samedi 10 mars 2018

Amessiamey, le talent qui explose du boisseau


Dans le cadre de son insertion dans le Bim

En matière de résurrection artistique, on ne peut trouver plus indiqué, actuellement, qu’Amessiamey. Après un bon nombre d’années de silence, cette artiste chanteuse, depuis peu, a refait surface, le Projet ’’Bénin international musical’’ (Bim) ayant permis de l’entendre à nouveau chanter, de la voir à nouveau se produire sur scène, le vendredi 12 janvier 2018. Portrait d’un esprit artistique ayant surnagé du marais …

Amessiamey
Un visage rondelet noir qui brille par de la lisseur, un visage dont le noir se rend bien éclatant par un maquillage discret, impeccable, une tête surmontée d’une épaisse et soyeuse touffe rousse de cheveux se raréfiant sur les côtés, un visage que prolonge un corps qu’enveloppe un accoutrement de scène : un simple corsage rose, vu de loin, dans lequel des motifs sombres entretiennent le contraste, un corsage à la base en dents de scie, sur un pantalon en tissu dit africain, d’un fond vert parsemé de dessins de fleurs, un pantalon s’élargissant après les genoux, pour se terminer en pattes d’éléphant, un genre de « bas d’elphe », d’une certaine époque. Les yeux fermés, les mains jointes, Amessiamey vit son morceau, le chœur dans lequel ses lèvres s’enfoncent harmonieusement, sur cette scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, le 12 janvier 2018, lors du grand concert de sortie des artistes du très radiophonique Projet du ’’Bénin international musical’’ (Bim). Bien avant, presqu’un mois plus tôt, le 15 décembre 2017, elle se produisait en un concert solo, à la Paillotte du même Institut.
Vingt-quatre ans de carrière sont passés par là ; ils ont façonné ce qui est devenu une voix claire dont l’ardeur se construit au fil des morceaux qu’elle chante ; ces vingt-quatre ans de carrière dans la musique béninoise ont fabriqué la voix éclatante qu’est aussi Amessiamey, elle qui a matérialisé ses débuts dans le fameux groupe ’’Alafia music’’, lequel, dans sa fureur du début des années 2000, a fait danser les Béninois dans les espaces convenus à cet effet, sur une salsa, copieuse à souhait, qui avait la particularité de décrisper par sa chaleur et de faire tendre le pied à ceux qui n’en étaient pas amateurs. Elle intègre ce qui s’est imposé comme un ensemble de trois membres en 1994, trois ans après sa mise en place.
Entre-temps s’amorce la traversée de désert du Groupe, Amessiamey se met à son commerce et, un fait marquant l’amène à s’extérioriser : « Ma famille est plus moi que moi ». Oui, ses collègues d’ ’’Alafia music’’ et, surtout, des membres de sa famille, étant donné ce qu’ils l’ont vue artistiquement démontrer, se sont lancés dans des encouragements qui ont produit un effet d’une efficacité intéressante : elle trouve du temps pour se mettre à nouveau au travail ; elle écrit elle-même ses morceaux, elle trouve désormais à son actif un clip et quatre chansons audio. Une figure représentative de cette famille très motiveuse : Pauline Kiti, sa grande sœur, artiste danseuse, ancienne membre des ’’Muses du Bénin’’, disponible pour la coacher, dotée qu’elle avoue, d’une force d’intuition, d’un talent pédagogique. Des conséquences s’en réalisent. Définition de rythmes de travail, de rythmes traditionnels : le ’’gazo’’ et l’ ’’élézo’’. Adoption de rythmes typiquement africains : le hi-life et l’afrobeat ! Elle se projette donc pour un album de douze titres, se démarquant par un élément de singularité : ce sera, confie-t-elle, de la « musique de salon », ses thèmes préférés en étant « l’amour fraternel, le positif, la paix dans la société, dans les foyers ». Ses langues de prédilection : le mina et le fon.
Celle dont les vingt-quatre ans de carrière se sont aussi forgés avec des ’’jam’’ au ’’So what !’’, à ’’Acropole’’, notamment, manifeste un processus atypique d’évolution : de son groupe de musique, elle est passée à une expérience en solo, pour aboutir au Bim, une véritable structure-orchestre de promotion de la musique béninoise, avec des canons rythmiques internationaux, pour des canaux puissants de diffusion, étant le réseau des radios de ’’Radio France’’ et de leurs partenaires, disséminés dans le monde entier.  

