mercredi 23 mars 2022

’’Survivances !?’’, l’exposition décryptée de Charly d’Almeida

Dans le cadre d’une conférence à ’’Gallery Charly’’


’’Survivances !?’’ est une exposition d’œuvres d’art concernant les productions de l’artiste contemporain béninois, Charly d’Almeida, qui a cours depuis le 18 décembre 2021. Elle a fait l’objet d’une explication en profondeur au cours d’une conférence qui a été organisée le samedi 12 mars 2022 à la galerie de l’artiste, dénommée ’’Gallery Charly’’, du quartier de Zongo, à Cotonou. Devant un public constitué, entre autres, d’artistes et de journalistes, il est revenu au curateur de l’exposition, Coffi Steven Adjaï, et à Charly d’Almeida de présenter les fondements permettant de comprendre ’’Survivances !?’’.


De gauche à droite, Luc Aimé Dansou, modérateur de la conférence, Charly d'Almeida et Coffi Steven Adjaï

« Un fantôme ne meurt jamais, il reste à venir, et à revenir », la réflexion du philosophe français, Jacques Derrida, une pensée qui, selon le jeune curateur, Coffi Steven Adjaï, est le fondement de l’exposition, ’’Survivances !?’’. Un extrait important de la conférence qu’il a animée, appuyé par l’artiste contemporain, Charly d’Alemida, dans le milieu de l’après-midi du samedi 12 mars 2022 à l’espace d’exposition, ’’Gallery Charly’’, sis quartier de Zongo, à Cotonou, en présence, notamment, d’artistes et de journalistes.


Un aperçu ...


Les échanges d’ordres intellectuel et scientifique concernant l’explication de l’exposition, ’’Survivances !?’’, de Charly d’Almeida, depuis le 18 décembre 2021, avaient pour thème, « Objet, et image d’une survivance : se souvenir, est-ce survivre aux temps ? Contexte historique et trame narrative pour une lecture des survivances dans la production de Charly d’Almeida ». Pour Coffi Steven Adjaï, ’’Survivances !?’’ est le fruit d’un travail de recherche sur les formes spectrales de la “vie en mouvement ” dans les gestes créatifs contemporains. « C’est une réflexion sur les mécanismes par lesquels les “faits d’affects” refoulés survivent à travers l’acte de création artistique », a-t-il continué, abordant de quelle manière la pratique artistique contribue à donner vie et valeur à du matériel usagé que l’univers normal considère comme des déchets.

Se rapportant au contexte historique de cette exposition temporaire, le jeune curateur a fait savoir que “Survivances !?” provient du désir de répondre à plusieurs questions que suscitent les œuvres de l'artiste Charly d'Almeida. « Je me demandais pourquoi certaines formes réapparaissent souvent dans les œuvres de l'artiste et comment des choses disparates, sans un lien traditionnel ou historique, se retrouvent dans d'autres temporalités », a-t-il laissé entendre.


... de l'exposition, ''Survivances !?''


Sur la base de ces réflexions, le jeune curateur dit avoir mené de nombreuses recherches dans les œuvres de certains auteurs comme Camille Bloc, dans le catalogue de l’exposition collective, ’’In-discipline’’, qu’a tenue la Fondation ’’Montresso’’, en 2018, et dans les écrits qu’a laissés le philosophe et historien d'art allemand, Georges Didi-Hubermann.

 

Charly d’Alemida …

Dans sa prise de parole, Charly d'Almeida a raconté avoir trouvé derrière le portail de la maison de sa grand-mère maternelle des tas de ferraille au milieu desquels des pédales de bicyclette, des dents usées de moulin à maïs et d’autres objets triviaux en fer se perdaient. Selon lui, son oncle lui avait alors expliqué que cette ferraille représentait Ogou, dieu des forgerons et du feu. Un déclic fort, apparemment, ce qui fait qu’en début 2020, une autre exposition que ''Gallery Charly'' avait accueillie de lui, avait jeté les fondements de la compréhension idéelle de “Survivances !?”. Elle avait pour titre, "Quand les lignes et les formes se meuvent".

