dimanche 27 décembre 2009

Soeur Goussikindé - Rencarts 2009

Soeur Goussikindé et ses confrères peintres, caricaturiste et chanteur de Rencarts 2009

Soeur Goussikindé, en pleine matérialisation de son inspiration, à Rencarts 2009



Rencarts 2009


Soeur Goussikindé, une festivalière assez singulière : " [...] je compare un tableau à l'histoire d'une ville où chaque jour porte ses couleurs [...]"


Le mercredi 23 décembre 2009, à la clôture des Rencarts 2009, à la Place Lénine, notre découverte d'une Soeur religieuse peintre n'a pas cessé de nous intriguer et de nous pousser à lui tendre notre micro. C'est une femme pleine de ressources, bien pensante, à qui nous n'avons pas résisté à demander des précisions sur son double statut, avant d'aborder sa participation au Festival.

Journal Le Mutateur : Une soeur religieuse qui peint des tableaux, ce n'est pas trop courant. Est-ce qu'on peut mieux vous connaître ?

Soeur Goussikindé : Je m'appelle Henriette Marie Goussikindé, je suis Soeur de Saint Augustin, artiste-plasticienne de profession ....


Avez-vous été formée dans une école ?

Si, j'ai fait l'Ecole des Beaux-Arts au Cameroun.


Vous êtes Béninoise ?

Oui, je suis Béninoise.

Vous vivez de votre art ?

Si, je vis de mon art. L'amour pour ce que je fais m'amène à créer. Dès le départ, c'était un peu difficile, mais je faisais le dessin sur des nappes de table, je créais un peu tout ce qui peut être utile à mon milieu, à la société, dans le but de vivre et de faire vivre ma communauté.

Ne faites-vous que cela à longueur de journée ? N'avez-vous pas des activités liées à votre statut de Soeur, à accomplir, des activités de piété, des activités liées à l'église ? Comment parvenez-vous à concilier les deux ?

J'appartiens à une congrégation active, c'est-à-dire que les Soeurs, en plus de leur engagement dit communautaire, ont une profession qu'elles exercent, les unes enseignent dans les écoles, les autres sont infirmières, et d'autres aussi sont couturières, etc. Mais, moi, à mon niveau, je fais la peinture, j'ai un atelier et je peins à longueur de journée. Comme c'est ma profesion, j'ai un atelier à Bohicon ; et, le plus grand atelier, c'est à Bohicon, j'en ai un petit à Cotonou, quand je suis là, je travaille sur place.

Cela veut dire que ça ne gène pas vos activités ecclésiastiques ?

Cela ne gène pas, cela ne gène pas, sinon, moi, l'expérience faite jusqu'ici m'amène à pouvoir dire tout haut que ça ne gène pas, parce que, comme les autres, c'est la fonction que j'exerce au coeur de cette congrégation, et, on a des heures de prières d'ensemble ; tôt le matin, on va aux offices. Après l'office, je commence la peinture, je peins jusqu'à l'heure du milieu du jour. Après l'heure du milieu du jour, on a un repas ensemble. Après ça, nous avons la sieste. Après celle-ci, je continue à peindre. Et, souvent, par moments, je peins la nuit aussi ; j'ai, quelques fois, des tableaux déjà préparés à côté de mon lit, quand je sens l'inspiration, je donne quelques touches, le temps de continuer le lendemain.

On peut dire que vous avez une véritable vocation pour la peinture ....


Si, effectivement. J'ai vraiment une passion pour la peinture, parce que, pour moi, la réalisation des toiles, la recherche et l'équilibre des couleurs, je les note dans le fait que je compare un tableau à l'histoire d'une ville où chaque jour porte ses couleurs et, les couleurs, pour moi, ont une pulsion si profonde que, par rapport à votre état d'âme de la journée, les couleurs et la créativité ne sont pas les mêmes, les couleurs varient par rapport à ce que vous portez comme joies et peines et, votre pressentiment intérieur joue sur la toile que vous faites juste sur le tableau. Et, pour moi, aussi, c'est un métier très profond qui me permet d'entrer en intimité avec mon Dieu, parce que, après la méditation, ce que j'ai reçu comme force dans la prière me permet de créer sur la toile, et après, parfois, je m'étonne de mes réalisations, je me demande comment j'ai pu faire pour en arriver là ; pour moi, la peinture a un sens profond, la peinture, c'est l'être même, la peinture a une profondeur, une relation si mystique avec le créateur que l'être se perd, se confond et s'identifie à chaque touche de couleur qu'il étale sur la toile.