Amessiamey, deuxième position, de gauche à droite, au cours du concert du Bim, du 12 janvier 2018
Un succès, pour Amessiamey, d’avoir pu être sélectionnée pour participer à officier dans cette messe, une porte étroite. Un rude casting a révélé qu’elle pouvait en être, du fait de certains atouts : « une capacité hors pair d’improvisation sur n’importe quelle grille donnée », « sa voix qui accroche le public, qui est capable de se déployer dans tout registre, en alto, en soprano ou en aigu », notamment, explique Aristide Agondanou, ancien membre et manager des ’’Gangbé brass band’’, la tête pensante du Bim. De même, elle a démontré sa capacité rapide à concevoir des textes, à créer des mélodies.
A en croire, toujours, les réflexions de cet homme des grands festivals internationaux de musique et des réseaux influents afférents à ce domaine, ce système qu’est le Bim « apportera une communication de masse au projet personnel d’Amessiamey ». Et, « le carburant, l’énergie » dont elle a besoin pour évoluer et pour se surpasser et rayonner, Aristide Agondanou sait en produire les mots et les actes de motivation : « c’est un défricheur, un détecteur, un développeur », reconnaît de lui cette star en devenir, ce qui n’empêche pas cet esprit d’humilité, qu’est le patron de la structure de promotion, ’’Awo-négoce’’, de bien vite remettre les choses à leur place : Amessiamey « s’est personnellement trouvé sa voix, son style, sa musique, son identité ». Ainsi, le talent affermi de celle-ci reste le soleil au zénith, qui a en secoué et calciné le boisseau porteur de léthargie et d’extinction artistiques. La trentaine ferme, monolaise, Amessiamey, de son nom, à l’état-civil, Brigitte Kiti, prend son envol, avec ses collègues du Bim, dès le lundi 12 mars 2018, pour la soumission de son être artistique aux sensibilités françaises, européennes et occidentales. « Amessiamey », «Tout le monde », en langue mina, est peut-être porteuse d'un sens de l'unanimité, du consensus, qui lui portera bonheur hors du Bénin. 

Marcel Kpogodo  

vendredi 9 mars 2018

Six raisons pour devenir artiste malgré tout, selon Antoinette Tidjani Alou


Déclaration dans le cadre de la conférence inaugurale tenue à l’Eitb


La matinée du mardi 6 mars 2018 a permis d’enregistrer la tenue de la conférence inaugurale de la rentrée académique de la promotion 2017-2020, à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), devant un public important. L’occasion pour le Professeur Antoinette Tidjani Alou, animatrice de cette séance de partage intellectuel, d’évoquer six éléments de soutien pour lesquels il faudrait quand même qu’il y ait des artistes.

Le Professeur Antoinette Tidjani Alou
Le besoin pour les êtres humains d’avoir une vision, le rappel à l’ordre qui doit leur être fait par rapport à l’existence incontournable de la beauté, du sens d’humanité, du rêve, une « nécessité urgente », l’importance de la position de prise de recul, de questionnement vis-à-vis des systèmes établis, la nécessité du « renouvellement des sources de créativité dans tous les domaines », la place inévitable de comportements comme rire et pleurer, l’établissement de la prise de conscience par rapport à l’ouverture du monde, à la nécessité de ne pas « perdre son âme », sa subjectivité, sa manière intrinsèque, authentique d’être. Les six faits de motivation qui devraient encourager ceux qui s’en sentent la vocation et beaucoup d’autres personnes à devenir un artiste, à en croire Antoinette Tidjani Alou, Professeur de Littérature française et comparée à l’Université Abdou Moumouni du Niger, et Marraine de la Promotion 2017-2020, la sixième de l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), qui s’est exprimée dans le milieu de la matinée du mardi 6 mars 2018, au Studio théâtre de la structure universitaire, dans la conférence inaugurant la rentrée académique, sur le thème : « La formation professionnelle des artistes : repères et perspectives ». Ont fait le déplacement de la cérémonie des responsables d’universités privées, des enseignants, des acteurs et des promoteurs culturels, des artistes de même que des étudiants dont ceux de la sixième promotion de l’Eitb, sans oublier Alougbine Dine qui en est le Directeur.

