vendredi 4 décembre 2020

Le ’’Lab’Africa’’ restitue ses expérimentations à l’Institut français de Cotonou

Dans le cadre du ’’Novembre numérique’’ 2020

L’édition 2020 du ’’Novembre numérique’’ donne lieu à un concert d’un genre particulier, le résultat du fonctionnement d’un laboratoire musical à trois dimensions, ce qu’a annoncé, entre autres, Coline-Lee Toumson-Vénite, Directrice déléguée de l’Institut français du Bénin, au cours d’un échange avec des journalistes culturels le mardi 1er décembre 2020.

De gauche à droite, Gérald Brun et Coline-Lee Toumson-Vénite, au cours de la conférence de presse

Un concert live en son et en image animé par un nombre impressionnant d’artistes de qualité. Le spectacle inédit qui s’annonce pour la soirée du vendredi 4 décembre 2020 au Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou et dont l’information de la mise en œuvre fonde la conférence de presse qu’ont tenue, dans la matinée du mardi 1er décembre 2020, Coline-Lee Toumson-Vénite, Directrice déléguée de l’Institut français du Bénin, et Gérald Brun, Attaché de Coopération scientifique et universitaire à l’Ambassade de la France près le Bénin.


D’abord, la première conférencière a montré, de par son intervention, que le concert indiqué se déroule dans le cadre du ’’Novembre numérique’’, organisé pour le compte de l’année en cours, qui présente la particularité de se dérouler depuis le 25 novembre avec la mise en place d’un laboratoire de musique, le ’’Music lab’Africa’’ qu’elle identifie comme une « plateforme créative d’artistes » combinant des « sensibilités artistiques » et plusieurs « esthétiques ».


Ces artistes appelés à faire valoir leurs connaissances respectives au sein du ’’Lab’Africa’’ sont les percussionnistes Jah Baba et Bona Didolanvi, les chanteuses du groupe Tériba, Jimmy Belah, le guitariste du Benin international musical (Bim) et, du côté des Caraïbes, Philo qui fait parler les « voix du tambour », sans oublier les Français Jérôme Ettinger, Dj et manipulant la musique assistée par ordinateur, et Axel Vanlerberghe, Vidéaste et photographe, entre autres.


Ainsi, le concert de la soirée du vendredi 4 décembre est la restitution des séances d’échanges, que ces artistes ont réalisées au sein de la résidence de création dénommée le ’’Lab’Africa’’ qu’a abrité, depuis le 25 novembre, l’espace culturel de l’ ’’Africa sound city’’. Pour la Directrice déléguée, cette expérience permet la mise en commun des arts dans les dimensions du numérique, de la musique et de la culture.


Ensuite, selon Gérald Brun, Attaché de Coopération scientifique et universitaire à l’Ambassade de la France près le Bénin, le ’’Novembre numérique’’ promeut les cultures numériques, sans oublier que l’expérience qui s’est manifestée au sein du ’’Lab’Africa’’ combine les dimensions telles que la culture, la musique et le numérique, de même que le laboratoire concerné se trouve patronné par l’Union européenne à travers l’Eu national institute of Culture (Eunic), en collaboration avec plusieurs institutions culturelles dont l’Institut national des Métiers d’art, d’archéologie et de la culture (Inmaac) de l’Université d’Abomey-Calavi, et aussi plusieurs pays tels que le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie et le Togo, ce qui suppose la « création des modèles de coopération culturelle entre le Bénin et d’autres pays du monde ».


En réalité, le spectacle du vendredi 4 décembre 2020 ne constitue pas la seule occasion pour vivre la fusion des pratiques artistiques d’horizons divers. La soirée du samedi 5 décembre permettra aussi d’assister à un concert que donnera le groupe dénommé le ’’Medecine man orchestra’’, toujours au Théâtre de Verdure de l’Institut français de Cotonou, ce qui constitue une opportunité pour savourer la communication musicale entre les tambours d’Afrique, grâce aux griots afférant, et ceux de la Caraïbe, a conclu Coline-Lee Toumson-Vénite.


Marcel Kpogodo Gangbè   

samedi 28 novembre 2020

Opération réussie pour Eric Médéda, Marius Dansou et François Aziangué

Dans le cadre du projet d’ouverture des portes de leurs ateliers


De plus en plus, les artistes plasticiens ouvrent au public leur atelier de travail, leur espace de création, considéré comme mythique. Ainsi, les 7 et 8 novembre 2020, au quartier de Fidjrossè, à Cotonou, une opération de découverte de ce genre de site s’est opérée, embarquant dans un processus d’expression d’une qualité essentielle, la générosité, de la part d’Eric Médéda, de Marius Dansou et de François Aziangué …


Marius Dansou, dans ses explications ...    


Un véritable sens de professionnalisme. La tendance commune qui s’est dégagée de l’ouverture de leurs ateliers respectifs au public par les artistes plasticiens Eric Médéda, Marius Dansou et François Aziangué, les samedi 7 et dimanche 8 novembre 2020, tous, dans le quartier de Fidjrossè à Cotonou, de  10 à 18 heures.


D’abord, le samedi 7 novembre 2020, dans les environs de dix heures du matin, en venant du quartier de Houéyiho de Cotonou comme pour se rendre à un point reconnu de Fidjrossè : le ’’Calvaire’’. A l’entrée de la dernière rue à gauche avant cette étape, le prolongement de la première maison à droite s’ouvre sur un portail ordinaire qui, lorsqu’on l’ouvre, débouche sur une grande cour limitée par un mur, de part et d’autre, illuminé de tableaux d’art. Le temps de la contemplation des œuvres, Eric Médéda, armé de sa longue barbe soignée, fait son apparition, un grand rire accueillant à la bouche, orientant vers les trois compartiments successifs des ’’Ateliers Médéda’’, à commencer par la grande cour indiquée, une sorte de séjour qui fait office d’une salle d’exposition dans laquelle des toiles font clignoter leurs messages et attirent, frappent l’œil : des fonds noirs pour des tableaux blancs et des fonds blancs pour des toiles blanches. La substance du système ’’Médéda’’.

