Dans
le cadre du projet d’ouverture des portes de leurs ateliers
De
plus en plus, les artistes plasticiens ouvrent au public leur atelier de
travail, leur espace de création, considéré comme mythique. Ainsi, les 7 et 8
novembre 2020, au quartier de Fidjrossè, à Cotonou, une opération de découverte
de ce genre de site s’est opérée, embarquant dans un processus d’expression
d’une qualité essentielle, la générosité, de la part d’Eric Médéda, de Marius
Dansou et de François Aziangué …
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Marius Dansou, dans ses explications ...
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Un
véritable sens de professionnalisme. La tendance commune qui s’est dégagée de
l’ouverture de leurs ateliers respectifs au public par les artistes plasticiens
Eric Médéda, Marius Dansou et François Aziangué, les samedi 7 et dimanche 8
novembre 2020, tous, dans le quartier de Fidjrossè à Cotonou, de 10 à 18 heures.
D’abord,
le samedi 7 novembre 2020, dans les environs de dix heures du matin, en venant
du quartier de Houéyiho de Cotonou comme pour se rendre à un point reconnu de
Fidjrossè : le ’’Calvaire’’. A l’entrée de la dernière rue à gauche avant
cette étape, le prolongement de la première maison à droite s’ouvre sur un
portail ordinaire qui, lorsqu’on l’ouvre, débouche sur une grande cour limitée
par un mur, de part et d’autre, illuminé de tableaux d’art. Le temps de la
contemplation des œuvres, Eric Médéda, armé de sa longue barbe soignée, fait
son apparition, un grand rire accueillant à la bouche, orientant vers les trois
compartiments successifs des ’’Ateliers Médéda’’, à commencer par la grande
cour indiquée, une sorte de séjour qui fait office d’une salle d’exposition
dans laquelle des toiles font clignoter leurs messages et attirent, frappent
l’œil : des fonds noirs pour des tableaux blancs et des fonds blancs pour
des toiles blanches. La substance du système ’’Médéda’’.
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Eric Médéda
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Selon
l’artiste, l’espace concerné est capable d’abriter des causeries, des
résidences de création et toutes les sortes d’activités dont les artistes et,
notamment, les acteurs culturels sont à l’origine de l’initiative. Et, le cadre
aménagé par Eric Médéda comporte une petite zone sableuse qui intrigue. « A
certains moments, j’éprouve la nécessité d’être en contact avec la terre quand
je travaille », s’en justifie le performeur qui, dans une allure qui
rendent intraçables les influences de l’artiste, lui permettant de créer, a
profité de l’opportunité de l’ouverture de son atelier au public pour donner
des précisions sur sa démarche de travail.
A
l’en croire, cette démarche se focalise sur l’humain et, dans le cas d’espèce,
le confinement lié à la lutte contre la propagation du coronavirus lui a
inspiré le fond noir des tableaux présentés au public au cours de la visite, ce
fond noir dont il justifie la motivation. « Je décris les hommes face à
eux-mêmes », explique-t-il, tout en précisant : « Le confinement
total s’est présenté comme une occasion pour les artistes de révéler le nouveau
monde ».
Quant
au fond blanc, il se trouve assigner une fonction toute différente :
« Il symbolise la conscience de l’humain face à la pandémie ; il
s’agit pour moi de manifester ce qui n’est pas clarifié, l’inconscient face à
cette pandémie. Pour moi, le fond blanc indique le neutre ». Cette
clarification faite, le jaune, une autre couleur forte de ses toiles, se
justifie aisément : « Puisque les vies dépendent les unes des autres,
j’indique par ce choix de couleur cette dépendance que les êtres humains
entretiennent les uns par rapport aux autres ». Dans de telles conditions,
l’artiste valorise toute initiative prenant ses marques dans la mondialisation
plutôt que dans l’individualisme. « Il faut une véritable complémentarité
pour vaincre le coronavirus, le mal que nous avons en face ». Pour lui,
cet objectif lui est inspiré de celui qui est lié au développement mondial, ce
qui ne le fait pas dormir sur ses lauriers, ordonnant un questionnement :
« Que ferons-nous après la pandémie ? Quel positif pouvons-nous en
tirer pour améliorer notre vécu de tous les jours ? ».
En
outre, les visiteurs désireux de satisfaire leur curiosité de l’identité de
l’espace culturel qu’il est désormais convenu d’appeler ’’Les Ateliers
Médéda’’, ont se repaître de toiles de l’artiste produites en 2017 et en 2018,
notamment, elles qui ont été exposées dans un environnement particulièrement
aménagé, propre et spacieux. « Cet espace favorise la liberté de circuler
autour de l’œuvre », en commente l’un de ces visiteurs, prestigieux
et reconnu, célèbre, fin connaisseur des réalités techniques d’une exposition,
Ludovic Fadaïro, qui n’a pas manqué de proposer sa lecture du fond noir qu’a
adopté Eric Médéda pour certains de ses tableaux : « La lumière se
trouve dans le noir ; il faut la percer pour sortir de l’ignorance ».
Désormais,
les ’’Ateliers Médéda’’ existent et il ne reste que les initiatives d’animation
de la part d’Eric Médéda de même que les demandes d’exploitation des lieux par
ses collègues pour donner vie, fonctionnement, animation et rayonnement à ces
’’Ateliers’’.
Univers
diamétralement différent. Un changement de décor. De Fidjrossè ’’Calvaire’’ à
Fidjrossè Akogbato, dans les environs de la ’’Nouvelle pharmacie Akogbato’’,
non loin aussi du terrain de sport, clôturé de la zone.
