Suite à sa
représentation à l’Institut français de Cotonou
La soirée du vendredi
30 mai 2014 a donné lieu à la représentation de la pièce, ’’Danxomè-xo’’,
écrite et mise en scène par l’homme de théâtre, Patrice Toton. Un spectacle d’une
totale réussite qui a marqué les esprits aux plans artistique et intellectuel.
De gauche à droite, Patrice Toton, Souléman Laly, Parfait Dossa, Charrelle Hounvo et Edouard Ahlonsou, remerciant le public, à la fin de la représentation |
A la fin de la
représentation du spectacle, « Danxomè-xo », le vendredi 30 mai
dernier, à la grande paillote de l’Institut français de Cotonou, les nombreux
spectateurs, encore sous l’effet de la prestation impressionnante des artistes
de l’Association ’’Katoulati’’, déambulant dans les environs de la cafétéria,
voient Alougbine Dine, comédien, metteur en scène, responsable d’espace de
représentation théâtrale et ancien Directeur du Festival international de
théâtre du Bénin (Fitheb), les deux mains sur la tête de Patrice Toton, auteur
et metteur en scène de la pièce jouée, comme en signe de bénédiction, le
féliciter en ces termes : « C’est très bien ! C’est très bien !
Tu as frappé fort ! Je suis content, je suis content ! »
L'inédit "standing ovation" des universitaires avec, de gauche à droite, les Professeurs, Bienvenu Akoha, Toussaint Tchitchi et Guy Ossito Midiohouan |
Une autre image saisissante et révélatrice du succès éclatant de "Danxomè-xo" : le ’’standing ovation’’ d’un
carré de professeurs d’université venus assister à la représentation théâtrale,
au moment où les acteurs avaient fini de faire connaître leur identité au
public. Bienvenu Akoha, appuyé de son épouse, Guy Ossito Midiohouan, Toussaint
Tchitchi et, d’un autre côté du premier rang des bancs, Dodji Amouzouvi,
continuaient d’applaudir après le public.
Après la pièce, la satisfaction probante du Professeur Guy Ossito Midiohouan, en bleu, du Département des Lettres Modernes, de la Faculté des Lettres, de l'Université d'Abomey-Calavi |
Même lui, ce public, n’est
pas resté en marge des félicitations par le geste. Après avoir app
Côtoyant ces maîtres du
savoir, Ignace Yètchénou, comédien, acteur de cinéma, n’a pas manqué de faire
connaître ses impressions, à la fin de la pièce, confiant à Patrice Toton :
« J’ai perdu le goût d’aller au théâtre. Mais, avec ce spectacle, tu m’as
redonné l’espoir et l’envie d’aller au théâtre. »
Toutes ces marques d’un
succès éclatant qui ne trompe pas, ne sont pas gratuites. En 65 minutes, les
trois comédiens-conteurs-personnages et le percussionniste, alternant les rôles,
passant du récit engagé au jeu bien cadré d’un héros circonstanciel, en
transitant par des séquences bien synchronisées de chants traditionnels en chœur,
Parfait Dossa, Charrelle Hounvo, Souléman Laly et Edouard Ahlonsou, pour ce qui
est de leur nom à l’état-civil, ont restitué des réalités historiques stratégiques
du Bénin pré-colonial à celui contemporain, résumant, dans une exposition fortement
exprimée, la volonté inextinguible d’hégémonie du royaume du Danxomè sur les 14
autres, de la côte, de l’est, du centre, de l’ouest et du nord de l’actuel
Bénin. Une volonté érigée en une forte détermination conquérante de souverains
successifs, Houégbadja, Agadja, Guézo, Glèlè, Béhanzin, aux déboires
spécifiques et fatals mais, une
détermination concrétisée par des avancées conquérantes sérieuses, freinées
opportunément par le colon militaire français et récupérées à son profit par
lui pour asseoir une colonisation durable.
Parfait Dossa, Agadja |
Souléman Laly, en Béhanzin |
Parfait Dossa, à cet effet, a
incarné le téméraire Agadja et y a réussi, de même que Souléman Laly, par
rapport à Béhanzin, sans compter Charrelle Hounvo qui, dans la même plus que
châtiée diction que ses homologues de scène, une profération parfois mécanique,
à souhait, a retracé des tranches de parcours illustres de ces célébrités. Et,
que ne pas dire d’Edouard Ahlonsou, dont la voix mélodieuse et entraînante,
renforcée par un timbre de griot, a lancé et scellé des chants du sud et du
nord du Bénin, contraignant ses trois compagnons de scène à une chorégraphie
circonstancielle embellie par le chorus de l’accoutrement.