Eric Médéda

Selon l’artiste, l’espace concerné est capable d’abriter des causeries, des résidences de création et toutes les sortes d’activités dont les artistes et, notamment, les acteurs culturels sont à l’origine de l’initiative. Et, le cadre aménagé par Eric Médéda comporte une petite zone sableuse qui intrigue. « A certains moments, j’éprouve la nécessité d’être en contact avec la terre quand je travaille », s’en justifie le performeur qui, dans une allure qui rendent intraçables les influences de l’artiste, lui permettant de créer, a profité de l’opportunité de l’ouverture de son atelier au public pour donner des précisions sur sa démarche de travail.


A l’en croire, cette démarche se focalise sur l’humain et, dans le cas d’espèce, le confinement lié à la lutte contre la propagation du coronavirus lui a inspiré le fond noir des tableaux présentés au public au cours de la visite, ce fond noir dont il justifie la motivation. « Je décris les hommes face à eux-mêmes », explique-t-il, tout en précisant : « Le confinement total s’est présenté comme une occasion pour les artistes de révéler le nouveau monde ».


Quant au fond blanc, il se trouve assigner une fonction toute différente : « Il symbolise la conscience de l’humain face à la pandémie ; il s’agit pour moi de manifester ce qui n’est pas clarifié, l’inconscient face à cette pandémie. Pour moi, le fond blanc indique le neutre ». Cette clarification faite, le jaune, une autre couleur forte de ses toiles, se justifie aisément : « Puisque les vies dépendent les unes des autres, j’indique par ce choix de couleur cette dépendance que les êtres humains entretiennent les uns par rapport aux autres ». Dans de telles conditions, l’artiste valorise toute initiative prenant ses marques dans la mondialisation plutôt que dans l’individualisme. « Il faut une véritable complémentarité pour vaincre le coronavirus, le mal que nous avons en face ». Pour lui, cet objectif lui est inspiré de celui qui est lié au développement mondial, ce qui ne le fait pas dormir sur ses lauriers, ordonnant un questionnement : « Que ferons-nous après la pandémie ? Quel positif pouvons-nous en tirer pour améliorer notre vécu de tous les jours ? ».


En outre, les visiteurs désireux de satisfaire leur curiosité de l’identité de l’espace culturel qu’il est désormais convenu d’appeler ’’Les Ateliers Médéda’’, ont se repaître de toiles de l’artiste produites en 2017 et en 2018, notamment, elles qui ont été exposées dans un environnement particulièrement aménagé, propre et spacieux. « Cet espace favorise la liberté de circuler autour de l’œuvre », en commente l’un de ces visiteurs, prestigieux et reconnu, célèbre, fin connaisseur des réalités techniques d’une exposition, Ludovic Fadaïro, qui n’a pas manqué de proposer sa lecture du fond noir qu’a adopté Eric Médéda pour certains de ses tableaux : « La lumière se trouve dans le noir ; il faut la percer pour sortir de l’ignorance ».


Désormais, les ’’Ateliers Médéda’’ existent et il ne reste que les initiatives d’animation de la part d’Eric Médéda de même que les demandes d’exploitation des lieux par ses collègues pour donner vie, fonctionnement, animation et rayonnement à ces ’’Ateliers’’.


Univers diamétralement différent. Un changement de décor. De Fidjrossè ’’Calvaire’’ à Fidjrossè Akogbato, dans les environs de la ’’Nouvelle pharmacie Akogbato’’, non loin aussi du terrain de sport, clôturé de la zone.


« On est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Le propos percutant, irrésistible d’origine sud-africaine, le proverbe identificatif qui accroche par la droite dès l’entrée dans l’atelier bien que ce soit la gauche qui, par sa présentation extérieure, fait savoir qu’il s’agit d’un atelier. Dans le milieu de la matinée ensoleillée du samedi 8 novembre 2020, il accueille, accueille, accueille …


 

Marius Dansou, la générosité artistique incommensurable


Partout, cela respire le travail de l’art qui l’identifie, qu’il exerce, celui sur le fer, ce qui fait qu’à gauche, avec l’entrée principale, tout le long, le visiteur se trouve comme chez un forgeron ou chez un mécanicien ou chez un menuisier ou chez 1es trois à la fois. L’espace est couvert et bien ordonné, des outils de travail s’alignent, répartis dans des cadres au mur, selon leur catégorie. Un établi impose sa longueur, Alors, l’atelier s’allonge jusqu’à un mur de fin.


Au niveau du compartiment droit, la pensée évoquée précédemment trône : « On est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Un couloir longe la maison et mène à l’arrière où se trouvent des œuvres achevées. Découvert et visite comme à une exposition !

Marius Dansou, dans le décryptage de son inspiration sur les cranes 

Et, l’exploration se poursuit. Entrée dans une salle de séjour. Le décor ordinaire propre à un tel endroit mais la profession artistique du propriétaire des lieux fait la différence : une toile de petite dimension orne le haut d’un mur de fin d’angle. Il y est représenté un crâne de celui, explique Marius Dansou, d’un président africain crucifiant les populations de son pays par une certaine longévité au pouvoir, qui est improductive de développement. Comme s’il s’agit d’un  autel, la toile se prolonge vers le bas du mur avec une installation scripturale indicative : « Naissance – Existence – Prolongation ». Un « work in progress », à en croire l’artiste sculpteur sur fer exerçant parallèlement comme performeur vidéaste. L’annonce de la troisième saison de l’exposition de Marius Dansou sur les chefs d’Etat africains. Le mur longeant le couloir menant aux chambres laisse voir quatre autres toiles du même genre. 