Un aperçu du public ayant fait le déplacement ...
En évoluant dans son propos, l’oratrice a décliné plusieurs avantages forts justifiant que l’artiste reçoive une formation professionnelle : « comment être et rester africain face à la modernité », savoir ce que l’on est, d’où l’on vient, où aller, maîtriser du passé et du présent, faire valoir, dans le monde, un langage contribuant à développer la sensibilité chez les autres, « vivre dans l’imaginaire qui n’est pas l’illusion », autrement dit, « persévérer dans la lucidité », apprendre à avoir d’autres revenus pour gagner son pain. Pour la conférencière, la formation professionnelle est « un train rapide » pour l’artiste.

... avec le Directeur Alougbine Dine, très attentif

Des préalables

Cette chute en deux évocations cardinales a été précédée d’un préambule voulu par le Professeur Antoinette Tidjani Alou d’une remarquable humilité intellectuelle, ce qui lui a permis de formuler des encouragements aux artistes ayant décidé de s’engager dans une formation professionnelle, surtout qu’ils en sont rejetés par leurs proches. Abordant les avantages liés à leur courageux choix, l’intellectuelle jamaïco-nigérienne a montré qu’ils produisent un impact sur le monde et qu’ils se mettent véritablement en valeur. Et, pour cette fondatrice du Laboratoire d’Etude, de recherche, de pratique et de valorisation des arts et de la culture (Lervap), le processus éducation-formation-instruction est celui dans lequel l’artiste en quête de connaissances intellectuelles et de qualifications, recèle de bénéfices multidimensionnels.

Le Professeur Tidjani Alou posant avec les étudiants de la sixième promotion
Par ailleurs, abordant les « repères et perspectives », Antoinette Tidjani Alou, Chevalier des Palmes académiques du Niger, a fait ressortir la qualité essentielle de l’Eitb : fournir à ses étudiants une formation contemporaine. En outre, l’auteur d’ ’’On m’appelle Nina’’ et de ’’Tina shot me between the eyes and other stories’’, respectivement, une autofiction et un recueil de nouvelles, s’est embarqué dans la différenciation entre l’artiste et l’artisan, pour aboutir aux contraintes spécifiques de la transmission des connaissances techniques, dans un contexte africain, avant de faire ressortir le paradoxe que manifestent les hommes politiques, aux choix résolument opportunistes, culturellement parlant, entre leur vision culturelle et les réalisations concrètes, une analyse que la conférencière a fondé sur l’exploitation des articles 6, 7 et 14 de la Charte de l’Union africaine.
Très applaudie, aussi bien après la présentation qu’à l’issue de la phase des réponses aux préoccupations du public, Antoinette Tidjani Alou a été gratifiée d’un bouquet de fleurs.

Marcel Kpogodo

jeudi 1 mars 2018

L’artiste Elon-m, plusieurs facettes du dialogue

Dans le cadre du vernissage d’une exposition éponyme au Centre culturel chinois


La Salle polyvalente du Centre culturel chinois accueille, actuellement, une exposition dont le vernissage a eu lieu dans la soirée du samedi 24 février 2018. Parmi les quatre artistes présentant les résultats de leur travail, Elon-m laisse découvrir des postures diversifiées du ’’Dialogue’’, thème de l’exposition.

