lundi 2 décembre 2013

Laudamus Sègbo au ’’Mojito’’


Pour l’expression d’un « rêve flou »


En début de soirée du jeudi 21 novembre 2013, l’artiste-plasticien, Laudamus Sègbo, a tenu le vernissage d’une nouvelle exposition intitulée « Rêve flou ». C’était au Restaurant « Le Mojito », situé en face de la Librairie Sonaec, au quartier Ganhi. Les tableaux qui devaient capitaliser l’intérêt des visiteurs portaient une flamme commune : la femme, dans de tous nouveaux états artistiques.


Laudamus Sègbo, dans ses explications ...


L’atmosphère jazzy, d’abord, zouky, ensuite, sirotante, rougement douillette et amoureusement intime du « Mojito », restaurant du quartier Ganhi de Cotonou, en face de la librairie Sonaec, ce jeudi 21 novembre 2013, a accueilli 14 tableaux bien répartis aux murs de la principale salle de consommation, réalisés par l’artiste-plasticien, Laudamus Sègbo, connu comme le précurseur de la sculpture vivante au Bénin. Sans trop de surprise, le thème fondant l’exposition ouverte au public, depuis le 22 novembre dernier, est la femme, celle-ci, cette fois-ci, moulée dans un genre nouveau d’approche de l’artiste, la chevelure tressée, longue et blanche, cassée en de petites craquelures carrées ou rectangles ; celles-ci se manifestent sous forme de gerçures qui, au dire de l’auteur, sont faites au couteau. Selon lui, cette technique vise à manifester les résultats d’une recherche de plusieurs années et l’originalité d’une approche qu’il veut rendre inimitable. A ce propos d’ailleurs, Laudamus se dit un artiste dont beaucoup de collègues marchent dans les pas, lui qui, depuis près de quatorze ans, a lancé la sculpture vivante qui fut largement copiée, ce qui fait qu’aujourd’hui, aucune cérémonie officielle n’échappe plus à la tradition de ce procédé appliqué à des modèles masculins, où l’on voit une personne figée ou changeant par intermittence de position,  artistiquement maculée de terre et de peintures, selon l’événement à honorer.
Toujours à en croire ses explications, « Rêve flou », qui aura cours au « Mojito » jusqu’au 20 décembre 2013, constitue la suite logique de l’exposition, tenue, une année auparavant, sur le thème, «Le Fâ, langage des dieux ». Ainsi, ce mode divinatoire étant présent dans la femme et celle-ci étant mutuellement l’un de ses fondements cardinaux, elle porte la volonté de l’être humain, de son bien-aimé, d’une part, d’appréhender ce qu’elle est, son côté insondable, cette psychologie mystérieuse qu’elle est et qui s’identifie à « la partie invisible de l’iceberg » pendant que la femme se bat pour rester plus que jamais illisible. D’autre part, selon Laudamus, le bien-aimé de la femme aspire à « partager avec elle son amour et le bonheur ». Voici deux quêtes vaines, celle de l’être profond de la femme et celle d’un amour épanouissant en sa compagnie, vu la fermeture de la femme à se laisser dompter, d’où le « rêve flou » qui met l’homme dans la perpétuelle attente d’être rassuré par la femme.
Le plasticien béniniois, Charly d'Almeida, était de la partie.
Dans les conditions d’une telle inspiration prodigieuse, une trentaine de tableaux ont vu le jour et, les quatorze présentés au public, ce jeudi 21 novembre, au « Mojito », portent des titres tentant d’évoquer, de manière synthétique, la signification des couleurs, tantôt fortes, tantôt sourdes, tantôt vives, tantôt légères, tantôt harmonieusement agencées, celles de la maturité d’un artiste allant à la révélation de la femme, en connaissance de cause : ’’Rêve flou’’, ’’Adoration’’, ’’Chevalier du destin’’, ’’Liberté’’, ’’Réflexe’’, ’’Elevation’’, ’’Mon ange’’, ’’Sublime’’, ’’Pirogue du destin’’, ’’Affection’’, ’’Agitation’’, ’’Awô’’, ’’Les tresseuses’’, notamment, qui travaillent à magnifier la femme, dans la parole de ses traits positifs de caractère tels que l’amour, la paix, l’évolution, la maturité, la solidarité, l’altruisme, l’abnégation, le sens de sacrifice, entre autres. Et, dans son intarissable éclairage, Laudamus Sègbo, dans un regard resplendissant, avoue, en guise de justificatif : « La femme tient le destin de l’homme entre ses mains. Elle qui peut le modifier à sa guise, prions pour qu’elle ne prenne pas conscience de sa force ou qu’elle n’en abuse pas, elle qui peut aussi se révéler un objet de violence contre l’homme, ce dont la société tient rarement compte ; elle est belle, la femme, dans ses formes, elle est belle quand elle aime, quand elle passe, elle est poésie ».