Et, à l’intérieur de la pièce à laquelle donne accès une porte à gauche s’exprime tout un dispositif audiovisuel de dénonciation de la longévité délétère des présidents africains au pouvoir. La patience devient alors une qualité essentielle aux fins de toute lecture efficace : il s’agit de suivre la calcination progressive du crane jusqu’à ce qu’il devienne cendre. D’un autre côté, selon une autre image, un crane de glace fond goutte à goutte. Les deux processus sont l’expression de la vanité humaine essentielle qui devrait amener l’être humain de chef d’Etat africain à prendre conscience de ses limites physiques que le temps lui-même a prévues.


Par ailleurs, au plafond, du couloir au séjour, de petites photos d’identité sont collées, dans une présentation de la performance, ’’Identité’’. Elles sont celles, selon l’artiste, de ses relations depuis un certain nombre d’années.


Finalement, l’art accapare Marius Dansou, son corps, son esprit, son âme, son espace, son plafond, son habitat, ce que son atelier ouvert a permis de découvrir, un atelier qui se démultiplie dans un espace extérieur ouvert, dans son séjour, dans ses compartiments intérieurs, dans toute son intimité, d’où une générosité sans limites face à l’art : des traces de grands qu’il suit inexorablement.


Cet état d’esprit s’exprime différemment ailleurs selon un tout autre type de personnalité, toujours au quartier d’Akogbato, mais à sa sortie, à l’ouest de Cotonou, à Fidjrossè Kpota …


 

François Aziangué


Des sculptures effilées et scintillantes de femmes meublent ce nouvel univers d’atelier, qui appartient à ce soudeur à la base, qui se construit en un sculpteur sur fer, une pratique qu’il fonde sur la récupération de voitures abandonnées, des réservoirs de véhicules et de vieilles bassines, celles d’un certaine époque ! Contrairement à Eric Médéda dont l’espace de conception de l’atelier se définit peu, chez François Aziangué, il est nettement séparé d’un autre compartiment qui lui sert à exposer le résultat de sa pratique du feu, un show-room mais non ouvert sur l’extérieur. Oui, il peint avec le feu ! Ceci explique le scintillement de ses pièces dont l’éclat se répand sur plusieurs parties de chaque œuvre.

François Aziangué

François Aziangué s’est organisé de façon à rendre excitante chacune des deux parties de son espace de travail. A part le petit bar sympathique qu’il a aménagé dans sa mini-galerie afin d’accueillir et d’honorer ses visiteurs, il détient, à l’atelier, un matériel qui défie toute efficacité dans le modèlement des objets devant entrer dans la fabrication de ses sculptures : un moule multi-service et même multi-forme !  


De la force qu’il constitue pour la salubrité de l’environnement qu’il débarrasse de sa ferraille de véhicules hors de service, François Aziangué se révèle d’une simplicité, d’une humilité, d’une lisibilité, d’une efficacité technique, à l’image de son atelier qui prend les marques de sa personnalité. Une vraie chaleur de travail et d’humanité y invite à la visite.

Marcel Kpogodo Gangbè  

dimanche 22 novembre 2020

Bardol Migan, une mise en scène à sensations

Dans le cadre de la lecture-spectacle de la pièce, ’’Démocratie chez les grenouilles’’


’’Démocratie chez les grenouilles’’ est la pièce qui a fait l’objet d’une lecture-spectacle le samedi 21 novembre 2020 au Centre culturel ’’Artisttik Africa’’ du quartier d’Agla Kangloè, à Cotonou. Dans sa mise en scène de l’ouvrage du dramaturge béninois de la nouvelle génération, Jérôme Tossavi, Bardol Migan a comme développé l’objectif de frapper le public.


De gauche à droite, grenouille mère et grenouille père, circonscrits dans leur mare

Trois temps rendus forts. Le résultat de la mise en scène qu’a effectuée Bardol Migan de la pièce de Jérôme Tossavi, ’’Démocratie chez les grenouilles’’, lors de la lecture-spectacle de l’ouvrage dans la soirée du samedi 21 novembre 2020 au Centre culturel ’’Artisttik Africa’’, à Cotonou.


Il a fallu au public d’en vivre la tension permanente à partir d’une scène mobile, instable, lui qui a concédé de vivre la pièce, dans son début et dans son dénouement, à l’extérieur de l’espace réservé à la représentation, et de suivre la force de son rythme dans la salle proprement dite de représentation de l’espace culturel concerné.


Elle était pourvue d’un décor pratique en deux étapes, l’estrade supérieure comprenant les pupitres de lecteurs et une corde d’accrochage de blouses de travail pour chercheurs, puis l’estrade inférieure présentant un logis aquatique rectangulaire, pour une histoire d’un fantastique comique : une mare assiégée se voit défendre par grenouille père et par grenouille mère poussés et réduits dans leurs derniers retranchements par des assaillants ayant précédé des chercheurs déterminés à circonscrire un virus dangereux transmettant une maladie de danse irréversible dont se trouve, contre toute attente, frappé le roi de la contrée, Barka qui en sort, tout prestige et toute dignité enfouis, obsédé d’en découdre sexuellement avec grenouille mère.


Finalement, le fameux virus au nom codé est identifié sans manquer de produire ses effets désastreux de danse sur le principal chercheur et son assistante, les cyclones, incarnés respectivement par Serge Dahoui et Perside Tanséla ; ils s’embarquent dans une démonstration où ils en arrivent à se dénuder sur scène jusqu’au niveau préoccupant et excitant de l’avant-sous-vêtement fatal. Une audace démontrant que Bardol Migan n’avait rien voulu faire à moitié.


