jeudi 17 avril 2014

Magic, du Groupe "Ardiess Posse", parle de la la 13ème édition du Hip-Hop Kankpé se déroulant à Cotonou

" [...] soutenons ce qui est à nous "

Du 16 au 19 avril 2014, le Hip-hop kankpé (Hkh), organisé par la Groupe Ardiess Posse, dictera sa loi à Cotonou, dans un partenariat total d' "Ardiess Productions" avec la Société Mtn-Bénin. Ce Festival dédié aux artistes du hip-hop et du rap, qui aborde ainsi sa treizième édition, a quelques éléments de particularité que Magic, un membre du groupe, présente, au détour de cette interview qu'il a bien voulu nous accorder. Propos, entre autres, de grande analyse de la vie du Hip-hop au Bénin, depuis plusieurs années ...

Magic, au cours de l'interview ...
Stars du Bénin : Bonjour Magic. Nous sommes à une nouvelle édition du Hip-hop kankpé, appelé "Hkh". Peux-tu nous dire les innovations de cette 13ème édition ?

Magic : Bonjour déjà. Nous sommes effectivement à la 13ème édition du Hip-hop kankpé ; la particularité en est qu'il y aura un concours de découverte de nouveaux talents, qui est inclus, cette année ; ce sera un concours de rap en live qu'avant, on ne faisait pas. Ensuite, il y a le concours inter-collèges de basket et un concours de graffiti, en live aussi. Et, en plus de cela, les concours "RER Awards" ne se passeront plus au Palais de congrès mais, plutôt, à Dédokpo, à Akpakpa, sur le terrain de jeux, construit conjointement par la Mairie de Cotonou et la Société Mtn-Bénin. Encore, cette année, on n'a que trois invités. 


Pourquoi avoir déserté l'esplanade du Palais des congrès, surtout que c'est un espace qui pouvait contenir plus de monde ?
En fait, c'est seulement les "RER Awards" que nous ferons au terrain de Dédokpo. Mais, le grand concert est au Palais des congrès, le 19 avril, à 17 heures ; le Palais des congrès reste notre terrain. 


Par rapport à la 13ème édition du Hkh, qu'est-ce qu'on sent, comme différences, fondamentalement, par rapport aux autres éditions ?
On a un troisième site, d'abord, parce qu'avant, on travaillait au Palais des congrès et à l'Institut français de Cotonou ; cette année, il y a un troisième site qui est le terrain omnisports de Dédokpo. 


Est-ce que le Hkh, après plusieurs éditions, a atteint, aujourd'hui, une dimension qui puisse le faire considérer comme un événement icône du hip-hop béninois, de la musique béninoise ?
Je dirai que c'est le plus grand festival béninois - ça, ce n'est pas pour jeter des fleurs à mon événement - c'est parce qu'on a fait 13 ans de suite ; il n'y a aucun festival au Bénin qui a fait 13 ans d'existence, constamment. Qu'on soit soutenu par le Ministère de la Culture ou pas, on fait notre truc et, on le fait bien, grâce à Dieu. Donc, c'est le plus gros festival béninois ; cela n'a rien à avoir avec le côté "rap", le côté "musique urbaine", non : il n'y a pas un festival qui a fait 13 ans au Bénin. Donc, on est les plus grands ; on est maintenant le plus gros festival au Bénin !


Ce mercredi 16 avril, nous assistons à la soirée de lancement du Hip-hop kankpé, à travers la projection, à l'auditorium de l'Institut français de Cotonou, d'un film. Qu'en est-il de ce film?
Ce documentaire qui passe à l'auditorium est intitulé "Le milliard du rap". Au fait, nous qui sommes un nouveau pays ayant embrassé la culture du hip-hop, il n'y a pas longtemps, les gens doivent pouvoir comprendre comment ça a pris, de l'autre côté ; là, on est en train de montrer à la nouvelle génération, à notre jeunesse, comment on peut partir d'un rien pour devenir grand et faire quelque chose de bien ; même si on n'a pas de gros moyens, on fait avec ce qu'on a pour atteindre ses objectifs. En fait, c'est le but de ce documentaire. 