Pour l'artiste plasticien Charly d'Almeida, la survivance, dans sa production, « ce sont ces choses qui disparaissent, comme refoulées et puis qui réapparaissent un jour, sans un lien temporel/traditionnel/historique évident ». Reliant cette précieuse précision à “Survivances !?’’,  Coffi Steven Adjaï a, plus que jamais, relancé les débats en affirmant qu’il s’agit d’ « un premier jet d’encre sur une feuille encore vierge ».

Léandre Houan

Pour Bobo D, « [il faut] pouvoir en finir avec la main toujours tendue de l’artiste »

Dans une interview accordée à notre rédaction


La Fête de la Culture béninoise (FCB) s’est tenue le 19 février 2022, avec grand succès. Dans le sillage de cet événement, Bonaventure Donou, alias Bobo D, qui en est le principal initiateur, a accepté d’en discuter des suites au cours d’une interview qu’il nous a accordée. Il ressort des considérations qu’il a abordées que la misère des artistes musiciens est le cheval de bataille qu’il est question d’enfourcher. Par conséquent, l’invité propose des solutions concrètes à ce fléau … 


De gauche à droite, Bobo D, en compagnie de l'Administrateur du Fonds des Arts et de la culture (Fac), Gaston Eguédji, à la Fête de la Culture béninoise 

Stars du Bénin : Bonjour Bonaventure Donou, plus connu sous votre pseudonyme d’artiste musicien et de producteur, Bobo D. L’actualité culturelle retient qu’en tant qu’acteur culturel, vous avez organisé la Fête de la Culture béninoise (Fcb) le samedi 19 février 2022 à l’espace, ’’Le marin’’, situé à la plage du quartier de Fidjrossè à Cotonou. Elle a réuni, à en croire vos statistiques, plus de 250 personnes parmi lesquelles des artistes, tous domaines confondus, et des acteurs culturels. Veuillez nous donner des détails sur le déroulement de cette Fête. Quelles en ont été les différentes activités ?

 

Bobo D : Bonjour, Marcel Kpogodo. Vous avez tout dit, dans la question. Effectivement, nous avons organisé la Fête de la Culture béninoise, qui a été inspirée par une réalité : la misère ambiante dans laquelle végètent les artistes de ce pays.

C'est l'artiste, Sèdami, qui m'a demandé d'organiser cette fête, qui débouche sur l'installation par des artistes de quatre maquis qui seront, pour eux, une activité génératrice de revenus.

Pour en revenir aux différentes activités de la soirée, on l’a démarrée avec mon mot de bienvenue aux artistes. Et, il y a eu des prestations d'artistes comme Sèna Joy, Aline D, la Compagnie Momby, de Tonton J, de ’’Coffi Danger’’, et de Da Yovo, Johnny Ahossi, Ebawadé, Sambiéni, Eliane Chagas, Josette Loupéda, Sèdami, et le grand frère, Nel Oliver.

Nous avons eu des temps forts de la soirée, très appréciés, sans oublier le passage des ’’Super Anges’’ d’Alladé Coffi, avec ses danseuses, et le ’’Zangbéto’’ qui faisait des démonstrations, avec sa métamorphose en tortue et en pigeon, la prestation des ’’As du Bénin’’ de Stanislas Dègbo et de ses splendides danseuses, sans oublier le ’’Guèlèdè’’, et la magnifique prestation des enfants d’Oscar Allossè.

Nous avons surtout apprécié, pour la première fois, au Bénin, l'union sacrée entre des artistes de toutes les catégories : plasticiens, hommes et femmes de théâtre, du cinéma, des musiciens et des chanteurs.

Mon grand regret, c'est l'absence de mes grands frères, Sagbohan Danialou et Tola Koukoui. Mais, je ne désespère pas qu'ils seront avec nous à la 2ème édition, en 2023.

 

Quel bilan pouvez-vous établir de cette manifestation que vous avez préparée de longue date ?

Avant d'en arriver à un bilan, il reste la mise en place des activités génératrices de revenus pour les artistes : les maquis. Nous avons commencé à les créer avec, en premier lieu, celui de Charles Momby le fils du professeur Momby ; il est quasiment fini.

Concernant votre question, nous tirons un bilan positif de cette 1ère édition. Cette Fête de la Culture béninoise a réuni tous les artistes, toutes catégories confondues, et, ceci, pour la 1ère fois, depuis 1960.