Elon-m Catilina Tossou, dans ses explications, sur l'exposition indiquée
Dialogue politique, interculturel ou d’un tout autre ordre. De son nom à l’état civil, Elon-m Catilina Tossou, Elon-m en présente quelques-unes des manifestations dont certaines sont inattendues, à travers l’exposition, ’’Dialogue’’, dont le vernissage s’est déroulé le samedi 24 février 2018, à la galerie du Centre culturel chinois, un événement qu’il est important d’inscrire dans le contexte de la célébration du ’’Happy chinese new year’’ (Hcny), le Nouvel an chinois.
Sur une bonne quinzaine de toiles réalisées en résidence de création, qu’il soumet au regard du public, jusqu’au 23 mars prochain, sept sont visibles dans différents halls du Centre culturel chinois. Quant aux huit restantes, elles s’intercalent avec les tableaux produits par deux autres peintres avec lesquels Elon-m se trouve en exposition, Achille Zohoun et Esther Bigo, sans oublier que, par ses sculptures, Charly Djikou marque son analyse du thème du dialogue.
Dans un premier temps, le jeune artiste contemporain présente le sujet indiqué comme un processus mettant face-à-face des hommes de pouvoir et des personnes qui leur sont assujetties, par l’œuvre, ’’Mouvement de dialogue’’ I, laissant figurer essentiellement une table symbolique de discussions, dont les contours du dessin sont stylisés. Ensuite, ’’Danse d’initiation’’, notamment, fait subtilement la remarque de l’existence de plusieurs points de similitude entre des danses traditionnelles béninoises et chinoises, en ce qui concerne la tenue des pieds, la gestion des accoutrements, le choix des couleurs, entre autres, du rouge qui revient, de manière récurrente, dans les deux cultures. Le signe d’un palpable dialogue interculturel entre la Chine et le Bénin.
Par ailleurs, ’’L’ombre rouge’’ frappe par le rude combat qu’il suggère pour la conquête de la lumière, seule capable de réduire à néant l’emprise dominatrice de l’ombre rouge, un pouvoir de grande dictature, de forte oppression. En outre, avec ’’Dialogue des couleurs’’, il est absolument proposé un creuset formel pour la tenue d’échanges, de discussions salvatrices, un appel, semble-t-il, à la manifestation du minimum nécessaire d’humilité que suscite simplement le sang, afin que des protagonistes entrevoient de converger vers un point focal donné, pour l’exercice du dialogue. Et, comme pour correspondre avec l’actualité politique, Elon-m livre ’’Chemin de dialogue’’, montrant que, dans certaines circonstances, le compromis est difficile pour la rencontre initiale entre des membres de camps opposés. Paysagiste, le peintre l’est aussi, dans une finesse des représentations, ce qui contribue à le hisser haut, dans le genre, surtout lorsqu’on considère la toile 17, ’’Sans titre’’.
Manipulant avec un contraste agile les couleurs, faisant du rouge celle de sa prédilection, Elon-m, au fil des expositions, manipule, d’une part, à profusion et à perfection, un abstrait, géométrique, rendant, ceci, par cette caractéristique précise, décryptable, de même qu’il s’est fait un expert rare, au Bénin, d’autre part, de la manipulation du couteau, cette petite truelle de maçon, qui lui sert de pinceau. En ces temps de crise sociale, il est fortement recommandé de consulter le regard d’Elon-m sur les tenants et les aboutissants de l’accès au dialogue, à la Salle polyvalente du Centre culturel chinois.


Marcel Kpogodo    

mercredi 14 février 2018

Pour Claude Balogoun, « [Le ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’], pour permettre aux acteurs culturels de mieux se défendre, de mieux se positionner et de mieux se vendre »

Dans le cadre du déroulement de l’initiative ce jeudi 15 février


Les acteurs et les journalistes culturels sont appelés à découvrir le contenu du Programme d’actions du Gouvernement (Pag) et des Objectifs du développement durable (Odd), adapté à la culture, dans un contexte bien précis qu’est la mise en œuvre du Projet dénommé ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’, prévu pour se dérouler dans la journée du jeudi 15 février 2018, à Cotonou. Pour en détailler les fondements, Claude Balogoun, représentant des artistes et des acteurs culturels au Conseil économique et social (Ces), a bien voulu répondre à nos questions.

Claude Balogoun
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour Claude Balogoun. Vous êtes une personnalité qu’on ne présente plus ... Unique représentant des artistes et des acteurs culturels au Conseil économique et social (Ces), vous êtes à l’initiative d’un événement dénommé ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’, qui se tient le jeudi 15 février 2018, à la Grande salle de spectacles du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), à l’ex-Ciné Vog, à Cotonou. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ?


