lundi 29 août 2022

Grande productivité de Jérôme Tossavi inspiré par Eric Médéda

Dans le cadre d’une résidence de création


Le 12 août 2022 s’est ouverte, aux ’’Ateliers Médéd’art’’, sis quartier de Fidjrossè, à Cotonou, la résidence de création artistique dénommée ’’Au clair de lune’’. Elle était prévue pour mettre en symbiose l’observation de l’écrivain béninois, Jérôme Tossavi, avec la démarche de travail de l’artiste plasticien et performeur, Eric Médéda, afin de générer une production littéraire de la part du premier. Une semaine après, l’espace culturel indiqué pullule d’écrits du poète, romancier et dramaturge …


Jérôme Tossavi, ci-contre, en production instantanée à partir d'une inspiration directe ...

Des textes partout remarquables et des toiles de peinture. Le résultat de la résidence de création qu’ont effectuée les artistes Jérôme Tossavi et Eric Médéda, du 12 au 18 août 2022, aux ’’Ateliers Médéd’art’’ du quartier de Fidjrossè, à Cotonou, plus précisément, en venant du carrefour du quartier d’Adjaha, dans l’angle gauche de la deuxième ruelle avant la place du ’’Calvaire’’.


Tout calcul fait, des citations, des compositions dans l’ordre de la trentaine, se manifestant sous la forme de courts poèmes et de mots en association, ont envahi tous les recoins, même les plus inattendus du centre indiqué, que ce soit sur du papier, au sol, aux murs que sur des toiles de peinture. Celles-ci sont au nombre d’une douzaine. Les ayant entamées avant la résidence, Eric Médéda les a achevées aux ’’Ateliers Médéd’art’’, au fur et à mesure que Jérôme Tossavi le regardait travailler, appréhendait sa démarche et s’en inspirait, déversant instantanément le fruit de son analyse sur le support immédiat qu’il avait à portée de main. 


... concernant Eric Médéda, sur plusieurs jours de travail en symbiose

Bien que libre, l’écrivain avait pour mission de laisser canaliser son inspiration par le fondement d’un sujet bien précis : le patrimoine culturel.



Justification d’une sélection


Il existe un grand nombre d’hommes de plume actifs. Eric Médéda, à en croire ses explications, entretenait en lui la flamme d’une vision si précise qu’il a identifié, pour le soutenir à concrétiser le projet de résidence de création, le lauréat du prix international 2015 de la poésie, dénommé ’’Léopold Sédar Senghor’’, et, en même temps, le Grand prix littéraire 2020 du Bénin, dans la catégorie du théâtre : « J’ai opéré le choix de Jérôme Tossavi parce qu’il a écrit ’’Incinérés’’, une pièce de théâtre sur la restitution à notre pays des 26 trésors royaux. Il s’agit d’une commande de l’Ambassade de la France près le Bénin et d’une œuvre qui a été mise en scène par Alougbine Dine. C’est après que j’ai vu cette pièce que le projet est né. Donc, [j’ai directement associé Jérôme Tossavi] parce qu’il a abordé cette question de la restitution. Ainsi, pour moi, il est plus facile d’évoluer, de retracer l’histoire parce qu’il l’a déjà écrite et que cette restitution a été ma source d’inspiration concernant le projet, ’’Au clair de lune’’. Cela me permet de faire de cette pièce représentée une source et de ne pas mettre de côté la source d’inspiration du projet ».


L'affiche officielle de la résidence de création, ''Au clair de lune''

Ancré dans ce fondement d’honnêteté intellectuelle, Eric Médéda se montre, par ailleurs, attaché à l’une des anciennes pratiques culturelles africaines, aujourd’hui complètement ensevelie dans le mouvement de la modernité et de la mondialisation. « Le titre du projet, c’est ’’Au clair de lune’’ ; c’est comme l’ ’’adjrou’’ » (’’Conte’’, en langue béninoise du fon, Ndlr), a-t-il précisé, « qui se faisait au clair de lune dans l’Afrique traditionnelle pour que les sages racontent des histoires. Voilà pourquoi le projet porte le titre, ’’Au clair de lune’’ ».