L'engagement sans failles des comédiens-conteurs dans le conte théâtralisé, "Danxomè-xo" |
Un accoutrement
uniforme des conteurs, constitué, à la base, d’une sorte de tunique en coton,
de manches courtes ovales et débordantes, une tunique ornée, le long des
boutonnières, au col et au bord des manches, du même registre d’un large motif indigo
dominant, agrémenté par de gros points jaunes. C’était une tunique sur un
pantalon ample. Cet accoutrement, surtout chez les trois premiers conteurs, était
extraordinaire par sa capacité, sans rien en laisser paraître au spectateur, à
se muer rapidement en un autre. Ainsi, l’accoutrement de scène était aussi colonial,
avec, pour les conteurs, des lunettes à la petite monture fine posée sur le nez.
Dans un autre univers, constitué, en quelques petites minutes, par le biais d’un
chant chaleureux exécuté à l’unisson, toujours par les mêmes trois conteurs, dos
tourné au public, en retrait dans un coin droit de la scène, ce nouvel univers
leur a fait continuer la pièce avec une chemise désormais sans manches sur un
pantalon blanc, le tout mis en valeur par un chapeau feutre noir !
Et, nous voilà, en un
tournemain, plongé dans notre Bénin du 21ème siècle, dans la capitale
économique, avec ses réalités côtières de pêche d’une habitude séculaire, de
belle vie de plage et de pratiques sexuelles débridées. Toute l’atmosphère
savoureuse de l’environnement de la ’’Route des pêches’’ !
Les comédiens-conteurs, dans une séquence à la fois chantée et dansée |
Et, dans ce passage
aisé d’une époque historique à l’autre de notre pays, pas de rupture dans le
jeu de scène, les chants et les danses aidant à cela. Le public a savouré des
séquences chorégraphiques courtes et plaisantes qui s’enchaînaient habilement à
d’autres séquences de récit ou de jeu de rôles. Ces moments chorégraphiques, mis
au point stratégiquement, ont permis au metteur en scène de faire pratiquer par
les comédiens-conteurs un déplacement agile et aisé sur la scène ; l’exploitation
équilibré de celle-ci était fondée sur le positionnement des comédiens-conteurs
en un triangle qui se déployait, s’élargissant en carré, en rectangle ou en
cercle, selon les circonstances. Ceux-ci, maîtrisant leur texte, le vivaient,
chaleureusement et joyeusement, disant, chantant, déclamant, célébrant même des
rituels royaux, sacrés ou profanes, manipulant facilement des accessoires convertibles
qui, eux aussi, changeaient de fonction : les bâtons à sculptures de
jumeaux étaient auparavant des esclaves et les tabourets ont été restitués en
balcons de maison à étages, balcons du haut desquels les colons pouvaient
dédaigneusement considérer la population réduite à la soumission.
Au centre, Edouard Ahlonsou, dans son rôle de chanteur-percussionniste |
Entrant en concordance
avec tout ce système de successions des époques, des héros, des costumes, des
accessoires, la lumière, blanche, jaune ou rouge, forte ou allégée, alternait,
s’adaptant aux circonstances de détresse, de recueillement ou de joie, rougeoyant
s’assombrissant ou éclatant, lançait ses feux.
Voilà une complète
effervescence qui a animé la pièce, chassant du public l’ennui, l’instruisant
par les faits d’histoire, le maintenant attentif et entretenant en lui un
suspens qui a duré jusqu’à la fin de la pièce. Voilà une totale réussite ayant
induit aussi bien la réticence du public à quitter les lieux du spectacle à la
fin de la pièce, que les nombreuses félicitations au metteur en scène et la
reconnaissance des professeurs d’université. Une telle pièce ne pourrait-elle
pas épanouir les spectateurs du prochain Festival international de théâtre du
Bénin (Fitheb) ?
Un speech de feu
Au-delà de son volet purement artistique, la pièce ''Danxomè-xo'' a
laissé Patrice Toton, son auteur et metteur en scène, rappeler le contexte du premier
jeu du spectacle, la participation de l’Association ’’Katoulati’’ au Festival ’’Yeleen’’
du Burkina Faso, en novembre-décembre 2013.
Patrice Toton, dans son adresse au public, après le spectacle |
L’homme de théâtre a alors,
fortement et brièvement, partagé sa conviction de la nécessité que les
universitaires s’emparent du processus qui est le sien de la réécriture de l’histoire
nationale, selon la vérité des faits et non à partir de celle qui arrangeait l’ancien
colonisateur et qui a été véhiculée jusqu’à aujourd’hui. Une véritable envolée intellectuelle de Patrice Toton qui, visiblement, a suscité l’intérêt des professeurs
présents, quitte à ce que des initiatives scientifiques ultérieures viennent
donner corps à un tel projet.
Marcel Kpogodo
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