jeudi 11 janvier 2018

Guy-Ernest Kaho s’investit dans le théâtre domestique

Face à la définition d’une nouvelle démarche artistique


Comédien et acteur béninois reconnu, conteur, déclamateur, poète, Guy-Ernest Kaho a pratiqué plusieurs scènes, de celles ouvertes à d’autres, fermées, et ne manque pas d’explorer de nouveaux univers de jeu de rôles, parmi les moins imaginables. Depuis peu, il exerce dans une forme inhabituelle de théâtre, celle qui s’effectue à domicile, ce qu’il a fallu découvrir, en décembre 2017, dans un foyer de Cotonou, à travers une pièce écrite par Emmanuel Darley.

Le personnage, dans son jeu d'attrape-souvenirs et ...
Un homme frappe à une porte, entre et agit spontanément dans une maison dont l’intérieur remarquable est une salle de séjour, où sont réunis, quelque peu serrés, les membres de la famille et des amis qu’ils reçoivent, comme à dîner. Le contexte bien planté du théâtre à domicile, qu’a pratiqué, dans la soirée du 15 décembre 2017, à Cotonou, le comédien béninois, Guy-Ernest Kaho, à travers la pièce, ’’Qui va là ?’’ d’Emmanuel Darley, dans une mise en scène de Jean-Michel Coulon.
Sans gêne aucune, cet homme, qui semble un inconnu, arrive dans la demeure, y dépose son sac de vagabond de même que ses chaussures, y déambule librement, en brise complètement les normes d’intimité, y prend ses aises, une douche, un repas, bien attablé qu’il est, se fraie un espace dans une banquette occupée, cause, raconte comment la demeure qu’il a intégrée était sienne. 


... dans son lit de l'époque, se souvenant de sa mère (Photo de Guy-Ernest Kaho) ...
Dans ses différents mouvements, dans ses va-et-vient, interminables, de l’intérieur vers le salon, dans ses actes de liberté, tels que la musique qu’il met à fond en se douchant et qu’il fredonne, les soupirs décontractés quand il est aux besoins, il évoque la proximité avec sa mère, dans cette maison, une vingtaine d’années auparavant. A la grande surprise du public circonstanciel, il va jusqu’à s’affaler douillettement dans le confortable lit de l’une des chambres à coucher, à l’étage, la sienne, dans un certain passé, y identifie, à une place précise, un trou qui a été comblé, avec le temps. 


... et une situation réussie d'incursion domestique (Photo de Guy-Ernest Kaho)
C’est une véritable odyssée, dans une maison d’autrui, qui se termine dans des conditions assez embrouillées puisqu’en quittant les lieux, le personnage ne se souvient plus y avoir habité.

A table, manifestant un grand appétit, comme chez lui
Le monologue, mené de bouche et d’esprit d’expert, par Guy-Ernest Kaho, a rendu perceptible la capacité d’adaptation du comédien à un système complètement nouveau pour lui et, sa force réside dans sa capacité à incarner un personnage multi-actant, supportant simultanément les charges de destinateur, de destinataire, d’adjuvant et d’opposant de l’action de reconnexion avec un passé particulièrement évocateur. En effet, le personnage lui-même est à l’origine de l’action de recherche de réminiscence, et il est celui qui l’exécute, d’où sa posture se renforce de l’actant du sujet.
En outre, destinataire, le même personnage est celui qui profite de l’action du sujet, vu le bien-être et l’épanouissement qui se lisent dans sa voix égayée, dans ses rires, dans son agilité débordante à se mouvoir aisément dans une maison qui, entre temps, lui était devenue étrangère ; il s’est défoulé de ses rancœurs, de ses frustrations.  Par ailleurs, ce personnage est son propre adjuvant, étant que c’est lui-même qui a mis en œuvre le processus de prise en contact avec les souvenirs épanouissants de la vie avec sa mère ; il a concrètement agi pour donner corps à sa volonté. De même, il est son propre opposant, sinon, comprendre qu’au dénouement, il se comporte comme s’il n’était plus sûr d’avoir vécu dans la maison concernée ?

Le personnage, en fin d'odyssée domestique (Photo de Guy-Ernest Kaho)
Dans ce contexte de charge et de surcharge d’actants, Guy-Ernest Kaho n’avait pas d’autre choix que de se sentir débordé, d’où, physiquement, la transpiration qui ne pouvait qu’aller de soi. Et, le naturel de ses pas, de ses gestes, de ses intonations, de ses ricanements font de lui un professionnel confirmé, indétrônable du jeu sur scène. En effet, comme « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », il a réussi son jeu après s’y être donné à fond et, « le coup d’essai a été un coup de maître ».


