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mardi 25 février 2014

Projet "Mava unité résidence"

Sept étoiles pour une inspiration spécifique

Les dépendances de la Bibliothèque "Musée de l'art de la vie active" (Mava), sis Quartier Fidjrossè de Cotonou, ont abrité une résidence de création sur le thème de l'unité, d'où la dénomination "Mava unité résidence". Si sept artistes y ont participé, elle a donné lieu à une exposition qui s'est achevée, le lundi 24 février 2014. Celle-ci, en présence, notamment, de l'Ambassadeur de l'Allemagne près le Bénin, avait été ouverte par une grande performance rythmiquement mouvementée, animée par des artistes danseurs et des artistes acrobates, le vendredi 21 février, en plein après-midi, au même lieu.

Un extrait de la performance sur l'unité, à l'ouverture de l'exposition "Mava unité résidence", le vendredi 21 février 2014.
Hermann Pitz, l'Allemand, Dianne Hagen, la Hollandaise, Sokey Edorh, le Togolais, Meschac Gaba, Thierry Oussou, Eliane Aïsso et Donatien Alihonou, les Béninois, dont le premier vit en Hollande, sont les sept artistes ayant pris part à la résidence de création, "Mava unité résidence", qui s'est déroulée à partir du 3 février 2014, à la Bibliothèque Mava. C'était aussi sous la coordination d'Edith Rijnja, Hollandaise, historienne de l'Art, notamment. Après un peu plus de deux semaines de travaux en atelier, entrecoupées par une conférence-débats sur le thème : "Unité : mythe ou réalité?", et animée par le Professeur Romuald Tchibozo, Professeur d'Art contemporain à l'Université d'Abomey-Calavi, les résultats étaient palpables et, au cours d'une conférence de presse donnée par les artistes, le jeudi 20 février dernier, en soirée, ces résultats ont été présentés aux professionnels des médias.

Edith Rijnja, présentant Hermann Pitz, face à son œuvre d'art.
Hermann Pitz : Ouvrant le bal des explications, l'artiste allemand, Hermann Pitz, présente aux journalistes et à ses collègues artistes le fruit de son inspiration : un long cadre spacieux, en verre, présentant une vision d'agrandissement de la Bibliothèque Mava. Selon lui, un facteur très simple incarne l'idée de l'unité, la représentation de la totalité de l'espace Mava, des appartements privés à la pièce de lecture en passant par les espaces d'exposition ; ce champ total s'embarque dans la logique unitaire de l'évolution.

Le fulgurant "Baby foot" de Meschac Gaba.
Meschac Gaba : Le promoteur du Projet "Mava unité résidence", en mettant la main à la pâte de la réalisation du concept de l'unité trouve aussi une formule très simple qui appartient à notre quotidien immédiat, le "Baby-foot", en trois temps. Dans le premier, c'est le concept ordinaire, avec deux équipes en lice, chacune d'elle, en son sein, selon l'artiste, incarnant l'unité. Mais, là où le schéma se dote d'une envergure réflexive reste la formule du jeu où toutes les deux équipes sont indissociables, étant revêtues des mêmes attributs, ce qui semble vouloir dire qu'au-delà d'un affrontement, il existe une symbiose entre deux camps dans une logique qui, tout en étant spécifique, est commune de part et d'autre. Quant à la troisième  pièce, présentée sous le couvert du "Baby foot", c'est le système de la globalisation qui est mis en vue, étant donné tout ce que cela suppose de sacrifices culturels pour que tous les hommes de la terre adoptent les mêmes modes de vie, qui deviennent un facteur d'unité.

Dianne Hagen : Avec cette Hollandaise enjouée et aussi expérimentée que ses collègues, c'est le couvert d'un "Trophée pour le monde", conçu tout en tissu, que celle-ci choisit pour montrer que le symbole du succès permettant d'arriver à la conquête des victoires de la vie, des victoires sur les situations d'adversité de la vie, c'est l'unité des pensées, la concentration sur un unique objectif ultime capitalisant notre vision de réussite, ce qui, inévitablement, nous conduit au succès. Féministe, Dianne Hagen a modelé ce "trophée" sous la forme d'un corps de femme. A coup sûr, c'est surtout elle qui aurait besoin de se départir de la dispersion pour mieux évoluer.






