guerres, il
use d’une démarche très précise pour les révéler : ses matériaux favoris
sont des lacets et des résidus de charbon, ces seconds qui lui rappellent
fortement l’ambiance culinaire de son environnement d’enfance, ce qui montre
une profonde inspiration de cet artiste de son vécu personnel. Pour lui, Charly
d’Almeida est un modèle depuis toujours, un repère à atteindre et à dépasser,
sa manière de lui rendre hommage de l’inspirer constamment et de lui avoir
donné une ouverture à travers le ’’Cénacle expérimental’’.
Dans ses deuxième et
troisième toiles, la liberté, sujet de la résidence de création, trouve une
place d’impératrice. La première, intitulée ’’Horizon’’, livre deux facettes de
la liberté, comme sur une pièce d’argent : la première décline le jour
comme la propre expression de cette liberté où l’être humain peut aller et
venir, travailler, se livrer à ses différentes occupations, ce que permet le
soleil, la lumière qu’il dégage. La seconde restitue tout le contraire à
travers la nuit qui met tout le monde au repos.
Avec le tableau
intitulé ’’Ordonnance’’, il y a l’expression des limites à la liberté.
L’autre …
Pierre Mahoussi Ahodoto |
L’un est Achille
Adonon, l’autre, Pierre Mahoussi Ahodoto.
Marcel Kpogodo