jeudi 7 février 2019

Yvon Ekué, une poignante révolte contre la fermeture sociale

Dans le cadre d’un spectacle qu’il a tenu à Cotonou

Le samedi 2 février 2019 a permis de prendre part à un spectacle de danse contemporaine qui s’est effectué à l’Espace dénommé ’’Urban dance center’’ (Udc), situé à Cotonou. Au menu de l’action, le jeune Yvon Ekué aura frappé par son audace du rejet du conformisme professionnel, très ambiant.

Yvon Ekué, au cours du spectacle ''Avoundé''
Traits crispés, visage fermé, muscles des bras tendus, chute du corps comme, tout d’un coup, métamorphosé en une boule de nerfs, brève roulade comme en gymnastique, trouvaille d’un équilibre sur les deux membres inférieurs et abord d’un enchaînement de mouvements coordonnés. Le ton qu’a donné Yvon Ekué au spectacle de danse contemporaine intitulé ’’Avoundé’’, pour protester contre le manque d’acceptation de la profession de danseur artistique, dans le milieu de l’après-midi du samedi 2 février 2019, à l’Espace culturel ’’Urban dance center’’ (Udc), situé au cœur du quartier de la Haie-vive, à Cotonou.
Le regard, tantôt d’une dureté frappante, tantôt d’une perplexité déroutante, régule les mouvements du danseur qui, par les gestes de ses mains, laisse voir des doigts empressés comme demandant des explications ou en en donnant ; ce regard exprime ce que les paroles, le dialogue, les mots, tout simplement, n’ont pas droit de cité, ici, pour manifester. Les quinze premières minutes sont d’une telle tension qu’on sent un conflit du personnage avec d’autres, avec, semble-t-il, la société. Dans le cas contraire, comment expliquer ces gestes peu conciliants dans les doigts, ces chutes, ces relèvements brusques, ces tournoiements, entre autres, comme dans une ’’break dance’’ ayant fait fureur, tout au moins, dans la première moitié des années 1980 ? Ainsi, à l’aide de ses mouvements démultipliés, décomposés, c’est comme la déstructuration de sa personnalité que relaie le danseur, évoluant dans un décor tout en fond noir, dans des espaces latéraux de blanc peints. L’expression d’un deuil ? Du deuil d’une joie perdu, de l’épanouissement compromis, de la paix détruite ? Si oui, par rapport à quoi ?

Yvon Ekué, dans l'une des acrobaties, forte, liée au spectacle
Et, à un moment donné, ces doigts assez expressifs, tournés vers sa poitrine, donnent l’impression, chez le personnage, d’une introspection, d’un retour à soi, d’une adresse, de remontrances à soi. Pourquoi ? Auto-culpabilisation ? Auto-flagellation ? Traduit du français en mina, une langue parlée au Togo, ’’Avoundé’’, qui signifie ’’Bataille’’ semble devoir proposer des pistes d’interprétation …
En attendant de baigner les participants dans un océan propice d’analyses, le personnage continue son histoire qui, au bout de la quinzaine de minutes, prend, radicalement, une tournure plus conciliante, plus positive, plus douce, plus gentille, plus joyeuse.
En donne le ton un violent, « Hé, Togbé ! », lancé anonymement du public, ce qui ouvre la voie à une musique instrumentale de reggae, elle qui, subitement, asperge le danseur d’une bonne dose de sérénité, d’une force de spasmes menaçant de le bouleverser mais, qui, progressivement, le stabilisent, l’assagissent, l’adoucissent, le calment, l’épanouissent. Tout un coup, un autre homme prend forme : le sourire prend plus de place sur son visage. Ses bras et sa poitrine, son dos, ruisselants de sueur, semblent devoir commencer à se sécher et, sa culotte longue en tissu imprimé plus rouge, se prolongeant sur des genouillères blanches, à se froisser moins. Rien de cela n’est donné puisque la tête, les épaules, les bras et les pieds ont gardé d’un rythme qui, désormais, est canalisé, est domestiqué et est assagi par la musique reggae, comme si, la formalité de l’expression de son mal-être ayant été exprimée dans la violence précédente des mouvements, le soulagement et la paix étaient venus prendre siège dans esprit. Un dernier « Hé, Togbé ! » dicta sa loi et sonna la fin du spectacle. Vingt-cinq minutes venaient d’être égrenées.
De gauche à droite, Yvon Ekué, présenté au public par Nourou-Deen Eniola, Coordonnateur de l'Udc
En réalité, si ’’Avoundé’’ est le spectacle inaugural ouvrant la saison artistique à l’Udc, pour l’année 2019, il a donné l’occasion de voir s’exercer un certain niveau de réussite chez le jeune danseur contemporain, Yvon Ekué : sa capacité, par la mise en scène des gestes et des mouvements, des enchaînements, bien organisés, dans une symbiose de coordination, de traduire des sentiments forts comme la révolte, le dépit, la souffrance et l’humiliation, notamment ; il a fait sentir que le personnage qu’il incarnait était tourmenté. « ’’Avoundé’’ est l’histoire d’une bataille des artistes danseurs contemporains », a précisé l’artiste, « d’abord, contre eux-mêmes puisque, face au rejet de leur entourage, ils doutent, ils se demandent s’il faut continuer ou raccrocher. Ensuite, ils se battent contre la société qui n’accorde pas de l’importance à leur métier ». Dans cette longue explication apparaît la substance d’un spectacle, sa compréhension et sa direction, sans oublier qu’un autre jeune créateur en assuré la mise en scène : Yannick Amoussou.