Claude Balogoun : L’initiative de demain, jeudi 15 février, a été prise par deux structures : ’’Réussir’’ qui est une Organisation non gouvernementale (Ong) de recherche et de formation, dans le domaine culturel, et ’’Sudcréa’’ qui est aussi une association culturelle.
C’est ensemble qu’en réfléchissant, nous nous sommes rendus compte que les acteurs culturels, d’une manière générale, sont largués ; ils sont délaissés, ils ne sont pas pris en compte. La raison en est qu’ils ne produisent pas véritablement de données quantifiables, qualitatives et quantitatives qui devaient pouvoir aider les autorités à connaître ce qu’ils apportent dans le budget de l’Etat, comme flux économiques. Voilà un secteur où près de 75 à 80% des acteurs travaillent dans l’informel. Cela ne facilite pas le regard que l’Etat et les Partenaires techniques et financiers doivent pouvoir jeter à leur endroit, comme c’est le cas des artisans qui se trouvent bien organisés.
Les acteurs culturels ne sont pas organisés. Donc, on ne peut pas dire, aujourd’hui, qu’en mettant 10 milliards dans le secteur culturel, on peut sortir de là un flux économique de 15 milliards. Si cela en est là, c’est parce que les acteurs culturels manquent d’information, ils manquent d’éducation et de formation, ce qui les empêche de se mettre à jour vis-à-vis de ce qui se fait.
Or, nous savons également que, dans la macro-économie, chaque Gouvernement qui s’installe le fait avec un projet de société, ceci qui contient des programmes en direction de chaque catégorie socio-professionnelle. Nous, acteurs culturels, nous ne lisons pas vraiment les documents qui fondent ces projets de société ; on n’a pas connaissance de cela.
Au cours du séminaire indiqué, nous parlerons du Programme d’actions du Gouvernement (Pag), du Président Patrice Talon, dans lequel il est prévu des réalisations pour la culture. Mais, est-ce que les acteurs culturels le savent ? Est-ce que les journalistes culturels sont bien au parfum de ce qui est prévu pour la culture ? Ce n’est pas évident. Donc, lorsque le Pag va s’exercer pendant cinq ans, est-ce qu’il faut en rester en marge ? Ne peut-on pas chercher à comprendre ce que ce projet de société a prévu, pour s’y arrimer aussitôt et évoluer avec lui ? C’est important ...
Sur le plan international, il y a les Objectifs du développement durable (Odd) qui sont des dispositions de développement, prévues au niveau mondial. Et, le Bénin, dans cet ensemble d’Objectifs, a choisi certains qui lui sont spécifiques, puisque chaque pays a le droit de le faire, c’est-à-dire de sélectionner les Objectifs qui lui sont prioritaires. Alors, quels sont ceux que l’Etat a retenus pour le secteur culturel ? Combien d’acteurs et de journalistes culturels les connaissent ? Ce n’est pas évident.
C’est ainsi que les deux structures que j’ai évoquées précédemment se sont rapprochées du Système des Nations unies, à travers le Programme des nations unies pour le développement (Pnud), pour proposer que certains de ses experts viennent faire une communication aux acteurs et aux journalistes culturels sur le contenu des Odd. De la même manière, une démarche a été effectuée vers le Bureau d’analyses et d’investigations (Bai), de la Présidence de la République, et vers le Ministère du Plan, pour demander que des spécialistes viennent parler de ce qui est prévu dans le Pag pour les acteurs culturels. Donc, le Séminaire permettrait à ces deux catégories d’institutions de se former sur ce qu’ils doivent pouvoir comprendre dans les deux documents, par rapport à la culture.
Il s’agit donc d’une initiative privée, financée par les deux associations, sans aucun autre partenaire financier. Nous avons aussi la caution morale du Ministère de la Culture dans le domaine duquel l’activité a lieu, et aussi de l’Etat béninois qui a mis en place le Pag. N’oublions pas d’évoquer le parrainage du Ces, vu que l’idée du séminaire est venue d’une manifestation qui s’est déroulée en son sein, par rapport au Pag et aux Odd.



Nous comprenons que ce sont les artistes, les acteurs et les journalistes culturels qui sont concernés par ce Séminaire d’une journée. Quelles en sont les conditions de participation ?

Elles sont simples ; on a établi des cartes d’invitation, qu’on a distribuées partout. Ceux qui disposent de la leur sont attendus au Séminaire, de même que ceux qui n’en ont pas, dans la limite des places disponibles, pour les acteurs culturels.



Combien de participants sont attendus pour le jeudi 15 février?

Nous sommes en train d’envisager six cents personnes qui vont venir.



La Grande salle du Fitheb pourra-t-elle contenir tout ce monde ?

Si la Salle est pleine et que des participants sont debout, l’autorité comprendra qu’il faut faire le Théâtre national qui est un autre combat que je mène.