En situant ce documentaire dans le contexte du Hip-hop kankpé, est-ce qu'on peut dire que les membres d' "Ardiess Posse" sont très riches, qu'ils arborent une prospérité due à leur activité musicale ?
Je dirai toujours une chose : la vraie richesse, c'est ce qu'on  partage avec tout le monde, c'est pas ce qu'on a pour pouvoir remplir sa panse, parce que la Bible nous dit qu'il y a plus de plaisir à donner qu'à recevoir. Donc, là, nous, on est extrêmement riches parce que, je crois qu'on a partagé avec nos frères, avec nos jeunes frères, treize ans de bonheur, on a partagé treize ans de bonheur avec eux ; pendant les treize années, on leur a amené des artistes qui ne se ressemblent pas du tout, qui n'ont rien en commun et qui ont, chacun, une spécialité ou une touche à part. Donc, pour moi, cette richesse ne peut pas être comparée au fait que, moi, je peux rouler une voiture, que je peux vivre dans une grande maison ; ça n'a rien à avoir. Quand tu fais le bonheur des autres, c'est ça qui est la plus grosse richesse, parce que, même le plus grand de tous, Jésus, il est venu, mais les gens ne faisaient pas des guérisons sur lui ; c'est lui qui faisait les guérisons pour les autres, c'était la joie des autres qui était sa nourriture ... 
Donc, moi, aujourd'hui"hui, je suis content que, sur la 13ème édition, nous avons sept artistes béninois qui sont nés il n'y a même pas cinq ans ; ça veut dire que nous avons créé cette chose, nous avons donné l'envie aux gens de vivre du rap. Aujourd'hui, on a Dibi, Blaaz, Kemtan, Wp, Oka, 4season, Aaron, Mamba noir, ... Donc, on a huit artistes béninois qui sont officiels, aujourd'hui ; à notre époque, c'était difficile, parce qu'il n'y avait qu'Ardiess, H20. Après ces deux-là, il y a eu Apouké, qui avait marché ; disons qu'il y a eu Radama-Z, entre H20 et Apouké. C'était un truc qu'il y avait chaque deux ans, chaque trois ans, mais, aujourd'hui, on a, dans la même année, cinq ou sept rappeurs qui émergent, cinq ou sept rappeurs qui sortent leur album ou leur vidéo. Aujourd'hui, on a de jeunes rappeurs qui vont faire leur vidéo à Lomé, au Brésil, partout ... C'est ce que nous avons planté ça et, ça, c'est une vraie richesse ; personne ne pourra nous l'enlever. On peut voler mes sous, on peut voler ma voiture mais, on ne pourra jamais me voler ce que nous avons mis dans le cœur des gens pendant treize ans, nous, "Ardiess productions".


Tu parles d'une richesse artistique, d'une richesse musicale, d'une richesse psychologique, spirituelle mais, qu'en est-il de la richesse matérielle, à votre niveau, est-ce qu'on peut dire que les membres du Groupe Ardiess sont prospères ?
Moi, je dis toujours une chose : celui qui veut être le premier doit pouvoir être l'esclave des autres, celui qui veut être le plus grand parmi nous doit se faire plus petit ; aujourd'hui, nous, l'argent qu'on gagne, l'argent qu'on amasse, on l'investit plus dans le showbiz que dans nos propres vies. Mais, concernant nos propres vies, en tout cas, je ne vis pas dans un ghetto, j'ai en ma possession deux voitures, Sosthène et Archange en ont une, Hermann, lui, ne sait pas conduire, ça va, et chacun vit chez lui, moi, j'ai trois enfants, Archange et Sosthène ont une fille, nous sommes des papas, nous sommes responsables ; nos enfants ne mangent pas le sable : aujourd'hui, si j'amène mon fils ici, s'il est debout, je crois qu'il y a peu de fonctionnaires qui disent qu'ils vivent de leur travail, qui peuvent habiller leur enfant comme le mien. Je vis bien, j'en remercie Dieu ; je ne me compare à personne et, on ne veut se comparer à personne, on mange - Tu vois, je suis en bonne santé ! - voilà, ça va ... (Rires).