Sokey Edorh : Représentant de notre voisin de l'ouest, il a proposé une inspiration matérialisée à travers des éléments naturels : la terre rouge, entre autres. Dans un tel contexte et, armé de sa torche de mineur maintenue au front, l'artiste Edorh a éclairci le fondement de trois boules protégées par un petit cadre en verre, qui intriguent l'observateur : la planète réalisant une unité cosmique puisque, selon lui, la naissance de la vie a été précédée d'une explosion, justement cosmique. Ainsi, il a montré que le facteur d'unité se traduit par le fait que la terre, la nature est le creuset dans lequel tout se trouve, quel que soit le domaine auquel on s'intéresse. Ainsi, toujours à en croire les explications d'Edorh, les êtres humains évoluent dans un contexte commun "d'unité d'idée, d'unité d'action, d'unité de travail, d'unité dans la pensée religieuse, d'unité dans la connaissance". Traduction : apparemment, tous les éléments de différence entre les hommes sont factices ; ils sont un et indivisibles, dans leur essence.

Thierry Oussou : Cet artiste béninois originaire de la Commune d'Allada, dans la description de son inspiration, s'est appuyé sur des jeux d'enfants, lui qui se passionne de raconter son histoire avec des signes. Dans le cas d'espèce, le puzzle constitue un élément récurrent de son œuvre, rien de mieux placé, à en croire ses propos, pour manifester les symboles et les signes de l'unité. Donc, les chemins de l'unité sont différents et, il importe à chacun de remettre en cause son égo pour prendre son chemin, ce qui n'est possible qu'aux enfants ou à tous ceux qui possèdent un esprit s'identifiant au leur.









Eliane Aïsso : Cette autre Béninoise, dans son travail,  laisse pénétrer les visiteurs dans un espace chaleureux mais mystérieux avec, aux murs, des tableaux de petite dimension, appelant à vivre, aussi coïncidant que cela puisse paraître, la chaleur du cocon familial, dans l'unité que ses membres montrent. Mais, selon Eliane Aïsso, le rideau de l'installation, long, transparent et bloqueur, reste le symbole de la fermeture de l'homme à l'épanouissement ; il représente l'égo dont il doit se débarrasser pour accéder à la plénitude, à la réalisation de soi. Alors, pour une leçon essentielle, l'artiste a livré qu'il ne peut exister d'unité sans concessions de part et d'autre.


Donatien Alihonou : Cet artiste béninois de Porto-Novo a exploité un élément simple du quotidien de ses compatriotes pour révéler sa vision du thème de l'unité : le bois de chauffage servant à alimenter le feu de la cuisine, qu'il soit du manguier, de l'avocatier ou de toute autre plante. Dans cette multiplicité d'espèces de provenance, le bois se fond dans l'unique logique du feu pour cuire des aliments que toute la famille, en toute unité, consommera. Voilà donc, au niveau de créateur, la trilogie de l'unité, qui ne fait que renforcer la fondement unique de la mentalité humaine.







Cette mouvance multiple d'inspiration sur le thème de l'unité, dans le cadre du Projet "Mava unité résidence" donne le tournis, vu cette capacité de cette constellation d'artistes venus d'horizons particuliers à s'unir dans la spécificité de manifestation du thème en question. Finalement, cette séance de restitution des résultats probants de la résidence de création, ayant connu la participation de noms très connus du monde des arts au Bénin, Elise Daubelcour et Christelle Yaovi de Souza, entre autres, met en pôle position l'esprit de captation, chez Meschac Gaba, du génie créateur, de sa matérialisation, de son explosion, de sa diffusion, quelles que soient la densité et la qualité, la provenance de ce génie créateur salvateur. Apparemment, ce très hollandais artiste béninois n'a pas dit son dernier mot, étant donné le peu qu'il a bien voulu livrer, en privé, de son esprit fourmillant d'autres projets complémentaires au finissant, pour son pays.

(De gauche à droite) Christelle Yaovi de Souza, Dianne Hagen et Elise Daubelcour, à la fin du dîner offert par Meschac Gaba, suite à l'activité de restitution aux professionnels des médias.

Marcel Kpogodo  

mercredi 14 novembre 2012

Meschac Gaba sur la Biennale Bénin 2012


Pour Meschac Gaba


« Toutes les biennales en Afrique ont des problèmes … »


Meschac Gaba
Quelques jours avant le lancement de son Projet spécial, Meschac Gaba a bien voulu nous faire l’honneur d’une interview. Sont au rendez-vous des éclairages sur son exposition internationale, sur son Projet spécial et concernant les problèmes de la Biennale Bénin 2012.


Dans le cadre de la Biennale Bénin 2012, vous faites partie des artistes qui présenteront des œuvres par rapport à l’exposition internationale. Qu’en est-il ?