Du point de vue de la logistique, qu’est-ce qui est prévu pour prendre en charge les participants ?

Je pense qu’il faudrait que nous apprenions aussi à nous sacrifier un peu pour véritablement travailler pour notre pays. Et, ce sacrifice vient déjà de ce que nous mettons du matériel confortable de sonorisation, du matériel de production audiovisuelle, donc, deux grands écrans, pour projeter les communications. Les participants auront sûrement droit à de petits carnets pour noter et, puis, il y aura des pauses-café …



Quel est le temps de déroulement du Séminaire ?

Cela commence à 8h30, pour se terminer à 14h.



Avez-vous un appel à lancer à cette cible que vous avez identifiée pour recevoir la formation ?

Je voudrais dire aux journalistes culturels de venir apprendre et s’informer, afin de bien relayer cet événement. Ensuite, je dis aux acteurs culturels que c’est leur frère qui a initié cette activité, sans aucun soutien financier. Il serait bien qu’ils viennent s’informer parce que, demain, dans un an, dans deux ans, lorsqu’ils vont commencer à gagner des financements internationaux, du fait de ce qu’ils seront arrivés à intégrer dans leurs projets les données du développement durable, je pense qu’ils vont me remercier.
Je voudrais aussi dire à ceux qui sont sceptiques que ce sont réellement des experts avérés qui viendront tenir les communications. Ceci n’a rien de politique. 
Savez-vous, ce sont seulement les acteurs culturels qui savent ce qu’ils souffrent dans ce pays et, il n’y a que des acteurs culturels qui défendront leurs intérêts, qui parleront en leur nom. Par ailleurs, la bonne connaissance du contenu du Pag et des Odd peut nous permettre, désormais, de mieux nous défendre, de mieux nous positionner et de mieux nous vendre. Le contraire reviendrait à marcher comme un aveugle. Nous sommes en train de lutter pour le Fonds d’aide, pour des financements, notamment, or, nous ne savons pas si, dans ce qui est prévu, il y a de nouvelles lignes qui nous concernent. Lorsque nous allons les découvrir, nous allons moins nous plaindre, nous allons moins nous énerver contre l’autorité. C’est lorsqu’en dépouillant les documents, on se rendra compte qu’il n’y a vraiment rien pour nous, qu’on aura toutes les raisons de parler. 
  

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

mardi 6 février 2018

« […] pour le Fitheb, nous ne voyons rien », s’inquiète le Journaliste Esckil Agbo

 Dans le cadre d’une interview accordée à notre Rédaction

« Je suis Fitheb 2018 » est une campagne qui a pris d’assaut, depuis quelques jours, les réseaux sociaux. A l’origine de cette opération qui prend de l’ampleur, à mesure que nous approchons du mois de mars, celui mythiquement reconnu comme étant celui de la Biennale, se trouve un jeune journaliste culturel reconnu pour son engagement pour les causes culturelles nobles : Esckil Agbo. Les mots qu’il nous confie sont ceux du constat d’un Fitheb 2018 dénué de signes d’une organisation imminente de l’événement, à travers l’interview ci-dessous, qu’il a bien voulu nous accorder. Réponse immédiate à cet état de choses : l’amorce d’une nouvelle lutte …

Esckil Agbo
Journal ’’Le Mutateur’’ : Esckil Agbo, journaliste culturel, vous êtes l’initiateur de la campagne « Je suis Fitheb 2018 »  qui tourne actuellement dans les médias. De quoi s’agit-il concrètement ?

Esckil Agbo : « Je suis Fitheb 2018 » est une campagne  pour réclamer, revendiquer   l’organisation de la 14ème édition  du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb).  Conformément à l’appel à création que la Direction générale du festival avait lancé, courant le 2ème semestre de l’année 2017,  la 14ème édition de la Biennale est annoncée pour  se tenir en mars 2018. Le mois de janvier a fini d’égrener  ses jours,  celui de février a ouvert ses portes. Mais, jusque- là, nous n’avons aucune information officielle sur la tenue de l’événement. Je n’arrive pas à comprendre qu’à moins de trente jours du  mois de mars,  rien n’annonce l’organisation du Fitheb 2018. Nous n’avons aucune information sur la délibération de l’appel à créations,  les artistes devant prendre part à la biennale ne sont  donc pas connus.
L’appel à accréditations, pour la presse, notamment, n’est pas lancé. En un mot, il n’y a aucun signe de communication qui promet l’événement. Rien du tout.
Face à cette situation qui  défigure davantage le visage culturel du Bénin, je pense qu’aucun acteur culturel béninois ne saurait rester insensible.  En tout cas,  le comédien, le metteur en scène, le dramaturge, le scénographe, le conteur, le slameur, le poète, le chanteur, le danseur  qui aime le Bénin et qui aime ce Festival ne peut rester indifférent à ce sort  qu’on lui inflige, d’où la campagne « Je suis Fitheb 2018 ». Pour emprunter  les mots  du poète- dramaturge  béninois, Daté Barnabé Atavito-Akayi,  « le Fitheb ne mourra pas car il n’y a pas de morgue pour l’accueillir ».