La contamination des chercheurs-cyclones par le virus de la danse sonne comme la déconfiture d’un système extérieur obsédé de la domination des plus faibles dont les territoires de vie sont convoités à des fins politiques par les militaires. Il s’agit d’une déconfiture qui se positionne en un adjuvant de la résistance tenace, le sujet de la pièce, dont grenouille père et grenouille sont l’objet. Ces deux personnages, Fabrice Paraïzo et Armelle Nagoba, sur la scène, expérimentent, au cours de l’agression, un fait qui constitue un autre adjuvant de la résistance : leur confinement dans un coin de mare isolé, un réduit rectangulaire entouré d’une végétation essentielle et ceinturé par du plastique représentant le caractère aquatique du milieu, ce qui contribue à les cacher de leurs adversaires et à durcir leur engagement.


Une originalité matérielle de scène qui fait percevoir la créativité du metteur en scène, ne s’étant pas contenté de cette prouesse si expressive ; il a impulsé une force de lecture et une puissance de comportements à Carlaine Sèmadégbé, à l’état-civil, et au rescapé des différentes attaques destructrices, en même temps, la victime collatérale des assauts de tous ordres : en incarnation sur scène, Humbert Boko. Cet autre point d’adjuvant a donné le ton de l’atmosphère violente de la pièce en l’ouvrant dans l’anti-scène. C’est lui que choisit le metteur en scène pour faire rire sur l’état préoccupant du roi Barka sous l’emprise du virus de la danse.


A cet effet, la langue nationale béninoise adja sert de canal de communication entre les comédiens, donnant du relief à la défense maladroite du roi par le rescapé qui, dans sa logique de protection de l’honorabilité du monarque, présente l’autorité suprême comme son sosie ou comme un homme qui est « presque lui », déchaînant une hilarité bien nourrie du public.


Et, les chercheurs défaits, grenouille père et grenouille mère se trouvent libérés de leur blocus, puis leur bonheur se solde par leur mariage que le lecteur diffuse par les didascalies qu’il laisse connaître par le public, mais qui ne sont pas suivies de l’action symbolique et simple du passage annoncé de la bague au doigt de son épouse par l’élu. Négligence, oubli ou choix délibéré du metteur en scène ? Ce manque n’enlève rien à l’éloquence de la restitution d’un système complexe dans lequel le destinateur de l’action héroïque de grenouille père et de grenouille mère, qu’est l’instinct à la fois de survie et de conservation, les en laisse comme seuls destinataires de leur victoire.   

Marcel Kpogodo Gangbè  

jeudi 19 novembre 2020

Une posture de monarque pour Patrice Talon à Lobozounkpa

Dans le cadre de l’exposition, ’’Carte blanche’’


Le vendredi 13 novembre 2020 s’est tenu le vernissage de l’exposition, ’’ Carte blanche’’, dans les espaces de démonstration du ’’Centre’’ de Godomey, sis quartier de Lobozounkpa à Atropocodji, dans la commune d’Abomey-Calavi. Mr Stone et Seencelor Labombe, les deux artistes de la soirée, ont présenté leurs œuvres de graffitis, de tags et, entre autres, de portraits. Parmi ceux-ci s’est laissé découvrir le Chef de l’Etat, Patrice Talon, en monarque du royaume du Danhomè.


De gauche à droite, un ''Egungun'' graffé et le Président Talon en un monarque du Danhomè

Une fresque politique valant le détour à travers, de manière bien reconnaissable, la représentation du Chef de l’Etat béninois, Patrice Talon, arborant un chapeau royal du Danhomè, une récade à l’épaule droite et la bouche prolongée de la pipe effilée du roi Béhanzin dans ses images d’exil ayant fait le tour du monde. Entre autres, l’une des œuvres patrimoniales fortes dont le public est appelé à aller se délecter pour le compte de l’exposition, ’’Carte blanche’’, dont le vernissage s’est déroulé dans la soirée du vendredi 13 novembre 2020 au ’’Centre‘’ de Godomey, situé à Lobozounkpa dans la commune d’Abomey-Calavi.  


Patrice Talon, ainsi rendu, laisserait croire que l’artiste qui en est l’auteur, Seencelor Labombe, dans son subconscient de création de la fresque, voyait plus l’autorité suprême en un monarque qu’en un président de la République, selon les repères que le dirigeant béninois aurait montrés de sa personnalité désormais connue de tous, après près de cinq années de gouvernance.


Il est important d’aller contempler l’inénarrable technique du fendu, en graffiti 3D, que le jeune créateur a exploitée, en favorisant l’impression que l’image présidentielle graffée prend les contours de l’intérieur d’un mur cassé. L’artiste rejette d’avoir vécu puis concrétisé l’inspiration selon laquelle le Président, à son corps défendant, s’est plus fait percevoir comme un monarque au règne absolu que comme un chef d’Etat. « Les graffeurs sont apolitiques », se défend-il. « Au final, tout le monde fait de la politique », continue-t-il, avant d’ouvrir son cœur : « Le choix du Président Talon en Béhanzin est lié à sa dévotion, à sa lutte pour vaincre ; il me rappelle le requin, l’emblème de Béhanzin. La volonté du Président est d’évoluer, sa mentalité est de vaincre. Et, ce qu’il dit, il le fait : regardez les voies, le bitumage, ses acquis ».


Et, doigtant les grands éclats de brique, rassemblés opportunément au bas de la fresque afin de perpétuer l’illusion du registre du mur cassé, Seencelor Labombe conclut sentencieusement : « Il faut plutôt allumer les bons côtés de la personne, pour évoluer ».