Par rapport aux artistes que vous avez promus et qui sont sur la scène aujourd'hui, on peut dire que vous avez réussi votre idéal d'amener des jeunes à faire comme vous ...
Ouais, ça, franchement, je suis heureux de voir que des gars comme Dibi, Blaaz, Cianogène, le Groupe Esprit Neg, sont passés sur les "Duels cruels". Donc, toute cette génération qui est venue après est passée sur les "Duels cruels", d'autres ont fait le "Hip-hop Academy". Franchement, on a fait quelque chose qu'on avait toujours souhaité faire, mais on n'a pas encore fini, parce que, pour nous, là, on doit écraser tout sur notre passage. Donc, notre rêve ne sa'est pas encore achevé. 


As-tu un mot de fin, un appel à lancer au public béninois, face à cette 13ème édition du Hip-hop kankpé ?
Tout ce que j'aimerais dire à nos frères béninois : sachons nous aimer, sachons soutenir ce qui est à nous; pourquoi on ne pourrait pas faire un Festival Hip-hop kankpé qu'avec des rappeurs béninois? Aujourd'hui, ça sera un peu impossible, parce que les gens ont toujours envie de venir voir ce qui vient de l'Extérieur, mais tout ce qui vient de l'Extérieur ne brille pas, tout ce qui vient de l'Extérieur ne rappe pas mieux que nous ! Ah oui ! Nous avons eu à faire des featurings avec eux, vous avez vu que leur niveau de rap ne nous dépasse en rien ! Peut-être que, eux, dans leur pays, ils ont beaucoup plus de moyens, ils sont plus soutenus ; c'est pour cela que je dis : soutenons ce qui est à nous.
Quant à cette 13ème édition proprement dite, je dirai merci à tous ceux qui ont toujours soutenu le rap, le Hip-hop kankpé, à tous ceux qui sont venus, à tous ceux qui ont toujours participé aux ateliers, aux conférences-débats, parce que, c'est eux qui font vivre la chose. Donc, franchement, merci de continuer de nous soutenir, comme ça, on pourra encore continuer à mieux faire.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo


Quelques éléments du programme du Hip-hop kankpé 2014

- Jeudi 17 avril 2014

9h-13h : Atelier d'écriture, animé par S@m / Fâ Music, à l'auditorium de l'Institut français de Cotonou.
15h-17h30 : Conférence-débat sur le thème : "Commercialisation du hip-hop béninois à l'échelle internationale". Animation : Oscar Kidjo.

N.B. : Entrée libre et gratuite.

- Samedi 19 avril 2014

17h : Grand concert au Palais des congrès. Artistes invités : Dibi Dobo, Tiwa Savage, Stanley Enow, WP, Blaaz, Sinik, Kemtan, 4Season, et bien d'autres.

M.K.

mardi 15 avril 2014

Jérôme Tossavi présente "Il faut battre l'amour quand il est fou''

Pour le lancement de l'ouvrage le 5 avril 2014


Le samedi 5 avril dernier a donné lieu au lancement du livre "Il faut battre l'amour quand il est fou". C'était à l'auditorium de l'Institut français de Cotonou. A cette occasion, Jérôme Tossavi, poète et dramaturge béninoise a procédé à la présentation au public de sa lecture de ce recueil de cinq pièces de théâtre, écrit par Jean-Paul Tooh-Tooh, et publié aux ''Editions plurielles''.