L’Udc, une expérience déjà endurante

Nourou-Deen Eniola, Ezéchiel Adandé, Abênie Omontécho et Anita Vignigbé. Quatre esprits émanant des structures artistiques estudiantines qui ont décidé de conjuguer leurs efforts pour mettre en place un creuset pouvant leur permettre de concrétiser leurs initiatives de tous genres pour le développement de la danse contemporaine affiliée à celle urbaine : l’ ’’Urban dance center’’ (Udc) dont les activités ont été lancées en novembre 2018, à Cotonou, au siège de la structure culturelle, sis quartier Haie-vive de Cotonou. Sans tarder, ils font valoir un cahier de charges consistant les amenant à tenir des cours, à leur Espace, en danses modernes, en afro-contemporain hip-hop, en ’’dance-hall’’, en ’’street dance’’, en ’’break dance’’, en ’’new style’’, en ’’hip-hop girly’’, en ’’fun dance’’, en afro-fusion, en danses africaines traditionnelles et en danse contemporaine, sans oublier la pratique, aussi, de la danse classique, de la salsa et de la ’’kizomba’’. En outre, très proche de cet univers, le sport y trouve sa place, dans la programmation, par des cours que le client pourrait recevoir en aérobic, en ’’martial fitness’’, en ’’strong fitness’’, en ’’zumba’’ et en ’’mix cardio’’. Ses membres peuvent aussi se rendre utiles dans beaucoup d’autres domaines comme la motivation, le coaching et le développement personnel.

Marcel Kpogodo

vendredi 25 janvier 2019

Sébastien Boko : de nombreux trésors à contempler comme en donne l’exemple un certain Oswald Homéky

Dans le cadre de l’exposition ’’Voiles’’

Depuis le 15 janvier 2019 se tient, à la Galerie ’’Kpobly’’, de l’Institut français de Cotonou, l’exposition intitulée ’’Voiles’’, qui permet au sculpteur béninois, Sébastien Boko, de porter à la découverte du public plus d’une trentaine de pièces qu’il a organisées en installations, ce qu’Oswald Homéky n’a pas résisté à revenir examiner …

Le Ministre Oswald Homéky, en privé, à l'exposition ''Voiles''
34 sculptures mises en scène à travers pas moins de six installations. Ce dont a tenu à retourner se délecter Oswald Homéky, Ministre béninois de la Culture, dans le sillage d’une grande décontraction et d’une complète discrétion, au début de l’après-midi du samedi 19 janvier 2019, à la Galerie ’’Kpobly’’ de l’Institut français de Cotonou, lui qui avait appartenu au trio ministériel qu’il avait constitué avec Dona Jean-Claude Houssou, de l’Energie, et Aurélien Agbénonci, des Affaires étrangères et de la coopération, le mardi 15 janvier, au vernissage de l’exposition, ’’Voiles’’, mise en place par le jeune sculpteur, Sébastien Boko. « Je suis venu faire mon achat », nous a juste confié l’autorité ministérielle, surprise dans son observation de proximité des œuvres et, comme tenant à ce qu’on la laisse jouir de l’atmosphère de discrétion qu’elle s’était créée.
Ici, Oswald Homéky se comportait comme un criminel atypique : le crime parfait qui a été commis est positif ; il prolonge la vie et les biens, au lieu de détruire l’une et de faire dérober les autres, même si l'exposition en question coupe le souffle, impose silence, tue ! ’’Voiles’’ montre la dureté, l’ardeur, le niveau élevé du travail, à la fois physique, psychologique et intellectuel, d’un sculpteur d’un crû bien béninois, puis la qualité irréprochable et exceptionnelle que ses sculptures ont atteinte, ce qui met en jeu un défi terrible pour l’artiste : réussir à dépasser ce stade déjà d’une hauteur difficilement égalable.
Le crime parfait commis ne l’a pas été par Oswald Homéky mais, comme l’on le comprend, par Sébastien Boko, avec la complicité de Dona Jean-Claude Houssou, le découvreur, le promoteur et le révéleur de l’artiste ! Solidarité gouvernementale oblige, Oswald Homéky a eu part à l’activité et en est un complice conscient ou inconscient, s’il s’agissait d’un crime.



