Selon l'homme, « On est en Afrique et, la manière de parler importe, la manière d’aborder le sujet avec les gens importe ... »
Avec sa réélection spectaculaire, tout dernièrement, au Conseil économique et social (Ces) et sa présence, subtilement remarquable, forte, dans la désignation des différents représentants des acteurs culturels dans le Conseil d'administration (Ca) du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), Claude Balogoun s'impose comme l'incontournable stratégie gagnante du système culturel, au Bénin. Nous l'avons rencontré, aux alentours de la Salle Vip du Ministère de la Culture, le vendredi 12 septembre dernier, positionnant, avec quelques lieutenants, ses pions, en préparation de la fatidique élection des derniers membres du Ca/Fitheb. Sa réponse à nos questions montre que l'homme est bel et bien conscient d'une force de frappe qu'il détient et qu'il ne doit en rien au hasard ...
Kokou Claude Balogoun |
Stars du Bénin : Bonjour M. Claude
Balogoun, vous êtes Conseil au Conseil économique et social (Ces). Nous vous
avions vu, le mardi 9 septembre dernier, à la Salle de conférence de la
Direction de la Promotion artistique et culturelle (D/Pac), dans le cadre de
l’élection du représentant des promoteurs culturels au prochain Conseil
d’administration (Ca) du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb).
Ce vendredi 12 septembre, nous vous voyons encore, non loin de la Salle Vip du
Ministère de la Culture, de l’alphabétisation de l’artisanat et du tourisme
(Mcaat), en train de calmer les ardeurs et de suivre de près l’élection des
représentants respectifs des metteurs en scène, des comédiennes, des comédiens
et des dramaturges au même Ca du Fitheb. Quelle est la signification de votre
présence à ces différents lieux ?
Claude Balogoun : Merci,
cher ami. Je vais répondre en commençant par vous donner l’exception qui
confirme la règle. L’exception, c’est la désignation des journalistes culturels
au Ca/Fitheb ; vous ne m’avez pas vu à cet événement, même si je suis
journaliste, par ailleurs, je ne suis pas reconnu comme tel, c’est pour cela
que vous ne m’avez pas vu là-bas. Alors, si vous m’aviez vu avec les promoteurs
culturels, c’est parce que j’en suis un, ayant la structure qu’on appelle ’’Gangan
production’’, qui est complètement en règle vis-à-vis des textes qui régissent
le secteur. Donc, j’ai été convoqué dans le corps électoral pour voter dans le
cadre de la désignation du représentant des promoteurs culturels.
Aujourd’hui (Le 12
septembre, Ndlr), je suis là. Vous n’êtes pas sans savoir que je suis comédien,
metteur en scène, cinéaste et producteur. Aujourd’hui, on est venu pour élire
le représentant des comédiens, des metteurs en scène, des dramaturges ;
toutes ces corporations, j’y évolue ; je n’ai pas demandé à Dieu de me
faire pluridisciplinaire. Donc, je suis là, tout simplement.
Par contre, je ne suis
pas dans la salle. Je ne suis pas dans la salle, tout simplement parce que,
d’abord, ce matin, j’avais une production audiovisuelle à aller assurer.
Deuxièmement, je me dis que les associations dans lesquelles on évolue, il y a
des gens valables qui peuvent être dans la salle pour désigner convenablement
et valablement toutes ces différentes personnalités qui vont siéger au
Ca/Fitheb. C’est simplement pour ça.
Je suis venu juste en
supervision pour regarder si les choses se passent bien ou pas : ça
chauffe un peu dans la salle, j’essaie de calmer les gens comme je peux, tout
simplement parce qu’un Conseiller de la République, représentant les artistes
au Conseil économique et social est, en réalité, la personne, outre le Ministre
de la Culture, qui est à l’Exécutif, la personne à même de semer la paix dans
toutes les disciplines qui représentent tous les artistes au Bénin. Je suis
comme le Président de la République des Artistes ; je suis obligé de les
calmer.