Quant aux productions de l’écrivain, il en a prévu l’évolution : « Les textes de Jérôme Tossavi finiront sur des toiles comme sur des supports encadrés ». Elle se trouve bien ciblée dans le temps : « Ce sera à la fin du projet, lors de la grande exposition, celle qui va rassembler les créations liées aux ateliers avec tous les corps artistiques prévus ».



Un projet de longue haleine


Dans son esprit, l’artiste contemporain et performeur engagé, Eric Médéda, ne limitera pas sa collaboration artistique à l’univers de l’écriture, surtout qu’il prévoit que son projet du moment tienne d’août 2022 à octobre 2023. « C’est un projet qui s’étend sur un an », s’ouvre-t-il, avant de déterminer : « Après la littérature, ce sera une rencontre successive avec la danse et avec la musique ». De même, il éclaire : « A chaque nouvelle édition, le thème va changer mais sera axé sur le patrimoine culturel à cause de l’actualité liée à la restitution des trésors royaux au Bénin par la France ». Puis, il s’introduit dans la perspective d’une ambition aux contours incommensurables : « Ces trésors constituent le socle pour réécrire notre histoire, pour écrire la vraie histoire de l’ex-Dahomey, la vraie histoire de l’Afrique ».


Se rapportant aux manifestations auxquelles il faudra que le public s’habitue pour l’expression du vaste projet en cours, Eric Médéda décline des expositions, des journées de portes ouvertes, des échanges et des séances de performance.


« En matière de performances », a-t-il ajouté, « elles donneront lieu à des rencontres avec d’autres performeurs de la place au Bénin et à l’international. Dans ces conditions, le projet prend en compte mon déplacement sur le Cameroun, pour participer à un autre festival ».


Pour l’instant, « l’exposition reste ouverte jusqu’au 30 août et donne l’occasion d’échanges de divers ordres avec les visiteurs sur le projet, ’’Au clair de lune’’ », a-t-il terminé.

Marcel Gangbè-Kpogodo

mardi 16 août 2022

Le nom de famille s’invite dans l’exposition, “Mes origines”

Dans le cadre d’un vernissage organisé à Akassato


"Mes origines" est une exposition collective dont le vernissage s’est tenu le samedi 13 août 2022 à l’espace artistique et culturel dénommé ’’Enakpami’’, sis arrondissement d’Akassato, dans la commune d'Abomey-Calavi. 15 artistes sélectionnés ont mis au point des photos d’art, que pourra découvrir le public. L’exposition concernée prend un caractère particulier, étant donné qu’à côté des artistes titulaires de la manifestation, un peu moins d’une quinzaine d’enfants et d’élèves émanant d’Akassato ont eu l’occasion de présenter des peintures avec, comme sujet d’inspiration, le nom de famille.


Junior Avocanh, dans l'explication de son travail de peinture ... - Crédit photo : Léandre Houan


« C’est le roi Glèlè qui, après avoir gagné une guerre avec l’aide de mon aïeul, un prêtre des religions endogènes, l’a surnommé ’’Djagla’’, du nom de l’un des plus redoutables signes du ’’Fâ’’, un système divinatoire africain. La révélation qu’a partagée Brice Djaga concernant son patronyme, dans l’après-midi du samedi 13 août 2022, lors du vernissage de l’exposition, ’’Mes origines’’, qui s’est déroulé au complexe artistique et culturel, ’’Enakpami’’, qui se situe dans l’arrondissement d’Akassato, de la commune d’Abomey-Calavi. Gérard Hountondji, élu consulaire à la Chambre des Métiers, était présent au vernissage indiqué, de même que Youss Atacora, un artiste contemporain béninois confirmé.

 

De son côté, Junior Avocanh a expliqué, face à ses travaux, que son nom de famille, ’’Avocanh’’, vient de sa création par une divinité protectrice du roi Houégbadja, l’un des monarques de l’ancien royaume du Danhomè.


En s’exprimant ainsi, Brice Djaga et Junior Avocanh, dans un ensemble de 9 enfants et jeunes élèves puis de 5 artistes amateurs, ont fait découvrir par le public le résultat de leurs recherches. Il s’agit de tableaux de peinture ayant traité du nom de famille africain. 