''Il faut battre l’amour quand il est fou'' ou la prosopopée de l’amour-démence s’offre à nous, paisibles lecteurs d’Ici et d’Ailleurs, comme l’odyssée de la femme, objet politique. Et sexuel. Du compromis mis en scène où le politique amoureux du pouvoir et de la femme se voit très vite détrôné par ses propres déviances sexuelles ; ce recueil de cinq pièces de théâtre se décline comme une partition musicale.
La première pièce « Il faut battre l’amour quand il est fou », titre éponyme du recueil, est une quête charnelle entre deux sœurs à couteaux tirés sur le même homme- amant, pour l’une, et, mari, pour l’autre. Un conflit sentimental qui débouche sur le crime passionné où l’amour tord le cou à la raison. Cette pièce illustre, de fort belle manière, les deux grands thèmes de tout lyrisme à savoir, l’amour et la mort.
Amour ventripotent où le sexe se cuisine à chaud, la deuxième pièce  intitulée « La mort du passé » nous présente les chambres de passe comme un lieu catéchiste ou fétichiste d’où la repentance est bien possible. Scène obscure  d’une prostituée avec  un client débiteur insolvable qui deviendra plus tard ou, plus tôt, son mari, cette pièce est une réclame à la vie de débauche que mènent, à contrecœur, les femmes de nos trottoirs.
La troisième pièce « Broussailles et compagnie » relève du théâtre simulateur, une sorte de forum politique avec la femme toujours à la tête des situations outrageuses. Cette pièce insinue une rencontre fortuite entre un Chef d’Etat imaginaire et un fantôme de fils qui serait un amant de l’une de ses nombreuses maîtresses. Confiance teintée de méfiance. Une affaire familiale qui va tourner à la mayonnaise pour le fils trôné, après une crise cardiaque du père suffoquant à l’amour-désir de sa maîtresse, laquelle cuisine déjà fort longtemps les casseroles avec le fils méconnu du Chef d’Etat. Bel enjeu où le lyrisme trouve encore tous ses préceptes à la fois étincelants et foudroyants.
La quatrième pièce « Folie tertiaire » emprunte le boulevard d’une conversation de sourds entre un créateur-dramaturge-démiurge, un poète et d’autres muses du canton artistique. Véritable logorrhée entre le créateur et le créé, avide d’intrigues, cette pièce se présente à nous comme une boîte de Pandore où on note une folie presque textuelle. Plaisir/jouissance remarquable dans les discours des actants en transe dans cette pièce, le dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh fait du babélismeavec, en filigrane, un jeu de ping-pong dramatique où le verbe se raréfie dans la bouche des personnages qui peinent à s’affirmer, à s’afficher.
Jean-Paul Tooh-Tooh, entouré par Jérôme Tossavi, à gauche, et Koffi Attédé, Directeur des "Editions plurielles", à droite.
La cinquième pièce « Immigritude » est un ballet dérisoire  des jeunes qui prennent l’occident comme « terre promise ». Cette pièce est une farce qui vient clore la danse macabre des maux déclinés sur un chapelet de doléances pour qui rêve de l’eldorado. Immigration clandestine. Jeunesse en fuite. Nations en ruines. Tous les thèmes sont bons pour le dramaturge Jean-Paul Tooh-Toohqui, à travers cette dernière pièce de son recueil qui présente les plaintes d’une génération sacrifiée. Ce discours, qui n’est pas contradictoire avec les plaintes de l’écrivain, convoque le lecteur-spectateur à une profonde réflexion sur l’immigration clandestine.
Un tour d’horizon de ces cinq pièces confirme d’emblée le canevas assez détaillé du dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh, chez qui l’on note une opposition focalisée sur l’amour vrai/l’amour faux qui consume la femme, objet de dépotoirs et, en même temps, héroïne épisodique. Et, il convient, ici, de rappeler le style toototique - permettez-nous ce néologisme - qui s’apparente parfois à l’écriture pornographique - pas pour dégrader les mœurs - mais pour les affiner, dans le droit chemin du théâtre dans le théâtre, de l’école de la vie, de l’humour pour stigmatiser nos déboires et nos balivernes.
Comédie larmoyante, dirais-je, sinon théâtre lyrique où la poésie fait mince frontière avec le drame, « Il faut battre l’amour quand il est fou » emprunte au théâtre hugolien les traits caractéristiques des roublardises  sentimentales et/ou politiques.
De cette production littéraire de grande facture, il convient, sans trop exagérer, d’affirmer que la littérature béninoise a encore de beaux jours devant elle.

Jérôme-Michel Tossavi
Ecrivain. Poète. Dramaturge. Bibliothécaire.