Dans
le cadre de la célébration de la Journée internationale des Droits des femmes
Il
fallait y assister afin d’en sentir l’impact. ’’Xwéssi’’, la déambulation
artistique animée par les membres de la Compagnie ’’Arts ca’danser’’, s’est
déroulée le lundi 8 mars 2021 à Cotonou sur un tronçon de plus de deux
kilomètres. A la cadence de la déclamation d’un griot et de rythmes mixés d’une
musique traditionnelle béninoise très vivante, sept jeunes femmes ont fait
passer, par plusieurs séquences de danse, le message de l’exigence de la
libération sociale de la femme, dans une atmosphère glissante savamment entretenue
entre la joie et la révolte.
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Un aperçu de la performance déambulatoire, ''Xwéssi'' |
« Tu as le droit de maîtriser ta
reproduction », « 73,6% des femmes béninoises sont privées de
liberté », « Tu as le droit à l’égalité salariale »,
« Femme, tu as le droit de voter librement », « Droit à la
formation professionnelle ! », « Prévalence actuelle du taux des
violences faites aux femmes : 69% », « Pesanteurs
socio-culturelles et économiques », « Minoritaires dans l’art »,
« Minoritaires dans les institutions publiques, politiques,
privées », « Droit aux soins de santé », « Droit à
l’éducation ». Une idée du constat alarmant, défavorable et des exigences
liées aux femmes que sept artistes de sexe féminin ont portés au-devant de la
population au cours de la déambulation profondément danseuse intitulée ''Xwéssi'', ''Maîtresse de maison'', en langue nationale fon, qui s’est déroulée
au milieu de la matinée du lundi 8 mars 2021 au quartier de Cadjèhoun à Cotonou
sur le tronçon allant du siège de l’Urban dance center (Udc) au marché de
fruits, la manière que les concernées ont choisie pour célébrer la 25ème
Journée internationale des Droits des femmes (Jif).
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Un des instants de présentation au public de leurs préoccupations par les performeuses |
En
dehors des propos interpellateurs mentionnés sur des pancartes de fortune, que
les danseuses déambulatrices présentaient, de véritables questions à l’allure
de problématiques ont aussi été exhibées : « Manque de
confiance ??? », « Suprématie des hommes ??? », « Contraintes
conjugales ??? », « Stéréotypes ??? », « Analphabétisme ??? »,
« Pourquoi ??? ». En outre, le public a pu lire des groupes
nominaux assez identificateurs du statut des déambulatrices, « Des
femmes », « Des artistes », « Des sœurs », sans perdre
de vue que les écrits suggéraient une véritable revendication :
« Liberté d’expression … ».
La
déambulation évoquée avait commencé quelques minutes après onze heures. Toutes
de noir vêtues et, la taille attachée d’un foulard rouge orné de motifs
géométriques blancs, un foulard si long qu’il avait une allure de pagne, les
sept danseuses contemporaines tiennent en mains des objets symbolisant la
condition sociale qu’elles dénoncent : balai, palette, éventail, panier et
poupée faisant office de bébé.
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Ci-contre, le griot, incarné par Chakirou Salami, présentant des louanges aux femmes |
Elles
qui portent comme identité Sahadatou Ami-Touré, Marie-Rose Djagba, Christie
Dossou, Larissa Dossou-Yovo, Florence Gnarigo, Cybelline de Souza et Carmélita
Siwa se sont positionnées, dans un alignement symétrique apparemment bien
préparé, à la devanture de l’Udc. Un griot de circonstance, joué par le
comédien Chakirou Salami, lance la manifestation en exécutant des paroles, cadencées
par son tambour, le ''dougba'', d’encensement des femmes, appuyant ses propos laudateurs par
un aplatissement au sol, en signe d’allégeance à la gent féminine.
Ainsi,
la performance déambulatoire prend son envol pour une bonne soixantaine de
minutes. Les sept artistes marchent très peu, alternant pas rapides, sauts
coordonnés, mouvements d’ensemble et stationnement aux fins d’une danse bien
rythmée et synchronisée. A la devanture du ’’Festival des Glaces’’ de
Cadjèhoun, le premier arrêt fort.