Selon les précisions qu’a apportées Mozard Fandohan, fondateur et directeur d’ ’’Enakpami’’, ’’Mes origines’’ est le résultat d’un processus laborieux. Ceci a débuté par la sélection d’un groupe de 15 artistes, sur la base des travaux qu’ils avaient à leur actif, après un appel à candidatures. Ensuite, ces élus ont été formés aux Technologies de l’Information et de la communication (Tic), à la photographie et à la vidéo d’art, puis au graphisme et à la manipulation de plusieurs logiciels de montage de photos et de vidéos. En outre, il leur été donné d’effectuer une sortie culturelle au niveau des musées et des sites touristiques de Porto-Novo. Par ailleurs, ils ont intégré une résidence de création, qui leur a donné l’opportunité de produire les œuvres photographiques en exposition depuis la soirée du samedi 13 août 2022.

 


Une expérience parallèle liée à l’inculturation


La commune d’Abomey-Calavi, par l’arrondissement d’Akassato où se situe le centre ’’Enakpami’’, est la dernière étape que connaît l’exposition, ’’Mes origines’’. Itinérante, elle a été montrée, quelques semaines plus tôt, dans les villes que sont Natitingou, Abomey, Porto-Novo et Cotonou. Voulant accorder à cette exposition un cachet particulier à son point de chute qu’est Akassato, Mozard Fandohan a initié le recensement de ce groupe de 14 enfants, d’élèves et d’artistes amateurs y habitant et leur a demandé de réaliser des peintures en s’inspirant de l’histoire de leur nom de famille.


De gauche à droite, Mozard Fandohan, Youss Atacora et Gérard Hountondji, au cours du vernissage de ''Mes origines'' - Crédit photo : Léandre Houan

Pour cet artiste plasticien et acteur culturel, la démarche de travail sur le patronyme béninois se justifie pleinement. Selon le Directeur d’ ’’Enakpami’’, l’atmosphère du rejet de sa culture par la société africaine contemporaine s’y prête parfaitement. En conséquence, « l'appel au retour des valeurs culturelles est un défi générationnel », a-t-il été amené à analyser, dans son intervention liée au lancement du vernissage indiqué.


De cette manière, comme décidé à jouer sa partition en combattant le mépris par le Béninois de ses valeurs culturelles authentiques et, pour l’inciter au retour à son identité culturelle, par le biais des arts plastiques, il a fait de ’’Mes origines’’, le tremplin par lequel le groupe des 14 est allé faire des recherches. Il s’agissait, pour chacun des membres de l’ensemble, de découvrir le fondement historique de son patronyme, ainsi que les panégyriques claniques afférents, ce qui se dénomme ’’ Àkɔ’’, en langue nationale béninoise du fon.


A en croire Mozard Fandohan, la focalisation, de manière particulière, sur le nom de famille part d'un constat amer selon lequel « plusieurs parents ignorent leur identité culturelle, leur langue maternelle, leurs symboles identitaires, au profit de la modernité ». Pour lui, cette situation constitue une anomalie qui se pérennise beaucoup trop dans le temps. Avec cet abandon, au niveau des Béninois, des facteurs de leurs origines et, par extension, de leur identité culturelle, il en a évoqué, comme autre manifestation, le désintérêt pour les cicatrices raciales.


"Mes origines", par son déroulement, permet la concrétisation du projet, "Accès gratuit à la Culture pour tous au Bénin". Il est financé par le programme Acp-Ue Culture-Awa, pour le compte de l’Afrique de l'Ouest. Il s’agit d’un programme que porte un Consortium constitué par l'Institut français de la ville de Paris, en France, et son partenaire co-demandeur, le Centre Culturel ’’Kôrè’’ de Ségou, au Mali.


L’exposition ’’Mes origines’’ se clôt le 19 août 2022. « Les œuvres exhibées, ici, au Centre ’’Enakpami’’ sont accessibles aux populations, de jour comme de nuit », a indiqué Mozard Fandohan.

 

Léandre Houan / Marcel Gangbè-Kpogodo