Merci ... Vous vous êtes investie pendant une semaine dans le Festival Rencarts, sur le thème "Assainissement". Comment vous avez réalisé ce thème à travers vos oeuvres ? Vous avez fait combien de toiles et, quels sont les différents messages que vous avez cherché à faire passer ?


J'ai peint, en tout, sept toiles. L'assainissement, c'est un thème que j'ai épousé, épousé, pour le rendre mien, parce que, aujourd'hui, nous avons beaucoup de choses à assainir dans notre vie, autour de nous, à assainir en nous. Autour de nous, ce n'est pas nouveau ; ce thème est d'actualité, nous avons à assainir notre environnement. Et, j'ai essayé de creuser un peu le thème, pour entrer un peu plus en profondeur. Le thème me dit tellement beaucoup, comme si c'est moi qui l'avais proposé. En abordant l'assainissement, dans mes tableaux, j'ai parlé du commerce florissant, il y a la mendicité, un domaine à assainir, j'ai parlé aussi du silence : le silence est d'or, où le trop, l'excès de langage ne construit pas, il y a des déchets à ce niveau, que nous devons enlever, il y a aussi des déchets au niveau des animaux qui ont aussi des droits, que nous immolons, surtout les weekends, pour des cérémonies; il suffit que notre condition de vie nous permette d'en immoler autant, et nous le faisons aisément, sans contrainte.
De tout ça, j'ai donné aussi comme titre à un de mes tableaux, "Les balayeuses", les balayeuses, en tant que femmes ; je m'exhorte d'abord, dans les titres que je donne, ce n'est pas une leçon que je donne à ma société, à mon environnement, mais c'est une interpellation d'abord personnelle. Et, cette interpellation, je l'étends vers les autres, pour quelle ne soit pas seulement mienne. Donc, un autre tableau a, comme titre, "La pensée positive" ; pensons positivement ...


Quel rapport avec l'assainissement ?

La pensée positive, selon moi, a un rapport avec l'assainissement, parce que, dans nos relations les uns avec les autres, avec nos frères, dans notre petite famille, c'est là que commence la société, c'est là que commence l'être ; pensons positivement, dans le but d'aider les autres à grandir, que chacun joue son rôle : père, mère, enfants ; si chacun pouvait jouer son rôle, tout irait mieux et tout tendra vers un milieu sain.

Par rapport à la pensée positive, qu'est-ce qu'il faut assainir ?


Cette idée rejoint un peu "le silence est d'or" ....


Vous pensez donc qu'il faut assainir notre manière de penser et notre manière de cultiver des idées noires ?

Oui, notre manière d'agir, notre manière d'être, qui constituent parfois une gêne pour les autres ; on vit comme si l'autre n'existe pas, on agit comme si l'autre n'a pas de sens. Tenir compte de l'autre, c'est très important pour moi et pour nous, dans la société ; l'autre, en tant qu'autre différent de moi, l'autre est une richesse et, accepter la différence est une bonne culture qui peut nous aider à aller de l'avant.

Avez-vous un dernier mot, pour faire le bilan de votre participation, cette année, à Rencarts 2009 ?

Faire le bilan, si j'ai un mot, c'est un appel à ce que Rencarts est à sa cinquième édition ...


Vous avez participé à toutes les autres éditions ?

Non, c'est le deuxième fois que j'y participe. Rencarts est à sa cinquième édition et, il serait bien, c'est mon souhait, à ce qu'il y ait des festivals qui réunissent des artistes, qui permettent de découvrir et de valoriser des talents, parce qu'il y a des talents en arts plastiques et, ces talents sont cachés dans leurs maisons, dans des quartiers. Et, le fait de les faire sortir, de les proposer à notre environnement, de les proposer au peuple, ça permet aussi aux artistes de créer davantage, et de se prendre beaucoupl plus au sérieux.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

Cay - Rencarts 2009

Rencarts 2009
Yvon Amoussou, à la Place Lénine


A la clôture du Festival Rencarts 2009 le mercredi 23 décembre 2009

Yvon Amoussou analyse sa production



Le 23 décembre dernier, à la Place Lénine, le Festival Rencarts 2009 s'achevait, laissant à l'appréciation du public, bon nombre de toiles sur le thème de l'"Assainissement". Charles Amoussou Yvon, alias Cay, l'un des artistes-peintres ayant participé à cette manifestation, nous parle de ses réalisations et de leur signification profonde.



