Dans le cadre d’une
exposition collective au Centre culturel chinois
L’après-midi du samedi
5 décembre 2015 a donné lieu au vernissage d’une exposition au thème assez
suggestif : le dialogue. L’événement se déroulait au Centre culturel
chinois, en présence d’un grand nombre d’invités, d’artistes et de Baï
Guangming, Directeur de l’institution. Les exposants n’étaient personne d’autre
qu’Etienne Arèmon, Eric Ahouansou et Francel Aris Dagbéto, embarqués dans une
initiative visant à vulgariser, au sein de la population, les valeurs
propices à une bonne gestion de la période électorale dans laquelle s’engage le
Bénin.
12 tableaux pour Erick
Ahouansou, autant de toiles pour Francel Aris Dagbéto, une installation et 4 œuvres
du côté d’Etienne Arèmon. Des productions relevant d’une résidence de création.
Voilà le contenu de l’événement intitulé, ’’Exposition 3 en 1’’, qu’il est
permis au public d’aller visiter, durant tout le mois de décembre 2015, à la
Salle d’exposition du Centre culturel chinois de Cotonou. Ces 3 artistes
plasticiens ont placé cette présentation du fruit de leur inspiration
artistique sous le signe d’un thème essentiel : le dialogue.
De profil, par rapport
à ses tableaux dont il a accepté de commenter le contenu, Erick Ahouansou, de
son nom d’artiste, Dah-Jah, définit d’une manière très simple le dialogue :
une « source de compréhension ». Il le considère, en outre, comme la « première
qualité d’une nation unie », ce qui l’amène à appeler à son entretien
permanent au Bénin par sa pratique au niveau des présidentiables dont il décèle
chez certains une candidature non convenable, vu qu’elle vise juste, selon lui,
à faire valoir leur honneur, leur ego, ou à réagir face à une autre candidature,
alors que ces personnalités détiennent les moyens de tous ordres pour
travailler au développement du Bénin, sans être Président de la République ;
ils les appellent à dialoguer avec eux-mêmes, avec leur « fond intérieur »,
afin qu’elles réussissent à déceler ce qui leur revient comme réelle mission
pour la construction du Bénin. « Le dialogue bien ordonné commence par
soi-même », conclut-il.
Aperçu des toiles bien encadrées d'Erick Ahouansou |
Ainsi, la matérialisation
de cette conception se traduit, sur la plupart de ses toiles, par la
représentation stylée, il est vrai, d’instruments de la musique africaine :
du tambour, du tambourin, de la kora, des gongs, des castagnettes, entre autres.
Ainsi, tout porte à croire que ces outils servant à créer une harmonie
rythmique accompagnant une chanson, aboutissent à la musique qui, adoucissant
les mœurs, deviennent sûrement un facteur de dialogue. Mais, Erick Ahouansou
insiste sur la symbolique du damier fondant son approche, ce damier incarnant
les deux facettes complémentaires régissant un jeu d’intelligence bien connu,
un damier incarnant la dualité du yin et du yang, « l’éternel féminin et l’éternel
masculin », notamment, dont la révélation de l’un par l’existence de l’autre
contribue à la création de l’harmonie.
En outre, l’interpellation
de soi, la musique et l’harmonie relevant de la complémentarité entre le yin et
le yang, ne sont pas l’unique marque du dialogue. Pour l’artiste, sa technique de
travail inspire aussi cette valeur : le pointillisme. Cette démarche consiste
à bâtir ses représentations à partir de points, ce qui suscite une qualité
sous-jacente : la patience, « une technique au rythme de la nature, l’alchimie
du dialogue qui induit la patience d’écouter », précise-t-il.
Et, l’analyse qu’il en présente révèle la nécessité de cette qualité chez l’être humain pour suivre l’autre, pour le comprendre, pour l’accepter et, enfin, pour échanger, de manière constructive, avec lui. Cette qualité, il la vit intensément par un pointillisme vivement absorbeur de temps mais producteur de toiles qui soignent, comme celles exposées au Centre culturel chinois, esthétiquement encadrées, qui nourrissent et épanouissent le regard, à l’image du tableau, ’’Ô kan ran’’, qui se démarque. Il représente la tête d’un coq, l’oiseau réveilleur qu’Erick Ahouansou n’hésite pas à traduire comme le divin, vu inévitablement que son chant ordonne le ton de chaque journée.
L'oeuvre ''Ô kan ran'' |
Et, l’analyse qu’il en présente révèle la nécessité de cette qualité chez l’être humain pour suivre l’autre, pour le comprendre, pour l’accepter et, enfin, pour échanger, de manière constructive, avec lui. Cette qualité, il la vit intensément par un pointillisme vivement absorbeur de temps mais producteur de toiles qui soignent, comme celles exposées au Centre culturel chinois, esthétiquement encadrées, qui nourrissent et épanouissent le regard, à l’image du tableau, ’’Ô kan ran’’, qui se démarque. Il représente la tête d’un coq, l’oiseau réveilleur qu’Erick Ahouansou n’hésite pas à traduire comme le divin, vu inévitablement que son chant ordonne le ton de chaque journée.