Meschac Gaba : L’exposition internationale est intitulée Citoyens du monde et j’y présente un travail qui s’appelle Voyages, parce que je me considère aussi comme un citoyen du monde.
Quand on parle de citoyenneté, je pense qu’on ne va pas l’enfermer dans le nationalisme, surtout qu’aujourd’hui, si on regarde même le Projet Biennale Bénin, c’est soutenu déjà par la France. Donc, il y a déjà un aspect de citoyenneté internationale.
Alors, mon projet qui s’appelle Voyages, je le fais aussi en accompagnement avec Hermann Pitz qui veut présenter The world Hermann Pitz’s world, un bilan de tous les endroits du monde qu’il a parcourus et où il a fait des projets, ceci qui rejoint l’idée de citoyenneté du monde.
Voyages est un travail sur les drapeaux ; vous avez un grand drapeau dans lequel on retrouve tous les drapeaux du monde mais, sous des formes triangulaires, on les reconnaîtra à peine. Mais, autour de ce grand drapeau, on aura des colis de drapeaux, comme des sacs de voyage, comme les colis que les gens font pour voyager.
Nous avons donc le colis de l’Unité africaine qui représente toute l’Afrique, le colis de la Ligue arabe, pour les pays arabes, celui de l’Union européenne qui représente les pays d’Europe, le drapeau des Usa pour les pays américains, sauf que, pour l’Asie, je n’ai pas pu trouver quelque chose de représentatif, ce qui m’a poussé à prendre la Chine comme grand format en Asie.


Alors, que proposez-vous par rapport à votre Projet spécial lié à la Biennale ?
Je propose le Projet Mava que j’avais fait en 2010-2011, où j’annonçais la création d’une résidence de bibliothèque ; c’est ce que je développe. En tant qu’artiste, je veux, par rapport à mon Projet, drainer aussi la communauté de Cotonou, qui n’est pas que du milieu de l’art. Alors, je veux faire un projet avec les taxis-moto à Cotonou et, il s’appelle Bibliothèque roulante. Là où je l’aime, c’est qu’il fait intervenir les gens du monde entier, pas seulement les taxis-moto de Cotonou ; depuis qu’on est en train de travailler, on reçoit des messages de l’Amérique, du Japon, de partout. Ces messages seront placés comme des plaques minéralogiques mais, avec des textes, sur les motos ; mon souhait, c’est que cela reste durant toute la Biennale à circuler dans la ville de Cotonou. Déjà, quand tu lis ce genre de textes sur une moto, même quelqu’un qui ne va pas voir l’expo ou bien qui n’en est pas au courant se demandera ce que c’est ; cela peut créer déjà de la communication. C’est pour ça que j’appelle cela Bibliothèque roulante mais, ça met aussi de la visibilité sur la Biennale, comme sur mon Projet.


On vous a aussi programmé pour animer un atelier, des rencontres professionnelles sur le thème : « Espaces urbains, géographie, histoire et invention ». Cela va se dérouler au Centre commercial Kora. Qu’est-ce que vous avez à partager avec le public ?
Tel que vous le dites, si je regarde mon travail, je le fais sur la ville de Cotonou qui est une ville urbaine ; je travaille beaucoup sur le développement urbain, moderne alors, je pense que je vais partager juste mon expérience, je vais parler de ce que j’ai fait au Bénin, de ce que j’ai fait ailleurs aussi ; ce sont les échanges que je pense avoir.


Il semblait y avoir deux tendances pour cette Biennale. Qu’est-ce que vous en pensez ?
(Rires). Si les deux camps m’avaient invité, j’allais participer. Je pense qu’au Bénin, c’est pour cela qu’il n’y a pas de guerre, on se querelle beaucoup et nos guerres finissent par les paroles. C’est pour ça que le Bénin fait partie des pays de l’Afrique de l’ouest qui n’a jamais vu, comme au Nigeria ou au Togo, des gens se tirent dessus avec des armes. C’était un conflit idéologique, ce qui fait que tout le monde veut faire une biennale au Bénin. Cela aurait été bien qu’il y ait deux biennales au Bénin mais, pour l’international, ce n’est pas bon. Il faut le dire honnêtement : à l’international, on regarde le Bénin comme un pays à part ; quelqu’un m’a dit : « Le Bénin est le pays le plus compliqué que j’aie jamais visité dans ma vie. » Je lui ai dit, en réponse : « Le Bénin est le seul pays en Afrique de l’ouest qui n’a jamais eu de guerre », pour lui montrer qu’on n’est pas si mauvais que cela. Mais, pour l’international et, même pour le financement, ce n’est pas bon de diviser un projet. Cependant, je trouve que c’est une richesse pour le Bénin qu’il y ait deux biennales et, on va tout faire pour que cela n’arrive plus, si cette Biennale doit continuer dans le futur.
Certains pensent que ce conflit est dû à une question d’intérêts et d’argent mais, moi, je pense que c’est plutôt une question d’égo. Mais, on va essayer progressivement, philosophiquement, par des conférences, des rencontres, de développer l’unité ; cela va s’apprendre. Le problème qui se pose dans les arts plastiques se pose aussi beaucoup dans le théâtre. Je pense qu’il va falloir mûrir et bien gérer cela. Pour l’instant, on ne dira pas que cela est si négatif ; s’il devait y avoir deux biennales, il y aurait pas mal de groupes à Cotonou.
Moi, je suis là pour apporter ma pierre à l’édifice, je vais faire ce que je peux, mettre ensemble les gens qui se chatouillent et, je pense qu’après la Biennale, ils vont se retrouver, se calmer ; la prochaine Biennale s’appellera Unité et il y aura une seule Biennale.


