Dans le cadre d’une interview
de l’initiateur de l’événement
Pendant une bonne
quinzaine de jours, plus précisément, du 6 au 21 octobre 2018, aura lieu, dans
la capitale économique béninoise, la première édition d’un événement qui s’annonce
artistiquement parlant, multidimensionnel, gigantesque et hors du commun :
le Marché des Arts du golfe (Mag). Dans une interview qu’il nous a accordée,
Aristide Agondanou, fondateur, ancien membre et ancien tourneur des ’’Gangbé
brass band’’, nous décline les motivations et les conditions du déroulement d’un
Projet pour lequel il appelle la participation abondante des entreprises.
Aristide Agondanou |
Le Mutateur : Bonjour Aristide Agondanou. Vous êtes le fondateur de l’événement culturel dénommé le Marché des Arts du golfe (Mag), qui se déroulera du 6 au 21 octobre 2018 à l’Hôtel ’’Eldorado’’ du quartier d’Akpakpa, à Cotonou, au Bénin. De quoi s’agit-il ?
Aristide
Agondanou
:
Il faut des grands événements pour le Bénin, pour que notre pays émerge, parce
que nous avons de bons artistes dans tous les domaines, qui émergent à
l’international, qui se battent sur d’autres marchés. Mais, ce n’est pas la même
chose quand ils sont dans leur pays.
Donc, mon équipe et
moi, nous avons constaté ce que nous faisons : nous aidons les autres pays à
organiser des événements, nous trouvons des artistes que nous proposons pour
les animer, nous représentons des artistes. Et, nous nous sommes dit que, chez
nous, il faut faire quelque chose pour le Bénin. Avec la volonté de l’équipe
gouvernementale, nous avons décidé de créer un marché, mais un marché pas comme
les autres.
Comme vous le savez,
quand on parle de la Biennale de Dakar, il y a un grand intellectuel qui
oriente, qui propose d’accepter ou de rejeter telle ou telle œuvre. Mais, chez
nous, les grands seront là, de même que leurs apprentis. Le concept, c’est,
d’abord, de transformer Cotonou en une plaque tournante du marché d’art, et de
développer le mécénat d’entreprise, de rendre les entreprises plus proches des
artistes ; elles ne les utilisent pas comme il se doit, c’est-à-dire comme des
’’brand ambassadors’’. Il faudrait que cela entre dans nos mentalités.
Pendant le grand
événement, il y aura la partie ’’Marché’’, avec un espace de plus de 800 mètres
carrés, qui réservera, à l’intérieur, des stands qui permettront aux artistes
d’exposer leurs œuvres. A part cela, il y a la seconde partie qui est
constituée par des installations. Elles sont dans l’Adn du Bénin parce que
l’ex-Dahomey, le Bénin, est le berceau du vodoun et, quand on parle
d’installations, on pense directement au Bénin ; on parle d’ « installation du
vodoun », on dit que « le vodoun a été installé », …
Ce concept est né dans
les années 1970, il est allé en Europe, un peu partout dans le monde, à travers
nos artistes. Maintenant, il s’agit de ramener ce concept au Bénin. Nous avons
prévu dix espaces où les artistes feront des installations. Celles-ci peuvent
durer dans le temps ; on ne le sait pas encore.
En dehors de cela, il y
aura des projections de films documentaires sur des artistes, sur la manière
dont ils travaillent ; il y en a parmi eux qui développent une technique, une
manière de travailler que les participants à cette activité découvriront. Il y
aura aussi des ’’workshops’’ animés par des grands maîtres. Et, dans
l’événement, on fera un hommage à Ludovic Fadaïro qui est l’un des plus grands,
l’une des sommités africaines en art contemporain, sur le plan international ;
il est en train de fêter ses cinquante ans de carrière. Donc, nous déroulerons
une rétrospective de tout ce qu’il a réalisé des années 1970 à nos jours.
