Dans le cadre des cérémonies d’hommage à
Jean Pliya
Sous le couvert de la
commémoration du 1er anniversaire du décès de Jean Pliya, a eu lieu,
le samedi 14 mai 2016, la représentation magistrale, au Théâtre de verdure de
l’Institut français de Cotonou, de la pièce, ’’Kondo le Requin’’, assurée par
le ’’Théâtre Kaïdara’’, dans une bonne succession de tableaux. Mais, un gros
cheveu sur la soupe : n’est pas venu le Ministre du Tourisme et de la
culture, Ange N’Koué. Un désaveu pour une vision d’espérance du Nouveau départ
de Patrice Talon.
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Une séquence de de la représentation de l'intronisation du Roi Béhanzin |
Une absence de taille :
le Ministre du Tourisme et de la culture, Ange N’Koué, n’a goûté à aucune
seconde des deux explosives heures de la représentation de ’’Kondo le Requin’’,
une pièce historique écrite par Feu Jean Pliya. Cet événement signalait le
dernier acte, en cette soirée du samedi 14 mai 2016, d’une série de
manifestations liées à la commémoration du 1er anniversaire du décès,
justement, de cet auteur, dramaturge, entre autres. Et, très chargé, il n’a pu
se rattraper les mercredi 18 et jeudi 19 mai, deux dates où la pièce avait été
à nouveau jouée.
Elle relate les
difficiles relations du Roi Béhanzin, ’’Kondo le Requin’’, avec le colon
français que représente le Général Dodds. Celui-ci est sorti gagnant d’une dure
guerre contre le Royaume du Danhomè, ce qui en a conduit le souverain à se
rendre à l’ennemi et à être conduit en exil.
La mise en scène par
Tola Koukoui de la représentation d’une telle pièce a réussi, d’abord, du fait
de la restitution d’un décor rappelant le rouge ambiant de la terre argileuse du
cadre ordinaire de la vie au Royaume du Danhomè. Grégoire Houdéhou, qui s’en
est chargé a fait le choix d’une façade de fond de scène d’un long mur d’enceinte,
doté d’une ouverture centrale enregistrant les brusques arrivées et sorties du
roi et de sa suite, puis conçu avec des passages décrépits, comme dans le vrai,
sans oublier des panneaux, de part et d’autre de ce mur, montrant deux
différentes époques de règne : celle du Roi Glèlè finissant, avec le lion,
et l’œuf matérialisant celle de Béhanzin.
Au centre de la scène
se déroulait l’essentiel des actions dont la plupart concernaient le souverain.
Dans une répartition symétrique, les femmes, à gauche et, les hommes, du côté droit,
suivaient tout de près, les premières pour ne lancer que des louanges au ’’Dada’’,
les êtres de sexe masculin, pour, parmi ceux qui en avaient la posture, respectueusement
s’adresser au Roi et tenter de faire passer leur point de vue. Il s’agit donc d’une
mise en scène qui est restée fidèle à la mentalité sociale de l’époque du
Royaume du Danhomè : les femmes n’avaient pas le droit à la parole,
surtout en public. Si elles devaient la prendre, ce ne devait être qu’en groupe
pour couvrir ’’Dada’’ de chansons glorifiantes.
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Un des merveilleux tableaux de la pièce ... |
Par ailleurs, la mise
en scène de ’’Kondo le Requin’’ par Tola Koukoui a réussi, comme à cette
représentation au Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), dans son
édition 2008. En effet, l’intérêt du spectateur était permanent tellement des
tableaux captivants se sont succédé : l’épisode de l’entrevue de Kondo
avec Dodds, Glèlè, le roi en exercice étant malade, la danse du deuil du décès
de celui-ci, la cérémonie d’intronisation de Béhanzin, dans ses deux aspects
rituel donc privé, restreint à quelques ministres, et public, ce qui veut dire
ouvert à tous, les chants et les danses, la consultation négativement
accueillie par le Roi de Guèdègbé, les louanges des griottes, Béhanzin en privé
avec deux de ses épouses rivalisant de câlins et de massages, pour se faire
préférer, les critiques en privé de paysans comme de nobles, la détresse de
Béhanzin avec, à son point culminant, le célèbre ’’discours d’adieu’’.