Ultime sculpture vivante


La sculpture vivante de Laudamus, dans toute sa majesté de mystère et de provocation ...

 Contre toute attente, Laudamus Sègbo, selon une sensibilité, semble-t-il, profondément nostalgique, a choisi de capitaliser les regards et la concentration des assistants au vernissage du jeudi 21 novembre dernier sur un objet censé prendre sur lui et en lui tout le sens de l’exposition en cours depuis le lendemain, le vendredi 22 novembre : une véritable sculpture vivante, positionnée au centre de la salle de consommation du « Mojito », vêtue d’un fond de la peinture rouge de la passion et blessée, des cheveux aux pieds, de touches de la blancheur de la pureté, de la chasteté ! Une fois de plus, Laudamus avait réussi son coup et, la perle, de son regard scrutateur noir et de ses tétons d’une même couleur, défiait la curiosité alentour, largement partagée, de percer le secret de la flamme passionnelle qu’elle suscitait, assise, la hanche ceinte d’un luisant tissu jaune du contentement. Changeant souvent de position, ce regard, à la fois innocent et perfide, renvoyait au public l’impuissance tant révélée par l’artiste, celle à connaître la femme. A en croire ses analyses, cette sculpture vivante, cette lumière plus parlante de son œuvre que tout propos, cette réussite humaine de la soirée du jeudi 21 novembre, venait clore cette vague lancée depuis près de quatorze ans et à laquelle il choisit de se remettre sous une dimension toute rénovée dont le secret sera incessamment livré.


L’appel de Laudamus

Laudamus, en compagnie de la responsable du "Mojito" ...
« Le rêve flou », cette exposition plus qu’intimiste de Laudamus, s’ouvre au public, avec à plaisir pour celui de se libérer, de se défouler, de se délecter d’une lettre d’amour à l’être de ses rêves, qu’il soit fiancé (e), amant (e), mari, épouse, pourvu que le destinataire soit une personne profondément aimée. Il pense ainsi réunir autant de lettres de ce genre que possible pour en concrétiser un recueil sur l’expression de l’amour, un livre de lettres d’amour, un document aussi libérateur qu’inspirateur. Un livre d’or se trouve ouvert à cet effet, jusqu’au 20 décembre prochain au « Mojito ».


Marcel Kpogodo

samedi 30 novembre 2013

Concert d’hommage à GG Vikey et à Gnonnas Pedro


Décalage contre décalquage

Des membres du public en liesse, dansant sur la scène, sous l'interprétation du duo Gilles Gnonnas-Dag Jack ...

La commémoration du cinquantenaire de l’Institut français du Bénin a donné lieu, le samedi 23 novembre 2013, au théâtre de verdure de la structure, à un concert d’hommage à deux icones défuntes de la musique béninoise : Gnonnas Pedro et GG Vikey. La lourde responsabilité artistique de leur imitation a été assurée respectivement par Gilles Gnonnas, le fils du premier, et par Dag Jack. Deux factures différentes de réussite.