Marcel Kpogodo  

Le ’’Guèlèdè’’, source d’inculturation de Sébastien Boko

Dans le cadre de la nouvelle démarche de l’artiste


Le jeune sculpteur béninois sur bois, Sébastien Boko, connaît une nouvelle orientation de son approche à son matériau favori. C’est une métamorphose dont il a fallu se rendre compte lors de sa dernière exposition au ’’Centre’’ de Godomey, dans le contexte de la deuxième édition des ’’Echos de Lobozounkpa’’, du début du mois de décembre 2017. Les quatre pièces qu’il y a présentées adoptent un profil familier aux connaisseurs des masques ’’Guèlèdè’’ auxquels il affirme être retourné, comme à ses sources.

Sébastien Boko, en compagnie de ses Amazones du ''Centre''
« Je veux avoir un pied dans ma culture ; ma base, c’est l’Afrique ». Les propos dévoilant la conviction intime et forte qui régule désormais l’inspiration créatrice de Sébastien Boko, lui dont l’essentiel de la gestion du temps professionnel consiste à modeler le bois, à lui donner forme humaine et vie, sous le prisme d’un thème, d’un message, d’une conception de la vie, une conviction et une réflexion qu’il a manifestées, quelques jours seulement après le vernissage, le 8 décembre 2017, de l’exposition dénommée ’’Amazones’’, au Centre de Godomey, elle qui a été organisée dans le cadre d’une manifestation culturelle de trois jours, propre à cet espace culturel : ’’Les Echos de Lobozounkpa’’. L’exposition indiquée s’achève le 27 janvier 2018.
Ainsi, les quatre pièces que présente l’artiste-sculpteur à l’appréciation du public sont des personnages debout, moulés dans un vêtement qui leur prend tout le corps. Un choix créatif que Sébastien Boko explique par la volonté qui l’anime de partager avec les visiteurs la réalité intrinsèque du masque ’’Guèlèdè’’ qui est désormais sa source d’inspiration : « Le ’’Guèlèdè’’, ce ne sont pas juste des masques en haut ni des danses qui existent en haut, c’est aussi et, surtout, un accoutrement entier, c’est un ensemble, c’est, du haut en bas, le pagne qui déforme la silhouette, de la tête aux pieds, avec des clochettes ». 
Les ''Amazones'' de Sébastien Boko
« Le ’’Guèlèdè’’ symbolise la danse de l’homme pour magnifier la femme ; il s’agit des femmes qui travaillent, qui ont un métier pour se nourrir, les cantinières, les cadres, les politiciennes, … », a-t-il poursuivi avant de conclure, en se rattachant au thème de l’exposition collective ayant vu rigoureusement sélectionner une dizaine d’artistes plasticiens béninois, de la nouvelle génération : « Pour moi, ce sont elles, les amazones ; il fallait que je rende hommage à ces femmes qui se battent à leur manière ». 
En réalité, le sommet de chacune des quatre sculptures représente des outils symboliques orientant vers le métier de ces amazones de l'époque contemporaine.
Puis, les lèvres de l’artiste arborent quelques salutaires conseils à l’endroit de la gent féminine laborieuse : « Même si les hommes font les femmes, ils ne peuvent jamais les réaliser, elles doivent être déterminées ; le travail seul peut les rendre indépendantes et, je ne veux pas d’une indépendance qui devienne un handicap à leur épanouissement ». 
Se rapportant à son adoption du culte ’’Guèlèdè’’ qui, désormais, fonde, renouvelle et enrichit sa démarche de travail, Sébastien Boko montre sa préoccupation de rendre remarquable toute la chaîne des métiers humains intervenant dans la réalisation de ce masque : « Il m’est important de montrer, d’attirer l’attention sur les tous types d’acteurs qui interviennent sur le Guèlèdè’’, à divers niveaux ». Ceci n’empêche qu’il exprime que la pratique du culte lié à ce masque relève d’un patrimoine domestique : « Le ’’Guèlèdè’’, c’est chez moi que ça se fait ; je suis issu d’une famille qui le pratique depuis des générations, par les joueurs et les danseurs qui l’animent, à Naogon, en région Agonlin ».

L'usine de Sébastien Boko
Du retour à ses sources ancestrales, Sébastien Boko aboutit à une totale et réelle vocation artistique débouchant sur la conception industrielle de la sculpture ’’Guèlèdè’’. A son atelier de travail, qu’il a bien voulu exceptionnellement dévoiler, une multitude de personnages viennent à la vie, façonnés dans un thème plus que précis : ’’Voiles féminins et masculins’’.


Marcel Kpogodo