Seencelor Labombe, au cours de ses explications

Une transition comme pour mener les visiteurs vers d’autres travaux que le public féru ou non d’art visuel devrait regretter de ne pas aller savourer avant le 12 février 2021, la date de clôture de l’exposition, ’’Carte blanche’’. Ainsi, Seencelor Labombe pousse dans un véritable univers où il faudrait entrer, à pas feutrés, comme dans une chambre initiatique aux facteurs d’un patrimoine social et d’un autre, historique. D’abord, il faudra découvrir comment ses murs s’arment d’un développement personnel contagieux amenant au redimensionnement positif de l’action de ses sens et de ses organes naturels, et valorisant la maîtrise de soi, la patience et l’amour : « Quand on fait tout dans le bruit, on est perturbé », commente-t-il. Ensuite, la chambre proprement dite est réelle, une entrée-coucher autobiographique, avec ses éléments matériels constitutifs à découvrir, une fois de plus, dans leur magie à imprégner Seencelor Labombe du graffiti, une opportunité pour prendre connaissance du fondement psychologique ayant travaillé à faire de l’artiste ce dont il a toujours rêvé et qu’il est aujourd’hui, notamment, « un des meilleurs graffeurs d’Afrique », sans perdre de vue le carrefour très incontournable, chez l’adolescent d’antan, de l’amour. Enfin, Seencelor Labombe, il est souhaitable d’aller aussi le lire dans la restitution historique de l’unique reine du Danhomè : Tassi Hangbé ! Tassi Hangbé, la créatrice du corps des amazones, des femmes qui, à la base, comme elle, étaient ce que l’histoire commence à révéler : des chasseuses d’éléphants ! Et, le tag, le vandal, le graffiti simple, le graffiti 3D, de même que le lettrage se sont imposé comme des outils d’expression visant à communiquer en frappant par la force des effets.

 


Chez MrStone


Seencelor et MrStone ont associé leurs inspirations respectives, laissant se succéder leurs œuvres sur les murs d’exposition du ’’Centre’’ de Godomey. De son côté, le second détermine la visite par une expression spécifique d’un même engagement, celui de faire rayonner le patrimoine culturel et celui historique béninois. Dans le cas de la restitution de la vérité dans les faits du passé, MrStone se projette dans une révolte qui ne dit pas son nom en manifestant par le tag la réhabilitation de la généalogie réelle de la dynastie de l’ex-Danhomè, ce qui amènera le visiteur à comprendre dans quelles conditions il faudrait passer de 11 rois officiellement enseignés à 14 avec, en ajout, 3 maintenus dans les oubliettes. « Il faut connecter le peuple à son histoire », explique-t-il à ce propos. « Pour être connecté à son histoire, il faut la connaître », appuie-t-il.

MrStone, posant sur le fond d'une de ses oeuvres

Et, l’homme d’Etat béninois qu’il choisit reste Mathieu Kérékou pour une motivation frappante : « Le Général Kérékou a fait passer le Bénin de la révolution, de la dictature à la démocratie sans violences ; cette histoire m’a personnellement marqué ». L’admiration  de l’artiste débouche alors sur une vision : « Il faudrait ériger de lui un monument dans la ville de Cotonou afin d’informer sur son parcours ».


Par ailleurs, MrStone porte son intérêt sur le cultuel qu’il sauvegarde à proximité, déjà, du portrait présidentiel indiqué précédemment. Un signal fort ! Un appel ? Une interpellation, surtout qu’un artiste ne fait jamais rien par un pur hasard ? « Les ’’Egungun’’ sont nos revenants, les hommes de la nuit ; ils nous rappellent la culture endogène ». En outre, l’univers de l’artiste prend l’allure d’un ésotérisme profane qui excite la curiosité, constitué qu’il est de pictogrammes, de symboles scripturaux, de l’alphabet africain attaché à des pays bien déterminés, sans oublier qu’il démontre une manipulation adroite et esthétique des lettres de l’alphabet, qu’il architecture, d’où l’art du lettrage ! Une découverte à ne manquer sous aucun prétexte, bien avant le 12 février 2021, la date de la clôture de ’’Carte blanche’’ …


S’il y a un compartiment de la galerie du ’’Centre’’, qui fusionne les choix de Seencelor et de MrStone, c’est un espace ’’Bibliothèque’’, à parcourir à travers les différentes connaissances dont il donne l’occasion d’enrichir le visiteur sur l’art du graffiti et des techniques qui lui sont liées, à travers des livres, des catalogues et, notamment, des vidéos. Tout est mis en place pour une édification intellectuelle en théorie et en pratique ...

DJ Steven, à l'œuvre, dans les jardins du ''Centre'', au cours du vernissage ...

De façon globale, la lecture des différentes étapes de l'exposition s'est réalisée dans des conditions inédites d'une musique hip-hop d'un volume entraînant, une ambiante propice à l'environnement de travail des graffeurs, sous la direction de DJ Steven.

... pour un jeune public vivement intéressé


Marcel Kpogodo Gangbè

 


Impressions de visiteurs


Yaïwa Blaise Tchétchao, Directeur des Arts et du livre du Ministère du Tourisme, de la culture et des arts :

« Nous avons été agréablement surpris par le fait que la galerie du ’’Centre’’ a été métamorphosée par deux talentueux artistes du graffiti. Nos impressions en sont très bonnes. 

Y. Blaise Tchétchao
Nous sommes là pour représenter le Ministre du Tourisme, de la culture et des arts dans le cadre du vernissage de l’exposition, ’’Carte blanche’’. Franchement, c’était réellement ’’Carte blanche’’ ».  

 

 

Dieudonné Fanou, Responsable à la Communication du Centre culturel chinois :

« Dans l’ensemble, le travail est assez bien. Les artistes Seencelor et MrStone ont donné le meilleur d’eux-mêmes. J’admire bien le message véhiculé et le style dans lequel il est fait. Ce que j’ai compris comme leçon de cette exposition, c’est que, dans un premier temps, ils sont en train de sensibiliser les visiteurs par rapport à une thématique donnée : l’histoire du Bénin. 