 '’Agbadja’’, ’Vonvon non’’,’’Fini pavé’’, ’’Musique en vérité’’, ’’Midomiton’’, ’’Agan massi’’ et ’’Do winnin’’, d’une part, et ’’Gentleman Vikey’’, ’’Davi ré’’, ’’Que Dieu te bénisse’’, ’’Fais-toi plus belle’’, ’’Adowè’’, ’’Je te revois’’, ’’Le lac Ahémé’’, ’’Vive les mariés’’, d’autre part, sont les morceaux interprétés, chacun de son côté, par, respectivement Gilles Gnoonas et Dag Jack, en cette soirée du samedi 23 novembre 2013, au théâtre de verdure de l’Institut français du Bénin dont la commémoration du cinquantenaire était en jeu. Il s’agissait pour eux de faire revivre aux mélomanes nostalgiques des voix disparues de Gnonnas Pedro et de GG Vikey les élans de leur voix musicale qui les enchantaient tant, du vivant de ces baobabs de la musique béninoise.
Gilles Gnonnas en individuel ...
A l’arrivée, la voix de Gilles Gnonnas était appuyée par des balancements très enthousiastes des pieds et des bras, rythmés par l’agencement des instruments harmonieusement joués par les ’’Black santiago’’ de Cotonou, selon tel ou tel autre morceau de son père. Il manifestait une voix se moulant très difficilement dans celle forte et mélodieuse de son géniteur, d’où un décalage que le public lui pardonnait bien. En effet, il avait le mérite de replonger ces inconditionnels de l’ancien sociétaire des ’’Africando’’ dans l’ambiance instrumentale et thématique des chauds moments salsa et lyriques de ce Gnonnas Pedro qui avait fait bouger Cotonou, l’Afrique, l’Amérique latine et le reste du monde.
... de même que Dag Jack ...
... avec ses quatre garçons après le concert ...
Concernant Dag Jack, celui-ci était plus en réussite, dans son imitation de la voix de GG Vikey. La personnalité qu’il déployait se décalquait si bien dans celle de son mentor de circonstance, aussi bien dans la sobriété élégante de son allure vestimentaire que dans sa voix si tendre, si mélodieuse, si envoûtante, si lyrique, si vraie, que le public avait l’impression de se retrouver en face du vrai GG Vikey. Ceci poussa une spectatrice, fanatique plus que jamais à s’écrier : « Mais, c’est lui, il est de retour ! »
... où les Black santiago, saluant le public ...
Dans de telles conditions d’excellence vocale et psychologique, les huit morceaux que Dag Jack a exécutés, avec, aussi, l’appui instrumentale des ’’Black santiago’’, se sont déroulés trop vite, au goût du public dont certains membres se succédaient sur la scène, qui pour danser, qui pour donner un billet à l’interprète. La réussite de Dag Jack dans le décalquage de la voix de GG Vikey a révélé que l’homme était un expert en la matière lorsque, moulé dans un duo ultime avec Gilles Gnonnas, pour un morceau de Pedro, il a supplanté le fils putatif sur son propre terrain ; ses qualités de professionnel en matière d’interprétation n’ont donc plus fait l’objet d’aucune ambiguïté.
...  se sont raffraîchis.
Par rapport à son jeu, Dag Jack a donc occasionné une terrible confusion, suscitant, dans sa tenue sur scène, le questionnement au niveau des spectateurs : « S’agit-il de GG Vikey lui-même? », « Celui-ci est-il ressuscité ? » Sa posture droite, le geste rare mais bien calculé, le visage impassiblement rêveur, nostalgique des rives du fleuve Mono, un visage parfois empreint d’une tristesse amoureuse, d’une langueur décisive, le timbre de voix parfaitement décalqué sur celui du vrai GG Vikey, voilà autant de faits de réussite ayant nettement travaillé à créer l’effet d’un réel décalquage de l’image de Dag Jack sur celle de ce célèbre chanteur béninois originaire de Bopa. Au terme de l’effet psychologique d’illusion analogique, c’est le retour de tous sur terre. Les éléments de réussite précédemment évoqué ont, par ailleurs, placé Dag Jack au-dessus de Gilles Gnonnas, même s’il ne s’agissait pas d’un concours d’interprétation de morceaux de chanteurs béninois.
Pour un concert d’hommage de commémoration du cinquantenaire de l’Institut français du Bénin, ce fut une occasion pour le public de mesurer la qualité du travail artistique se réalisant en sourdine chez Gnonnas Gilles et Dag Jack. 

Marcel Kpogodo