Tous ces faits du jeu
théâtral ont été assurés par une brochette de comédiens et de comédiennes
béninois distribués, dont le professionnalisme n’a fait qu’exploser davantage :
Josette Loupéda et Carole Lokossou, les coépouses du roi, Eliane Chagas, notamment, dans le rôle de l’intrigante
Vitchégan, Nathalie Hounvo-Yèkpè, Sandra Adjaho, Nicole Dadjo, Nadjibath
Ibrahim, Espoir Abogourin, Blanche Hounga, Félicité Gounou, Céciline Abissi,
entre autres, toutes des griottes, Koffi Gahou le ’’Guèdègbé’’, devin du roi, Patrick
Gbaguidi, Raphaël Hounto, Fidèle Anato, James Salanon, alias ''Major'', Bardol Migan, le ministre de la
justice, Franck Béhanzin le ’’Yovogan’’, Mathieu Koko le ’’Mèhou’’, Serge
Zossou le ’’Gahou Goutchili’’, chef des armées du royaume, et, surtout, Nicolas
Houénou de Dravo, dans le rôle tant exposant de Béhanzin.
En outre, le metteur en
scène, Jean-Michel Coulon et le bibliothécaire, David Longin, ont assuré les
rôles respectifs de représentants coloniaux. Et, Adolphe Koffi Alladé, acteur
aussi, a coordonné les chants et les danses par le biais de son groupe de
ballet, ’’Hwendo na bua’’, sans oublier Koffi Gahou s’étant aussi chargé des
costumes et des accessoires. Du côté de la régie du spectacle, Bruno Adadja a
fait montre d’une science sans failles.
Le gros hic
« Nous acceptons
de rencontrer ceux-là qui nous permettront enfin de mettre en place les
soubassements, les fondements d’une culture de la vraie culture ». Ainsi s’est
exprimé, quelque peu déçu, à la fin de la représentation théâtrale, Tola
Koukoui, entouré par les comédiens ayant salué le public et avec, à sa
proximité, le Professeur Adrien Huannou, organisateur des manifestations d’hommage
au Feu Jean Pliya ; il cherchait des yeux un représentant du Gouvernement pour
mettre fin officiellement à celles-ci, le spectacle venant clore les activités
de la commémoration du premier anniversaire du décès de cet homme de Lettres,
de culture, de naturothérapie et d’évangélisation.
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Au premier plan, de gauche à droite, Adrien Huannou et Tola Koukoui |
En réalité, si la
représentation de ’’Kondo le Requin’’ n’était pas un événement, elle avait un
cachet particulier, vu qu’elle visait à faire se souvenir de Jean Pliya, à
faire honneur à ses qualités de dramaturge, à marquer le premier anniversaire
de sa disparition. Ainsi, la présence d’Ange N’Koué, Ministre du Tourisme et de
la culture, au spectacle et à la cérémonie de clôture aurait montré l’intérêt du
Gouvernement de la Rupture pour la célébration de la mémoire des grands hommes
de la République. Dans le cas d’un agenda supposé chargé, un membre de son
cabinet aurait valablement rempli cette mission, ce qui aurait sauvé les
meubles du respect de l’Exécutif pour la chose artistique et culturelle. N’avoir
pas pris la précaution d’être présent ni de se faire représenter semble montrer
le poids léger des événements culturels dans l’esprit d’Ange N’Koué ; il
devrait résolument reconsidérer cette conception, étant donné l’espoir immense
que suscite le régime du Nouveau départ dans l’univers béninois des Arts et de
la culture.
Marcel Kpogodo