vendredi 27 juin 2025

Aston, un certain regard des fléaux contemporains

Dans le cadre d’une exposition à l’Espace Culturel Le Centre


“Sources” est une exposition d’art se déroulant à l’Espace Culturel Le Centre. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 20 juin 2025. Le Béninois, Serge Mikpon, alias Aston, est l’artiste exposant. Ses œuvres sont un canal de dénonciation de phénomènes de l’époque actuelle.


Aston, expliquant un de ses tableaux

Tabagisme, immigration, exploitation de l’homme, conflits géopolitiques. Ce qu’aborde “Sources”, de l’artiste plasticien béninois, Aston, à l’état-civil, Serge Mikpon, une exposition dont le vernissage s’est tenu le vendredi 20 juin 2025 à l’Espace Culturel Le Centre, sis quartier de Lobozounkpa, à Godomey, dans la commune d’Abomey-Calavi.

Des invités de marque étaient du public ayant fait le déplacement de l’événement. Il y avait, notamment, le ministre de la culture, Jean-Michel Abimbola. Etait aussi de la partie Dominique Zinkpè, ancien Directeur et Président d’Honneur de L'Espace Culturel Le Centre.

“Fumer tue” est la première installation marquante parmi les douze œuvres montrées au public. Elle mesure trois mètres de long sur deux mètres de large. L’artiste y restitue un corps humain fait de mégots de cigarettes. Il repose dans un cercueil fabriqué d’une manière originale. Boîtes de cigarettes, briquets et bûchettes d’allumettes en sont les matériaux. Le socle du personnage est également conçu en boîtes de cigarettes. L’installation symbolise la fin tragique réservée aux fumeurs. L’artiste interpelle ainsi la conscience des jeunes accrochés à la cigarette.

“Sources”, l’installation éponyme, approfondit la philosophie de l’artiste. Elle rassemble du sable provenant de vingt-quatre pays différents. Elle se constitue aussi du liquide provenant de quarante-huit sources diverses. Il y a, entre autres des larmes, de l’urine et de la salive. L’artiste les a recueillies dans de petits bocaux. Cette œuvre artistique exprime l’universalité des problématiques qu’il aborde.

’’Death train’’, une autre installation, porte également un message à portée sociale. Elle se compose de petits trains aux wagons fabriqués de boîtes de cigarettes. Ils sont posés sur des rails constitués d’allumettes. D’autres objets récupérés viennent compléter l’ensemble. Ils créent un environnement riche en matériaux de récupération. L’artiste y évoque le tristement célèbre ’’Train de la Mort’’ de 1944. Il transpose cette réalité historique aux conséquences du tabagisme chez les jeunes. Pour lui, fumer consiste à s’inhumer progressivement, sans bruit.

D’autres œuvres frappent l’attention. “Immigration” illustre les épreuves que traversent les immigrés dans le monde. L’artiste dénonce cette condition difficile et interpelle la responsabilité politique des États. “L’exploitation de l’homme par l’homme” suscite une réflexion sur les droits bafoués de l’homme. L’artiste y exprime la violence qu’exercent les hommes sur d’autres pour leurs intérêts.

Aston, sur le fondement de son exposition, rappelle que rien ne naît du néant. « Derrière chaque problème, chaque injustice, chaque transformation, il y a une origine », commençait-il. « Dieu est la première source. Il a tout créé », soulignait-il. L’homme, produit de cette source divine, en a engendré d’autres. « Il est la source de ces problèmes ou encore de leur aggravation », a précisé l’artiste. Il évoque ainsi l’interconnexion de toutes les sources. Les matériaux de récupération qu’il utilise ont une portée. Chaque pièce devient un puzzle de déchets ayant un sens. Ils sont nombreux : capsules, chaussures, cadenas, bouteilles, seringues, cassettes, perles, sable.



L’art pour éduquer


’’Sources’’ intègre un aspect didactique à destination du jeune public. Berthold Hinkati, Directeur de l’Espace Culturel Le Centre, l’a souligné au vernissage. 75 enfants ont, en effet, assisté l’artiste dans la création de l’œuvre, “Death train’’. « Ce n’est pas anodin. C’est une manière d’éduquer les enfants, de les motiver à s’intéresser à l’art », a-t-il justifié. Les parents ont été invités à venir découvrir le fruit de ce travail collectif. Le directeur a rappelé le bien-fondé de cette démarche. « À la maison, quand les enfants s’amusent avec des objets désuets, on pense qu’ils perdent leur temps », a-t-il rappelé. Il a poursuivi : « Les objets que nous avons l’habitude de jeter ont été récupérés par Aston pour créer ses œuvres » Il souhaite que les parents comprennent que cet art peut nourrir son homme. « Ces créations nourrissent l’artiste Aston. Il vit de son art », a-t-il conclu.