Dieudonné Fanou
Dans un deuxième temps, c’est un appel à l’unité et à la culture de l’amour. Pour finir, ils sont en train de prôner une nouvelle forme d’expression artistique qu’est le graffiti qui n’est pas bien connu au Bénin mais qui est en train de faire son petit bonhomme de chemin. Grâce à eux, je pense que le graffiti a de beaux jours au Bénin ».

 

Vioutou Jennifer Houngbo, Mannequin :

« C’est une grande première. D’habitude, les œuvres des graffeurs, c’est sur les murs, c’est dans la rue. Mais, là, c’est en exposition. Je suis contente que cela se passe de cette manière. 

Vioutou J. Houngbo
J’espère que cela pourra continuer, ce qui nous fera découvrir, à travers d’autres expositions, les artistes graffeurs béninois et, Dieu sait qu’il y en a beaucoup à Cotonou ».

Propos recueillis par Marcel Kpogodo Gangbè   

mercredi 18 novembre 2020

4 jours pour de nouveaux fondements des arts et de la culture au Bénin

Dans le cadre de la conférence de presse qu’ont animée Ignace Yètchénou et son équipe de travail


Ignace Yètchénou, homme béninois de théâtre et cinéaste très connu, a tenu une conférence de presse le lundi 16 novembre 2020 à la salle Vip du Ministère du Tourisme, de la culture et des arts. Il était question pour la personnalité concernée d’aborder avec les journalistes la tenue d’un événement qui s’annonce d’ampleur : les journées de « réflexions et de plaidoyers pour un renouveau des arts et de la culture en République du Bénin ». A cet effet, il était entouré de ses collaborateurs et suivi par plusieurs invités, artistes et acteurs culturels.


Ignace Yètchénou, au cours de la conférence de presse


6 panels d’échanges, 5 ateliers de travail, 1 grande plénière, 1 séance de synthèse de tous les travaux et 1 grande soirée de gala. Le programme consistant préparé par Ignace Yètchénou, premier responsable des ''Films Togbo'' et ses collaborateurs afin de meubler les journées de « réflexions et de plaidoyers pour un renouveau des arts et de la culture en République du Bénin », du 23 au 26 novembre 2020 au palais des sports du Stade de l'
Amitié Général Mathieu Kérékou de Cotonou, d’une part, et le 11 décembre, d’autre part, pour ce qui concerne la soirée de gala. Apparemment, cet énorme cahier de charges s'organise pour amener le Bénin à un rayonnement artistique et culturel d'un niveau impressionnant, étant donné la pensée forte qui couve cette initiative: « Quand notre beauté se lèvera, celle des autres tremblera ».


A en croire Arcade Assogba, Coordonnateur adjoint du projet, à qui il est revenu de présenter les détails des sujets qui seront abordés pour le compte des assises indiquées, l’échafaudage scientifique et intellectuel s’appuie sur une quinzaine de personnalités prestigieuses à l’expertise et à la technicité rompues, telles que les Professeurs Dodji Amouzouvi, Didier N’Dah, Didier Houénoudé et Adrien Huannou, les cinéastes Ignace Yètchénou, François Sourou Okioh et Claude Balogoun, les acteurs du monde du théâtre, tels Alougbine Dine et Ousmane Alédji, de même que bien d’autres remarquables noms du secteur culturel à l’instar de Blandine Agbaka, Oslow Adjakidjè, Eric Gbèha, sans oublier Bertrand Mègblétho, Hector Houégban et Faustin Dahito ; elles sont chargées d’enrichir de leurs réflexions les panels respectifs et spécifiques prévus. Ils portent sur des thèmes variant des disciplines artistiques aux questions abordant les généralités sur les arts et la culture dans leurs relations avec le développement, l’industrie culturelle, le patrimoine culturel et l’économie culturelle.


Concernant les ateliers mis en place, ils porteront sur plusieurs thèmes : la mise en vue de la culture béninoise authentique, le fonctionnement de la vie associative dans l’univers culturel, les textes y régissant les activités, la question de la professionnalisation dans le même secteur et celle du financement des projets culturels.


En outre, pour Ignace Yètchénou, l’initiateur et le Coordonnateur de l’événement, pour des raisons de respect des mesures barrière en vue de contribuer à la lutte contre le coronavirus, seulement 150 invités sont appelés à prendre part aux travaux, eux qui sont des professionnels triés sur le volet, émanant de toutes les disciplines artistiques, de la presse culturelle, de l’administration et de la gestion d’espaces culturels, de musées, de l’univers religieux, de la chefferie traditionnelle, du monde universitaire, de l’expertise culturelle internationale, du mécénat et de l’administration culturelle.


De gauche à droite, Hector Houégban, Sophie Mètinhoué, Ignace Yètchénou, Kismath Baguiri et Arcade Assogba

Par ailleurs, les travaux sont prévus pour se conclure par une grande séance plénière le jeudi 26 novembre 2020, ce qui débouchera sur la mise au point d’un document, la synthèse des réflexions cardinales émises par les participants aux journées de « réflexions et de plaidoyers » pour sortir les arts et la culture béninois de l’ornière.


Quant à la seconde date phare des Journées, elle est celle du vendredi 11 décembre 2020 où une soirée de gala se tiendra à Cotonou pour présenter et remettre officiellement les résultats des assises aux autorités béninoises. Elle accueillera strictement 120 participants.



