L’artiste sculpteur
béninois sur fer, Marius Dansou, a tenu le vernissage de sa nouvelle exposition.
Portant sur le coronavirus, elle a été lancée à Cotonou le samedi 23 mai 2020.
Ceci fut l’opportunité pour la manifestation par le créateur d’une indignation
bien réglée contre les dirigeants africains affichant différents types de
longévité au pouvoir, en pure perte pour le développement de l'Afrique.
Marius Dansou, au cours du vernissage |
« Les présidents africains ne peuvent plus aller se faire soigner à l’extérieur à cause du blocage des compagnies aériennes et des voyages internationaux, dû au coronavirus … ». Le contenu de la rage qu’a montrée Marius Dansou, sculpteur sur fer, à l’occasion du lancement de son exposition intitulée, ’’Où allons-nous ? Et quand ?’’, dans le début de la soirée du samedi 23 mai 2020, au ’’Parking’’, un espace culturel sis quartier de Fidjrossè à Cotonou.
« On l’a vu avec le
coronavirus, l’Afrique n’est pas respectée », a continué, en commentant, Marius
Dansou. « On se rend compte que c’est maintenant qu’on a besoin de grands
hôpitaux, de grandes universités », a-t-il conclu momentanément.
Pour comprendre le sens
de cette prise de position, fondée sur la dénonciation du caractère non
opérationnel des dirigeants dans le développement des pays africains, il suffit
de visiter l’exposition ’’Où allons-nous ? Et quand ?’’. Et, tout dépend alors
de l’entrée par laquelle le visiteur y arrive, de comment il s’ouvre
l’exposition et de comment il se la finit. Une série de 19 pièces s’offre à sa
vue. Ces œuvres sont des plaques individuelles fixées au mur. 6 d’entre elles
représentent l’image forte d’un crâne avec, au haut, une durée de vie pendant
que 7 autres sont un gros point d’interrogation sanglant avec, en son sommet,
une année censée être le commencement d’une durée de vie, dont l’absence d’une
année de clôture signifie que son détenteur se trouve encore en vie.
En outre, un drapeau
achève l’œuvre en sa base, celui du pays d’origine du dictateur qui, s’il est
représenté par un crâne, est un dirigeant africain décédé alors que, lorsqu’il
continue d’exercer le pouvoir, il se fait identifier par le point d’interrogation
évoqué cachant une question aussi bien précise que cruelle, cynique qu’adresse
Marius Dansou à des dictateurs toujours en vie et à la longévité séculaire mais
vaine au pouvoir : « Quand est-ce que tu crèves ? ».
L’artiste s’attaque
aussi à d’autres présidents qui sont des successeurs dynastiques ayant hérité
du pouvoir de leur père défunt. Il faut alors au visiteur une véritable culture
politique afin de trouver quel dictateur est caché derrière tel crâne en
bronze, en aluminium ou en bois, a effectué telle durée de vie évoquée, dans
quel pays représenté par un certain drapeau, et quel autre président, toujours
au pouvoir, se trouve incarné par le point d’interrogation de sang.
Voilà l’enjeu
stratégique de l’exposition, ce que Marius Dansou précise en rejetant toute
visée manichéiste : « Je ne suis pas dans un jugement mais je pousse les gens à
aller vers l’histoire de notre continent ». Il est donc question de
reconstituer le puzzle d’un nombre non négligeable de dictateurs que l’artiste
préfère appeler des « décideurs » : un président en crâne de bronze, d’autres
en un d’aluminium ou de bois, des chefs d’Etat à la longévité au pouvoir passée
ou actuelle, à la succession dynastique, en bref, des titans, des bulldozers
politiques dont l’agrippement séculaire à la direction de leur pays n’a pas
servi à faire décoller le continent, à lui donner la respectabilité que ses
pays respectifs méritent. Un opprobre dont le coronavirus serait, pour
l’artiste, venu révéler la profondeur dans lequel l’Afrique est plongée. En
réalité, cette exposition rappelle celle dénommée ’’Stop’’ que Marius Dansou
avait tenue au ’’Centre’’ de Godomey, deux ans auparavant, plus précisément,
dès le 25 mai 2018.
De pierres tombales, à
cette époque, l’artiste est passé, aujourd'hui, à des plaques murales qui
identifient pas moins de neuf pays de l’Afrique subsaharienne, un, du Maghreb,
et treize dictateurs-« décideurs ».
’’Où allons-nous ? Et
quand ?’’ est, par conséquent, une exposition incontournable pour évaluer et
doper sa culture politique, d’une part, puis pour s’approprier le
questionnement décisif contemporain, en deux temps, qui devrait habiter tout
Africain de bonne volonté, préoccupé d’un devenir reluisant de l’Afrique. La
présentation des oeuvres est ouverte « pendant deux à trois semaines », a
indiqué Marius Dansou, sous le couvert du respect strict des mesures de
protection contre le coronavirus.
Marcel Kpogodo