« On
est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Le propos
percutant, irrésistible d’origine sud-africaine, le proverbe identificatif qui
accroche par la droite dès l’entrée dans l’atelier bien que ce soit la gauche
qui, par sa présentation extérieure, fait savoir qu’il s’agit d’un atelier. Dans
le milieu de la matinée ensoleillée du samedi 8 novembre 2020, il accueille,
accueille, accueille …
Marius
Dansou, la générosité artistique incommensurable
Partout,
cela respire le travail de l’art qui l’identifie, qu’il exerce, celui sur le
fer, ce qui fait qu’à gauche, avec l’entrée principale, tout le long, le
visiteur se trouve comme chez un forgeron ou chez un mécanicien ou chez un
menuisier ou chez 1es trois à la fois. L’espace est couvert et bien ordonné, des
outils de travail s’alignent, répartis dans des cadres au mur, selon leur
catégorie. Un établi impose sa longueur, Alors, l’atelier s’allonge jusqu’à un mur
de fin.
Au
niveau du compartiment droit, la pensée évoquée précédemment trône : « On
est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Un couloir longe la
maison et mène à l’arrière où se trouvent des œuvres achevées. Découvert et
visite comme à une exposition !
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Marius Dansou, dans le décryptage de son inspiration sur les cranes
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Et,
l’exploration se poursuit. Entrée dans une salle de séjour. Le décor ordinaire
propre à un tel endroit mais la profession artistique du propriétaire des lieux
fait la différence : une toile de petite dimension orne le haut d’un mur
de fin d’angle. Il y est représenté un crâne de celui, explique Marius Dansou,
d’un président africain crucifiant les populations de son pays par une certaine
longévité au pouvoir, qui est improductive de développement. Comme s’il s’agit
d’un autel, la toile se prolonge vers le
bas du mur avec une installation scripturale indicative : « Naissance
– Existence – Prolongation ». Un « work in progress », à en
croire l’artiste sculpteur sur fer exerçant parallèlement comme performeur
vidéaste. L’annonce de la troisième saison de l’exposition de Marius Dansou sur
les chefs d’Etat africains. Le mur longeant le couloir menant aux chambres
laisse voir quatre autres toiles du même genre.
Et, à l’intérieur de la pièce à
laquelle donne accès une porte à gauche s’exprime tout un dispositif
audiovisuel de dénonciation de la longévité délétère des présidents africains
au pouvoir. La patience devient alors une qualité essentielle aux fins de toute
lecture efficace : il s’agit de suivre la calcination progressive du crane
jusqu’à ce qu’il devienne cendre. D’un autre côté, selon une autre image, un
crane de glace fond goutte à goutte. Les deux processus sont l’expression de la
vanité humaine essentielle qui devrait amener l’être humain de chef d’Etat
africain à prendre conscience de ses limites physiques que le temps lui-même a
prévues.
Par
ailleurs, au plafond, du couloir au séjour, de petites photos d’identité sont
collées, dans une présentation de la performance, ’’Identité’’. Elles sont
celles, selon l’artiste, de ses relations depuis un certain nombre d’années.
Finalement,
l’art accapare Marius Dansou, son corps, son esprit, son âme, son espace, son
plafond, son habitat, ce que son atelier ouvert a permis de découvrir, un atelier
qui se démultiplie dans un espace extérieur ouvert, dans son séjour, dans ses
compartiments intérieurs, dans toute son intimité, d’où une générosité sans
limites face à l’art : des traces de grands qu’il suit inexorablement.
Cet
état d’esprit s’exprime différemment ailleurs selon un tout autre type de
personnalité, toujours au quartier d’Akogbato, mais à sa sortie, à l’ouest de
Cotonou, à Fidjrossè Kpota …
François
Aziangué
Des
sculptures effilées et scintillantes de femmes meublent ce nouvel univers d’atelier,
qui appartient à ce soudeur à la base, qui se construit en un sculpteur sur
fer, une pratique qu’il fonde sur la récupération de voitures abandonnées, des
réservoirs de véhicules et de vieilles bassines, celles d’un certaine époque !
Contrairement à Eric Médéda dont l’espace de conception de l’atelier se définit
peu, chez François Aziangué, il est nettement séparé d’un autre compartiment
qui lui sert à exposer le résultat de sa pratique du feu, un show-room mais non
ouvert sur l’extérieur. Oui, il peint avec le feu ! Ceci explique le
scintillement de ses pièces dont l’éclat se répand sur plusieurs parties de chaque
œuvre.
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François Aziangué
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François
Aziangué s’est organisé de façon à rendre excitante chacune des deux parties de son
espace de travail. A part le petit bar sympathique qu’il a aménagé dans sa
mini-galerie afin d’accueillir et d’honorer ses visiteurs, il détient, à l’atelier, un matériel qui défie toute efficacité dans le modèlement des objets devant
entrer dans la fabrication de ses sculptures : un moule multi-service et
même multi-forme !
De
la force qu’il constitue pour la salubrité de l’environnement qu’il débarrasse
de sa ferraille de véhicules hors de service, François Aziangué se révèle d’une
simplicité, d’une humilité, d’une lisibilité, d’une efficacité technique, à l’image
de son atelier qui prend les marques de sa personnalité. Une vraie chaleur de
travail et d’humanité y invite à la visite.
Marcel
Kpogodo Gangbè