Le chaos ambiant, fondement de la genèse


« Notre âme et notre culture se portent très mal et, cela ne date pas d'aujourd'hui », a déclaré Ignace Yètchénou en introduction à un état des lieux catastrophique dans les arts et la culture au Bénin par le diagnostic qu’il en a réalisé et qui l’a poussé à initier un grand instrument intellectuel afin de contribuer à la trouvaille de solutions salvatrices. A prendre en compte ce qu’il a partagé au cours de la conférence de presse, dans le secteur du théâtre, il faut déplorer le manque de fonctionnement des troupes théâtrales, contrairement à un passé plus satisfaisant en la matière. Dans la musique, la grande production de spectacles a disparu pendant qu’au cinéma, les salles de projection de films sont désuètes et inexistantes, pour une situation d’absence de productions de qualité et, Ignace Yètchénou conclut avec véhémence, « C’est plus compliqué que ça ! », avant d’expliquer : les artistes du cinéma courent les dos d’âne des voies pavées afin de vendre par eux-mêmes leurs œuvres. Un constat dont l’amertume se traduit par la crispation du visage du conférencier : « L’artiste est devenu le type vulgaire, le type à la portée de tout le monde, le vulgaire qu’on voit dans la rue ! ». Puis, il ne tarde pas à situer les responsabilités de cette situation : « Nous-mêmes nous prêtons flanc à cela, nous ne savons pas que nous sommes des fétiches ». Par rapport aux arts plastiques, il a affirmé : « Les plasticiens travaillent pour l'extérieur ».


Continuant l’exploration de la tragédie que vivent les arts et la culture au Bénin, Ignace Yètchénou évoque, au niveau du ministère du Tourisme, de la culture et des arts, une inversion des charges, avec le tourisme qui prend le lead sur la culture et les arts, ce qui ne devait pas être le cas : « C’est la culture qui est l’élément que le tourisme viendra voir ». De plus, l’orateur a dénoncé le sur-place opéré par le ministre Ange N’Koué, le sport ayant pris le pas sur la culture avec l’avènement d’Oswald Homéky qui a avalisé « la mort du Fitheb (Festival international de Théâtre du Bénin, Ndlr », son « extinction complète ». Avec Jean-Michel Abimbola, « nous sommes redevenus nous-mêmes », affirmait-il, s’offusquant de la valse des ministres au département de la culture et de la nomination de personnalités peu qualifiées pour le diriger, contrairement à bien d’autres ministères.


Selon Ignace Yètchénou, devant tant de dysfonctionnements en plein régime de la Rupture, qui laissait attendre de l’assainissement, il se prit à rêver de voir une meilleure dynamique s’insuffler dans la chose artistique et culturelle au Bénin, ce qui l’a amené à des échanges avec des personnalités diverses, à des interventions sur des chaînes médiatiques avant que son ardeur ne s’éteigne quelque peu face au coronavirus avec son corollaire d’interdiction des activités culturelles. Mais, à l’en croire, cette situation ne l’a pas découragé pour autant et l’a plutôt amené à imaginer et à initier des assises reconverties en des Journées pour lesquelles il promet : « On ne se caressera pas dans le sens du poil ».

 

En outre, il entend faire de l’événement indiqué un ensemble d’instants, une opportunité pour les « hommes de la culture », qu’ils soient du secteur privé ou de l’administration publique, de même que pour les influenceurs de tous ordres, pour jouer une partition remarquable dans la restauration des arts et de la culture dans notre pays. « Qu’on nous fasse un peu confiance ! », s’est-il écrié à ce propos, appelant à la naissance d’une « société civile culturelle forte ».

Marcel Kpogodo Gangbè 

mardi 6 octobre 2020

Giovanni Houansou prépare une véritable bombe artistique

Dans le cadre de la représentation expérimentale d’ ’’Il pleut des humains sur nos pavés’’


’’Il pleut des humains sur nos pavés’’, le titre de la nouvelle pièce du jeune dramaturge béninois, Sèdjro Giovanni Houansou, a fait l’objet, sous la mise en scène de celui-ci, d’une représentation expérimentale dans la soirée du vendredi 28 août 2020 à la Grande salle du Festival international de Théâtre du Bénin (Fitheb), à l’ex-Ciné Vog de Cotonou. Intense du début jusqu’à la fin des deux heures environ que le spectacle a duré, le public a assisté à une représentation explosive à l’image de ce que projette pour octobre 2020 le metteur en scène concerné.

Une séquence forte de la représentation 

Une scène aux caractéristiques d’un chaos multidimensionnel. L’indicateur de la profusion d’un message dont était amené à prendre connaissance le public ayant fait le déplacement de la Grande salle du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), sis quartier de Guinkomey, à Cotonou, dans la soirée du vendredi 28 août 2020, pour le compte de la présentation de la version provisoire de la mise en scène par Giovanni Houansou de la pièce, ’’Il pleut des humains sur les pavés’’, dont il est aussi l’auteur.


Le titre de l’ouvrage en disait long sur l’atmosphère à laquelle il fallait s’attendre de la déconstruction de la sacralité de l’humanité et, cette tendance n’a fait que se confirmer par les différentes séquences qui se sont succédé de la mise en scène, surtout que, sur le fond d’un décor apocalyptique tapissé de feuilles de journaux, tout s’est lancé par l’intensité de la découverte par Leila, une artiste photographe et peintre, qui, arrivée au Katanga, se fait dérober son sac. Loin d’y compatir avec elle, Istanbul, le chauffeur qui la conduit dans les dédales de la ville, avec toutes les secousses routières que cela laisse découvrir, n’en est que blasé, surtout que l’insécurité, s’appuyant de violence, fait partie du quotidien des habitants. Hanifa Dobila et Fancy Carlos Zinsou réalisent l’incarnation de ces deux premiers personnages de l’entrée brusque dans un univers qui dépersonnalise d’une morale d’appui et de départ, comme celle appartenant à Leila.