Pour vous qui vivez à l’extérieur du Bénin, comment cette division d’antan a été perçue ?
Je vis en Hollande et, cela a été très mal vu. La première fois qu’on a entendu parler de la Biennale Bénin, c’est une femme qui m’a appelé à Londres et qui m’a dit : « Qu’est-ce qui se passe dans votre pays ? Pourquoi les gens ne s’entendent pas ? » Je lui ai répondu : « Comme le Bénin est petit, pour tout grand projet, beaucoup de gens pensent qu’ils sont patrons et, à Cotonou, il n’y a pas de musée, il y a pas de préoccupation alors quand il y a une petite chose, tout le monde veut s’en occuper, c’est pour cela qu’il y a divergence. »
Vous voyez, il y aura plus de visiteurs à Cotonou et, on va regarder celui qui peut faire le meilleur, il se fera respecter la prochaine fois. Sinon, c’est dommage pour le Bénin qui regorge d’autant de très bons artistes mais, ce n’est pas qu’ici qu’il y a ce problème ; toutes les biennales en Afrique, cela, je peux vous le dire, ont des problèmes. C’est pire et c’est grave !
Par exemple, il y a eu le Festival des arts nègres à Dakar ; je peux vous dire que, jusqu’à aujourd’hui, les œuvres des artistes sont saisies quelque part, souhaitons que cela n’arrive pas ici. Moi, mes œuvres, on a dû payer 6000 euros pour les récupérer, parce qu’une galerie française voulait les montrer, alors que ces œuvres avaient été prêtées.
A part le Sénégal, nous avons la biennale sud-africaine qui n’existe même plus. La Biennale Bénin est à ses débuts. Regardez celle de Dakar qui a déjà plus de 20 ans ! Elle bafouille après tant d’années, elle semble encore à un stade primaire ! Ici, ils viennent de commencer et, toute chose qui est à ses débuts comporte un peu de bavures ; je pense qu’ils auront le temps de se rattraper.
Si nous, nous avions pensé que c’était un projet négatif, nous n’allions pas y participer ; j’ai des amis qui m’ont demandé si cela valait le coup d’y être et je leur ai répondu oui. Donc, on ne va pas regarder ce qui se passe d’un œil négatif ; en fait, c’est le début de quelque chose.
Je pense que cela va être une bonne Biennale, parce que les gens ne savent pas ce qui va se passer, mais ils savent qu’il y a de très bons artistes ici, c’est pour cela qu’ils s’y engagent. Je pense que même si l’administration bafouille, les artistes vont y mettre le poids et cela va marcher.


D’où vous vient ce grand sens d’optimisme ?
Vous savez, j’aime le Bénin. Mon art, je l’ai commencé ici ; des Béninois ont acheté mon art sans aucun expatrié, sur dix ans et, j’ai du respect pour ça, je ne peux pas dire que le succès de mon travail a commencé quelque part d’autre, il a commencé vraiment ici ; si vous voulez compter mes œuvres à Cotonou, vous pouvez en avoir plus de soixante-dix qui sont au Bénin. Donc, c’est un pays auquel je crois, je ne peux parler un seul instant négativement de lui, ça ne peut pas tourner une minute dans ma tête. Tout ce qui se passe ici, surtout pour l’art, pour moi, c’est positif.


Un mot de fin ?
Souhaitons que les deux Biennales deviennent une, parce que c’est bon pour le Bénin, c’est mon mot de fin.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo