Parcours d'une valeur
désormais incontournable
En concert, au ''Centre'' de Lobozounkpa, en août 2017 |
Un grand pragmatisme.
Un pragmatisme, apparemment, trop grand, réellement incroyable pour son âge, au
vu de la mentalité en vogue dans le Bénin d’aujourd’hui, chez les personnes âgées, au
niveau des adultes, dans la gent féminine, dans l’univers des jeunes de sa
génération : si l'on n'est pas né avec une cuillère en or dans la bouche, il n'y a pas de
''fouettage'' psychologique pour se dresser dans le champ des bénédictions
octroyées à chaque vivant par Dieu, si l'on ne dispose pas d’opportunités, il n'y a pas d’initiative pour
s’en donner, si l'on n'a pas de chance, il n'y a pas de combat pour se l’arracher, si l'on n'a pas d’ouvertures
de la vie, il n'y a pas de réflexions pour les conquérir, si l'on n'a pas de recrutement dans la
fonction publique, on ne cherche pas une inspiration pour l’espoir d’un mieux-être, si l'on ne trouve pas un emploi salarié plus ou moins bien rémunéré, on n'analyse pas ses potentialités professionnelles pour s’auto-employer, si l'on ne dispose pas de crédit pour
lancer une petite entreprise, on ne lève pas les bras pour commencer un business à
rien de frais.
Toutes ces postures,
toutes ces pesanteurs psychologiquement arriérantes, aliénantes et
handicapantes, développeuses du chômage, provoqueuses de l’anti-développement,
il les a toutes défiées, vaincues. S’il a pu, sans état d’âme, le faire,
réaliser ce qu’il faut qualifier d’un exploit, c’est, semble-t-il, parce qu’il
a vu le jour dans l’année de l’éclosion du renouveau démocratique en ex-Union
des Républiques socialistes soviétiques (Urss), au Bénin et, entre autres, en
Europe de l’Est : 1990. Plus précisément, le 24ème jour du mois de janvier. Une
constance : un génie naît souvent sous un signe historique particulier.
A vingt-huit ans
seulement, rigoureusement sonnés, il a compris qu’il fallait sortir des
sentiers battus de l’attente du bonheur qui se réalise de l’extérieur. Et, il
l’a exercé. Une véritable trempe, donc ! Le voilà, alors, désormais, un
pratiquant de la parole, qui s’en est fait un as, un esprit qui, dans sa langue
maternelle d’une nature profondément humoristique, fait rire en traitant les
situations ordinaires relatives au quotidien des Béninois.
A l’origine, il s’est
fait Technicien supérieur en Audiovisuel, depuis 2014, résultat de ses études à
’’Vidéo Leader’’, à Cotonou, après avoir, successivement obtenu, quelques
années auparavant, un Baccalauréat, en 2010, un Probatoire, en 2009, au Togo
et, notamment, un Brevet d’Etudes du premier cycle (Bepc), en 2006.
« Ose devenir qui tu es
! », a intimé André Gide, ce qui l’aura sûrement amené à tourner casaque par
rapport à la profession à laquelle le destinait sa formation. D’ailleurs, sa
mère étant femme de scène, le sang, les gènes auront dicté une loi d’airain.
Par conséquent, il suit le même sillage professionnel que sa génitrice mais, à
sa manière !
Il parle plus qu’il ne
chante, il profère surtout, il déclame, il soumet l’agencement circonstanciel
qu’il réalise des mots et des phrases, à une inspiration soucieuse de
déstabiliser les tares de la société, les malaises des liens interpersonnels,
les méandres noirs des relations politiques entre l’Occident et l’Afrique, la
force des travers multiples qui rendent délétère la vie humaine. Il le pratique
depuis un temps si important qu’à l'heure actuelle, il s’est fait le maître
d’une voix armée ! Le résultat de tant de mois et d’années de luttes, de
souffrances, de sacrifices, d’endurance, de persévérance.
Aujourd’hui, cette voix
ardente, ardue, hardie, tonne, se déploie, subjugue le public, à travers les
espaces de spectacles, à Cotonou, à Lomé et, en mai 2018, a émerveillé à
Abidjan, au Marché des arts du spectacle d’Abidjan (Masa) ; elle se met au
service de causes sociales telles que la lutte contre le mariage forcé, le
combat contre les violences faites aux femmes. Dans son pays, l’Espace ’’Mayton’’,
’’Le Centre’’ d’Atropocodji, le ’’Parking bar’’, l’Institut français de
Cotonou, notamment, ont savouré la finesse de ses jeux de mots, le créatif de
ses parodies, l’adresse de ses mises en musique, la justesse de son observation
du fonctionnement de la société moderne. ’’Aquarelle de couleurs’’, ’’Femme de
sable’’, ’’1960’’, ’’Enagba’’,’’ Vrai leader de demain’’, ’’Sursaut
patriotique’’, ’’Bénintovi’’ (Featuing avec Mamba noir), ’’Enongnin vévé’’
(Featuring avec Chokki) : quelques morceaux phare de son répertoire.
Au fil de l’expérience
de la scène par cet artiste de la parole, tant de réalités ont changé, ont
connu de l’amélioration : se fait seul face à Dieu, dans les coulisses, et non
plus devant le public, son incontournable prière d’avant entrée en scène, se
réduit comme une peau de chagrin le nombre de ses accompagnateurs
instrumentistes, son art exigeant qu’on mette plus en vue l’individuel de la
voix que le collectif de la musique. Son effervescence intellectuelle, ses
tournures comiques, ses vues décalées l’imposent comme le pape de son genre
artistique et, cette voix qui déchire, qui emballe n’est personne d’autre
qu’Indra-Das Baktha Nounagnon, alias Gopal Das, slameur en langue goun, de son
état, qui s’est construit par lui-même : un vrai self-made young à qui des
morceaux désormais mythiques concourent à affecter respect et prestige, place
de choix dans le slam au Bénin : ’’Hagbè’’, ’’Hounvi’’, ’’Sassigbé’’.
Marcel Kpogodo
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