J'attire votre attention sur le fait qu'il est difficile à un artiste de sortir 2000 Francs, aujourd'hui, pour assister à un regroupement et, pourtant, nous devrions remercier nos frères artistes qui ont fait l'effort de sortir 10200 Frs, et, qui, au finish, ne sont pas déçus. Tous les artistes en redemandent, y compris ceux qui nous avaient critiqués, au début.

 

La Fcb est-elle une réjouissance de plus, entre artistes béninois ?

Pas du tout ! La Fête de la Culture béninoise n'est pas une réjouissance de plus. Celle-ci en est une qui réunit tous les artistes et qui a une particularité : les maquis que nous allons offrir à certains artistes.

 

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à organiser la Fcb ?

La misère ambiante dans laquelle nous autres, artistes, végétons.


Au cours de votre prise de parole, lors de la Fcb, le 19 février 2022, vous avez déclaré : « Si nous pouvons nous amener, nous-mêmes, à travailler et à commencer à nous assurer socialement, aussi à nourrir nos enfants, c’est déjà assez, que d’attendre toujours […] un transitaire ou […] un douanier, ce que nous appelons vulgairement des parrains … Mettons-nous ensemble ».

Quels sont les problèmes que vous avez donc perçus et que vous pensiez résoudre en organisant la Fcb ?

Le problème que nous voulons résoudre, c’est bien ce que nous sommes en train de faire, aujourd’hui. Quand on a fini d’observer le décès de nos frères qui sont morts, tous, dans une misère sans nom, lequel on peut noter, aujourd’hui, qui a laissé un compte en banque à moitié rempli ? Même le grand Tohon, qui a vu passer dans ses mains plus d’un milliard de francs ! Cela fait mille millions, hein ? Tohon en a gagné de l’argent mais, oui !

Mais, maintenant, lesquels, parmi nos artistes défunts, ont laissé de l’argent, quand on pense à Honoré Avolonto, à Assa Sika, tout récemment, qui était complètement à la déchéance ? Et, il y en a d’autres ! Il y en a d’autres ! Il y en a d’autres qui sont décédés et l’on pensait même qu’ils avaient une maison à Porto-Novo. Mais, ils n’avaient rien … Suivez mon regard …

Nous, nous pensons pouvoir en finir avec cela, pouvoir en finir avec la main toujours tendue de l’artiste. Nous ne voulons plus que nos frères, artistes, continuent de tendre la main. Il faut que cela cesse. Mais, pour que cela cesse, nous devrons nous mettre au travail et avoir un job de substitution, ce que nous allons pouvoir faire pour nourrir nos enfants, notre femme, notre petite famille, et pouvoir être père de famille ou mère de famille. C’est ce que nous voulons faire en cherchant à donner du travail à nos frères, comme ce que font tous les artistes, pas seulement béninois, mais tous les artistes de la diaspora.

Dès qu’ils arrivent en Occident, ils travaillent. Dès qu’ils arrivent en France, ils travaillent. S’ils ne le font pas, qui va les nourrir ? Il n’y a pas de douanier qui leur donnera un franc. Là-bas, s’ils ne gagnent pas de l’argent, c’est fini pour eux. Ils sont tous obligés de travailler.

Moi, particulièrement, j’étais transporteur, comme je l’ai souvent dit ; j’avais cinq camions qui me permettaient de gagner de l’argent à mettre sur les artistes béninois, en termes de production. Donc, il faudrait que nous puissions travailler à côté puisqu’il n’y a plus de vente de Cd, le matériel qui nous faisait gagner de l’argent. S’il n’y a plus de vente de Cd, combien de concerts l’on fait par an ? Et puis, le secteur de la musique n’est pas organisé. S’il l’était, il y aurait des tournées qui permettraient de nous faire vivre. Mais, le secteur n’est pas du tout organisé !

Honnêtement, il y a encore des choses à faire : s’il y a des promoteurs qui se mettaient en place, aidés par le Fonds des Arts et de la culture, avec un cahier de charges, bien élaboré, je pense qu’il y aurait des tournées et, nous pourrions passer de ville en ville. En voilà un problème.

L’autre problème : est-ce que le mélomane béninois consomme le produit du musicien béninois ? C’est difficile, vraiment difficile ! On voit bien ce qui se passe au Mali, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Cameroun ! Les mélomanes de ces pays consomment les produits de leurs artistes, d’abord. En République démocratique du Congo, vous n’allez pas faire venir un disque béninois et arriver à l’y vendre. Ce sera difficile. Les mélomanes de ce pays ne voudront même pas l’écouter. D’abord, ils ne comprennent pas notre langue. Tout cela est bien compliqué pour nous.

