Dans le cadre d’une
exposition que les artistes animent depuis février 2017
Depuis le 4 février
2017, deux artistes peintres sont en exposition au ’’Centre’’ de Godomey. Il
s’agit de la Franco-iranienne Nazanin Pouyandeh et du Béninois Meschac Gaba. Une
tendance très curative se dégage des œuvres que ces créateurs donnent à voir
jusqu’en avril prochain.
Nazanin Pouyandeh |
Se guérir du sentiment
de détresse, d’angoisse, de perte de repères, cela est bel et bien possible, ce
que montre un processus artistique simple mais percutant : installation
d’un géant collier de phares de détresse de véhicules, allumés, d’une part,
celle-ci mise en communication avec un tableau aux tendances de couleurs très
apaisantes pour l’esprit, d’autre part, parmi un ensemble de six toiles,
pendant que, d’un autre côté, une technique classique de peinture, modernisée est
remarquable à travers des petits formats de tableau, et même par des objets
typiques exposés. C’est ainsi que Meschac Gaba et Nazanin Pouyandeh, donnent à
voir leurs œuvres, depuis le 4 février dernier, dans le bloc d’exposition du
’’Centre’’ d’Atrokpocodji, situé dans l’Arrondissement de Godomey, de la
Commune d’Abomey-Calavi.
''Détresse'' |
Après environ une
trentaine de jours de résidence de création, Meschac Gaba, monument des arts
plastiques au Bénin, peintre, récupérateur, installateur, déambulateur, fait
honneur à sa réputation d’artiste particulièrement inventif, en présentant six
toiles ayant suivi un laborieux processus de création. Des feuilles de son
jardin, recueillies, pressées selon un système d’étalement sur une feuille de
journal, laquelle est mise en contact avec la plaque en bois qui doit entrer
dans la composition physique de la toile. Un poids de surface est posé sur cet
ensemble pendant plusieurs semaines. Résultat : les feuilles laissent de
fortes et indélébiles empreintes sur la plaque de la future toile, celles-ci
étant de plusieurs espèces : hysope simple, hysope blanche, hysope
aquatique, hibiscus, notamment. Aussi bien des plantes médicinales que des
plantes qui portent protection et bonheur.
Et, ces traces
obtenues, Meschac Gaba appliquera différentes techniques artistiques pour
affiner le travail : le pointillisme, la peinture sur toile à l’acrylique avec,
comme support, des couleurs multiples : vert, violet, blanc, entre autres,
avec leurs sensations apaisantes sur la psychologie du visiteur.
''Hysope blanc'' et ''Misère'' de Meschac Gaba |
Ainsi, dans l’une des
salles d’exposition du ’’Centre’’ de Godomey, l’installation ’’Détresse’’
laisse découvrir le collier géant, qui décline différentes couleurs
clignotantes de feux de détresse de voitures de toutes marques, de quoi restituer
ce sentiment qui atteint les êtres humains et qui les déstabilisent. Et, en
diagonale, dans la salle ’’Mon jardin’’, le tableau ’’Misère’’, paradoxalement
à sa dénomination, dans son ton violet, parsemé de pointillés blancs, détend
profondément, faisant oublier cette détresse. De même, les autres toiles, ’’Cérémonie
des couleurs’’, ’’Hysope aquatique’’, ’’Hysope blanc’’, ’’Feuilles de jazzmen
sauvage’’, et ’’Kpatima’’, viennent renforcer cette atmosphère apaisante,
caractéristique de l’espace ’’Mon jardin’’, dédié aux œuvres de Meschac Gaba,
pour la durée de l’exposition.
Nazanin Pouyandeh, une thérapeute culturelle
La démarche de la
Franco-iranienne s’enfonce dans une pratique purement classique faisant valoir
la technologie contemporaine. Elle photographie ses modèles, affiche grandement
à son ordinateur l’image choisie pour la peinture, regarde cette photo et la restitue,
à l’aide de son pinceau. « Cette technique me permet d’améliorer la vision
qu’on a de l’homme », explique-t-elle. « Il s’agit d’un jeu avec le
spectateur ; je me mets très proche du réel mais je livre une scène
improbable », appuie Nazanin Pouyandeh. Chez elle, la nudité est souvent de mise, ce qu'elle démythifie aisément: « La nudité présente l'aspect de l'homme dans son état le plus primitif, le plus vierge ».
Les toiles de Nazanin Pouyandeh |
Ces modèles, par la
peinture sur toile, elle reproduit ce que son inspiration de l’instant lui
donne à voir d’eux, ce que son esprit lui dicte de ce qu’ils sont, de leur
richesse intrinsèque, de ce que, eux lui donnent à exprimer d’eux, ce qu’elle
livre aussi à partir de ce que son pinceau, de ce que sa main transmet du
message de ses yeux qui captent la photo prise. Une manière aussi, pour l’artiste,
de se mettre à la place de Dieu, pour procéder, à sa manière, à des retouches
sur la personnalité physique originelle du modèle.
Des objets symboliques dont s'inspire Nazanin Pouyandeh |
En outre, comme le
décrit Nazanin Pouyandeh, trois niveaux sont perceptibles sur chacune de ses
toiles de petit format. Le premier concerne le personnage, telle que son
inspiration a choisi de le reproduire. Concernant le deuxième niveau, il livre ce
qu’elle appelle des « objets symboliques » et, dans le cas d’espèce, il
faut compter avec des masques, des objets traditionnels, représentatifs du
culte vaudou. Quant au troisième niveau, il matérialise le pagne dit africain
qui devient le fond de décor de la toile.
Des oeuvres ayant établi la célébrité de Nazarin Pouyandeh |
Voilà une technique
qui, globalement, est productive. En effet, il est essentiel de se guérir de la
perte de ses racines, dans un pays comme le Bénin, anciennement colonisé par la
France et où l’on accorde plus de valeur et de crédit aux éléments culturels en
provenance d’ailleurs, de l’Occident. Nazanin Pouyandeh nous met en contact, à
travers ses toiles, avec notre vécu culturel authentique, à commencer par des personnages
de notre environnement qui lui ont servi de modèle. En outre, les objets
symboliques qu’elle choisit d’immortaliser constituent un sujet pour
reconstituer et immortaliser la richesse de la civilisation africaine.
Jusqu’au 1er
avril 2017, les œuvres présentées par Meschac Gaba et Nazarin Pouyandeh peuvent
être visitées au ’’Centre’’ d’Atrokpocodji, à Godomey.
Marcel Kpogodo