Concernant la partie
scientifique du Mag, il y aura des conférences-débats sur plusieurs thèmes et,
notamment, sur la vie et l’œuvre de Ludovic Fadaïro dans l’art. Nous avons
prévu aussi une bonne programmation musicale qui sera bien nourrie par des
artistes de l’international et du Bénin, sans oublier des parades dans les rues
d’Akpakpa, parce que, souvent, il n’y a rien qui se passe, sur le plan
culturel, dans cet important quartier de Cotonou, qu’est Akpakpa. Donc, on va
faire du bruit, avec les artistes. Il y aura des performances et des défilés,
mais pas des défilés de mode classiques, mais avec une touche artistique. En
effet, celui qui va en créer la scénographie sera Alougbine Dine qu’on ne
présente plus.
Toutes ces activités
vont permettre un genre de brassage, des rencontres entre les artistes et,
aussi, il y aura des acteurs comme les collectionneurs d’art, des galeristes,
qui viendront faire leur marché dans le Marché des Arts du golfe et, comme des
entreprises vont accompagner des artistes, elles auront la chance de nous voir
leur organiser des séminaires d’entreprise, du genre ’’workshop’’, dans le
système du ’’team building’’, pour créer la cohésion, la solidarité et l’esprit
d’équipe au niveau des membres de ces structures. Donc, pour ce grand événement
qu’est le Mag, nous invitons le Gouvernement, de même que ceux qui côtoient
l’art, à s’y intéresser.
Dites-vous que ce qui
est surprenant, c’est que, depuis que nous avons lancé un appel à candidatures
pour des projets, le monde entier est en train de postuler, parce que
l’événement est ouvert à l’Afrique, à l’Europe et aux Caraïbes. Jusqu’à ce
moment, nous ne pensions pas que nous aurions autant de candidatures. Donc,
l’équipe technique qui va faire la sélection aura du pain sur la planche.
En réalité, il faudrait
que nous transformions ce Marché en une plateforme de communication pour créer
de la visibilité à nos artistes. Les concernant surtout, il y a une partie,
dans le Marché, qui est réservée aux jeunes talents, même non professionnels,
ceux qui veulent proposer ce qu’ils savent faire. En effet, il y aura des
acheteurs, des acheteurs de tous genres, des acheteurs d’œuvres d’art et des
acheteurs de spectacles.
A part cela, il y aura
des groupes de fanfares, des animations, des soirées de jazz, des soirées de
slam, des soirées de contes : c’est tout ce qui est art. C’est un Marché qu’on
n’a jamais organisé au Bénin, il est unique dans son genre. Nous souhaitons que
tout le peuple béninois accompagne cet événement pour que le Bénin puisse
s’enregistrer dans le rang de ces grands pays culturels créateurs d’événements,
comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, entre autres.
Est-ce
que les moyens financiers sont disponibles pour organiser toutes ces
manifestations grandioses ?
Au Bénin, nous disons
toujours que nous n’avons pas de moyens, que nous sommes pauvres ; quand on se
cache derrière le sous-développement, on ne va jamais rien faire. Je dois vous
dire que j’ai eu la chance de sillonner d’autres pays et de les aider à
organiser des événements, on me sollicite souvent, à cet effet. Mais, ils ne
sont pas plus intelligents que nous. Je le répète : si l’on doit se cacher
derrière le sous-développement, on ne va rien faire ! Il faut oser, il faut
oser, il faut rêver grand, il faut rêver grand ; nous pouvons faire plus que le
Burkina Faso !
Si je vous dis que
notre Charte culturelle a été copiée par le Burkina Faso, sa force réside en ce
fait qu’il y a des choses qui se passent là-bas ! Au Bénin, on crée bien, nous
sommes de bons concepteurs et, c’est le moment d’agir, il faut l’action ! Et,
l’action consiste à mobiliser l’argent qu’il y a dans notre pays, à entrer en
synergie avec les collectionneurs, avec les galeristes, avec les personnalités
de tous genres, qui aiment l’art …
Comment
allez-vous faire pour rendre cet argent disponible pour la tenue du Mag ?
Il faut d’abord se
reposer sur des entreprises, ce qui est rendu nécessaire par le fait qu’on a
constaté qu’au Bénin, les entreprises n’utilisent pas, comme il se doit, les
artistes. Prenons l’exemple d’une, étrangère, ’’Glo’’, qui a fermé ses portes.
’’Glo’’ avait commencé à utiliser les artistes. Voyez-vous comment elle a
renforcé son chiffre d’affaires et son image ?