De cette scène d’un double comique de mots et de situations à celle d’un drame familial, il n’y a que le temps d’un léger aménagement du décor pour voir se positionner le couple d’Idi, joué par Guy Ernest Kaho, un monument de la scène béninoise, et de Bineta, représentée par Carole Lokossou, un couple étant confronté à la fugue de sa fille muette, Adé, âgée de seize ans. Le mari exerce la profession de démolisseur, apparemment sous l’emprise d’une tension intérieure, du fait d’une conscience en désaccord mais qui n’est pas aussi forte pour empêcher l’exercice d’une profession qui fragilise les siens du même niveau social. Quant à la fugitive, elle vit une vraie romance dans un dialogue avec son amoureux, livré, à travers des voix off, assurant l’essentiel, aux fins de l’expression des sentiments appropriés, par les mimiques des amoureux, Tam et Adé la muette, incarnés, respectivement, par Guy Ernest Kaho, et par Akofa Ami Kougbénou.


Dans un autre univers, des policiers s’empêtrent dans une bavure qui se solde par la mort d’un innocent ; ce sont, entre temps, encore Hanifa Dobila et Fancy Carlos Zinsou, qui passent à ces deux rôles sordides, Akofa Ami Kougbénou, elle, se trouvant à vivre la force d’une policière intransigeante devant laquelle vient échouer l’affaire de la disparition d’Adé. Le jeu sur les mots est frappant. « Elle s’excuse de nous avoir mal parlé », ironise-t-elle, tournant en ridicule Bineta qui, soutenue par Leila venue porter plainte, finit par se rendre compte du rapport des forces en sa défaveur.


A toutes ces séquences s'organise celle inattendue et brutale de l’atmosphère d’un bar dans un milieu rugueux où la vulgarité et la criminalité sont monnaie courante. Carole Lokossou, dans le personnage du nom de Bara, est la maîtresse des lieux et impose sa forte masculinité qui tient comme en respect les hommes qui fréquentent le milieu, ceux parmi lesquels se trouve un redoutable chef de bande qu’incarne encore Guy Ernest Kaho. De même, une grande démolition s’opère dans le quartier mal famé afin de laisser place à des immeubles de haut standing sous l’influence de possesseurs de grands capitaux d’investissements.


La violence, la récurrence


L'affiche du spectacle expérimental

En réalité, ’’Il pleut des humains sur nos pavés’’ se révèle une pièce de théâtre qui porte comme un étendard la violence dans ses aspects verbal, physique, psychologique et même professionnel. Elle reste alors le sujet dont le destinateur est l’ensemble des personnages ou des circonstances qui ont besoin d’elle pour exister : les capitaux étrangers qui doivent rentabiliser les terres acquises, la pauvreté et le dénuement, la misère des démunis, ces facteurs qui conditionnent la survie de leurs victimes, la guérilla urbaine qui se déploie par l’instinct de conservation des pauvres qui s’extraient des froids calculs des riches, l’abus de pouvoir de la force publique puis l’esprit de résistance et de résilience des défavorisés sociaux motivés par la logique d’affrontement.


Par ailleurs, le destinataire de cette violence rassemble tous les personnages qui en profitent : le démolisseur Idi qui en tire ses revenus, Istanbul et Tam, les criminels, les chefs de bande, les forces de l’ordre et les citoyens de rien, comme Bara, y trouvent la condition sine qua non pour l’existence minimale. En outre, la pièce déborde d’adjuvants à ce système constitué qu’est la violence : le décor chaotique audacieux, le débarquement de Leila et de sa naïveté, le jeune chauffeur qui, dans la conduite de son véhicule, vit cette violence malgré lui, le professionnalisme d’Idi, la brutalité et l’abondante mobilité d’istanbul, l’excès de zèle des policiers et la forte personnalité de Bara. En matière d’opposants se profilent Tam et Adé qui, dans un environnement en permanence tendu, se battent pour une idylle de paille, de même que Leila et Bineta qui croient encore à l’efficacité de la force publique enfoncée dans une logique contradictoire de survie de ses intérêts.  


Ainsi, d’un bout à l’autre de son déroulement en projet sur scène, ’’Il pleut des humains sur nos pavés’’ se nourrit d’une violence multidimensionnelle que le metteur en scène, Sèdjro Giovanni Houansou, restitue par un bien flexible décor d’apocalypse avec, en toile de fond, une capacité de métamorphose ayant la puissance de faire intervenir une poignée de cinq comédiens afin de procurer vie et force à un nombre impressionnant de plus d’une douzaine de personnages : Leila, le conducteur, Idi, Bineta, Adé, Istanbul, les deux membres des forces de l’ordre, Tam, les deux fonctionnaires de police, Gobi et Bara, notamment. Ils ont illustré un jeu, pourvus d'un accoutrement pragmatique.


En définitive, aussi contradictoires qu’ils puissent paraître, la concentration et la profusion s’accordent pour définir l’Afrique contemporaine et moderne, dans une urbanisation qui s’occidentalise, ce que symbolisent le Katanga et Jonquet, deux zones de bidonvilles, à Lomé et à Cotonou, qui deviendront heureusement méconnaissables, en dépit du prix de victimes qu’il faudra en payer. 


En appoint à la réussite générale du jeu, la représentation théâtrale indiquée du 28 août 2020, relevant d’un projet de création qu’accompagnent l’Institut français de Paris et la Commission internationale du Théâtre francophone (Citf), Mickaël Todégo et Charles Ouitin, à la scénographie et à la lumière, ont si bien marqué de leur empreinte technique la représentation expérimentale de la pièce, ’’Il pleut des humains sur nos pavés’’, que l’impatience se crée d’arriver au 16 octobre 2020 afin de se délecter de la version finale de la mise en scène de Sèdjro Giovanni Houansou.

Marcel Kpogodo