Journal Le Mutateur : Yvon Amoussou, vous venez de participer au Festival Rencarts 2009 sur le thème de l'Assainissement. Comment avez-vous réalisé ce thème à travers vos tableaux ?


Yvon Amoussou : A travers mes tableaux, par exemple, j'ai un tableau qui représente une poubelle et une porte, qui traduit un peu le réservoir pour recevoir tous les déchets que nous produisons autour de nous, chez nous. On peut aussi, d'un autre côté, parler de déchet mental, tout ce que ça comporte comme chose à assainir. Un autre tableau représente un peu ce qu'on retrouve dans nos rues, un peu partout, les sachets, les bouts d'orange, que nous pouvons bien, par un simple geste, déposer dans une poubelle, pour éviter de pourrir notre environnement, ce qui a forcément un impact sur notre organisme. Et, je crois que, pour vivre sain vraiment, il est un devoir de tout le monde de veiller à pouvoir maintenir cet environnement qui nous insère sain, juste un petit geste qui nous évite de grands dégâts. Je crois que le thème de Rencarts, cette année, si c'est pour sensibiliser la société vis-à-vis de ce comportement, c'est un thème qui va de soi, et ça comporte son importance, d'autant que nous voulons pouvoir vivre sains, et ce, ce n'est qu'une volonté de nous-mêmes de faire dans le sens qu'il faut, pour vivre sains, veiller à la propreté autour de nous, dans notre milieu immédiat et, pourquoi pas dans le milieu extérieur. Un troisième tableau présente un seau, un balai à l'européenne et puis, un balai africain, qui traduit toujours l'ensemble nécessaire pour le nettoyage autour de soi. Un quatrième tableau représente les déchets que l'on retrouve un peu partout, que j'ai laissé sans titre, toujours dans le contexte de parler de sensibiliser mon prochain vis-à-vis de ce cadre qui est d'assainir notre monde, pour être heureux dans notre corps.


Et ce tableau où nous voyons une bassine dans laquelle coule de l'eau de robinet ?


En somme, j'ai voulu traduire la rareté de l'eau, chez nous, en Afrique et que, cependant, de par notre négligence, notre légèreté habituelle, nous arrivons à négliger, à ne pas lui donner l'importance qu'il faut ; ou, des fois, on est obligés même de consommer de l'eau qui n'est pas potable, dans certains coins. Donc, ceux qui ont cette eau à partir d'une pompe qui leur permet d'avoir de l'eau saine, doivent pouvoir protéger cette eau qu'ils ont, parce que, à côté, l'autre souffre d'une goutte d'eau qui peut lui redonner ce souffle de vie nécessaire. C'est pour ça que j'ai pensé à cette goutte d'eau qui tombe dans une bassine, à partir d'un robinet.


Après une semaine de travail sur le thème de l'assainissement, tu fais quel bilan ?


Le bilan est très concluant, du fait que, le sujet est là, sur l'assainissement, et nous savons que l'assainissement nous concerne tous, surtout pour le bien-être de l'homme, parce que, un milieu malpropre ne peut que nous avantager négativement. Donc, oeuvrons tous ; nous avons essayé de sensibiliser le monde, d'accord que l'art, c'est à la portée d'une minorité donnée, mais on espère que ce langage pictural, dont nous nous servons pour sensibiliser les autres, puisse réellement atteindre les couches les plus reculées même, pourquoi pas, afin que, à leur tour aussi, elles captent ce qu'il faut et ce qu'elles trouvent de sensé, dans ce qu'on a fait. Donc, nous, on a mis toute notre volonté, tout notre savoir, tout notre savoir-faire, pour essayer de sensibiliser le monde autour de nous, viv-à-vis de l'assainissment de notre milieu, autour de nous, rien que pour être tranquilles dans notre peau.



Un dernier mot ?

Je crois bien que, tout un chacun de nous, je mets le point dessus, doit pouvoir se dire que, pour avoir un environnement sain, c'est un devoir de tous, et que, tous, nous devons être obnubilés par l'idée de maintenir autour de nous propre. Et, en maintenant autour de nous propre, du coup, ça nous amène à maintenir même l'extérieur de chez nous au propre, afin de maintenir l'environnement propre et d'être vraiment propre en nous. C'est surtout ça que je recommande aux autres.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo