mardi 7 mars 2017

Koudy, une irrévocable force artistique mais …

Face au concert de l’artiste au ’’Centre’’ de Godomey


La jeune artiste béninoise de la musique, Koudy, s’est produite le samedi  4 mars 2017, au ’’Centre’’ de Godomey, situé à Atrokpocodji, dans la Commune d’Abomey-Calavi. Au-delà de la grosse énergie qu’elle a déployée pour se rendre à la hauteur du défi de tenir en haleine les spectateurs, il semble lui rester un petit bout de chemin à parcourir pour entrer dans le cercle prestigieux des stars.

Koudy, en pleine expression de son talent multidimensionnel de scène
’’Iwadjou’’, ’’Owxhé’’, ’’Iya mi’’, ’’Vivou’’, ’’N’djolo’’, ’’Wangnigni towé’’, ’’Hélou gbèto’’, ’’Zéyilo’’, ’’Winner’’. Les neuf morceaux que Koudy a exécutés lors du concert qu’elle a donné, le samedi 4 mars 2017, au ’’Centre’’ de Godomey, précédés qu’ils ont été par un instrumental tout en blues, qui a sonné l’entrée en scène d’une Koudy porteuse d’une grande détermination, après la première partie des six morceaux du jeune Sénam Malo. Pendant environ 80 minutes, elle a démontré, de par sa voix, sa capacité à assumer ses chansons, sa danse, la flamme personnelle qu’elle mettait en branle, qu’elle n’était pas venue pour faire dormir le public ni pour simplement figurer. Donner donc le meilleur de soi semble avoir été son crédo. L’ont accompagnée instrumentalement Samouraï, à la guitare basse, Daly N’dandou, à la guitare solo et, Bobo, à la batterie et à la percussion.
Et, elle s’y est mise à fond si bien que chaque spectateur, selon sa sensibilité, serait sorti de ce spectacle avec une note personnelle de Koudy lui trottant dans la tête, jusqu’à très longtemps. Ainsi, très engageante, grâce à ’’Winner’’, elle a terminé le concert en beauté, laissant chaque membre du public se satisfaire d’une phrase choc qui revenait en un savoureux refrain : « I am a winner ! ». C’était tout un programme de développement personnel que le public s’était approprié, de sorte qu’ayant quitté la scène depuis, elle s’est vue obligée d’y revenir pour servir, de sa voix, d’un excellent strident de l’instant, le même refrain plus que jamais galvanisateur : « I am a winner ! ».
Cette chanson portait une charge lyrique si forte, si intense qu’elle semblait capitaliser la somme de l’espérance et de la foi, de la conviction de l’artiste d’avoir surmonté un flot de difficultés pour se retrouver, enfin, en la confortable position de totale gagnante. Cette sensation que Koudy donnait d’avoir vaincu une certaine fatalité a fait la réussite particulière de ce morceau devant le public du ’’Centre’’. Ceci semble manquer perpétuellement à cette artiste : sortir du plus profond d’elle-même, du tréfonds de son esprit, de ses entrailles, son vécu avec attaché à lui, les émotions, les sentiments authentiquement éprouvés ; il ne manque que cela pour élever Koudy à la dimension de star, surtout qu’elle sait chanter en live, qu’elle sait faire balancer sa voix au gré des instruments qui l’accompagnent, qu’elle sait parfaitement danser.
Seulement, on sentait une Koudy manquant de souffle pour aller plus loin dans les élans vers lesquels l’entraînait sa voix qui chantait et son corps qui se secouait ; il lui faut donc plus de sport, pour procurer plus de souplesse à ses membres, fragilisés par de l’embonpoint.
N’abordons pas la tenue de scène de l’artiste, un ensemble mixant un pantalon noir collant pour, apparemment, faciliter ses mouvements, au-dessus duquel trônait une robe à manche unique d’un certain modèle. Tenue débrayée ? Peu importe !
Pour son concert au ’’Centre’’, Koudy Fagbémi a pu faire espace comble, surtout qu’elle a occasionné le déplacement de plusieurs dizaines de spectateurs. Le bout de la route pour devenir une star est désormais plus visible.


Marcel Kpogodo 

samedi 4 mars 2017

Gaba et Pouyandeh : se guérir au ’’Centre’’ d'Atrokpocodji à Godomey

Dans le cadre d’une exposition que les artistes animent depuis février 2017


Depuis le 4 février 2017, deux artistes peintres sont en exposition au ’’Centre’’ de Godomey. Il s’agit de la Franco-iranienne Nazanin Pouyandeh et du Béninois Meschac Gaba. Une tendance très curative se dégage des œuvres que ces créateurs donnent à voir jusqu’en avril prochain.

Nazanin Pouyandeh
Se guérir du sentiment de détresse, d’angoisse, de perte de repères, cela est bel et bien possible, ce que montre un processus artistique simple mais percutant : installation d’un géant collier de phares de détresse de véhicules, allumés, d’une part, celle-ci mise en communication avec un tableau aux tendances de couleurs très apaisantes pour l’esprit, d’autre part, parmi un ensemble de six toiles, pendant que, d’un autre côté, une technique classique de peinture, modernisée est remarquable à travers des petits formats de tableau, et même par des objets typiques exposés. C’est ainsi que Meschac Gaba et Nazanin Pouyandeh, donnent à voir leurs œuvres, depuis le 4 février dernier, dans le bloc d’exposition du ’’Centre’’ d’Atrokpocodji, situé dans l’Arrondissement de Godomey, de la Commune d’Abomey-Calavi.