Le ’’costumisme’’ de
Francel Aris Dagbéto
Une douzaine de toiles
aussi, dont 11 restituent des tendances originales de bustes costumés. Pour
Francel Aris Dagbéto, ce choix reste un symbole fort de la dénonciation de la
valorisation à outrance de l’apparence étant le fondement du premier jugement fabriqué
par l’être humain ; si elle attire, elle laisse une bonne impression qui sert à
cataloguer positivement celui qui en est le propriétaire. Dans le cas
contraire, si elle repousse, elle sert presque définitivement à établir une
mauvaise image de celui qui la porte. Dans les deux cas, la société ne cherche
à rien savoir de l’être réel se cachant derrière l’apparence de l’habit. C’est
ainsi que le cri d’alarme de l’artiste se fait clair : « Il faudra
aller au-delà des apparences, au-delà du physique et accepter l’autre tel qu’il
est … ».
Vue sur quelques-uns des ''costumes'' exposés par Aris Dagbéto |
De cette manière, à en
croire ses réflexions, le dialogue s’instaure et, de surcroît, l’objet qui sert
à ouvrir l’habit et qu’on nomme la ’’fermeture-éclair’’ subit un changement de
nom, ce qui, pour lui, devient l’ ’’ouverture-éclair’’. En effet, cet outil
ouvre plus qu’il ne ferme et constitue, selon lui, l’incarnation du vrai
dialogue dont l’essence est le « dialogue avec et en soi-même », sans
lequel il ne pourrait être fructifié le dialogue de la personne avec les
autres. Donc, c’est en retournant en lui-même que l’être humain apprendra à
percevoir l’autre dans la juste mesure de ce qu’il est, et non à partir de sa
ceinture dorée ou non.
L'oeuvre, ''Xo do to'' |
Cependant, une sorte de
cheveu dans la soupe, le 12ème tableau qui s’isole par la démarche
particulière de construction : ’’Xo do to’’, en fon, celui qui porte la
parole. Cette toile manifeste une technique mixte de récupération basée sur l’expérience
personnelle du créateur Aris qui a inconsciemment oblitéré un objet ramené de
la ville, devant servir de socle à une oeuvre. Ainsi, il conclut, devant l’impossibilité
de restituer la forme première de l’élément : « Ce que la parole
détruit ne peut jamais être reconstitué », ce qui l’amène au concept de la
toile exposée : « Le ’’xo do to’’, c’est celui qui parle, il doit
être vigilant, il doit savoir parler ; chacun doit pouvoir être un
messager positif, c’est cela qui construit le dialogue : on peut tout dire
et tout faire, mais il faut savoir y mettre la manière », finit-il.
Etienne Arèmon, l’inculturé
Se rapportant au 3ème
mousquetaire du concept du ’’Dialogue 3 en 1’’, Etienne Arèmon, 4 toiles, ’’Unité’’,
’’Solidarité’’, ’’Ensemble’’, notamment, révèlent son ancrage dans une profonde
force récupératrice. Mais, ’’Dialogue’’ dicte une loi d’airain ; il s’agit
d’une installation géométriquement rectangulaire : un tapis couleur
rouille foncée réglemente le positionnement des autres objets. A la largeur de
face, la carte du Bénin de bois noir, debout, tenant en respect les deux
longueurs constituées de 8 personnages sur
chacune d’elles, qui se termine par un support en bois hébergeant, à gauche,
une bible et, à droite, le coran.
L'installation, ''Dialogue'', d'Etienne Arèmon |
A en croire l’artiste,
cette installation, intitulée, ’’Dialogue’’, est un appel à l’entente, à la
cohabitation inter-religieuse sans laquelle il n’y a pas de paix. Ainsi, ce qui
se laisse identifier comme 16 personnages, ce sont les 16 signes fondamentaux
du fâ, « l’alphabet de nos ancêtres », donc, la représentation de la
religion endogène africaine, les livres saints incarnant respectivement le christianisme
et l’islam. Selon lui, il s’agit, pour lui, par cette œuvre, d’ « éveiller
les consciences et d’amener à la culture de la paix », d’où un conseil
très édifiant : « Pour amener l’autre à sa religion, c’est par le
dialogue, mais, il faut mettre de côté les pratiques religieuses et avoir à l’œil
le Bénin, surtout en cette période sensible de l’élection présidentielle de
2016 ».
''Unité'' d'Etienne Arèmon |
Une exposition
globalement édifiante mais, qui n’a pu connaître la participation au vernissage
du Ministre de la Culture, Paul Hounkpè, et de ses Directeurs techniques, parmi
lesquels le premier responsable du Fonds d’aide à la culture, l’institution
dont le financement a été déterminant dans l’organisation de l’événement. Il n’y
a aucun doute que les jours à venir verront ces autorités aller découvrir le fruit
de la création opportune et réaliste de cette crème d’artistes béninois.
Marcel Kpogodo