La devise du Mag |
A travers le Mag, nous
voulons donner des occasions aux entreprises pour qu’elles utilisent la
création artistique pour leur visibilité, pour la création de la solidarité au
niveau de leur personnel, de même que l’esprit d’équipe, parce qu’avec l’art,
nous exerçons une fonction économique et une fonction sociale. L’art aide aussi
à résorber le trop plein de crises au niveau de la communauté. C’est dire que
le Mag est une occasion pour les entreprises, pour les chefs d’entreprises,
afin qu’ils utilisent les artistes comme une plateforme de communication. Et,
en même temps, ils accompagnent ces artistes, ce qui nous permet de leur offrir
le ’’team building’’. Ainsi, nous avons pensé à inviter un spécialiste en la
matière, qui travaille pour l’Union européenne, en France, en Belgique et en
Hollande, qui use de l’art pour concrétiser l’esprit d’équipe, au niveau des
fonctionnaires. Les ministères aussi ont besoin de cela pour créer cette valeur
au sein de leur personnel.
Donc, une entreprise
qui accompagne un sculpteur voit celui-ci faire une exposition aussi bien sur
le Mag que dans les locaux de celle-ci, et même dans le bureau du Directeur, ou
dans sa salle d’attente. C’est un genre de troc ; il y a un bon nombre d’outils
que le Mag donne aux entreprises et, en retour, elles accompagnent
financièrement les artistes, dans le cadre de l’organisation du grand
événement.
Précisons aussi qu’au
cours des ’’workshops’’, ces entreprises dont nous nous sommes rapprochés et
dont nous attendons la réponse favorable, peuvent voir leurs cadres mettre la
main dans les peintures et construire, avec les artistes, des œuvres d’art,
histoire de développer les qualités que nous avons évoquées précédemment. Le
Mag est une opportunité pour le développement des entreprises de notre pays ;
les responsables de celles-ci peuvent utiliser cet événement inédit comme un
moyen de communication et de visibilité. Nous attendons donc les entreprises,
pour une opportunité qu’il serait dommage qu’elles ratent.
A leur endroit, je peux
aussi partager qu’aller faire de la communication à la télévision, ce n’est pas
mal, alors qu’en Afrique, dans les pays en voie de développement, il faut une
communication de masse, celle qu’utilise ’’Coca-Cola’’ qui, bien que n’ayant
plus besoin de visibilité, continue à faire largement parler d’elle, l’exemple
en étant la Coupe du monde où elle est toujours présente. Des entreprises
béninoises peuvent faire la même chose, pour avoir de la plus-value.
Donc, c’est le moment !
Les entreprises doivent saisir le Mag qui est venu pour faire rayonner, pour
développer le tourisme. En effet, le Gouvernement peut utiliser le Mag pour
développer le tourisme, parce que les gens viendront de partout dans le monde ;
c’est ouvert pour la diaspora, mais aussi pour l’Afrique, l’Europe et les
Caraïbes. Qu’est-ce qu’on fait avec les Caraïbes ? Rien ! Or, la majorité de
leurs habitants sont passés par le Bénin, de Cotonou à Ouidah, pour se
retrouver de l’autre côté. Ils connaissent l’histoire et, le nombre d’artistes
inscrits pour le Mag, en provenance de cette partie du monde, est énorme,
énorme !
Le Mag est donc une
occasion pour rencontrer ceux-là, surtout qu’il y a des galeristes qui veulent
faire leur marché ici. C’est une opportunité. Le Mag est bien venu pour le
Bénin, pour la visibilité du Bénin.
Que
dit le Gouvernement du Mag ?
Il en a eu vent, je
suis sûr qu’il est en train d’y réfléchir, je suis sûr qu’il est en train de
voir comment il va nous accompagner, de voir comment il va saisir le Mag. Je
suis sûr qu’il va y participer, qu’il prendra cela comme un outil de
développement du pays.
Un
appel à lancer ?
Je demande à toutes les
entreprises qui sont installées au Bénin de saisir le Mag comme un outil de
prospérité, de venir y participer. Je demande aux dirigeants, aux responsables
de la chose culturelle au Bénin d’utiliser le Mag pour faire rayonner le Bénin,
partout dans le monde, pour faire développer le tourisme, pour faire affirmer
la culture béninoise sur le plan international.
Propos recueillis par
Marcel Kpogodo
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