J’ai l’impression que
votre présence sur les lieux de cette élection manifeste une grande influence
de votre part sur le secteur culturel au Bénin …
Oui, si vous avez été
élu, au niveau des artistes, sur la base de 538 personnes qui vous ont accordé
leurs suffrages, contre 10 abstentions, je pense qu’en réalité, cela va sans
dire que j’ai montré une certaine influence dans le milieu ; 538
personnes, c’est quand même beaucoup, dans le milieu artistique, pour
dire : « Celui-là qui a pu mobiliser des gens, du Sud jusqu’au Nord,
c’est quelqu’un à qui on doit vouer le respect, parce qu’il a son mot à dire
… »
Les électeurs qui sont
dans la salle, actuellement, il y en a qui sont partis du Nord, hier, il y en a
qui sont venus de Parakou, de Natitingou ; ils sont tous venus me voir, en
tant que leur représentant, pour me dire : « M. le Conseiller, nous sommes
là déjà, pour participer au scrutin ». Voilà, c’est normal …
Quel est le secret de
cette influence ?
Mon secret est
simple : j’essaie de travailler positivement, j’essaie d’être avec tout le
monde, de répondre à la sollicitation de tout le monde ; cela me fait
dépenser beaucoup d’argent, me fait dépenser beaucoup d’énergie mais, je suis
bien obligé d’être à l’écoute de tout le monde. Je n’ai pas de camp, je n’ai
pas de clan. Dans la salle, il y a différents candidats ; je peux vous
assurer que tous les candidats sont passés me voir et j’ai pu les aider tous,
comme je le peux. Je ne peux pas dire comment je les ai aidés … Mais, tous les
candidats, de quelque bord que ce soit, sont passés me voir.
Alors, je n’ai pas de
secret ; si secret il y a, c’est que ma porte est ouverte à tout le monde,
ma poche aussi est ouverte à tout le monde et, moi-même, je suis ouvert à tout
le monde. Ce n’est que ça, mon secret ; je souhaite que beaucoup de Claude
Balogoun, ouverts comme ça, existent dans le secteur, pour que les choses
puissent changer vraiment.
Dans les coulisses, on
dit que vous avez la mainmise sur beaucoup d’associations, ce qui vous permet
d’avoir vraiment cette influence-là. Est-ce que vous confirmez cela ?
La mainmise, je ne sais
pas de quoi vous parlez. Je maîtrise véritablement les hommes, ce ne sont pas
les associations que je maîtrise ; ce sont les hommes qui animent les
associations. La dernière fois, si on a eu cinq cents et quelque personnes, cela
veut dire qu’il a eu ce nombre d’associations, divisé par trois ; toutes
ces associations ont été négociées, une à une, du Nord jusqu’au Sud. Je ne peux
pas refuser aux autres entrepreneurs culturels de faire pareil ; nous, on
va vers les gens pour leur parler.
La preuve : votre
Association, ’’Le Noyau critique’’, était venue me voir, la veille du vote,
n’est-ce pas ? Alors que je n’avais pas appelé ’’Le Noyau critique’’,
parce que cette organisation avait estimé que j’avais des principes qui
rencontraient les siens, que j’avais une manière qui rencontrait les siennes,
que j’avais un plan, un programme qui pouvait l’arranger. Donc, ’’Le Noyau
critique’’ s’était rapprochée de moi pour me demander : « Est-ce
qu’on peut te soutenir ? Est-ce qu’on peut faire quelque
chose ? » Le débat s’est bien passé, le jour-là ; la preuve en a
été que mon vote a été éclatant et, je suppose que parmi les 538 personnes, ’’Le
Noyau critique’’ a voté pour moi …
Est-ce qu’on ne peut
pas dire que je maîtrise ’’Le Noyau critique’’ ? Je pense que c’est
oui ! Encore que ’’Le Noyau critique’’ a son indépendance.
Lorsqu’il y a une
échéance, je sais comment approcher cette association pour qu’elle aille dans
le sens que je souhaite. La preuve, pour le vote des journalistes culturels,
j’ai dû appeler les gens du ’’Noyau critique’’ pour savoir si on pouvait encore
se voir pour que vous puissiez nous aider ; le candidat que j’ai souhaité
a été élu, même si celui-ci a fait son travail à son niveau, unilatéralement.