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Des percussionnistes aussi étaient de la partie |
Les
danseuses prennent tout leur temps, faisant de la démonstration d’exécution de
pas de danses traditionnelles béninoises. Aliou Guésséré et son équipe de trois
percussionnistes sont à l’œuvre, offrant, au choix, à l’aide du tambour ’’gbon’’,
du rythme agbé’’, et même de l’
’’agbé-djembé’’, faisant constater la combinaison entre le’’gbon’’ et le
tambour ’’Djembé’’. La cloche, un autre instrument musical, résonne, ravivant
l’esprit, l’attention du public.
Sur
le visage des artistes se succèdent la joie, l’épanouissement et une sorte de
colère, de rage. Leurs pas intrépides et violents, guerriers en disent long sur
un esprit d’amazone, qui les envahit parfois comme si cette manière artistique
qu’elles manifestaient de célébrer le 8 mars leur permettait de déverser tout un
ressenti intense longtemps gardé enfoui et repoussé à l’expression. C’est ainsi
que le quartier de Cadjèhoun a ressenti l’effervescence et la puissance de la
revendication de meilleures conditions de vie pour la femme.
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Ci-contre, Carmélita Siwa, appuyée par son équipe, au marché de fruits de Cadjèhoun ... |
Deuxième
arrêt fondamental, le marché de fruits, après avoir traversé la passerelle de
la devanture de l’école primaire publique et d’avoir clairement et
ostentatoirement présenté leurs constats, leurs interrogations et leurs
revendications, tous, lisibles sur des feuilles blanches de papier, érigées en pancarte. A leur descente, l’évolution des danseuses s’effectue
rapidement vers le marché de fruits, après de brefs moments d’arrêt afin de
faire savourer par le public leur savoir-faire dans la symbiose et la communion
de pas de danse articulés de manière à frapper les esprits.
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... avec une sensibilisation active auprès des marchandes ... |
Au
niveau du marché, le statut de danseuses se mue en celui de conscientiseuses
citoyennes. Elles prennent gentiment et joyeusement d’assaut les étalages dans
une jovialité si communicative que les marchandes ne peuvent manquer de sourire
à leur arrivée brutale. Elles leur expliquent, en langue maternelle fon, leur
place stratégique dans le développement d’une nation, leur parlent de leurs
droits, leur précisent leurs devoirs et leur rappellent la célébration du 8
mars et le sens de cette journée internationale. Elles appuient leurs dires
enflammés par des performances époustouflantes de danses, ce que leur permet une
devanture opportune du marché, de par son caractère étendu et à ciel ouvert.
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... sans oublier une démonstration impressionnante ... |
Quant
au griot, il continue à jouer son rôle d’éveilleur sur les points de la valeur
multidimensionnelle de la femme, et à manifester ses comportements d’allégeance
à cet être dont la journée de célébration de la journée internationale de ses
droits la fait hisser sur un piédestal si haut qu’il lui procure respect et
considération, sur l’instant.
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... qui a révélé ... |
Conquises
et enthousiasmées face à ce déferlement subit d’artistes danseuses loquaces et
démonstratives de leur art, les marchandes répondent par des bénédictions
qu’elles profèrent sur elles, ce qui les met, à leur tour, en position
d’allégeance, face à leurs aînées. Réceptives et reconnaissantes, elles
gratifient leurs mamans d’un spectacle gratuit de danse à couper le souffle,
plus que jamais, les mouvements s’exécutant dans un ensemble défiant toute
unité et toute synergie. Carmélita Siwa et les siennes ont, par conséquent,
démontré que la danse qu’elle exécutait sortait d’un cadre purement profane pour
se hisser à une dimension artistique que les spectatrices d’un instant ont
hautement valorisée par des applaudissements nourris et convaincus. Apparemment,
le message des performeuses est passé, laissant comprendre aux spectatrices de
marchandes que la femme pouvait se prévaloir d’un pesant meilleur.
