dimanche 27 décembre 2009

Kajero - Rencarts 2009

Un aperçu de quelques tableaux de Rencarts 2009

Kajero, à côté du tableau ''La faim"


Rencarts 2009


Les impressions de Kajero

De son vrai nom, Jean Roméo Kamptchouang, Kajero, d'origine camerounaise, a participé au Festival Rencarts 2009. Au dernier jour de la manifestation, le mercredi 23 décembre 2009, à la Place Lénine, il a acepté de nous associer à son bilan de l'événement.


Journal Le Mutateur : Bonjour Kajero, tu es sur le Festival Rencarts, depuis le début. Ayant fait des tableaux sur l'assainissement, quels sont les domaines que tu as explorés ?


Kajero : J'ai exploré pas mal de domaines, parce que je suis parti, d'abord, de nos gouvernements, de nos Etats. Puis, ensuite, j'ai fait un tour dans l'environnement qui est vraiment le thème central, et puis, j'ai fini au niveau de l'assainissement personnel, corporel du corps humain. Le premier tableau, je lui ai donné pour titre : "La faim". Il m'a été inspiré par une jeune fille que j'ai rencontrée un soir dans la rue; elle avait à peine quatorze ans, elle était toute triste. Je me suis dit que je pouvais l'aider, mais quand je me suis rapproché d'elle, je lui ai demandé ce qu'elle faisait là, et elle m'a dit qu'elle reste là. Je lui dis : "Mais, tu fais quoi là ? Tu restes là ? Tu habites là ?" Et, elle me dit qu'elle travaille, et je lui demande encore : "Qu'est-ce que tu travailles ?" Elle n'a plus voulu continuer. Directement, j'ai constaté quelle faisait du poteau ; elle était une prostituée. Je lui ai donc demandé : "Pourquoi est-ce que tu es là, alors qu'il y a les Mst dehors, qu'il y a le sida ? » Elle m’a dit que c’est parce qu’elle avait faim qu’elle était là, que si elle n’avait pas faim, elle ne devait pas être là, au poteau ; elle préfère mourir du sida, des Mst, que de mourir de famine, parce qu’avec un sida, elle peut vivre longtemps, alors que, par contre, avec la famine, un mois, et puis, on ne la verra plus sur la terre. C’est ça qui m’a beaucoup plus poussé à faire ce tableau que j’ai donc nommé ’’La faim’’, juste pour montrer aux gouvernements africains, pas seulement au Bénin où je vis, ou du Cameroun d’où je viens, de trouver des emplois, de créer des emplois à la population, parce qu’il n’y a pas que des prostituées que je rencontre, mais il y a des braqueurs qu’on vit tous les jours dans nos rues, il y a des voleurs, il y a des ’’gaymans’’ – c’est la nouvelle donne, de nos jours – avec les nouvelles technologies de l’information, les ’’gaymans’’ qui arrivent, il y en a partout, parce qu’il n’y a pas de boulot, il n’y a rien à faire ; on a des étudiants qui sortent de l’université avec des diplômes, mais ils ne peuvent rien faire. Donc, j’exhorte nos gouvernements à créer des emplois.


A part le thème de la faim ?


J’ai parlé de l’environnement à travers le tableau que vous voyez là-bas. Au départ, il est bleu, le tableau ; le bleu, c’est la couche d’ozone, c’est la couleur de l’ozone : avant, le climat, il était doux, il était favorable à tout le monde, on était bien couverts, bien protégés par la couche d’ozone. Mais, aujourd’hui, vous avez les feux de brousse, la production des gaz et tout, la couche d’ozone est en train de disparaître au jour le jour et, on vit dans de très mauvaises conditions maintenant, on est obligés de porter un masque ; ça ne suffit pas, quoi. J’exhorte donc les Africains à imiter les Européens, c’est-à-dire, de commencer à recycler ; c’est la raison pour laquelle vous voyez sur le tableau qu’il y a des signes de recyclage, et, vous voyez, il y a la couche d’ozone qui est en train de disparaître : je travaille avec des courbes ; vous voyez la courbe de la couche d’ozone qui est décroissante, pendant que celle de la température est plutôt croissante. Cela veut dire qu’on court à la catastrophe et, vous voyez le tableau, il n’y a pas trop de vert, il n’y a que quelques tâches de vert, ça voudrait dire que la forêt, la végétation est en train de disparaître, parce qu’on coupe des arbres, et on ne reboise plus ; je veux que tout Africain mette la main à la pâte, en polluant moins, en plantant des arbres. Quand vous voyez les grosses maisons, il y en a qui ont de grosses maisons, mais, il n’y a même pas une fleur à l’intérieur, il n’y a même pas un gazon, il n’y a même pas de pelouse, on ne sait pas pourquoi. Pourtant, c’est de la verdure qu’il nous faut.