Ce n’est pas que je
maîtrise les associations, il n’y a pas une autre manière de maîtriser … On est
en Afrique et, la manière de parler importe, la manière d’aborder le sujet
avec les gens importe. Donc, moi, j’ai une manière que les gens qualifient de
bonne, de les approcher, de les solliciter, de leur demander des services, et
les gens me les rendent facilement.
La preuve aussi en est
que lorsque les gens ont leur festival, leur manifestation, je n’hésite pas à
imprimer des affiches pour eux, à leur envoyer des caméras, par mes maigres
moyens, 50 mille, 100 mille, pour les aider à organiser leur manifestation. De
toute façon, il ne peut en être autrement, parce que si vous regardez les
affiches que les gens mettent partout pour les manifestations, il y a toujours
le logo de ma structure ’’Gangan production’’ là-dessus. Je crois que ce n’est
pas gratuit ; on ne met pas le logo des autres promoteurs comme ça, c’est
parce que je suis ouvert, d’une certaine manière, et que je contribue, d’une
certaine manière.
On a l’impression qu’il
faut aussi dépenser beaucoup d’argent pour avoir cette influence-là …
Non, je ne dépense
pas … Je vous ai dit, tout de suite, que je donne une caméra ; si on
doit calculer cela, effectivement, c’est de l’argent … Quand on fait le budget
d’une manifestation, la captation est quelque chose qu’on facture. Si vous la
facturez à 500 mille, et que vous venez voir Claude Balogoun, et qu’il vous dit
de donner 100 mille, cela veut dire qu’il a participé de 400 mille, et ce n’est
pas qu’il a sorti cette somme d’argent de sa poche ; ce n’est pas que j’ai
l’argent, je n’ai rien, j’ai de la difficulté à payer les salaires de mon
personnel, ce mois-ci, je n’ai rien … Mais, j’ai une manière de répondre aux gens,
en temps et en heure, c’est cela qui les aide, ce n’est pas une question
d’argent, je n’en donne pas ; ’’Le Noyau critique’’, est-ce que vous avez
eu un rond, pour venir voter pour moi ? En quoi on dépense de
l’argent ? Ce n’est pas une question d’argent …
Avez-vous un appel à
lancer aux futurs représentants du monde culturel, en général, au
Ca/Fitheb ?
Deux choses
importantes : d’abord, vis-à-vis des réformes, moi, je suis un
légaliste ; dès lors que l’institution qui gère la culture a décidé de
mettre en place des réformes, si nous voulons exercer dans ce secteur, et
travailler avec cette institution, nous sommes obligés de répondre à ces
réformes. Je demanderais à tous les acteurs culturels de fournir les documents
pour aller prendre leur carte professionnelle, aux associations de fournir les
documents pour aller prendre leur agrément, et d’être à l’écoute des autorités,
pour participer à l’éclosion de la Culture.
Deuxièmement, je
demanderais aux autorités de diffuser, le plus largement possible, les
informations essentielles dont les gens ont besoin pour que cela ne crée pas, à
chaque fois, des frustrations.
Dernièrement, les
nouveaux membres du Ca/Fitheb, qui vont siéger, je demanderais que, très tôt,
ils s’approprient les nouveaux textes du Fitheb, qu’ils comprennent comment
cela doit fonctionner et qu’ils aident le nouveau Directeur qui va venir à
réussir véritablement sa mission, pour que le Fitheb redore effectivement son
blason. Je souhaiterais qu’il n’y ait pas de division là-dedans, je souhaiterais
que, même si les membres sont de différents camps, qu’ils s’entendent pour
travailler ensemble, je souhaiterais également, enfin, qu’il n’y ait pas
d’antagonisme avec l’autorité : avec tout Conseil d’administration, s’il y
a brouille avec l’autorité, les choses ne marchent pas ; nous, on ne
souhaite pas ça, je ne souhaite pas que cela arrive.
Je souhaite que ces
nouveaux membres élus du Ca/Fitheb brisent complètement les liens avec les
ailes de l’équipe de tous les anciens Directeurs du Fitheb, et qu’ils
réinventent une autonomie créative qui pourrait nous permettre de réussir
véritablement la mission qui est de faire remonter le Fitheb dans ses lettres
de noblesse.
Propos recueillis par
Marcel Kpogodo