Quintessence d’une inspiration

Comme « l’assassin [ou son auxiliaire] revient toujours sur les lieux du crime », le Ministre de la Culture a, vraisemblablement, pour affiner son choix d’achat, revisité les différentes séries de l’exposition de Sébastien Boko : ’’Voile’’, ’’Lunettes’’, ’’Voyage’’, ’’Guèlèdè’’, ’’Dame voilée’’ et ’’Militaire’’.

La série ''Guèlèdè''
Aussi discret et imprévisible qu’Oswald Homéky, Sébastien Boko avait précédé, sur les lieux, l’autorité gouvernementale, quelques heures plus tôt, dans la matinée, une présence dont il a fallu profiter pour lui arracher quelques explications.
Si l’artiste use d’une force physique remarquablement épuisante pour transformer en personnages de gros troncs de teck, d’ébène, d’iroko ou, entre autres, de bois de veine, de son nom scientifique, Pterocarpius erinaceus, cela devrait exciter le visiteur à aller découvrir de quelle manière il harmonise le matériau qu’est le bois, en général, avec du fer, ceci qui, pour lui, a une résonance particulière, celui qu’il récupère des barils de pétrole, un liquide très précieux, une ressource du sous-sol à l’origine de terribles conflits entre les pays, à travers le monde.

L'installation ''Militaire''
C’est ainsi qu’il faudrait absolument se déplacer vers l’Institut français de Cotonou pour chercher à comprendre comment, par ’’Militaire’’, Sébastien Boko détermine une installation de pièces portant une réelle valeur de synecdoque, identifiant des soldats par la partie de leur corps allant de la poitrine ou de la ceinture aux membres inférieurs habillés en conséquence, afin de poser le problème des guerres monstrueuses et meurtrières que provoque justement le pétrole et que sont chargés d’animer les hommes en armes, chargés de la défense.

La série ''Lunettes'' ...
... et celle, ''Voile'' ...
En outre mérite d’être appréhendée la traduction par Sébastien Boko d’un thème aussi urgent et actuel que celui de l’immigration, qu’elle soit clandestine ou non, de l’évasion physique, tout simplement, telle qu’elle transparaît dans ’’Voile’’ et, directement dans ’’Voyage’’, 

... de même que ''Voyage''
sans oublier qu’il reste tout au moins important que chacun se rende à la Galerie ’’Kpobly’’ de l’Institut français de Cotonou, pendant qu’il en est encore temps, afin de se faire sa lecture, sa compréhension des différentes facettes de la réelle indispensable hypocrisie humaine dans ’’Lunettes’’ et vis-à-vis de ’’Dame voilée’’. 

Dame voilée
Par ailleurs, de la même manière que l’on se donne de saisir le contenu d’un roman, d’une pièce de théâtre ou d’un recueil de poèmes, il faudrait aller décrypter ’’Guèlèdè’’, se faire une idée de la façon libre, variée et diversifiée dont se déploient, autour de ce masque que « les hommes portent pour rendre hommage aux femmes », l’imagination et, globalement, l’inspiration du sculpteur dont le talent est en pleine explosion. 

Une sculpture de l'installation ''Guèlèdè''
En réalité, cette exploration du ’’Guèlèdè’’, version ’’Sébastien Boko’’, commence par la devanture de l’Institut français de Cotonou, avec une pièce d’un siamois intrigant, impressionnant. Finalement, lesquelles des 34 sculptures de l’exposition ’’Voiles’’, qui s’achève le 4 février 2019, auraient arraché l’achat du Ministre Oswald Homéky ?

Marcel Kpogodo