Sur certains tableaux, on voit des chaises. Quelle est la symbolique de la chaise chez Kajero ?


La chaise, pour moi, c’est l’homme, en fait, c’est la responsabilité de l’homme. Occuper une chaise, ça veut dire, prendre certaines responsabilités. C’est la raison pour laquelle j’utilise des chaises.


Tu interpelles qui avec ces chaises ?

Avec les chaises, j’interpelle la population entière, j’interpelle l’Africain, le peuple africain, raison pour laquelle j’ai mis trop de chaises là-bas, dans le tableau qui a pour titre : ’’L’atmosphère’’.


Mais, au niveau du tableau sur la faim, il y a une seule chaise en haut …



Oui, il y a une seule chaise, parce que c’est le gouvernement, au fait ; quand je dis le gouvernement, ce sont les gouvernements africains ; chaque pays est gouverné par une personne qui est responsable. Quand je dis responsable, c’est trop dire, parce qu’elle est entourée de conseillers, de ministres, je ne pouvais pas y mettre tout ce monde ; voilà pourquoi j’ai mis une chaise, parce que cela regroupe tout ce monde, cela regroupe le gouvernement. Je voudrais donc que les gouvernements prennent leurs responsabilités.


A part les sujets sur la faim et l’environnement, qu’avons-nous d’autre ?


C’est sur la purification humaine ; j’ai mis qu’il faut qu’on se purifie nous-mêmes. Nous sommes une partie de la nature, il faut qu’on purifie la nature. Donc, il faut qu’on commence par nous-mêmes. Et nous, c’est pas la peau ; je vois les gens se décaper parce qu’ils veulent être bruns, je sais pas pourquoi, je vois les gens se vêtir, ils mettent des costumes, ils veulent imiter les Européens, je ne sais pas pourquoi, c'est pas là qu’on doit se purifier, on doit se purifier à l’intérieur. C’est la raison pour laquelle, sur ce tableau, il y a un cerveau, il y a un cœur, il y a les sexes, parce que c’est là l’homme, en fait : l’homme, c’est son cerveau, c’est son cœur et c’est son sexe ; si on ne peut pas purifier ces parties-là, c’est inutile. C’est un peu ça, le boulot que je suis en train de faire ici ; je veux donc qu’on s’assainisse, qu’on assainisse notre intérieur. Vous voyez, au niveau de la tête, il y a un carré bleu ; ce carré bleu, c’est au niveau de la bouche, en fait, parce qu’il faut qu’on sache ce qu’on dit, il faut qu’on sache ce qu’on mange, il ne faut pas qu’on dise du n’importe quoi, et qu’on mange du n’importe quoi.



Quel bilan tu fais de cette semaine d’exercice artistique sur le thème de l’assainissement ?

Le bilan, je trouve qu’il est positif, parce que, en l’espace de dix jours, je peux dire que je me suis donné corps et âme et j’ai réussi à réaliser jusqu’à quatre tableaux, c’est un record ; généralement, je prends du temps pour faire des tableaux ; je ne sais pas où j’ai puisé les forces pour le faire. Bravo ! Je me dis « Bravo ! », et puis, je dis « Bravo ! » à mes coéquipiers avec qui je travaille ici ; eux aussi, ils ont travaillé d’arrache-pied, ils ont fait plus que moi, il y a des gens qui ont fait six tableaux … Franchement, malgré tout ce qu’on a eu comme problèmes ici, on s’est battus pour travailler.


Et si c’était à refaire ?


Si c’était à refaire, je m’inscrirais toujours dans la liste des participants.


Un dernier mot ?


Je voudrais d’abord souhaiter Bonne Année 2010 à tous les Béninois, à tous les Africains ; je voudrais surtout dire à tout Béninois, en particulier, et à tous les Africains, en général, de prendre soin d’eux, c’est-à-dire, de prendre soin de la nature, de l’environnement.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

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