Pour le lancement de l'ouvrage le 5 avril 2014
Le samedi 5 avril dernier a donné lieu au lancement du livre "Il faut battre l'amour quand il est fou". C'était à l'auditorium de l'Institut français de Cotonou. A cette occasion, Jérôme Tossavi, poète et dramaturge béninoise a procédé à la présentation au public de sa lecture de ce recueil de cinq pièces de théâtre, écrit par Jean-Paul Tooh-Tooh, et publié aux ''Editions plurielles''.
''Il faut battre l’amour quand il est fou'' ou la prosopopée de l’amour-démence s’offre à nous, paisibles lecteurs d’Ici et
d’Ailleurs, comme l’odyssée de la femme, objet politique. Et sexuel. Du
compromis mis en scène où le politique amoureux du pouvoir et de la femme se
voit très vite détrôné par ses propres déviances sexuelles ; ce recueil de
cinq pièces de théâtre se décline comme une partition musicale.
La
première pièce « Il faut battre l’amour
quand il est fou », titre éponyme du recueil, est une quête charnelle
entre deux sœurs à couteaux tirés sur le même homme- amant, pour l’une, et,
mari, pour l’autre. Un conflit sentimental qui débouche sur le crime passionné où
l’amour tord le cou à la raison. Cette pièce illustre, de fort belle manière,
les deux grands thèmes de tout lyrisme à savoir, l’amour et la mort.
Amour
ventripotent où le sexe se cuisine à chaud, la deuxième pièce intitulée « La mort du passé » nous présente les chambres de passe comme
un lieu catéchiste ou fétichiste d’où la repentance est bien possible. Scène
obscure d’une prostituée avec un client débiteur insolvable qui deviendra
plus tard ou, plus tôt, son mari, cette pièce est une réclame à la vie de
débauche que mènent, à contrecœur, les femmes de nos trottoirs.
La
troisième pièce « Broussailles et
compagnie » relève du théâtre simulateur, une sorte de forum politique
avec la femme toujours à la tête des situations outrageuses. Cette pièce insinue
une rencontre fortuite entre un Chef d’Etat imaginaire et un fantôme de fils
qui serait un amant de l’une de ses nombreuses maîtresses. Confiance teintée de
méfiance. Une affaire familiale qui va tourner à la mayonnaise pour le fils
trôné, après une crise cardiaque du père suffoquant à l’amour-désir de sa
maîtresse, laquelle cuisine déjà fort longtemps les casseroles avec le fils
méconnu du Chef d’Etat. Bel enjeu où le lyrisme trouve encore tous ses
préceptes à la fois étincelants et foudroyants.
La
quatrième pièce « Folie tertiaire »
emprunte le boulevard d’une conversation de sourds entre un
créateur-dramaturge-démiurge, un poète et d’autres muses du canton artistique.
Véritable logorrhée entre le créateur et le créé, avide d’intrigues, cette
pièce se présente à nous comme une boîte de Pandore où on note une folie
presque textuelle. Plaisir/jouissance remarquable dans les discours des actants
en transe dans cette pièce, le dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh fait du babélismeavec,
en filigrane, un jeu de ping-pong dramatique où le verbe se raréfie dans la
bouche des personnages qui peinent à s’affirmer, à s’afficher.
Jean-Paul Tooh-Tooh, entouré par Jérôme Tossavi, à gauche, et Koffi Attédé, Directeur des "Editions plurielles", à droite. |
La
cinquième pièce « Immigritude »
est un ballet dérisoire des jeunes qui
prennent l’occident comme « terre promise ». Cette pièce est une
farce qui vient clore la danse macabre des maux déclinés sur un chapelet de
doléances pour qui rêve de l’eldorado. Immigration clandestine. Jeunesse en
fuite. Nations en ruines. Tous les thèmes sont bons pour le dramaturge Jean-Paul
Tooh-Toohqui, à travers cette dernière pièce de son recueil qui présente les
plaintes d’une génération sacrifiée. Ce discours, qui n’est pas contradictoire
avec les plaintes de l’écrivain, convoque le lecteur-spectateur à une profonde
réflexion sur l’immigration clandestine.
Un
tour d’horizon de ces cinq pièces confirme d’emblée le canevas assez détaillé
du dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh, chez qui l’on note une opposition focalisée
sur l’amour vrai/l’amour faux qui consume la femme, objet de dépotoirs et, en
même temps, héroïne épisodique. Et, il convient, ici, de rappeler le style toototique - permettez-nous ce
néologisme - qui s’apparente parfois à l’écriture pornographique - pas pour
dégrader les mœurs - mais pour les affiner, dans le droit chemin du théâtre
dans le théâtre, de l’école de la vie, de l’humour pour stigmatiser nos
déboires et nos balivernes.
Comédie
larmoyante, dirais-je, sinon théâtre lyrique où la poésie fait mince frontière
avec le drame, « Il faut battre
l’amour quand il est fou » emprunte au théâtre hugolien les traits
caractéristiques des roublardises
sentimentales et/ou politiques.
De
cette production littéraire de grande facture, il convient, sans trop exagérer,
d’affirmer que la littérature béninoise a encore de beaux jours devant elle.
Jérôme-Michel
Tossavi
Ecrivain. Poète.
Dramaturge. Bibliothécaire.