Quand nous observons que nos propres Disc jokers (Dj) vont télécharger les nouvelles sorties de Koffi Olomidé sans jamais l’avoir vu ! Ils les téléchargent après les avoir achetées et les jouent sans l’avoir vu. Tu es un artiste béninois, tu apportes ton produit à un Dj pour qu’il le joue ; si tu ne lui donnes pas de l’argent, il ne le fait pas. Il préfère jouer du Congolais ou du ’’coupé-décalé’’.

Le mal est profond.

 

Votre objectif a-t-il été atteint, en organisant la Fcb ?

Oui. Avoir organisé cette fête, sans encombre, et, aujourd'hui, commencer la mise en place des maquis sont une grande satisfaction pour notre Comité d’Organisation.

Avoir déjà pu remplir la salle, connaissant les finances de nos frères, artistes, montre que le Seigneur Shiva était à nos côtés. Notre objectif est atteint.


Pourquoi avoir choisi les maquis comme l’activité dans laquelle doivent s’investir les artistes béninois de la musique pour sortir de la misère ?

On aurait pu choisir une autre activité génératrice de revenus, seulement que cette idée des maquis est la mienne, car j'estime que quelqu'un qui tient un maquis ne pourra pas laisser ses enfants retourner à l'école le ventre vide.

 

Comment se fera le financement des maquis qui seront construits pour les artistes musiciens ? Ceux-ci devraient-ils prévoir une quote-part, pour cela ?

Les maquis seront, dans un premier temps, installés sur fonds provenant de sponsors et de mécènes. Après le démarrage effectif des activités culinaires, la Sobébra (Société béninoise de Boissons, Ndlr) se propose de rééquiper les locaux.

 

Nous avons constaté l’absence du Ministre de la Culture à la Fcb. Pourquoi ne l’avez-vous pas invité ?

Pour la 1ère édition, nous avons préféré n'inviter aucune autorité politique.

 

Pourquoi avoir fait cette option ?

Je souhaiterais répondre à cette question, en tête à tête, avec Monsieur le Président de la République.

 

Prévoyez-vous d’autres éditions de la Fcb ? Si oui, selon quelle périodicité ?

La fête de la Culture béninoise sera organisée tous les ans.

 

En tant qu’acteur et observateur du fonctionnement de l’industrie musicale, que pensez-vous qu’il faudra faire pour le rayonnement, à l’international, d’un rythme fort et authentique de la musique béninoise, comme l’on le voit en Côte d’Ivoire, avec le ’’Coupé-décalé’’, au Sénégal, avec le ’’Mbalax’’, au Nigéria et au Ghana, avec l’ ’’azonto’’, entre autres ?

Voilà. J'observe que nous sommes en train de rater le coche, dans cette affaire. Si j'avais quelques conseils à donner, je demanderais aux autorités de commencer par construire un grand conservatoire et un grand ’’music-hall’’, dans le Sud, et, les mêmes infrastructures culturelles, dans le Nord. Ici, je mets l'accent sur la formation des artistes, ce qui est primordial, pour notre secteur.

Parlant d'un rythme authentique et fort, je l'ai toujours dit : nous n'aurons jamais une place sur l'échiquier mondial tant que nous n'irons pas à l'unisson vers un rythme. Et, le rythme existe déjà puisque, pour moi, Tohon a déjà commencé ce travail. Mais, certains artistes béninois  n'ont pas suivi. Sans un rythme et une danse, pour le Bénin, notre pays sera toujours à la traîne. Tous les pays de grande culture musicale se sont installés à travers le travail à l'unisson de leurs artistes musiciens, comme nous en voyons l’exemple dans l’ex-Zaïre, actuel Congo démocratique, et en  côte d'ivoire.

 

Avez-vous un mot de fin ?

Nous allons entamer la préparation de la 2ème édition de la Fête de la Culture béninoise, saison 2023. Je serai heureux de voir, à cette fête, ceux qui n'ont pas pu se joindre à nous, lors de la 1ère édition.

Vive la culture béninoise !

Propos recueillis par Marcel Kpogodo Gangbè