Avez–vous cherché à connaître ce qui justifie ce silence autour de la tenue de l’événement ?

Oui ; je ne suis pas resté dans mon lit pour initier cette campagne. En ma qualité de journaliste culturel, j’ai cherché et recherché les raisons qui sont à la source de ce qu’on nous constatons tous.  
D’abord, l’appel à créations  de la Direction générale du Fitheb prouve son engagement à organiser l’événement et, ce, à bonne date, car le mois du Fitheb est le mois de mars.   
Mes investigations m’ont  montré que le problème est au niveau de la hiérarchie du monde culturel, c’est-à-dire toutes les institutions étatiques qui sont impliquées dans la tenue du Fitheb. Il s’agit, singulièrement, de la Présidence de la République, du Ministère du Tourisme, de la culture et des sports et du Ministère de l’Economie et des finances. Ces trois institutions ont chacune le pouvoir d’opposition à l’organisation  du Fitheb. Curieusement, c’est ce qui se dessine vaille que vaille.
Vous savez que le Bénin a récemment vu renouveler son Gouvernement : nous avons un nouveau Ministre à la tête de la Culture. Ce qui est devenu, depuis quelques années, la règle   à la tête de nos institutions, quand un nouveau patron arrive : il lance l’opération « Je veux voir clair  dans tout ce qui s’est produit avant mon arrivée », ce qui est normal. Une fois cette intention lancée, bienvenue à l’éternel recommencement. On stoppe toutes les activités, même les plus urgentes. Le secteur de la culture est la proie facile de ce « Je veux voir clair ». Avant l’actuel Ministre, Oswald Homéky, son prédécesseur, Ange N’Koué, est resté sur place, à tourner pendant plus de dix-huit mois, sans qu’on ait su véritablement ce qui se faisait. Son successeur est venu ; nous l’avons applaudi parce que nous avons vu l’homme agir au niveau des Sports. Mais, jusque-là, nous écarquillons les yeux et nous ne voyons rien. En tout cas, pour le Fitheb, nous ne voyons rien. Comprenez donc d’où proviendrait le malaise de la biennale.

La bannière officielle de la campagne

Comment la campagne « Je suis Fitheb 2018 » se déroulera-t-elle ?  

Notre objectif est d’aboutir à la tenue effective de l’événement, cette année. C’est une  évidence qu’il ne peut plus se tenir en mars, en tout cas, si on ne veut pas le clochardiser.  Alors, nous utiliserons tous les moyens nécessaires pour amener les décideurs à faire organiser notre événement ; c’est notre Festival, on ne le laissera pas mourir. Actuellement, nous ne sommes qu’à la première étape  de notre campagne. Au fur et à mesure que nous évoluerons, vous en remarquerez les  autres phases.



Avez-vous un appel à lancer aux acteurs culturels ?

Le  Fitheb est  l’unique événement culturel  du Bénin, dont l’Etat est le principal financeur.  Du haut de ses 27 ans de vie, il  est à un carrefour décisif. Il est temps qu’on légalise son financement. Je pense qu’il faut asseoir une politique qui légifère sur la mise à disposition de la Direction de la Biennale des ressources nécessaires, notamment, financières pour son organisation, parce que le  problème du Fitheb  se trouve à ce niveau. Si l’Etat n’est pas prêt pour prendre une telle initiative, nous, acteurs culturels, pouvons la provoquer, c’est-à-dire conduire l’Etat à la prendre.

Propos recueillis par  Marcel Kpogodo