Un grand nom de l’art contemporain


Pour le ministre Jean-Michel Abimbola, Aston est une figure majeure de l’art contemporain au Bénin. Il fait partie des artistes montrés au Bénin et à l’international, à l’exposition, ’’Arts Contemporain du Bénin’’.

Aston, face à Jean-Michel Abimbola, dans ses précisions liées à une installation 



« Dans ses œuvres, il dénonce les injustices, les conflits, les dérives sociétales », a-t-il commenté. « Le monde est ainsi fait mais chacun doit jouer sa partition. L’artiste joue la sienne », finissait-il. Il a encouragé l’artiste à continuer son combat.



Un parcours expressif


“Sources” est le fruit d’un mois de résidence de l’artiste à l’Espace Culturel Le Centre. L’exposition constitue l’aboutissement de plusieurs années de recherche de l’artiste. Elle s’inscrit également dans une continuité de la Journée de l’Environnement, célébrée chaque 8 juin. Plusieurs œuvres, à part celles évoquées, valent la visite du public. Il s’agit de “Conférence de merde”, “Le voilier des temps”, “Stupide et inutile”, “Shango”, “Hêvioso”, “Ombre, son, couleur, lumière” et d’ “Aston Formule One”. Symboles forts et techniques surprenantes attendent un public curieux de découvrir leur richesse. L’exposition se poursuit jusqu’au 17 août 2025.


Léandre Houan / Marcel Kpogodo

dimanche 15 juin 2025

’’À jamais les premiers !’’, nouveau single de Myster Ezin

Un clin d’œil tout en nuances à la vie


Depuis le 21 mai 2025, Myster Ezin, slameur béninois installé en France depuis une douzaine d’années et également premier Béninois à obtenir le titre de docteur en musicologie, a mis en ligne sur les principales plateformes musicales un single intitulé ’’À jamais les premiers !’’. Depuis une quinzaine de jours, les internautes savourent ce délice musical qui offre, au-delà de la musique, une résonance sportive ainsi qu’un hommage à des valeurs essentielles.



Myster Ezin



Arrivé en France en juillet 2013, Myster Ezin, de son vrai nom, Ezin Pierre Dognon, réside dans le sud du pays, à Aix-en-Provence, depuis près de dix ans. ’’À jamais les premiers !’’, titre écouté plus de 70000 fois depuis sa sortie, parle aux passionnés de football, notamment à Marseille, bastion de l’Olympique de Marseille. Ce club, sacré champion d’Europe le 26 mai 1993, est devenu le premier club français à remporter la plus prestigieuse des compétitions européennes de football. De cet exploit est née la phrase emblématique, ’’À jamais les premiers !’’, qui se trouve être aujourd'hui le titre du single. Pour Myster Ezin, ce titre ne traduit pas nécessairement un soutien indéfectible à l’OM. En effet dans une interview accordée le 29 mai dernier à la blogueuse Mathilde Bluedesk, il a exprimé son « profond respect pour l’histoire glorieuse de l’OM, comme pour ce que représente aujourd’hui le PSG sur la scène européenne», tout en avouant que son «cœur, en tant qu’artiste africain francophone, penche aujourd’hui davantage vers le Paris Saint-Germain, pour ses symboles et les joueurs africains qui y ont brillé notamment son compatriote, Stéphane Sessègnon ». Il conclut en affirmant qu' ''À jamais les premiers !'' restera «une vérité gravée dans le marbre de l’histoire».



La vie, et rien que la vie


Membre discret de la diaspora béninoise en France, Myster Ezin porte en lui l’héritage éducatif reçu à Dassa-Zounmè dans le département des Collines au Bénin, notamment dans la localité de Magoumi, son village natal. Cet héritage a été marqué par une valeur essentielle : le respect pour les aînés. Dans les paroles du single, ’’À jamais les premiers !’’, la phrase «respect aux aînés» revient comme un mantra pédagogique. Avec nuance et simplicité, le slameur béninois rappelle que les aînés sont « à jamais les premiers » et qu'ils méritent, à ce titre, le respect. Du Bénin à la France, Myster Ezin, bien qu’attaché à ces valeurs, n’est pas à cataloguer parmi les conservateurs radicaux. Amoureux de la vie, il en reçoit autant en retour. Ses projets, passés comme futurs, porteront toujours l’empreinte d’une vie racontée avec à la fois brutalité et tendresse.


Bernado Mariano Houenoussi