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... un véritable savoir-faire |
C’est
donc devant elles, ces femmes productives dans leurs activités de propositions
de fruits de tous les ordres, et devant ces femmes enfermées dans l’exercice
des différentes brimades subies par la gent féminine qu’a pris fin la
performance déambulatoire des danseuses de la Compagnie, ’’Arts ca’danser’’,
sans oublier qu’une dernière note symbolique est intervenue afin d’immortaliser
l’événement pour lequel l’association artistique en est à la première édition
de l’organisation.
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Signature sur le tableau, ''Femme'' |
Ayant pris part, de bout en bout, à la déambulation de
danse, Gilles Atrokpo, artiste peintre, fait apparaître une toile, le fruit de
son inspiration circonstancielle. Intitulée ’’Femme’’, elle véhicule, par, en relief, le
visage d’un enfant, qui frappe, l’émergence d’une
nouvelle génération de personnes plus en phase avec une mentalité plus constructive pour les
conditions de vie de la femme. Tout le monde a alors été invité à y inscrire, au
marquer noir, le mot symbolique que lui inspirait la femme. Et, en peu de temps,
plusieurs personnes se sont manifestées pour se prêter à l’exercice.
De manière remarquable, ''Xwéssi'' a déchaîné la participation, à toutes les étapes de la performance de danses, de figures importantes du secteur des arts et de la culture au Bénin, notamment, celle de Coline-Lee Toumson-Vénite, Directrice de l'Institut français de Cotonou, et de Marion Hamard, Directrice de l'espace culturel, ''Le centre'', sans oublier celle de Prime Ezinsè, Directeur de ''Circo Bénin'', l'école des arts du cirque au Bénin.
Impressions
L’agencement
de la joie et de la révolte, deux sentiments contradictoires ayant marqué la
déambulation de danses dans la mise en œuvre de la performance intitulée ’’Xwéssi’’,
a trouvé sa justification à travers les explications qu’ont bien voulu en
donner quelques artistes performeuses de la Compagnie ’’Arts ca’danser’’.
A
en croire Marie-Rose Djagba, technicienne audiovisuelle et danseuse, la joie
perceptible sur le visage des danseuses, au cours de la performance indiquée,
avait une bonne justification : « Elles manifestaient la fierté d’être
femmes et d’être la réincarnation des amazones ». Quant à la fureur, elle
avait son fondement dans l’absence de reconnaissance de la place des femmes
dans la société. « Elle est présente partout même dans les couvents »,
a-t-elle rappelé. Pour elle, la performance avait un but précis : « Amener
les femmes à reconnaître sans état d’âme ni culpabilisation ce qu’elles sont, c’est-à-dire
des êtres faibles, sensibles, fragiles ».
Pour
Christie Dossou, il fallait lire à travers la joie « le plaisir de
rappeler quelque chose qui ne devrait pas être un combat : la
reconnaissance du respect à l’homme », ce à côté de quoi se greffe une
obligation, « l’exigence de la réciprocité ». Selon elle, ceci n’est
pas un combat mais un rappel. « C’est une façon pour nous de dire : ’’Réveillez-vous !
Réveillez-vous !’’ ». Puis, elle continue : « La femme a
quelque chose que l’homme n’aura jamais, de même que l’homme a quelque chose
que la femme n’aura jamais ; il doit y avoir une complémentarité entre les
deux. Ceci ne signifie pas la volonté de la femme de prendre la place de l’homme
qui est l’autorité de la maison mais la voix de la femme compte »,
a-t-elle conclu.
A
en croire Carmélita Siwa, en dehors du choix du chiffre 7 indiquant le nombre
des performeuses mais aussi celui symbolisant la femme, la joie vient de la
fierté d’avoir mené cette action de la déambulation de danses afin de « briser
les chaînes des charges conjugales, sociales et des pesanteurs de toutes sortes »,
autant de facteurs justifiant qu’elles apparaissaient enragées, furieuses,
révoltées. Pour elle, la performance indiquée constitue « un grand pas ».
Marcel
Kpogodo Gangbè