''Détresse''
Après environ une trentaine de jours de résidence de création, Meschac Gaba, monument des arts plastiques au Bénin, peintre, récupérateur, installateur, déambulateur, fait honneur à sa réputation d’artiste particulièrement inventif, en présentant six toiles ayant suivi un laborieux processus de création. Des feuilles de son jardin, recueillies, pressées selon un système d’étalement sur une feuille de journal, laquelle est mise en contact avec la plaque en bois qui doit entrer dans la composition physique de la toile. Un poids de surface est posé sur cet ensemble pendant plusieurs semaines. Résultat : les feuilles laissent de fortes et indélébiles empreintes sur la plaque de la future toile, celles-ci étant de plusieurs espèces : hysope simple, hysope blanche, hysope aquatique, hibiscus, notamment. Aussi bien des plantes médicinales que des plantes qui portent protection et bonheur.
Et, ces traces obtenues, Meschac Gaba appliquera différentes techniques artistiques pour affiner le travail : le pointillisme, la peinture sur toile à l’acrylique avec, comme support, des couleurs multiples : vert, violet, blanc, entre autres, avec leurs sensations apaisantes sur la psychologie du visiteur.
''Hysope blanc'' et ''Misère'' de Meschac Gaba
Ainsi, dans l’une des salles d’exposition du ’’Centre’’ de Godomey, l’installation ’’Détresse’’ laisse découvrir le collier géant, qui décline différentes couleurs clignotantes de feux de détresse de voitures de toutes marques, de quoi restituer ce sentiment qui atteint les êtres humains et qui les déstabilisent. Et, en diagonale, dans la salle ’’Mon jardin’’, le tableau ’’Misère’’, paradoxalement à sa dénomination, dans son ton violet, parsemé de pointillés blancs, détend profondément, faisant oublier cette détresse. De même, les autres toiles, ’’Cérémonie des couleurs’’, ’’Hysope aquatique’’, ’’Hysope blanc’’, ’’Feuilles de jazzmen sauvage’’, et ’’Kpatima’’, viennent renforcer cette atmosphère apaisante, caractéristique de l’espace ’’Mon jardin’’, dédié aux œuvres de Meschac Gaba, pour la durée de l’exposition.



Nazanin Pouyandeh, une thérapeute culturelle

La démarche de la Franco-iranienne s’enfonce dans une pratique purement classique faisant valoir la technologie contemporaine. Elle photographie ses modèles, affiche grandement à son ordinateur l’image choisie pour la peinture, regarde cette photo et la restitue, à l’aide de son pinceau. « Cette technique me permet d’améliorer la vision qu’on a de l’homme », explique-t-elle. « Il s’agit d’un jeu avec le spectateur ; je me mets très proche du réel mais je livre une scène improbable », appuie Nazanin Pouyandeh. Chez elle, la nudité est souvent de mise, ce qu'elle démythifie aisément: « La nudité présente l'aspect de l'homme dans son état le plus primitif, le plus vierge ».

Les toiles de Nazanin Pouyandeh
Ces modèles, par la peinture sur toile, elle reproduit ce que son inspiration de l’instant lui donne à voir d’eux, ce que son esprit lui dicte de ce qu’ils sont, de leur richesse intrinsèque, de ce que, eux lui donnent à exprimer d’eux, ce qu’elle livre aussi à partir de ce que son pinceau, de ce que sa main transmet du message de ses yeux qui captent la photo prise. Une manière aussi, pour l’artiste, de se mettre à la place de Dieu, pour procéder, à sa manière, à des retouches sur la personnalité physique originelle du modèle.

Des objets symboliques dont s'inspire Nazanin Pouyandeh
En outre, comme le décrit Nazanin Pouyandeh, trois niveaux sont perceptibles sur chacune de ses toiles de petit format. Le premier concerne le personnage, telle que son inspiration a choisi de le reproduire. Concernant le deuxième niveau, il livre ce qu’elle appelle des « objets symboliques » et, dans le cas d’espèce, il faut compter avec des masques, des objets traditionnels, représentatifs du culte vaudou. Quant au troisième niveau, il matérialise le pagne dit africain qui devient le fond de décor de la toile.  

Des oeuvres ayant établi la célébrité de Nazarin Pouyandeh
Voilà une technique qui, globalement, est productive. En effet, il est essentiel de se guérir de la perte de ses racines, dans un pays comme le Bénin, anciennement colonisé par la France et où l’on accorde plus de valeur et de crédit aux éléments culturels en provenance d’ailleurs, de l’Occident. Nazanin Pouyandeh nous met en contact, à travers ses toiles, avec notre vécu culturel authentique, à commencer par des personnages de notre environnement qui lui ont servi de modèle. En outre, les objets symboliques qu’elle choisit d’immortaliser constituent un sujet pour reconstituer et immortaliser la richesse de la civilisation africaine.
Jusqu’au 1er avril 2017, les œuvres présentées par Meschac Gaba et Nazarin Pouyandeh peuvent être visitées au ’’Centre’’ d’Atrokpocodji, à Godomey.


Marcel Kpogodo